
LES ÉMEUTES SE SONT ARRÊTÉES D’ELLES MÊMES, L’EXÉCUTIF ÉGALEMENT ?
Que doit le retour de l’ordre à l’action publique policière et gouvernentale ? Peu de choses vraisemblablement, tant les moyens étaient disproportionnés entre les émeutiers qui se déployaient sans contraintes et la police qui était dépassée, même si elle a pu ici ou là interpeler quelques individus.
L’arrêt des violences vient des émeutiers eux mêmes ?
Par lassitude, du fait de l’influence d’autorités religieuses, à la demande des acteurs d’une économie parallèle florissante avec une police à distance … autant de raisons possibles évoquées par les observateurs.
L’exécutif qui a d’emblée, d’une part affiché – comme en pâture – des responsables ( réseaux, jeux, parents ), et d’autre part renvoyé à plus tard une analyse des racines profondes des émeutes, reste comme tétanisé, et renonce à agir.
LA PAROLE ELLE-MÊME SE CHERCHE ?
Mercredi à Vilnius , Emmanuel Macron a été interrogé sur les récentes émeutes urbaines, le risque de futurs embrasements et le report d’une prise de parole prévue le 14 juillet pour tirer le bilan des « cents jours d’apaisement » ( et pour parler aux Français dans la suite des émeutes ? ) .
« Je n’ai pas coutume de repousser des choses que je n’ai pas programmées », a-t-il répliqué, admettant avoir évoqué une expression « autour du 14 juillet ». « Je n’ai dit ni la date ni la forme », a-t-il précisé.
LE DÉNI DES RÉALITÉS ET LE REFUS DE L’ACTION ?
Car comment agir lorsque les difficultés et leurs solutions ne sont pas prises en compte ? Certes les impératifs de communication – désormais premiers dans une démocratie et une action publique dégradées – conduisent à déclarations, commentaires, postures… qui font le buzz – y compris sur des changements au sein d’un gouvernement qui gouverne si peu tant le président surprend et étonne quotidiennement – et semblent suffire à bien des médias.
Les publications de Metahodos ont développé ces différents aspects. Les causes des graves dysfonctionnements sociétaux – dont les émeutes ne sont que les signes – sont connues des observateurs et des acteurs de la politique de la ville. L’exécutif a de graves responsabilités – après 6 ans de non prise en compte des problèmes des cités comme de leurs habitants et des acteurs.
UNE DÉMOCRATIE EN PANNE ?
« Y a-t-il une vie après les « cent jours » ? »
TITRE LE POINT QUI POURSUIT : « Le président de la République s’est fixé seul une échéance qui se rapproche dangereusement, et qui semble difficile à aborder. »
Ici nous proposons la lecture d’un billet de Jean-Philippe Derosier de LA CONSTITUTION DÉCODÉE – VOUR 1.
EXTRAITS :
« Depuis 2017, le Président de la République aime à montrer qu’il est le « maître des horloges ». Tactique judicieuse lorsque l’on est fort d’une légitimité incontestable, elle devient bien plus risquée lorsque l’on est affaibli : on se fait attendre, la rumeur est entretenue, le choix n’apparaît pas…
« Il en ressort alors un sentiment d’hésitation, d’incapacité à prendre une décision et, pis, de déception car, quoi qu’il arrive, ce ne sera jamais conforme à tous les pronostics (ne serait-ce que parce qu’ils ne sont pas compatibles) et aux attentes qu’ils suscitent. »
« On ne peut attendre du respect et de la confiance des autres que si on est soi-même en mesure de les inspirer »
« Pourtant, cette première année du second quinquennat a plus que jamais divisé, conduisant le pays à la fissure, voire à la fracture. »
« L’heure est grave, lorsque l’on constate la méfiance croissante des citoyens vis-à-vis des institutions et de la démocratie, la puissance des forces politiques radicales (n’oublions pas que le Front national et les Insoumis sont respectivement les deuxième et troisième groupes de l’Assemblée, cumulant à eux deux presque autant de députés que le groupe Renaissance), les violences et l’insécurité toujours plus grandes. »
« Alors à quoi bon ? À quoi bon voter, se mobiliser, s’exprimer ? Le message renvoyé par le Gouvernement ne saurait contribuer à rétablir la confiance et ne fait qu’entretenir le sentiment que, pour être entendu, il faut verser dans la violence. Verbale d’abord, physique ensuite. C’est grave. »
« Comme le respect, l’autorité se construit, se gagne, se mérite. Elle suggère la capacité à élever ceux à qui l’on commande » VOIR ARTICLE 2
EXTRAIT : «Il y a un problème d’autorité dans notre société», constate notre César de la République d’un coup de menton martial. Certes. Mais pas celui qu’il s’imagine. Comme le respect, l’autorité se construit, se gagne, se mérite. Elle suggère la capacité à élever ceux à qui l’on commande. Sa racine latine (auc)rappelle l’«augmentation». Alors nous avons, en effet, besoin d’autorités, mais de celles qui nous grandissent, pas de celles qui nous rabaissent. L’autorité des pères fouettards établie par la violence, symbolique ou physique, n’est qu’une manifestation d’autoritarisme. Confondre la générosité avec la naïveté est un signe de faiblesse intellectuelle. »
« INE CRISE DE L’AUTORITÉ » TITRE LIBÉRATION VOIR ARTICLE 3
« Comme le respect, l’autorité se construit, se gagne, se mérite. Elle suggère la capacité à élever ceux à qui l’on commande »
1. Billet
Macron II, an 1
10 juillet 2023, par Jean-Philippe Derosier LA CONSTITUTION DÉCODÉE
À l’heure où les parieurs font la fortune des bookmakers et où les journalistes nous livrent tous leurs pronostics du Tiercé gagnant des départs, des mouvements et des entrants au Gouvernement, on maintient ce que l’on a pu écrire : Borne va rester. Le risque existe d’être désavoué, mais les raisons de son départ sont si faibles qu’on prendrait un risque plus grand encore à entretenir une telle rumeur.
