
« Lorsque les pères s’habituent à laisser faire les enfants, lorsque les fils ne tiennent plus compte de leur parole, lorsque les maîtres tremblent devant leurs élèves et préfèrent les flatter, lorsque finalement les jeunes méprisent les lois parce qu’ils ne reconnaissent plus au-dessus d’eux l’autorité de rien ni de personne, alors c’est là en toute beauté et toute jeunesse le début de la tyrannie. »
PLATON
DES CONTRIBUTEURS DE METAHODOS ONT RASSEMBLÉ UN CERTAIN NOMBRE D’ARTICLES RELATIFS À LA « GOUVERNANCE » PRÉSIDENTIELLE – EN VOICI 8 QUI ONT ÉTÉ SÉLECTIONNÉS
MISE À JOUR : ajout d’un extrait d’article du Monde du 3 août et de l’article du Huffpost du 3 août
DANS L’ARTICLE 7 EST ÉVOQUÉE LA RÉPONSE PRÉSIDENTIELLE D’HIER SUR LES ÉMEUTES … QUI POURTANT N’EST TOUJOURS PAS DONNÉE…
…UNE « INITIATIVE POLITIQUE D’AMPLEUR »
…EST TOUTEFOIS ANNONCÉE POUR LA RENTRÉE.
LIRE ÉGALEMENT L’EXTRAIT DE L’ARTICLE DU MONDE D’HIER SOIR QUI REPREND EN PARTICULIER DES ÉLÉMENTS D’EXPLICATION DE LA PENSÉE PRÉSIDENTIELLE : « l’Élysée » ou « la présidence » qui produisent aux médias les éléments de langage … :
« Le chef de l’Etat précise que cette initiative ( « l’initiative politique de grande ampleur « ) ne visera pas à « créer des coalitions ». Elle doit prendre place « au moment où la France va accueillir de grands événements sportifs », …L’Elysée ( NDLR : pour préciser la pensée du président ) a dit à l’Agence France-Presse que l’initiative présidentielle porterait sur des thèmes tels que l’écologie, les services publics, le travail, l’ordre, le progrès, l’immigration.
« Le chef de l’Etat proposera « aux forces politiques de l’arc républicain une série de rencontres pour déterminer des projets sur lesquels cheminer ensemble », a ajouté la présidence ( NDLR : id ) . En se référant à cette expression d’« arc républicain », l’Elysée montre qu’il entend exclure de cette démarche le Rassemblement national, parti de Marine Le Pen, et La France insoumise, de Jean-Luc Mélenchon.
« Je ferai tout ce que je peux faire jusqu’en mai 2027. Et je vais faire beaucoup, croyez-moi », poursuit le chef de l’Etat dans ces déclarations tenues lors de son voyage en Océanie la semaine dernière. « C’est comme ça que l’on arrête les extrêmes », ajoute-t-il en appelant à « un temps nouveau qui doit s’ouvrir dans la vie du pays ».
LIRE L’EXTRAIT DE L’ARTICLE DU MONDE DE CE JOUR – 03/08/23 – QUI APPORTE DE NOUVELLES EXPLICATIONS SUR LA PENSÉE PRÉSIDENTIELLE : « palais présidentiel », « l’Elysée », « ancien conseiller spécial du chef de l’Etat » qui produisent aux médias les éléments de langage … :
« A défaut de déclencher un big bang, M. Macron ambitionne de lancer un « cycle de discussions » avec les représentants de l’opposition appartenant à l’« arc républicain », excluant donc l’extrême droite du Rassemblement national et la gauche radicale incarnée par La France insoumise, précise l’Elysée. Après avoir constaté l’échec de sa première ministre, Elisabeth Borne, à élargir sa majorité relative, le chef de l’Etat envisage donc de relever le gant, quitte à asseoir la cheffe de la majorité sur un strapontin.
« Il « souhaite encore tendre la main à toutes les femmes et tous les hommes de bonne volonté soucieux d’avancer sur l’écologie, les services publics, le travail, l’ordre, le progrès, l’immigration », souligne-t-on au palais présidentiel. L’idée est de fédérer ceux qui se sont montrés conciliants avec le pouvoir alors que, depuis un an, l’exécutif est parvenu à faire voter quarante-neuf textes. « C’est le message qu’ont envoyé les Français en votant une majorité relative », plaide l’Elysée.
