
UNE DÉMOCRATIE LOCALE EN PANNE ?
Metahodos a régulièrement traité de la démocratie locale. Il est – selon nous, et nous avons proposé des pistes concrètes – bien plus facile de rénover l’action publique et la démocratie locale a l’échelle territoriale : la commune d’abord, puis l’intercommunalité, voire les départements et régions.
Pourtant les archaïsmes subsistent. Élus et fonctionnaires sont rares à prendre conscience d’une véritable faillite démocratique locale et peinent à mettre en place une nouvelle gouvernance.
Les expériences de Barcelone, Marinaleda, Villadamat, Grande-Synthe, Loos-en-Gohelle, Kirginsheim, Saillans, Grenoble …
S’inspirant de Barcelone, Marinaleda, Villadamat à l’étranger, de Grande-Synthe, Loos-en-Gohelle, Kirginsheim, Saillans en France, ou encore des « Groupes d’action municipale » (GAM) de Grenoble via un détour par le passé, des centaines de citoyens se sont fait élire pour la première fois à la tête de leurs mairies, en 2020.
Avec une idée bien précise en tête : ils tâchent de faire de leurs communes des laboratoires de la participation citoyenne et du renouveau des pratiques politiques, à mille lieues des modes de fonctionnements traditionnels des collectivités territoriales.
Changer les règles du jeu politique et permettre au maximum d’habitants de se réapproprier leurs institutions à l’avenir
Le « Courrier des maires » – VOIR ARTICLE PROPOSÉ EN LECTURE – revient sur les premiers pas de ces élus pas comme les autres, leurs ambitions de transformer la société française par le bas en liant les questions démocratiques, environnementales et sociales, leurs désillusions comme leurs espoirs, les stratégies qui sont les leurs pour changer les règles du jeu politique et permettre au maximum d’habitants de se réapproprier leurs institutions à l’avenir.
Mais aussi leurs mécanismes de prise de décisions en interne pour le moins iconoclastes, leurs méthodes pour redonner le goût de la démocratie à leurs concitoyens les plus dépolitisés. Et leur rapport d’étonnement – cruel, mais non moins instructif – sur la décentralisation, la démocratie participative, les dysfonctionnements des intercommunalités ou l’inertie des services de l’Etat.
ARTICLE
Citoyenne et participative, cette autre démocratie locale qui vient
HUGO SOUTRA PUBLIÉ LE 27/06/2023 LE COURRIER DES MAIRES
Depuis mi-mars 2023 et au moins jusqu’à fin juin, les maires des villes grandes comme petites enchaînent conférences de presse et réunions publiques. Faisant corps avec leurs adjoints, conseillers municipaux, collaborateurs de cabinet et communicants, ils déclinent leurs premiers bilans. Souvent enjolivés, c’est de bonne guerre… Tous mettent en avant, d’ailleurs, leur propension à consulter les citoyens, à grands coups de budgets participatifs, de concertations voire de conventions citoyennes et autres votations en tout genre. Qu’ils sollicitent leurs habitants sur le nom de rues, l’implantation d’éoliennes dans le champ d’à-côté ou la régulation des micro-mobilités au pied de chez eux, tous espèrent asseoir ainsi, à mi-parcours, la légitimité de leurs victoires acquises voilà trois ans, il faut bien le reconnaître, dans de drôles de circonstances.
Malaise démocratique
Avec le verdissement des agendas politiques – autre thématique jugée particulièrement rentable –, la démocratie participative est devenue l’autre impondérable de ce mandat 2020-2026. La faute aux records d’abstention des dernières municipales donc, qui ont réduit à la portion congrue l’assise électorale de l’immense majorité des édiles. La faute aussi à la défiance vis-à-vis du politique – que le maintien coûte que coûte de ces élections locales en pleine pandémie mondiale n’a sans doute pas arrangé. Et, plus globalement, au désintérêt pour la chose publique – symbolisée entre autres par la non-inscription sur les listes électorales voire les violences croissantes contre les élus – qui ne se dément pas, dans les métropoles comme les villages ruraux.