Cette dernière confirme cependant que rien ne change, ce qui n’est guère rassurant.
Depuis 2017, le Président de la République aime à montrer qu’il est le « maître des horloges ». Tactique judicieuse lorsque l’on est fort d’une légitimité incontestable, elle devient bien plus risquée lorsque l’on est affaibli : on se fait attendre, la rumeur est entretenue, le choix n’apparaît pas… Il en ressort alors un sentiment d’hésitation, d’incapacité à prendre une décision et, pis, de déception car, quoi qu’il arrive, ce ne sera jamais conforme à tous les pronostics (ne serait-ce que parce qu’ils ne sont pas compatibles) et aux attentes qu’ils suscitent.
On ne peut attendre du respect et de la confiance des autres que si on est soi-même en mesure de les inspirer
On aurait pu imaginer que la séquence électorale de 2022 fasse comprendre l’urgence qu’il y a à changer les comportements, tant dans la majorité qu’au sommet de l’Exécutif ou parmi les oppositions. En effet, réélu davantage par résignation que par adhésion, démocratiquement élu mais politiquement battu, Emmanuel Macron aurait dû s’attacher à rassembler, plutôt qu’à diviser, comme il le fit tout au long du premier quinquennat.
D’ailleurs, la configuration politique actuelle le lui impose. L’Assemblée nationale est éclatée entre dix groupes parlementaires, sa propre majorité est morcelée en trois groupes principaux qui ne détiennent pas la majorité absolue, les oppositions sont divisées entre des forces traditionnellement modérées qui versent dans la radicalité pour exister et des extrêmes, l’un en particulier, qui s’agitent à tout va pour crier plus fort. Plus fort que quoi ou que qui, demandera-t-on légitimement ? Qu’eux-mêmes, bien évidemment, puisqu’ils sont les seuls agitateurs de l’instant.
Pourtant, cette première année du second quinquennat a plus que jamais divisé, conduisant le pays à la fissure, voire à la fracture.
L’heure est grave, lorsque l’on constate la méfiance croissante des citoyens vis-à-vis des institutions et de la démocratie, la puissance des forces politiques radicales (n’oublions pas que le Front national et les Insoumis sont respectivement les deuxième et troisième groupes de l’Assemblée, cumulant à eux deux presque autant de députés que le groupe Renaissance), les violences et l’insécurité toujours plus grandes.
Le rôle du chef de l’État, premier représentant de la Nation, est alors de garantir la paix sociale, certes en rétablissant et en garantissant l’ordre, mais aussi en y faisant adhérer. Or la force, les interdictions, les restrictions aux droits et libertés ne sauraient être la seule solution, les citoyens se sentant alors davantage exclus que rassemblés autour d’un horizon commun.
L’épisode majeur de l’année écoulée n’a fait qu’empirer une situation déjà délétère. Ce n’est pas tant l’objectif que le moyen d’y parvenir qui souligne une obstination du Président de la République à ne pas être à l’écoute des Français qui, pourtant, l’ont réélu. Il peut certes se targuer d’une telle victoire, au terme d’une campagne où il s’était engagé à faire cette réforme des retraites, pour revendiquer de la conduire jusqu’à son terme. Mais les électeurs n’ont pas désigné, pour voter une telle réforme, de majorité évidente, signe qu’ils avaient peut-être des réserves vis-à-vis du programme présidentiel, sur ce point et, sans doute, sur d’autres.
Une telle séquence ne fait qu’accroître la méfiance des citoyens vis-à-vis du système dans lequel ils vivent et dont le chef de l’État est supposé être le garant. Ils ont élu des députés, qui n’ont pas pu voter. Ils ont cru dans des syndicats qui ont animé une mobilisation historique, qui n’ont pourtant nullement été entendus. Ils se sont mobilisés dans la rue avec une exemplarité qui fait désormais souvent défaut, mais personne ne les a écoutés.