« Emmanuel Macron peut-il réussir là où la cheffe du gouvernement a, jusqu’ici, échoué ? La « puissance invitante », élue au suffrage universel, pourrait faire la différence veut croire un ancien conseiller spécial du chef de l’Etat. M. Macron entend exploiter les failles au sein des Républicains (LR) comme de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale, sujets à de profonds tiraillements internes ces derniers mois. »
…/…
SOMMAIRE DU DOSSIER
1. Guillaume Tabard: «Après le remaniement, un devoir de passer aux vraies réformes»
2. Benjamin Morel: «Entre aveu de faiblesse et tentative de consolidation, les leçons d’un remaniement banal»
3. Remaniement ministériel : « Tout est foireux », retour sur un cafouillage au plus haut sommet de l’État
4. Emmanuel Macron, l’imprévisible : dans le secret de ses décisions
5. Remaniement – le bal des pantins
6. Emmanuel Macron et le risque de la déception, un refrain entonné depuis son premier quinquennat
7. Lost in the air – Confidences dans l’avion : Emmanuel Macron promet «une initiative politique d’ampleur» avant la fin août
8. Émeutes liées à la mort de Nahel : Macron promet une « réponse immense », un mois après
1. Guillaume Tabard: «Après le remaniement, un devoir de passer aux vraies réformes»
Par Guillaume Tabard LE FIGARO 20/07/2023
Si Gabriel Attal et Aurélien Rousseau ne veulent pas ajouter leur nom à la liste des ministres pour rien, ils devront faire preuve de courage et de créativité.
C’étaient les deux trouvailles du second mandat, les deux fiertés d’Emmanuel Macron. Voilà Pap Ndiaye et François Braun renvoyés. Le premier pour avoir été trop controversé, le second pour n’avoir pas assez existé. L’Éducation et la Santé, c’étaient aussi les deux chantiers prioritaires énoncés par le président-candidat dans sa campagne de 2022. Remplacer ces deux «bleus» en politique, ce n’est pas uniquement admettre une erreur de «casting», c’est reconnaître que ce quinquennat n’avait pas véritablement commencé.
En un an, le bilan est certes moins maigre qu’on le croit. Des lois de programmation aux montants colossaux (police, armées, justice) ont été votées ; l’exécutif a tenu bon sur la réforme décisive des retraites ; celle du lycée professionnel est sur les rails. Mais pour celui qui se faisait fort non pas de réformer mais de «refonder»le pays, l’école et l’hôpital sont deux défis colossaux. Urgents et effrayants à la fois. Ce sont les deux services publics qui touchent et qui intéressent…
…/…
2. Benjamin Morel: «Entre aveu de faiblesse et tentative de consolidation, les leçons d’un remaniement banal»
Par Martin Bernier 22/07/2023 LE FIGARO
Faute de parvenir à élargir la majorité, le gouvernement accueille des fidèles dans ses rangs, choisis notamment parmi les députés. L’exécutif tente ainsi de consolider une majorité divisée sans ouvrir de nouvelle séquence, analyse Benjamin Morel.
Benjamin Morel est maître de conférences en droit public à l’Université Paris II Panthéon-Assas. Dernier ouvrage paru : La France en miettes (ed. du Cerf, 2023).
LE FIGARO. – Au terme d’une période de cent jours qui se voulait un test pour la première ministre et son gouvernement, Élisabeth Borne a été reconduite et le remaniement s’est cantonné à quelques ajustements. Quel était l’intérêt de cette séquence?
Benjamin MOREL. – L’objectif des cent jours n’était pas de reconstruire un programme permettant de relancer tout d’un coup le quinquennat, le pays, et de régler tous les problèmes; il s’agissait de sortir de la séquence des retraites. La réforme des retraites s’est très mal passée et a laissé la majorité profondément divisée. Il faut se souvenir de ces images d’Elisabeth Borne lors de la discussion de la motion de censure présentée par Charles de Courson: au-delà du fait que cette motion échoue à neuf voix près, le plus important était l’absence des députés de la majorité ce jour-là; ils n’étaient même pas présents pour soutenir leur première ministre. À ce moment-là, on a donc une majorité profondément fragilisée, un pays contre la réforme et la façon dont elle a été adoptée, et qui plus est des manifestations dans les rues qui tournent à la violence, sans parler des casserolades. La crise politique est profonde.
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L’objectif des cent jours était donc de changer de sujet, de faire une sorte de diversion en lançant des chantiers variés, avec une itinérance autour des questions de l’hôpital, de la police, etc. Il fallait reprendre le contrôle de l’agenda. Là-dessus, force est de constater que ça a plutôt bien marché: on ne parle quasiment plus de la réforme des retraites, et même les syndicats acceptent de parler d’autre chose. L’objectif de communication a été rempli. Le problème étant que, cent jours plus tard, on attend que l’exécutif fasse quelque chose. Or on n’a pas grand-chose à annoncer, et on n’a pas de majorité pour voter quoi que ce soit de fondamentalement nouveau. Après avoir réussi à faire diversion, il faut assurer un service après-vente a minima.
Mission avait pourtant été donnée à la chef du gouvernement d’élargir la majorité et de rendre possibles d’éventuelles coalitions et alliances. Ce remaniement a minima signe-t-il un aveu d’échec?
