
ÉMISSION
Robert Oppenheimer (1904-1967), l’architecte du Projet Manhattan
Samedi 7 janvier 2023 FRANCE CULTURE
Né dans une famille libérale et progressiste à New York, Oppenheimer était un physicien de génie. À Los Alamos, au Nouveau-Mexique, pendant la guerre, il a fédéré l’équipe de scientifiques qui a mis au point la bombe atomique.
Avec
- Matthieu Lebois Maître de conférence en physique nucléaire à Orsay et membre junior de l’Institut universitaire de France
- Alexandre Rios-Bordes Maître de conférences en histoire à l’Université Paris Diderot – Paris 7
- Virginie Ollagnier Écrivaine et scénariste de bande-dessinée
- Bruno Tertrais Politologue
- Émilia Robin Historienne de la Guerre Froide
Élevé dans une famille cultivée et aisée à New York, famille d’origine juive allemande, Robert Oppenheimer est un enfant sensible et génial. Une fois chargé de la recherche nucléaire militaire, il est tiraillé entre la nécessité de mettre au point l’arme atomique aux États-Unis avant que les nazis ne l’aient, et des interrogations éthiques qui l’incitent plutôt à s’abstenir de mettre au point cette arme.

Vue de l’intérieur du Los Alamos National Laboratory alors que des chercheurs travaillent sur un projet d’essais nucléaires en 1974 © Getty – Photo by Atomic Energy Commission
Mélancolique à l’adolescence, Oppenheimer éponge son angoisse au Nouveau-Mexique en s’y promenant avec un camarade et un professeur. Leurs balades les mènent tout près du futur site de Los Alamos, le futur laboratoire secret, établi dans le désert, où sera élaboré le Projet Manhattan.
Étudiant, Oppenheimer part en Allemagne et en Angleterre et rencontre les plus brillants physiciens de sa génération. En 1945, il est recruté par le général Leslie Grooves pour fédérer une équipe de chercheurs capables de mettre au point une bombe atomique. La mission est accomplie de façon remarquable, Oppenheimer étant un gros travailleur à l’enthousiasme communicatif. Hiroshima et Nagasaki sont bombardées, au grand regret d’Oppenheimer. En octobre 1945, il obtient un rendez-vous avec le président Truman auquel il dit : « J’ai du sang sur les mains. » Truman est furieux car il a endossé encore plus de responsabilités qu’Oppenheimer : « Ce n’est pas au physicien de se plaindre« . L’alliance entre le civil Oppenheimer et les militaires produit des étincelles qui aboutissent, en avril 1954, à la mise en place d’une commission d’enquête sur Julius Robert Oppenheimer.
Extrait de « Culture et destin » (1961), dans lequel Georges Ribemont-Dessaignes reçoit Jacques Prévert, qui parle de l’homo sapiens et de la bombe atomique
Il est accusé d’avoir de l’amitié pour les Soviétiques, ce qui est faux. En revanche, Oppenheimer est de gauche, et depuis longtemps. Il n’a jamais adhéré au parti communiste, mais il y compte des amis, et son épouse en fut membre. Il a aussi exprimé ses réserves sur la bombe H en préparation, mille fois plus puissante que la bombe A. Oppenheimer plaide encore pour le partage des secrets de fabrication de la bombe avec l’URSS, depuis que la guerre est terminée. Cette position ne joue pas en sa faveur. Après que deux bombes ont explosé au Japon, Oppenheimer ne croit plus en la dissuasion nucléaire. Il souhaite que la recherche se concentre sur l’énergie civile uniquement. Les trois semaines d’audition seront une parodie de procès à l’issue de laquelle Oppenheimer sera non seulement découragé et épuisé, mais aussi destitué du Comité consultatif général. Cet organisme avait été mis en place après la guerre pour donner une orientation à la politique nucléaire américaine.
Refusant de signer la moindre pétition contre le nucléaire, Oppenheimer dirige, jusqu’en 1966, l’Institute for Advanced Study de Princeton.

Robert Oppenheimer et le journaliste de télévision Edward R. Murrow (à droite) à l’Institute for Advanced Study de l’Université de Princeton (1954) © Getty – Collection Bettmann
C’est cette tension entre la recherche et l’éthique, et l’originalité de ce scientifique que le documentaire met en valeur grâce aux intervenants et aux archives.
Pour en parler
- Matthieu Lebois, maître de conférence en physique nucléaire à Orsay et membre junior de l’Institut Universitaire de France (IUF)
- Alexandre Rios-Bordes, maître de conférence à Paris-Cité, historien spécialiste des secrets d’État américain et de l’histoire du renseignement américain
- Virginie Ollagnier, écrivaine et scénariste de bande-dessinée, autrice d’un roman sur Robert Oppenheimer
- Bruno Tertrais, directeur adjoint de la Fondation pour la Recherche Stratégique (FRS)
- Émilia Robin, historienne spécialiste de la guerre froide

Le panache radioactif de la bombe larguée sur la ville de Nagasaki, vu à 9,6 km, à Koyagi-jima, au Japon, le 9 août 1945. © Getty – Photo by Hiromichi Matsuda/Handout from Nagasaki Atomic Bomb Museum/Getty Images
LIEN VERS L’ÉMISSION :
Bibliographie
- Virginie Ollagnier, Ils ont tué Oppenheimer (Anne Carrière, 2022)
- Louisa Hall, Trinity, traduit de l’anglais par Hélène Papot (Gallimard)
- Michel Rival, Robert Oppenheimer (Points Seuil)
Archive Ina diffusée : 5 colonnes à la une (1962)
Extrait diffusé : Hiroshima mon Amour (1959) d’Alain Resnais. Scénario et dialogues, Marguerite Duras. Acteurs principaux, Emmanuelle Riva « elle » et Eiji Okada « lui ».
Musique
- Requiem, Wolfgang Amadeus Mozart
- Stabat mater, Antonio Vivaldi
- Saint James infarmery, calling all bars, cruisin with Cab, Cab Calloway
- Dobro, pollen path, answered prayers, David Sylvian
- La java des bombes atomiques, André Popp
- Silence, Charlie Haden et Chet Baker

La maison de Robert Oppenheimer à Los Alamos au Nouveau-Mexique (États-Unis, 06.2022) – Bruno Tertrais
Générique
Un documentaire de Virginie Bloch-Lainé, réalisé par Clotilde Pivin. Prises de son, Yan Fressi et Pierre Bornard. Mixage, Allison Ascrizzi. Coordination, Anaïs Kien. Archives Ina, Delphine André. Avec la collaboration d’Annelise Signoret de la Bibliothèque de Radio France. Attachée de production et page web, Sylvia Favre-Steyaert.