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Point de vue. « Rompre avec l’hyperpersonnalisation, l’ego et les certitudes » en supprimant la Présidentielle ?

Un suffrage universel indirect et des législatives avant la présidentielle

Instaurer un suffrage universel indirect et des législatives avant la présidentielle permettrait d’en finir avec l’hyperpersonnalisation qui condamne la France à d’éternelles querelles entre des candidats gonflés d’égo et de certitudes. C’est la proposition de Frédéric Potier.

« La «guignolisation» de la vie politique française n’est plus une hypothèse »,

Écrit-il. Il poursuit: « elle est hélas devenue une réalité quotidienne. Les candidats n’échangent plus sur une vision du monde ou des plateformes programmatiques, mais se trouvent sommés de réagir aux polémiques récurrentes entretenues par des médias à la recherche d’audience et par des personnalités plus ou moins loufoques qui n’ont d’autres objectifs que d’asseoir leur visibilité médiatique. »

« la personnalisation quasi messianique …

…de la politique française ne peut susciter que déceptions et défiances à l’égard des représentants du peuple. »

« Faire confiance à l’intelligence du citoyen « …

… »et non flatter ses plus bas instincts, restaurer un débat public apaisé et rigoureux, revivifier la démocratie, construire l’avenir sur des bases saines non démagogiques telle devrait être la mission des authentiques démocrates de ce pays. »

Voir les 2 précédentes publications de Metahodos à propos de l’auteur :

Et si la démocratie était : rigueur et vertu, vérité et sincérité, morale, valeurs d’engagement des citoyens et dirigeants ? https://metahodos.fr/2021/10/05/potier-pierre-pendes-france/

Débat: « L’Etat profond, naufrage complotiste »? https://metahodos.fr/2020/10/20/debat-letat-profond-naufrage-complotiste/

Article

Pour rompre avec la politique spectacle, supprimons l’élection présidentielle

par Frédéric Potier, Préfet, essayiste, expert associé à la Fondation Jean-Jaurèspublié le 25 octobre 2021 Libération

La «guignolisation» de la vie politique française n’est plus une hypothèse, elle est hélas devenue une réalité quotidienne. Les candidats n’échangent plus sur une vision du monde ou des plateformes programmatiques, mais se trouvent sommés de réagir aux polémiques récurrentes entretenues par des médias à la recherche d’audience et par des personnalités plus ou moins loufoques qui n’ont d’autres objectifs que d’asseoir leur visibilité médiatique.

Voûte institutionnelle de la Constitution de la Ve République voulue par le général de Gaulle pour solidifier un régime devenu présidentialiste, l’élection présidentielle au suffrage universel direct ne joue plus le rôle de stabilisateur politique qui fut le sien dans le passé. Instaurée par la loi du 6 novembre 1962 et mise en pratique en décembre 1965, l’élection du président de la République au suffrage direct a structuré le débat politique et les recompositions partisanes pendant presque soixante ans. Elle a tour à tour permis au pouvoir gaulliste de rassembler la droite et le centre dans un contexte de crise, puis à la gauche de se réunir pour offrir une alternance démocratique sous l’impulsion de François Mitterrand.

Un système qui tend à dépolitiser le corps électoral

Pour autant, le ralliement de la gauche et du centre fut davantage dicté par des considérations tactiques que par une adhésion franche à la logique présidentialiste. Dès 1962, Pierre Mendès France dénonçait par exemple dans la République moderne un mode de scrutin «qui ne peut offrir un élément de contrôle politique sérieux ; il tend même à dépolitiser le corps électoral, il le pousse à démissionner, à prendre l’habitude d’aliéner sa souveraineté, à se désintéresser des affaires du pays […]. C’est donner aux aventuriers une chance inespérée». En encourageant l’idée d’homme ou de femme providentielle tous les cinq ans, et en l’absence de contre-pouvoirs réels au Parlement, la personnalisation quasi messianique de la politique française ne peut susciter que déceptions et défiances à l’égard des représentants du peuple.

Sous l’effet du développement sans limite de la politique spectacle et de l’hyperpersonnalisation, la campagne présidentielle s’est largement dévoyée. Les programmes politiques se trouvent désormais rangés au rang d’accessoires inutiles, voire encombrants. Les partis politiques, dépassés par les logiques de triangulation et de désaffiliation, ont presque quasiment renoncé à structurer les débats. Ce n’est pourtant pas une fatalité, posons clairement le débat de la pertinence démocratique de l’élection présidentielle.