Oui, mais la mission était-elle seulement remplissable? L’objectif était de donner à voir une stratégie d’ouverture; peut-être aussi d’embêter un peu Elisabeth Borne avec une mission impossible. Mais la mission d’élargir la majorité, était en réalité tout à fait impossible. Et Emmanuel Macron, qui n’est pas idiot, le savait. À qui voulait-on élargir? Au RN? À LFI? Il n’y avait que deux possibilités. Les groupes de centre gauche, mais ils sont tenus par la Nupes et craignent de disparaître de l’Assemblée nationale si la Nupes s’effondre et qu’il y a dissolution. Reste LR, mais c’est 60 députés en ordre dispersé: la réforme des retraites venait justement de montrer que ce groupe ne pouvait être un partenaire fiable.
On donne des gages aux parlementaires et on leur témoigne également du respect. On montre qu’on les considère, qu’on les fait monter dans l’exécutif, qu’il y a une voie d’ascension politique au sein même de cette majorité. Benjamin Morel
Quand bien même ils seraient parvenus à les rallier, il aurait été difficile ensuite de tenir la gauche de la majorité – le Modem et Sacha Houlié par exemple. Ç’aurait été serrer la main à un groupe parlementaire dont la réforme des retraites a montré que nonobstant sa volonté il ne pouvait pas être fiable parce qu’il n’était pas assez structuré, et c’était prendre le risque de décomposer un peu plus sa majorité. Élargir la majorité était donc impossible, improbable; c’était un effet rhétorique, une manière de donner le sentiment qu’on était dans la concertation, et au bout de cent jours très peu de personnes pensaient qu’on aurait une majorité élargie.
La majorité semble finalement se resserrer sur sa base avec des députés Renaissance comme Aurore Bergé, Thomas Cazenave, Sabrina Agresti-Roubache, ou Modem comme Philippe Vigier. Qu’est-ce que cela dit de la dynamique à l’œuvre dans le camp présidentiel?
Cela veut dire deux choses: ce resserrement sur la base est à la fois un signe de faiblesse et un signe de consolidation. Ça signe d’un côté l’absence d’offensive en vue de l’élargissement: on n’envoie plus de signaux à la gauche, à la droite, pour tenter d’élargir la majorité et on se contente de ce qu’on a, à savoir cette majorité relative déjà très difficile à tenir. Là intervient la phase de consolidation qui consiste à donner des éléments aux différentes composantes. Depuis un an, on se souvient de la proposition de loi d’Aurore Bergé rejetée par sa propre majorité, des propositions de loi Horizons rejetées par le Modem, et inversement des propositions de loi Modem rejetées par Horizon. Aujourd’hui la majorité est relative mais aussi très divisée. En donnant des gages à un certain nombre de composantes, on la renforce, ce qui est loin d’être inutile.
Par ailleurs, en faisant monter des parlementaires, on tente aussi de s’assurer le contrôle du parlement, ou du moins de cette majorité relative. Le principal problème d’Emmanuel Macron n’est pas sa cote de popularité, ni ses rapports plus ou moins faciles avec Elisabeth Borne: c’est avant tout qu’il n’a pas de majorité. On ne peut lire ce quinquennat que si on comprend bien que c’est aujourd’hui le point névralgique.
Faire monter des députés est une technique très IIIe, IVe République. Sous la IIIe République, un président du Conseil faible modifiait son gouvernement et allait chercher des députés qui ont une petite influence et qui sont capables d’envoyer des signaux aux quelques dizaines de députés nécessaires pour consolider une majorité. Aujourd’hui on est dans cette logique: on donne des gages aux parlementaires et on leur témoigne également du respect. On montre qu’on les considère, qu’on les fait monter dans l’exécutif, qu’il y a une voie d’ascension politique au sein même de cette majorité.
Aurore Bergé mésestime son poids et fait une erreur monumentale. Aujourd’hui, chef du groupe majoritaire à l’Assemblée est un des postes clefs.Benjamin Morel
Sous la Ve République, on a tourné le dos à cette grande porosité entre l’exécutif et le législatif, qui est le lot commun des systèmes parlementaires classiques, en Angleterre par exemple. On ne peut pas être député et ministre en même temps en France. On a habituellement des majorités pléthoriques et on peut avoir des ministres essentiellement techniques, qui sont aux ordres du chef du gouvernement ou du chef de l’État. Mais quand vous avez une majorité relative, divisée, et que vous devez gouverner un peu comme dans un système parlementaire, il faut faire monter au gouvernement du personnel parlementaire.