C’est d’ailleurs là où le bât blesse : plus les décideurs politiques s’attèlent à faire participer les habitants – généralement les mieux insérés socialement et professionnellement d’entre eux –, plus le malaise démocratique semble se renforcer au sein des autres groupes sociaux… La participation aux élections municipales n’a eu de cesse de chuter en effet ces dernières années, passant d’un peu moins de 21% à 57% entre 1983 et 2020. C’est dire si les retombées démocratiques des différents actes de décentralisation comme de la multiplication des dispositifs participatifs se font encore attendre…
Energie citoyenne
Mais refermons cette parenthèse et revenons-en à nos moutons. Après trois ans de découverte intense – parfois chaotique – de la fonction, une soixantaine d’équipes municipales composées pour l’essentiel de profanes réalisent leurs baptêmes du feu. Auray, Barberaz, Castéra-Verduzan, Granville, Marseille, Plombières-les-bains, Quimper, Saint-Médard-en-Jalles, Vaour… Pour mieux se démarquer, probablement, à l’occasion de leurs premiers bilans de mi-mandat, ces élus d’un nouveau genre ne ne mettent pas vraiment en avant, pour leur part, de gadgets participatifs.
Ils font partie des 700 et quelques « listes citoyennes et participatives » ayant surgi peu avant les municipales 2020, faisant mentir les discours convenus sur l’apathie démocratique ou le consumérisme politique des Français. D’autant plus que la plupart de ces mouvements se sont constitués deux à trois ans avant les dites élections, souvent au gré de luttes locales contre la fermeture de services publics ou l’implantation de supermarchés.
Auto-organisation
S’estimant mal représentés, las de la personnification du pouvoir autour de la seule figure du maire ou de la verticalité des partis politiques qui disent plus qu’ils ne font – prônant par exemple l’horizontalité sans jamais se l’appliquer –, ces irréductibles citoyens ont essayé de prendre les choses en main, localement. Par eux-mêmes. Après s’être auto-formés, ces habitants ont convié une partie de leurs voisins à concevoir un pré-programme, avant de désigner leurs têtes-de-listes – selon une fiche de poste et le principe de l’élection sans candidat, en règle générale –, tentant par ces nouvelles méthodes implicatives de convertir l’énergie citoyenne observée en dehors des institutions communales, sur les places publiques ou les ronds-points, de Nuit debout aux Gilets jaunes.
Patatras, en mars ou juin 2020 : plus de neuf listes citoyennes sur dix ont finalement échoué à décrocher leurs mairies. Qu’importe ! 66 communes citoyennes et participatives, c’est toujours mieux que lors du précédent mandat 2014-2020, pour expérimenter une multiplicité de nouvelles manières de gouverner ! Mais s’emparer du pouvoir local est une chose. L’exercer au quotidien en est une autre.
Entre désillusions et espoirs…
La poignée de listes dites « citoyennes et participatives » victorieuses n’ont visiblement pas encore toutes trouvées, trois ans plus tard, les modalités démocratiques pour fonctionner correctement. Elles n’échappent pas davantage aux démissions ni même aux évictions d’adjoints et autres conseillers municipaux encombrants… A fortiori parmi celles, hybrides, comptant à la fois des élus issus de la société civile et d’autres ayant fait leurs armes au sein de partis politiques. Si elles donnent aujourd’hui l’impression de tâtonner encore, les villes petites et moyennes semblent tout de même dans de meilleures dispositions que les plus grandes villes comme Grenoble ou Marseille, devant conjuguer pour leur part avec la pression médiatique au point d’avoir du mal à faire vivre leurs promesses démocratiques.
Moins de candidats, plus de listes citoyennes et plus de démocratie directe
- 4 communes de plus de 1 000 habitants (Buellas, Péron, Pont-d’Ain, Prunay-le-Gillon) n’ont vu aucun candidat se présenter aux municipales 2020, contre 1 seule (Gironde-sur-Dropt) en 2014. Cette crise de vocations a également touché 102 villages de moins de mille habitants, contre 61 lors des précédentes élections.
- Entre 600 et 800 listes citoyennes et participatives se sont présentées aux municipales 2020, contre à peine une dizaine en 2014. A noter que, cette fois-ci, 66 mairies ont été remportées par de telles listes d’initiative citoyenne.
- 74 référendums locaux ont été organisés en 2022, contre 26 l’année précédente et à une peine une dizaine en 2019. Une multiplication qui va à l’encontre de la tendance nationale, avec aucun référendum depuis 2005.