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ÉMEUTES (10) QU’EST DEVENUE LA POLITIQUE DE LA VILLE DEPUIS LE REFUS DU PLAN BORLOO ?

Un comité interministériel des villes pour rien ?

Tenu dans un contexte de violences urbaines à travers toute la France, le comité interministériel des villes de vendredi n’a donné lieu à aucune grande annonce.

SORTIR DE L’ANGLE MORT ?

Depuis l’enterrement du plan Borloo en 2018, l’action d’Emmanuel Macron en direction des quartiers populaires est souvent considérée comme un angle mort de sa politique.

ARTICLE

Les émeutes urbaines relancent les questions sur la politique de la ville

Par Laurent Thévenin. Publié le 2 juil. 2023 LES ECHOS

Les attentes risquent de grimper encore en matière de politique de la ville. Scruté de longue date par les élus des quartiers populaires et les acteurs du secteur, le comité interministériel des villes (CIV) qui s’est tenu vendredi s’est en effet trouvé complètement chamboulé par le contexte de violences urbaines consécutives à la mort de Nahel , 17 ans, tué mardi dernier par un policier à Nanterre (Hauts-de-Seine). Relocalisé de Chanteloup-les-Vignes (Yvelines) à Matignon, il n’a donné lieu à aucune grande annonce.

Elisabeth Borne, la Première ministre, a promis un autre CIV prochainement, a priori à la rentrée. Renvoyant donc à plus tard des précisions sur la future génération de contrats de ville pour la période 2024-2030, les documents cadres de la politique de la ville à l’échelle locale ou encore la refonte de la géographie des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV).

« Coups de frein et d’accélérateur »

« Le quinquennat précédent a été celui du ‘stop-and-go’ entre les quartiers et le gouvernement », avait estimé un rapport d’information sénatorial en juillet 2022. Selon ses autrices, « les coups de frein et d’accélérateur se sont succédés sans constance et sans boussole ».

La présidence d’Emmanuel Macron s’était ainsi ouverte par des coupes dans le budget de la politique de la ville, suscitant l’« appel de Grigny » lancé en octobre 2017 par une centaine de maires. Après cette mobilisation, le chef de l’Etat avait confié à Jean-Louis Borloo, ancien ministre de la Ville, l’élaboration d’un plan de mobilisation nationale en faveur des quartiers. Avant d’enterrer aussitôt son rapport en mai 2018.

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« J’ai le sentiment qu’on a beaucoup fait pour les quartiers depuis six ans », a défendu Olivier Klein, le ministre de la Ville , vendredi sur France Inter. L’ancien maire de Clichy-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis, en veut notamment pour illustration l’augmentation de l’enveloppe de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) – qu’il a présidée jusqu’en 2022 -, portée « de 5 à 12 milliards d’euros par rapport à 2017 ». Dans le budget 2023, les crédits spécifiques à destination des 1.514 quartiers prioritaires (QPV) ont, eux, progressé de 5,3 % par rapport à ceux ouverts en 2022 dans les lois de finances initiale et rectificative, à près de 600 millions d’euros.

L’Anru relancée

Emmanuel Macron « a relancé l’Anru, qui faisait du surplace », souligne également Hakim El Karoui, chercheur associé à l’Institut Montaigne et auteur de deux rapports sur les quartiers populaires en 2020 (avec Olivier Klein) et 2022. Mais, d’après lui, « l’Etat a mis trop d’énergie dans la rénovation des bâtiments et pas assez dans l’accompagnement des habitants ».

Autre mesure marquante, selon lui, le dédoublement des classes de grande section, CP et CE1 en Rep et Rep+ (éducation prioritaire). « Cela donne des résultats qui ne sont peut-être pas spectaculaires mais qui sont encourageants », juge-t-il.

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Dans les rangs des élus locaux, on salue des avancées. « Pour l’Anru, la machine s’est débloquée. Les équipements sportifs sortent et c’est très bien. Les cités éducatives [une mesure préconisée par le rapport Borloo, NDLR] sont utiles », souligne Philippe Rio, le maire communiste de Grigny (Essonne). Mais, affirme-t-il, « il n’y a plus rien depuis le CIV de janvier 2021 ». 

A l’époque et après que les maires de banlieue ont de nouveau tiré la sonnette d’alarme, Jean Castex, alors à Matignon, avait annoncé 3,3 milliards d’euros de financements supplémentaires pour les quartiers, dont 2 milliards pour l’Anru. « On avait construit ce CIV avec lui. Là, on tend la main à ce gouvernement qui nous a pour l’instant maintenus à une distance diplomatique. Aujourd’hui, on ne voit pas d’ambition sur nos sujets », déplore l’édile.

« Il n’y a pas une véritable stratégie », abonde Gilles Leproust, président de l’association des maires Ville & Banlieue et maire (PCF) d’Allonnes, près du Mans, qui parle d’un « rendez-vous manqué du président de la République avec les élus et les habitants des QPV ». 

Les élus locaux disent aussi rester dans le flou sur le plan « Quartiers 2030 » promis par Emmanuel Macron, même si celui-ci a évoqué plusieurs perspectives lors de son récent déplacement à Marseille, comme l’accueil de tous les collégiens de 8 heures à 18 heures dans les QPV d’ici à 2027 ou l’objectif de 100.000 nouveaux entrepreneurs accompagnés dans les quartiers à ce même horizon.

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