Cela souligne également à nouveaux frais l’asymétrie énorme entre le gouvernement et le parlement: on abandonne volontiers le poste de chef du groupe majoritaire à l’Assemblée pour n’importe quel ministère, comme l’a fait Aurore Bergé…
C’est vrai, et pourtant en faisant ça, je pense qu’Aurore Bergé mésestime son poids et fait une erreur monumentale. Aujourd’hui, chef du groupe majoritaire à l’Assemblée est un des postes clefs. Cela revient à avoir plus d’influence que certains ministères, comme celui des Solidarités par exemple. Le chef de groupe majoritaire a un pouvoir gigantesque de discussion et de bras de fer avec l’exécutif sur l’ensemble des projets de loi; il a la possibilité de s’activer pour arriver à maintenir les députés en séance et votant dans le même sens. Cela lui confère une influence extrêmement importante vis-à-vis de l’exécutif.
Et c’est en partie lui qui est l’élément central des négociations concernant notamment l’agenda parlementaire ou la possibilité de faire monter des propositions de lois. Dans un système en train de se parlementariser, c’est un rôle extrêmement crucial et bien plus intéressant qu’un obscur ministère où vous aurez une marge de manœuvre réduite à peau de chagrin et où tout le monde vous aura oublié car c’est le président qui fait la politique. Pour Aurore Bergé, c’est une vraie erreur en termes de carrière.
Finalement, à quoi bon remanier? Cette évolution de l’équipe gouvernementale peut-elle ouvrir une nouvelle séquence?
Je crois qu’ouvrir une nouvelle séquence n’est pas le but recherché. Emmanuel Macron est bien embarrassé avec ses cent jours: il doit bien faire quelque chose et en même temps on est au milieu de l’été et la plupart des gens s’en fichent. Il faut bien qu’il fasse quelque chose, mais il ne peut pas faire quelque chose d’ampleur.
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C’est pourquoi il faut aussi banaliser le moment. Le fait de ne pas parler le 14 juillet s’inscrivait aussi dans cette dynamique. On fait un remaniement a minima, en pensant qu’il y a quand même quelques problèmes dans ce gouvernement, que certains ministres ne sont pas des atouts aujourd’hui, comme Pap Ndiaye et Marlène Schiappa, et qu’il y a quelques parlementaires à faire monter. C’est technique, ce n’est pas inutile pour eux, et ça permet de dire que les cent jours ont produit quelque chose. Ça n’enthousiasmera personne, mais ce n’est pas vraiment l’objectif.
3. Remaniement ministériel : « Tout est foireux », retour sur un cafouillage au plus haut sommet de l’État
Le changement de huit ministres a duré toute la semaine, sur fond de discussions entre Matignon et l’Élysée et d’une communication ratée récupérée par BFMTV.
Par Astrid de Villain
POLITIQUE – Rarement remaniementn’aura été aussi rocambolesque. Annoncé depuis des semaines, au point que même la Première ministre Élisabeth Borne était en sursis, c’est finalement par un simple « off » à la presse de l’entourage d’Emmanuel Macron qu’elle est « maintenue » à son poste lundi 17 juillet.
Une façon de faire jugée « méprisante » par plusieurs collaborateurs ministériels. Élisabeth Borne, elle, aurait voulu, selon plusieurs médias, être démissionnée pour être renommée, comme l’usage le permet, ce qui lui aurait permis d’être relégitimée. « Il y a un alignement total entre le Président de la République et la Première ministre », évacue Matignon auprès du HuffPost ce vendredi 21 juillet, au terme d’une semaine douloureuse pour les gouvernements Borne 2 – remplacé – et 3, désormais au complet, qui s’achève par des mots du président captés au début du conseil des ministres à l’égard de sa Première ministre ce vendredi 21 juillet : « un choix fort, pas simplement symbolique » à qui il « réaffirme avec clarté » sa confiance.
De quoi faire oublier leurs désaccords relayés dans la presse toute la semaine ? Selon ces « rumeurs » pour une conseillère de l’exécutif qui les bat en brèche, un bras de fer s’est engagé entre Emmanuel Macron et sa Première ministre, notamment sur l’ampleur du changement d’équipe ou sur certains ministres. La première ministre, elle, ne s’est pas exprimée à part ce vendredi matin en conseil des ministres, avant d’être brusquement interrompue par le flux de l’Élysée et les chaînes d’informations en continu après la prise de parole présidentielle. Tout un symbole.
Du « dîner de cons » au report du Conseil des ministres
Car les « discussions » entre Borne et Macron, avec pas moins de trois rendez-vous en tête à tête entre dimanche et mardi, ont ralenti les débats d’un changement d’équipe évoqué depuis plusieurs semaines. Mardi soir encore, un dîner en grande pompe à l’Élysée – surnommé « le dîner de cons » – avec l’équipe gouvernementale sortante et les conjoints de ministres, est précédé d’une rencontre entre le Président de la République et sa Première ministre à huis clos qui alimente toutes les suspicions et tensions. Résultat : rien n’est scellé et le conseil des ministres du mercredi est repoussé au jeudi.
