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LIRE « LES DÉMOCRATIES FACE AU COVID »

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« Les démocraties face au Covid » : quand la crise sanitaire restreint les libertés publiques

Rassemblant une grande partie des billets parus entre 2020 et 2022 sur le blog de la revue « Jus Politicum », l’ouvrage pluridisciplinaire éclaire la manière dont l’épidémie a mis à l’épreuve l’Etat de droit. 

Par Anne Chemin. LE MONDE

Livre. Parce que le blog de la revue Jus Politicum s’est imposé comme un espace incontournable de réflexion sur le droit constitutionnel, il a aujourd’hui un prolongement « papier » : les Editions Panthéon-Assas ont réuni dans un ouvrage de près de 300 pages, Les démocraties face au Covid, les billets publiés en 2020-2022 dans cet espace qui se veut, comme la revue électronique du même nom, un « lieu de dialogue entre juristes, philosophes, historiens et politistes ». Dirigé par Denis Baranger, Olivier Beaud et Cécile Guérin-Bargues, le livre explore la manière dont le Covid-19 a transformé, à partir de 2020, le droit positif des démocraties.

De l’analyse de la loi sur l’état d’urgence sanitaire à l’« hyperactivité » du Conseil de défense, de l’étude des recours devant la Cour de justice de la République aux interrogations sur les pouvoirs d’enquête de la Mission d’information sur le Covid, de la « surprenante » invocation de l’article 16 sur les pouvoirs exceptionnels du président lors du report des élections municipales à la « curieuse » suspension des délais d’examen des questions prioritaires de constitutionnalité, l’ouvrage analyse avec précision et rigueur les multiples facettes juridiques de la crise sanitaire mondiale.

La même dérive à l’étranger

Le paysage dessiné par ces experts n’est guère rassurant. Le « traitement politico-institutionnel de la pandémie », écrivent Olivier Beaud et Cécile Guérin-Bargues dans l’avant-propos du livre, a agi comme un « miroir grossissant » en accentuant, parfois jusqu’à la caricature, les déséquilibres de la Ve République. La lutte contre la pandémie s’est en effet accompagnée d’un renforcement de la primauté du chef de l’Etat, d’une relégation au second plan du Parlement et d’un affaiblissement des contrôles juridictionnels. « Le droit constitutionnel a été mis au service de la puissance de l’Etat »,analysent les deux juristes.

La France n’a rien d’une exception : les billets du blog de Jus Politicum consacrés à la situation italienne, allemande, portugaise, belge, britannique, autrichienne, chilienne et américaine montrent qu’une même dérive s’est produite à l’étranger. Si les outils juridiques ont varié, ils ont nourri, dans le monde entier, une limitation « drastique » des libertés fondamentales. « Sans doute la protection juridictionnelle des droits fondamentaux a-t-elle mieux résisté ici que là – en Allemagne qu’en France, par exemple –, mais les différences ne se discernent qu’à la marge », constatent Olivier Beaud et Cécile Guérin-Bargues.

Destiné aux juristes, aux étudiants en droit, mais aussi à tous les citoyens qui s’intéressent au fonctionnement des pouvoirs publics et à la vie de la démocratie, l’ouvrage fait une œuvre profondément utile en analysant des dérives qui, en raison de leur complexité juridique, sont souvent absentes des controverses publiques. Les articles sont parfois un peu techniques, mais l’écriture et la pédagogie sont toujours au rendez-vous : on sort de cette lecture informé, documenté – et inquiet au sujet de l’état des libertés publiques en France.

« Les démocraties face au Covid. Les billets du blog Jus Politicum », sous la direction de Denis Baranger, Olivier Beaud et Cécile Guérin-Bargues, Editions Panthéon-Assas, 288 pages, 24 €.

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