Le remède est connu et il peut prendre deux formes. Il pourrait s’agir d’une part de modifier notamment les articles 6 et 7 de la Constitution, pour revenir à une élection du président de la République par un corps électoral composé des élus de la nation (comme c’est le cas en Allemagne ou en Israël). Mais l’entreprise est ardue et suppose par définition un accord du Sénat (voire un référendum). Une autre méthode pourrait consister à revenir par une simple loi sur l’inversion du calendrier électoral instaurée par la loi du 16 mai 2001, en pleine cohabitation, pour que les élections législatives interviennent désormais non pas juste après mais avant l’élection présidentielle. La France renouerait alors avec sa tradition parlementariste, qui fut à l’origine – il n’est pas inutile de le rappeler – de nombreuses conquêtes sociales et de grandes avancées sur le plan des libertés publiques sous la IIIe et la IVe République.

Faire confiance à l’intelligence du citoyen

On objecte souvent à cette proposition que le régime parlementaire aboutirait à des régimes faibles, structurellement ingouvernables, incapables de surmonter des crises. Rien n’est plus faux. L’exemple britannique avec l’immense Winston Churchill nous démontre que le respect des prérogatives du Parlement est parfaitement compatible avec une gestion énergique d’une situation de guerre. Il n’empêche pas non plus d’associer à chaque mouvement politique un leader bien identifié comme les récentes élections législatives en Allemagne l’ont illustré.

L’enlisement du régime parlementaire

Devant une démocratie dévoyée par le bruit médiatique et la fureur des réseaux sociaux, il y a urgence à remettre à l’endroit un calendrier électoral sans lequel la France se condamne à d’éternelles querelles de la part de candidats gonflés d’ego et de certitudes.

Faire confiance à l’intelligence du citoyen et non flatter ses plus bas instincts, restaurer un débat public apaisé et rigoureux, revivifier la démocratie, construire l’avenir sur des bases saines non démagogiques telle devrait être la mission des authentiques démocrates de ce pays.

Haut fonctionnaire, ancien délégué interministériel à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine LGBT, Frédéric Potier est l’auteur de Pierre Mendès France, la foi démocratique, éd. Bouquins, septembre 2021, 19 €.

3 réponses »

  1. Le régime parlementaire a existé sous la quatrième république et le résultat n’a guère été probant. La constitution de la cinquième visait justement à sortir de ces arrangements entre partis sans souci pour l’intérêt général.

    Oui pour faire confiance à l’intelligence du citoyen, je dirai même des citoyens et c’est, à mon avis, le travail de tous les élus pour créer une démocratie qui fonctionne sur la base de l’autorité indispensable et de l’humanité … Avec la révolution managériale et culturelle.

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  2. Bonjour, Thierry,Pourquoi pas ? La seconde république de 1848 à 52, dite la sociale, était un excellent projet.Bien amicalement,Jean-Marc

    Jean-Marc SAURETSociologue clinicien77000 Melun Senart06 80 65 74 70Un Blog ouvert à tous, de trucs, astuces et réflexions sur le vivre ensembleautour du management des personnes et des projets. http://jmsauret-managerconseil.blogspot.fr/

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  3. @Alain dans ses Propos soulignait : « Le seul droit de l’élite, c’est d’instruire. »
    En effet, le rôle des politiques n’est pas d’enseigner aux citoyens comment prendre des décisions rationnelles.
    Il est important de rappeler que la démocratie désigne le régime dans lequel tous les citoyens possèdent à l’égard du pouvoir un droit de participation (vote) et un droit de contestation (liberté d’opposition). Expressis verbis, la conception pernicieuse de la démocratie, notamment celle de la délégation des pouvoirs, est révolue. Dès lors, ayons le réflexe de citoyens doués de raison. Il est de notre devoir de faire entendre notre voix et de discuter des affaires de la cité, bien évidemment avec respect. Les citoyens doivent être des acteurs et non des sujets.
    Ce n’est pas parce que les politiques sont démocratiquement élus qu’ils doivent s’arroger tous les droits, considérant que s’opposer à eux, c’est s’opposer à la démocratie elle-même. Il résulte de cette attitude une montée de l’abstentionnisme qui traduit une grande crise de confiance et une désaffection des citoyens à l’égard des responsables politiques.
    En somme, la vie publique ne peut plus se résumer aux seules élections. Il faut un renforcement simultané de la démocratie participative. Il faut impérativement rapprocher le pouvoir du citoyen.
    La proposition de @Frédéric Potier de réviser les articles 6 et 7 de la Constitution du 04 octobre 1958 est pertinente.
    Conformément à l’article 6 C : « Le PR est élu pour 5 ans au suffrage universel direct. » Dès lors, l’élection présidentielle est à la fois prédominante et structurante parce que nul ne peut disputer sa légitimité à celui que le peuple a directement investi. Structurante parce que son existence détermine le système des partis, et aussi parce que l’offre binaire du second tour oblige tous les acteurs à choisir un camp.
    Quant à l’article 7 C, l’un des plus longs de la Constitution, il a déjà fait l’objet de trois révisions ; notamment en 1962 lorsqu’a été introduite l’élection du président au suffrage universel direct, puis en 1976 et enfin en 2003.
    @Anne BRUNET

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