Mercredi, les tractations se poursuivent. Certains noms sont quasiment confirmés comme le député Horizons à la Santé, Frédéric Valletoux, avant que François Bayrou ne s’y oppose pour préserver les équilibres avec le MoDem, toujours selon des informations de presse. « C’est totalement faux ! J’ai assez à m’occuper des miens, je ne m’occupe pas des autres. J’ai essayé de défendre François Braun que je trouve très estimable, mais pas contre Valletoux. C’est une fake news et je lui ai écrit pour le lui dire », a répondu François Bayrou au HuffPost à l’heure du déjeuner ce vendredi 21 juillet.
« C’était atroce, c’était sans fin… »
Arrive le jeudi, toujours pas de gouvernement et un nouveau report du Conseil des ministres au lendemain, vendredi. Dès potron-minet, c’est BFMTV qui tout au long de la journée va égrainer et sortir les noms et fonctions des nouveaux ministres et des sortants. Le communiqué de l’Élysée se fait attendre, attendu d’abord « à la mi-journée », puis « en milieu d’après-midi », rien n’arrive.
« C’était atroce, c’était sans fin », soupire la conseillère d’une ministre débarquée, encore échaudée par « les deux dîners de cons », car mercredi soir aussi un pot était organisé au ministère des Relations avec le Parlement, en présence d’Emmanuel Macron et d’Élisabeth Borne, séché par Pap Ndiaye qui se savait sur le départ. Un supplice pour ceux qui se savent bientôt dehors.
« Quand on part du mauvais pied, on part du mauvais pied. Tout est foireux dans cette séquence », s’agaçait un conseiller ministériel de premier plan jeudi soir alors que le gouvernement fuitait toujours en direct sur BFMTV sans qu’aucune communication élyséenne ou gouvernementale n’arrive. « Un remaniement, ça a toujours pris du temps mais ça se prépare, surtout à l’heure des chaînes d’info en continu ! », s’époumonait le même, exaspéré par la stratégie hésitante de l’exécutif. « L’incompétence, peut-être ? », répond simplement un autre stratège de la Macronie à la question « Que se passe-t-il ? ».
« Ce qui n’est pas respectueux, c’est d’apprendre sa sortie sur BFMTV »
Arrivent alors deux épisodes jeudi jugés « surréalistes » par plusieurs de nos interlocuteurs. Marlène Schiappa qui confirme en direct sur BFMTV sa sortie du gouvernement, avant même l’annonce officielle et Aurélien Rousseau, ancien directeur de cabinet d’Élisabeth Borne qui confirme au Monde son arrivée à la Santé. « Typique de cette nouvelle génération qui n’a aucun sens de l’État», réagit le conseiller ministériel expérimenté à propos de la première, « connard de socialiste », à l’égard du second.
Il s’excuse à moitié, mais son emportement en dit long sur le niveau de tensions dans lequel sont plongées les équipes, sortantes ou maintenues. « Le respect est mort. Cette séquence est catastrophique, un naufrage. C’était la téléréalité du remaniement : ’il n’en restera qu’un’… », soupire la conseillère d’une sortante. « Ce qui n’est pas respectueux, c’est d’apprendre sa sortie sur BFMTV », abonde le conseiller d’un ministre démissionné. Ambiance.
C’est finalement à 19h30 passées, comme un mauvais accouchement, que le mail de l’Élysée part à destination des journalistes. Sept sortants, huit entrants, peu de nouveauté à part la promotion deGabriel Attal à l’Éducation nationale et l’arrivée de députés méritants, notamment sur la réforme des retraites, comme Aurore Bergé, Prisca Thevenot ou Philippe Vigier. « Le ministère de la Ville et du Logement scindé en deux aussi », ajoute un conseiller ministériel toujours en place qui relativise : « Ça se passe toujours sur BFMTV, mais c’est vrai que ça a été particulièrement tardif ».
Parmi les pépites de ce drôle de remaniement : un ex-futur ministre du Budget, l’actuel rapporteur général du Budget à l’Assemblée nationale et député du Gers Jean-René Cazeneuve finalement laissé de côté car sa suppléante n’a pas voulu siéger à l’Assemblée nationale. « On a passé des heures à la convaincre et ensuite il a fallu vérifier le profil de Thomas Cazenave qui a récupéré le poste », explique un acteur de premier plan de ce puzzle géant. « Le pire, c’est que tout ça n’a même pas de sens politique et qu’ils sont tous en CDD », conclut une conseillère qui a fait ses cartons. Lunaire.
4. Emmanuel Macron, l’imprévisible : dans le secret de ses décisions
Est-ce l’orgueil ou le doute qui pousse le chef de l’Etat à ne jamais anticiper et à arbitrer, le plus souvent, dans le dernier quart d’heure ? Souvent, sans prévenir personne. Et faisant parfois prendre à son quinquennat des virages inédits.
