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CENSURE D’UNE LIBRAIRIE : ASSIGNATION DU MINISTRE DE L’INTÉRIEUR – SUITE 3

LE MINISTRE DE L’INTÉRIEUR ASSIGNÉ : PREMIER DÉLIBERÉ DANS QUELQUES JOURS

Le vendredi 9 décembre 2022, la librairie Les Parleuses, à Nice, avait vu ses vitrines recouvertes de bâches noires par les forces de l’ordre. La raison ? Une venue du ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, qui s’accordait mal avec des messages, notamment « Violeurs, on vous voit, victimes, on vous croit », affichés à l’intérieur de l’établissement. Pour lever le voile sur cette censure, Maud Pouyé et Anouk Aubert, gérantes de la librairie, ont assigné le ministère et la préfecture des Alpes-Maritimes devant le tribunal administratif de Nice.

« L’audience au tribunal administratif de Nice s’est déroulée ce jeudi 8 juin, dans l’après-midi. Ce premier rendez-vous portait sur un référé provision, qui «permet d’obtenir une première décision rapidement, avant le recours en annulation, qui est également en cours, mais s’inscrit dans une procédure plus longue», nous précise l’avocate des libraires, Lorraine Questiaux. » EXTRAITS DE L’ARTICLE

« À l’audience, le ministère de l’Intérieur et la préfecture «ne se sont pas déplacés, et ont considéré que les collages relevaient d’un trouble à l’ordre public, qui justifiait l’intervention de la police. Il est évident que non, et nous maintenons que nous avons affaire ici à un détournement de pouvoir, qui a porté atteinte à la liberté d’expression», poursuit-elle »

« Le délibéré du tribunal administratif concernant le référé provision sera communiqué sous 15 jours. »

LES PUBLICATIONS DE METAHODOS CONCERNANT CE DOSSIER :

CENSURE D’UNE LIBRAIRIE PAR L’EXÉCUTIF : ASSIGNATION DU MINISTRE … 6 MOIS APRÈS. https://metahodos.fr/2023/06/12/censure-dune-librairie-par-lexecutif-assignation-du-ministre-6-mois-plus-tard/

CENSURE D’UNE LIBRAIRIE LORS D’UN DÉPLACEMENT DU MINISTRE DES LIBERTÉS … ET DE L’ORDRE SOUCIEUX DE SON IMAGE – MISE À JOUR 16 12 2022 ahodos.fr › 2022/12/10CENSURE D’UNE LIBRAIRIE LORS D’UN DÉPLACEMENT DU MINISTRE …10 déc. 2022

ARTICLE

Censure d’une librairie féministe : un “détournement de pouvoir” au tribunal

Le 08/06/2023 par Antoine Oury – ACTUALITÉ LES UNIVERS DU LIVRE

Informées de la venue du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin à Nice, le 9 décembre 2022, Maud Pouyé et Anouk Aubert, cogérantes de la librairie féministe Les Parleuses, avaient déroulé le tapis rouge, à leur manière, à l’homme politique.

« Quand nous avons appris que le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin venait en visite juste en face de notre librairie, et seulement quelques jours après avoir reçu Hélène Devynck, auteur de L’Impunité, un ouvrage consacré au combat des femmes qui auraient été victimes, comme elle, d’agressions sexuelles de la part de Patrick Poivre d’Arvor, nous avons décidé de coller des affiches et d’écrire en gros, justement, Impunité », expliquait Anouck Aubert, quelques jours après l’incident.

Une manière de marquer l’engagement de l’établissement pour les droits des femmes, mais aussi d’interpeller le ministre, alors que l’année 2022 a été frappée par plus d’une centaine de féminicides, a minima. Sans compter les autres formes de violences, évidemment : plus d’une Française sur deux a déjà été victime de harcèlement ou d’agression sexuelle dans sa vie.

Ménager les sensibilités

« Qui sème l’impunité récolte la colère », ou encore « Violeurs, on vous voit, victimes, on vous croit » s’affichaient aux abords et dans les vitrines de la librairie, grâce à l’action d’un collectif de colleuses féministes invité, le 9 décembre au matin.