Alors à quoi bon ? À quoi bon voter, se mobiliser, s’exprimer ? Le message renvoyé par le Gouvernement ne saurait contribuer à rétablir la confiance et ne fait qu’entretenir le sentiment que, pour être entendu, il faut verser dans la violence. Verbale d’abord, physique ensuite. C’est grave.
De même, le scandale du « Fonds Marianne », révélé et détaillé lors d’une enquête parlementaire et par un rapport de l’Inspection générale de l’administration (IGA), souligne ce sentiment de puissance de l’Exécutif et de la majorité, qui se croient invincibles. Au terme d’un tel scandale, les responsables politiques concernés auraient dû immédiatement démissionner : ce n’est pas une sanction, c’est la logique de la responsabilité politique dans un régime parlementaire. Que Marlène Schiappa ne le fasse pas est un signe de sa méconnaissance du fonctionnement des institutions. Que la Première Ministre et le Président de la République ne le lui imposent pas est un signe d’irrespect vis-à-vis de notre démocratie parlementaire.
Comment peut-on alors dénoncer des comportements indignes tout en suscitant soi-même autant de reproches ? Car en ne se montrant pas à la hauteur de ses charges, la majorité actuelle appelle des comportements inadaptés en réaction, tels que ceux qui ont jalonné l’année écoulée, particulièrement de la part d’élus de la Nation, que ce soient des propos dans l’enceinte de l’Assemblée nationale, des photos « balle » au pied ou dans des manifestations en marge de la légalité.
On n’inspire aux autres que ce que l’on donne soi-même à voir, à commencer par le respect et la confiance. À l’inverse, les provocations, insultes, invectives, entretiennent l’altercation et la violence.
Le bilan de cette première année de l’ère Macron II est donc peu réjouissant et n’augure rien de bon pour la suite. On veut croire qu’il n’est pas trop tard et que le chef de l’État saura prendre la mesure de la responsabilité qui est la sienne : rassembler la Nation et apaiser les conflits.
Mais il est difficile de rassembler la Nation toute entière lorsqu’on peine déjà à rassembler les siens.
2. ARTICLE
Surveiller et punir : le nouveau projet éducatif d’Emmanuel Macron
Répondre par la force à la détresse et à la révolte des jeunes de banlieue est un signe de faiblesse politique en plus d’être une manifestation d’autoritarisme stérile selon le député de Paris (Nupes) Rodrigo Arenas.
par Rodrigo Arenas, Député de Paris (Nupes) LIBÉRATION 11 07 23
Il fallait s’y attendre. Après la carotte, le bâton. Puisque les jeunes révoltés brûlent leurs équipements urbains et les millions reçus au nom des politiques de la ville, le président de la République, en moderne Machiavel, se dit que si l’on ne peut pas acheter la paix sociale, alors il faut l’établir à coups de matraques.
Les rumeurs de remaniement bruissent d’un futur tour de vis pour l’Education nationale. Il s’agirait de nommer un homme – forcément – à poigne pour faire rentrer dans le rang tous ces jeunes révoltés, ces collégiens que ne retient plus l’autorité défaillante de parents démissionnaires. Mettre au pas les enseignants, les syndicats, les élèves, les parents, les personnels. L’ordre républicain à la baguette. C’est le retour du président des «devoirs avant les droits».
Comme le respect, l’autorité se construit
«Il y a un problème d’autorité dans notre société», constate notre César de la République d’un coup de menton martial. Certes. Mais pas celui qu’il s’imagine. Comme le respect, l’autorité se construit, se gagne, se mérite. Elle suggère la capacité à élever ceux à qui l’on commande. Sa racine latine (auc)rappelle l’«augmentation». Alors nous avons, en effet, besoin d’autorités, mais de celles qui nous grandissent, pas de celles qui nous rabaissent. L’autorité des pères fouettards établie par la violence, symbolique ou physique, n’est qu’une manifestation d’autoritarisme. Confondre la générosité avec la naïveté est un signe de faiblesse intellectuelle. …
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3. ARTICLE
Les émeutes ont rallumé une crise de l’autorité
Dans une société où l’autorité est sans cesse discutée, attaquée, l’escalade de la violence est malheureusement une réponse de plus en plus visible et répandue. Cela pose la question de notre responsabilité collective.
par Teddy Mayeko, Maître de conférences en science de l’éducation, université Cergy-Paris. LIBÉRATION 11 07 23
En seulement six jours, le bilan comptable des émeutes qui se sont déroulées en France entre le mercredi 28 juin et le lundi 3 juillet 2023 a dépassé celui de 2005, pourtant établi sur environ trois semaines. Alors que le calme est revenu, le temps de la réflexion et de l’action politique s’impose. Nos banlieues ont été le théâtre de pillages, d’agressions, d’incendies criminels et de dégradations de biens publics en tout genre. Cette violence est l’expression d’une colère populaire, à la fois sourde, profonde et destructrice, qui interroge le sens de notre engagement collectif et les valeurs de nos institutions. Nous avons pour habitude d’entendre parler de la crise économique, mais nous sommes peut-être moins conscients de ce que certains philosophes et sociologues ont coutume d’appeler «une crise de l’autorité»….
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