DANS L’HEBDO DU 13 JUILLET Par Laureline Dupont
C’est presque la marque de fabrique d’Emmanuel Macron : changer le scénario dans la dernière ligne droite
De l’air, de l’espace ! Ce soir d’avril 2023, Emmanuel Macron veut laisser derrière lui le 49.3 maudit, les retraites, les grèves, les maladresses et retrouver l’oxygène qui ces derniers temps lui a tant fait défaut. Lui qui déteste se sentir entravé étouffe depuis que le pays tout entier et les oppositions paraissent se coaliser pour l’empêcher de renouer avec sa « capacité d’action », marotte macronienne. L’après-midi, longtemps, avec ses conseillers, il a mâché, remâché le script de son allocution qui sera diffusée à 20 heures ce 17 avril. Première prise, ça tourne. C’est net, fluide. Mais surprenant ? Bof. Les jours précédents, certains ont osé cette mise en garde : « Il ne faut surtout pas que les gens aient le sentiment qu’il ne se passera rien, que nous ne tirons aucune leçon des semaines écoulées. »
Le propos ne peut être tiède, or, pour l’heure, il manque de brillance. On sollicite les uns – les présents -, les autres – les absents : quelqu’un aurait-il une illumination ? Quand Napoléon surgit. C’est un ancien conseiller élyséen qui, sollicité en urgence, suggère : « Il faut créer une séquence, esquisser un temps de relance, d’ici au 14 juillet, il y a à peu près cent jours… Pourquoi ne pas avoir un cap de cent jours ? Les journalistes aiment faire un bilan, ils scrutent les cent premiers jours du quinquennat, là, ça permettrait de récupérer du rythme et du souffle. » Heureusement, Emmanuel Macron n’est ni superstitieux ni modeste, peu de doute qu’il réussira là où l’autre a échoué. L’heure est venue d’oublier Waterloo. Les « cent jours d’apaisement, d’unité, d’ambition
5. Remaniement – le bal des pantins
Jonathan Frickert CONTREPOINTS 25 juillet 2023
Le recours fréquent à des remaniements ministériels par le président Macron jette une lumière crue sur la dérive présidentialiste du pouvoir et la dévaluation des responsabilités ministérielles
« Lorsqu’un président nomme quelqu’un ministre, il le fait parce qu’il pense que c’est bon pour son pays, pas pour en faire son obligé. »
Prononcée dans le cadre d’un entretien au groupe de presse Ebra paru le 22 avril 2016, cette phrase semble être celle d’un homme confiant dans un exécutif composé de personnalités fortes et aptes à représenter quelque chose dans le paysage politique national. Or, le fait est qu’elle fut prononcée par celui qui est aujourd’hui un des chefs d’État les plus autocrates que la France ait connu : Emmanuel Macron.
À l’époque, la phrase avait fait polémique. Dans le contexte du lancement d’En Marche, beaucoup voyaient les prémisses du futur coup de poignard dans le dos de François Hollande.
Amorçant un « retour du politique » pour le porte-parole du gouvernement Olivier Véran, ce remaniement marque surtout la fin de la fonction ministérielle comme autre chose qu’un écran de pions destinés à garantir la stabilité politique du président de la République.
Un gouvernement de continuité
En faire un non-événement. C’est sans doute ce qu’avait en tête le président de la République lorsqu’il a fait annoncer ce remaniement par communiqué envoyé par le secrétaire général du Palais Alexis Kohler dans l’après-midi de jeudi. Entre un mercredi consacré aux JO de Paris et un vendredi essentiellement porté par un déjeuner avec le président chilien et complété par une allocution en conseil des ministres, le chef de l’État a semble-t-il épousé une étonnante sobriété en matière de communication.
Maintenant, sans surprise, sa Première ministre maintenue dans ses fonctions, Emmanuel Macron a placé cette nouvelle mouture de Borne II sous les drapeaux de la continuité.
La fin d’une société civile évanescente
Exit Klein, Carenco, Darrieussecq, El Haïry, Rome, N’Diaye, Braun, Combe et Schiappa.
Les neuf ministres ont été remerciés ce jeudi par le chef de l’État. Si beaucoup de noms ne parleront pas aux Français, on ne peut oublier Jean-François Corenco, désormais ex-ministre des Outre-mer qui n’a pas su convaincre ses administrations, mais aussi, et surtout Pap N’Diaye et François Braun, évanescents ministres de l’Éducation et de la Santé, qui ont incarné une certaine société civile qui n’a pas su faire entendre sa voix au sein du gouvernement.
Il en est de même pour celui qui fut jusqu’à jeudi ministre des Solidarités, Jean-Christophe Combe, après un an de fonction. Le successeur de l’ex-LR Damien Abad aurait notamment payé son manque d’aisance à l’Assemblée.
Enfin, emportée par sa pose en couverture du magazine de charme Playboy et la polémique autour du fonds Marianne, Marlène Schiappa est sans surprise écartée de l’exécutif.
Des nominations déjà polémiques
Bonjour Agresti-Roubache, Vigier, Vergriete, Cazenave, Khattabi, Thevenot, Couillart, Bergé et Rousseau.
