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PROMESSES (11) ET TRAVESTISSEMENTS « La vraie-fausse suppression des vols intérieurs de courte durée »

LE POLITIQUE SE RÉCONCILIERA-T-IL UN JOUR AVEC LE PARLER VRAI ?

1. ÉMISSION

La vraie-fausse suppression des vols intérieurs de courte durée

Jeudi 25 mai 2023

Vous avez peut-être vu le tweet d’Emmanuel Macron : « Interdire les lignes aériennes en cas d’alternative de moins de 2h30 en train. Je m’y suis engagé. Nous sommes les premiers à le faire. »

Mais cette mesure est-elle une vraie mesure ?

La France attendait l’accord de l’Europe pour sortir le décret. Ça concerne les lignes Paris-Lyon, Paris-Bordeaux et Paris-Nantes. C’est une simple confirmation, la mesure est déjà en vigueur. Ces liaisons ont été suspendues pendant le premier confinement et n’ont jamais repris. Au moment du Covid et en guise de vernis écologique, l’Etat avait conditionné ses aides auprès d’Air France à l’arrêt de ces liaisons quand il y a une alternative crédible en train.

La suppression de ces trois lignes est donc une mesure symbolique, purement cosmétique

L’Édito de Denis Cheissoux

Comme le diable se cache dans les détails ne sont touchés par ce décret que les vols au départ d’Orly. Il est donc toujours possible de faire un Paris Charles de Gaulle-Nantes. Pour info le prochain est à 8h25. Comment c’est possible ? Tout simplement parce que les vols par correspondance ne sont pas concernés par cette suppression et Charles de Gaulle est considéré comme le hub pour les escales. Aussi étonnant que ça puisse paraître, pas la peine de venir de New York pour réserver un vol Paris Nantes.

Y a-t-il d’autres exceptions ?

La gare de référence utilisée pour les calculs de distance est celle de Roissy ! et non pas les grandes gares parisiennes. Ce qui exclut d’ajouter d’autres destinations. Enfin, pour supprimer la ligne, il faut une offre ferroviaire soutenue entre les deux villes. C’est pour cela par exemple que le Lyon-Marseille peut continuer faute d’offre suffisante.

Malgré tout ça va dans le bon sens, même Air France en convient

Sur certaines liaisons comme Paris-Marseille où la concurrence est rude avec le train, le nombre de liaisons n’est jamais revenu à la normale. La SNCF a elle aussi  augmenté le nombre de places sur les lignes arrêtées. Par exemple, plus de 3 000 places de plus par jour sur le Paris Bordeaux depuis décembre. Mais ça ne suffit pas. Les TGV sont remplis à ras bord : la reprise des déplacements après la pandémie et le déploiement des cartes avantages créent une pénurie des sièges sur certaines lignes.

À lire aussi : En France, le trafic aérien explose… là où le TGV ne va pas

Le revers de la médaille : c’est le bond des prix. Comment voulez-vous faire préférer le train à l’avion, y compris sur de longues distances, quand les tarifs explosent ? Un exemple : départ demain pour Barcelone à 6h avec Transavia 134 euros. Avec la SNCF, l’un des seuls trains libres est à 229 euros… Bref, il en faudra beaucoup plus pour vraiment changer les habitudes.

LIEN VERS L’ÉMISSION

2. ARTICLE

L’interdiction des vols intérieurs courts en France, une mesure vidée de sa substance

Avec trois liaisons concernées, la mesure aura un effet homéopathique sur les émissions de gaz à effet de serre de la France.

Par Manon Romain, Adrien Sénécat et Maxime Vaudano publié le 24 mai 2023 LE MONDE

« Un signal majeur »« un symbole fort »« une première mondiale ». Le ministre délégué aux transports, Clément Beaune, n’a pas manqué de superlatifs pour se féliciter, mardi 23 mai, de l’entrée en vigueur de l’interdiction des lignes aériennes courtes à l’intérieur de la France. Mais derrière la communication, la mesure aura, en réalité, des conséquences limitées en matière de lutte contre le réchauffement climatique. Loin des ambitions initiales.

Un vol intérieur en France sur quarante concerné

L’idée de supprimer les trajets en avion quand ils sont facilement remplaçables par un autre mode de transport s’est imposée dans le débat public au cours des dernières années. Objectif : lutter contre le changement climatique, les vols intérieurs représentant environ 0,5 % du total des émissions de CO2 françaises (et plus encore si l’on compte également l’effet des traînées de condensation formées par les avions).