L’intervention des forces de l’ordre ne se fait pas attendre : des agents arrachent les signes collés dans les rues, quand d’autres fabriquent des dispositifs pour masquer les vitrines des Parleuses. « Vous comprenez ce qui pose problème », souligne un agent, interrogé par les gérantes. Maud Pouyé fait alors remarquer aux policiers qu’« aucun de ces messages ne présente un caractère diffamatoire ». Ce à quoi « l’un d’eux m’a répondu : “Moi je ne fais qu’appliquer les ordres qu’on m’a donnés.” C’est quand même extrêmement problématique. »

D’autant plus que l’identification du donneur d’ordre, entre le ministère de l’Intérieur, la préfecture des Alpes-Maritimes et la mairie de Nice, n’avait pas été possible.

Le retrait ou la dissimulation des messages pourrait en effet s’expliquer par les accusations prononcées à l’égard de Gérald Darmanin lui-même. En 2017, Sophie Patterson-Spatz avait porté plainte contre l’actuel ministre pour viol, pointant des faits remontant à 2009. Un non-lieu a été rendu en juillet 2022, confirmé en appel en janvier dernier. La plaignante s’est depuis pourvue en cassation. Un des messages affichés par le collectif, « Sophie, on te croit », faisait d’ailleurs référence à cette affaire.

Détournement de pouvoir

Quelques jours après les faits, la librairie avait déposé une requête auprès du tribunal administratif de la ville, afin de faire annuler la décision qui avait mené aux actions de « censure » et par là même de démontrer qu’il s’agissait d’un cas de « détournement de pouvoir ». La procédure visait à la fois le ministère de l’Intérieur et la préfecture des Alpes-Maritimes.

Dans sa requête, Lorraine Questiaux, avocate des gérantes, faisait état d’une double affectation des droits de la librairie. L’intervention des forces de l’ordre a en effet porté atteinte «à l’exercice de sa liberté d’expression en censurant les collages figurant en vitrine portant des messages forts et militants», mais aussi «à l’exercice de sa liberté de commerce, puisque l’opération de police s’est soldée par une fermeture forcée de l’établissement pendant plus d’une heure».

L’audience au tribunal administratif de Nice s’est déroulée ce jeudi 8 juin, dans l’après-midi. Ce premier rendez-vous portait sur un référé provision, qui «permet d’obtenir une première décision rapidement, avant le recours en annulation, qui est également en cours, mais s’inscrit dans une procédure plus longue», nous précise l’avocate des libraires, Lorraine Questiaux.

À l’audience, le ministère de l’Intérieur et la préfecture «ne se sont pas déplacés, et ont considéré que les collages relevaient d’un trouble à l’ordre public, qui justifiait l’intervention de la police. Il est évident que non, et nous maintenons que nous avons affaire ici à un détournement de pouvoir, qui a porté atteinte à la liberté d’expression», poursuit-elle.

Le délibéré du tribunal administratif concernant le référé provision sera communiqué sous 15 jours.

Solidarité du livre

La dissimulation des messages de la librairie par les forces de l’ordre avait suscité une vague de soutien remarquée dans le monde du livre. À Paris, Nantes, Lyon, Toulouse, Lille ou encore Massy, des vitrines de librairies avaient rapidement arboré le message escamoté de force : « Qui sème l’impunité récolte la colère. »

À LIRE – Après les librairies féministes, Le Seuil soutient Les Parleuses à Nice

En mai 2023, le Syndicat de la Librairie française faisait aussi référence à l’incident, dans un communiqué intitulé « Vigilance sur la liberté d’expression ».

Tandis que des représentants des forces de l’ordre voilent la vitrine d’une librairie ou qu’un éditeur est arrêté à la frontière britannique, dans des conditions troublantes, des groupes radicaux veulent empêcher la tenue de débats organisés par des librairies ou, comme à Lille, brisent la vitrine de celles qui ne leur paraissent pas partager leurs idées.

Ces actions relèvent de situations variées et la justice est appelée à statuer sur plusieurs d’entre elles. Néanmoins, leur multiplication est inquiétante, tout comme l’est le silence qui les entoure. Telles sont les raisons pour lesquelles le Syndicat de la librairie française appelle à respecter en toutes circonstances la pluralité des opinions et la liberté d’expression ainsi qu’à sanctuariser les lieux et les professionnels qui leur sont dévoués.

– Le Syndicat de la librairie française

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