Parmi eux, huit ont été jusqu’à leur nomination députés de la majorité, dont certains sont des proches personnels du président de la République, comme Sabrina Agresti-Roubache, productrice de cinéma, députée des Bouches-du-Rhône et nouvelle ministre chargée de la Ville.
Sur les huit autres, certains font déjà l’objet de polémiques, à la manière de Philippe Vigier, remplaçant de Jean-François Corenco et attaqué par 18 députés ultramarins issus de la gauche dans un communiqué commun, reprochant le mépris du nouveau locataire de l’hôtel de Montmorin.
De son côté, Fadila Khattabi, ancienne professeure d’anglais encartée durant 13 ans au Parti socialiste, fait face à la remontée d’une condamnation aux prud’hommes le 23 juindernier pour non-paiement d’heures supplémentaires d’une ex-collaboratrice parlementaire.
Nouveau ministre de la Santé, Aurélien Rousseau fait face, lui, à une controverse sur sa conjointe. L’ancien directeur de cabinet d’Élisabeth Borne à Matignon et patron de l’ARS Île-de-France durant le covid est marié à Marguerite Cazeneuve, sœur et fille de deux députés Renaissance et directrice déléguée à l’offre de soins de la Caisse Nationale d’Assurance Maladie depuis mars 2021.
Si l’administration a rapidement donné son feu vert et que le ministre a accepté d’office de se déporter de toute décision concernant le Cnam, cette polémique amène à s’interroger sur la plénitude de fonctions du nouveau ministre.
Un marchepied pour Attal
Mais la nomination la plus audible reste sans doute celle de Gabriel Attal qui remplace Pap N’Diaye à l’hôtel de Rochechouart, lieu qu’il retrouve après avoir été secrétaire d’État entre 2018 et 2020. Ce fils d’un producteur de cinéma et conjoint du secrétaire général du parti présidentiel de seulement 34 ans est aujourd’hui l’étoile montante de la Macronie, au point que certains se prennent à voir dans son parcours des similitudes avec son mentor et des signes d’un possible avenir présidentiel.
Il faut dire que l’ex-apparatchik socialiste altoséquanais est pour l’aile gauche de la majorité ce que Gérald Darmanin est pour son aile droite : un mini-Sarkozy aux dents longues et au verbe fort et qui sera désormais chargé d’apporter une réponse aux émeutes qui ont frappé le pays fin juin.
Une promotion qui tranche avec un esprit de cour illustrant l’incroyable vide de la Macronie en matière de personnalités capables d’incarner la majorité en dehors du Prince.
Le retour de l’esprit de cour
Beaucoup voient dans ce remaniement la fin du gouvernement des experts, et donc d’une certaine forme de technocratie. En réalité, il n’est rien d’autre que le retour de l’esprit de cour dont Aurore Bergé est l’incarnation la plus pure.
Outre la promotion des fidèles, c’est l’hyperconsommation de ministres par l’exécutif depuis 2017 qui le prouve le mieux.
Des ministres jetables
Avec 41 membres tous statuts confondus, cette nouvelle mouture du gouvernement Borne II fait passer de 98 à 106 le nombre de ministres nommés par Emmanuel Macron depuis le 14 mai 2017, date d’investiture du président de la République.
106 ministres en 6 ans, cela fait plus de 17 ministres nommés par an et 1,43 par mois, soit un record sous la Cinquième République. Parmi les huit présidents qui se sont succédé depuis 1958, Emmanuel Macron obtient la médaille d’or en termes de nombre de ministres nommés, avec seulement trois membres toujours en place depuis 2017 : Borne, Darmanin et Le Maire.
Ce problème de stabilité a d’ailleurs été dénoncé par des associations féministes lors des premières rumeurs sur le départ de leur ministre de tutelle, Isabelle Rome.
Des fonctions ministérielles amorphes
Difficile de ne pas analyser élyséeologiquement cette tendance de fond comme un délitement de la figure ministérielle concomitante à l’accroissement de la centralité de la présidence de la République dans l’exécutif et dans les institutions françaises en particulier.
Avec l’accroissement du présidentialisme français, la fonction de déterminer et de conduire la politique du pays, originellement dévolue au gouvernement en vertu de l’article 20 de la Constitution, s’est peu à peu déportée vers l’Élysée. Outre des fonctions de direction de leurs administrations, les ministres servent politiquement d’écran entre l’Élysée et les parlementaires. C’est précisément cette fonction que semble laisser Emmanuel Macron à l’exécutif.
Le président de la République privilégie ici la loyauté, l’instabilité et l’image plutôt que la compétence et une réelle vision stratégique.
La présence d’une large majorité de parlementaires lors de ce remaniement est le cruel témoignage de ce qui ne saurait être autre chose qu’un bal de pantins.