La mesure mise en place par le gouvernement part d’un principe simple : interdire les trajets pour lesquels une alternative de moins de deux heures trente en train existe. Mais dans les faits, seules trois liaisons seront concernées par cette interdiction : Paris-Orly – Bordeaux, Paris-Orly – Lyon et Paris-Orly – Nantes.

Avec moins de 5 000 trajets annuels, ces vols ne représentent qu’une partie minime du trafic aérien intérieur de la France, qui en compte près de 200 000 chaque année (soit 2,5 %). La mesure touche environ 500 000 passagers annuels, sur un total de 16 millions (3,1 %). Deux de ces liaisons (Paris-Orly – Bordeaux et Paris-Orly – Lyon) avaient d’ailleurs déjà été supprimées par Air France en 2020, à la demande du gouvernement, tandis que la troisième (Paris-Orly – Nantes) l’a été sur décision de la compagnie.

Une ambition revue à la baisse

« Engagement tenu »s’est félicité Emmanuel Macron en annonçant la mise en place de l’interdiction. Or, si l’exécutif revendique avoir repris une proposition « issue des travaux de la convention citoyenne pour le climat » (CCC), la mesure mise en œuvre aujourd’hui est loin de l’ambition initiale des 150 citoyens tirés au sort pour plancher sur la réduction de l’empreinte carbone de la France. Dans son rapport publié en 2020, la CCC appelait de ses vœux la suppression de tous les vols en présence d’une alternative ferroviaire de moins de quatre heures.

Précision : la répartition exacte du trafic entre Paris-Orly et Paris-Charles-de-Gaulle n’étant pas détaillée, nous avons considéré par une approximation prudente que Paris-Orly représentait la moitié des dessertes sur les trois trajets concernés (Paris – Bordeaux, Paris – Lyon et Paris – Nantes).

Alors qu’Emmanuel Macron avait promis de faire adopter « sans filtre » les propositions de la CCC, il a finalement opté pour un dispositif moins ambitieux. La loi Climat et résilience de 2021 ne prévoit l’interdiction des vols intérieurs qu’en cas d’alternative inférieure à deux heures trente. Ce qui visait théoriquement huit liaisons aériennes, pour 12 000 trajets annuels. Cependant, la mesure a été une nouvelle fois affaiblie à l’occasion de la rédaction du décret d’application de la loi, qui prévoit des dérogations pour conserver certaines liaisons.

Ainsi, trois lignes ont été « sauvées » au nom de l’insuffisance de l’offre ferroviaire alternative. Les trajets Paris-Charles-de-Gaulle – Rennes, Paris-Charles-de-Gaulle – Lyon et Lyon-Marseille peuvent, certes, être effectués en train en moins de deux heures trente, mais les horaires de la SNCF ne permettent pas d’arriver suffisamment tôt ou suffisamment tard à l’aéroport concerné, a estimé le gouvernement.

Deux autres lignes menacées, Paris-Charles-de-Gaulle – Bordeaux et Paris-Charles-de-Gaulle – Nantes, ont finalement été conservées en raison de la méthode choisie par le gouvernement pour calculer les alternatives ferroviaires. S’il faut moins de deux heures trente pour relier Bordeaux ou Nantes au centre de Paris en TGV, le gouvernement a considéré qu’il fallait mesurer la durée du trajet jusqu’à l’aéroport Charles-de-Gaulle, situé en périphérie de la capitale. Ce qui a mécaniquement fait passer ces liaisons au-dessus de la barre fatidique des deux heures trente, et interroge : la majorité des déplacements ne visent-ils pas à rallier la capitale, plus que l’aéroport ?

Un effet très limité sur le réchauffement climatique

Prise au nom du climat, la mesure du gouvernement n’aura qu’un effet très limité sur les émissions de gaz à effet de serre de la France, même à l’échelle de l’aéronautique. L’économie générée serait de l’ordre de 55 000 tonnes de CO2 par an, a estimé la Direction générale de l’aviation civile. Soit environ :

Il est aussi intéressant de comparer le bilan carbone des modes de transport. A cette aune, un passager d’un vol intérieur émet en moyenne 258 g en équivalent CO2 par kilomètre parcouru (traînées incluses), contre 147 g en voiture, soit moitié moins, et 3,34 g en TGV, soit environ 80 fois moins.

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