6. Emmanuel Macron et le risque de la déception, un refrain entonné depuis son premier quinquennat
Le chef de l’État pourrait être tenté de dégainer un nouvel outil ou une énième méthode pour trouver des réponses à l’embrasement des banlieues. Un rituel, depuis 2017, souvent vecteur de déceptions.
Par Anthony Berthelie HUFFPOST
POLITIQUE – Décevant : se dit de quelqu’un qui déçoit, cause une désillusion, ne répond pas aux espoirs de quelqu’un. Se dit d’Emmanuel Macron ? Élu sur la promesse d’une Révolution politique, son livre programmatique en 2017, le chef de l’État jalonne sa présidence d’initiatives singulières, des Conventions citoyennes au Conseil national de la Refondation. Mais pour quel résultat ?
Six ans plus tard, les séquences se suivent et se ressemblent. D’abord, le président de la République propose à des Français, experts, citoyens, anciens ministres ou élus, de plancher sur un sujet et d’écouter leurs doléances, pour en faire une politique publique. Puis, les intéressés bûchent, proposent leurs solutions sous forme de rapport, de plan ou d’inventaire, que ce soit sur les questions climatiques, les enjeux liés au logement ou à la santé. Enfin, beaucoup se disent déçus du résultat et du passage par le tamis présidentiel.
Tel apparaît le théorème macroniste, en contradiction avec les ambitions de transformation affichée et répétée par Emmanuel Macron depuis son arrivée au pouvoir. À l’approche du 14 juillet qui referme la période de « 100 jours d’apaisement » qu’il avait promis, le président de la République risque d’être tenté de dégainer un énième « outil », une nouvelle « méthode », pour sortir de la crise liée aux émeutes dans les quartiers populaires. Le risque : attiser des ressentiments qui lui sont déjà revenus comme un boomerang.
De l’humiliation de Borloo sur les banlieues…
Jean-Louis Borloo en sait quelque chose. Au printemps 2018, l’ancien ministre de Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy présente le rapport qu’Emmanuel Macron lui a demandé sur les banlieues, fruit de huit mois de travail. Point notable : les propositions du centriste approchent le quasi-consensus, son travail – 164 pages, 19 programmes – est salué par de nombreux responsables, de droite comme de gauche.
François Baroin, le patron des maires de France à l’époque « soutient pleinement » un rapport qui « contient d’excellentes choses. » Très enthousiaste, le maire communiste de Grigny (Essonne), Philippe Rio appelle Emmanuel Macron à « tout reprendre, la totalité des recommandations. » Pour ne citer qu’eux.
Patatras, le chef de l’État finit par récuser le rapport. Il explique, à l’Élysée, que « deux mâles blancs » ne peuvent comprendre les solutions pour les quartiers défavorisés, devant un parterre d’acteurs du dossier médusés. Une phrase, synonyme d’abandon en rase campagne, qui revient immanquablement dans le débat aujourd’hui après les émeutes dans les quartiers populaires inédites dans leur vigueur et leur étendue géographique.
À l’époque, Jean-Louis Borloo avait encaissé cette humiliation publique… Avant d’éreinter le chef de l’État quelques jours plus tard en critiquant sa conception de la politique propice à la séparation des « nouilles » avec le « gratin. » En d’autres termes, la désunion sociale.
… à la « colère » de Bédague sur le logement
Cinq ans plus tard, les mots sont différents… Mais son émettrice les rend tout aussi cinglant : Véronique Bédague expose son amertume sur le plateau de Quotidien le mardi 6 juin. L’ancienne directrice de cabinet de Manuel Valls, chargée par Emmanuel Macron de copiloter le CNR sur le logement (le conseil national de la refondation) comme présidente de Nexity, se dit « maussade », « grognon » et « peut-être même en colère » au lendemain des conclusions rendues par la cheffe du gouvernement.
« Ce sont des petites mesures qui ne vont pas débloquer les problèmes du logement (…) la crise extrêmement violente », explique celle qui, un an plus tôt, faisait partie de la courte liste des premières ministrables crédibles, avec Élisabeth Borne et Catherine Vautrin. À ses côtés sur TMC, Christophe Robert, le patron de la Fondation abbé Pierre, enfonce le clou.
« Le président de la République nous a dit qu’il voulait changer de mode de gouvernance, c’était sa campagne de 2022. Si on nous propose de coanimer le CNR Logement, c’est pour avoir des résultats, pour qu’il y ait une grande ambition, pas pour qu’il y ait des mesurettes », fulmine-t-il, manifestement agacé par la traduction politique décevante à ses yeux de ce travail de 7 mois pour lequel « tous les acteurs étaient alignés. »
« Depuis le 1er quinquennat, rien n’a changé. (…) Il reste convaincu que les corps intermédiaires ne servent à rien »
Un participant au CNR Santé
Toute ressemblance avec un événement passé peut-elle ainsi paraître fortuite ? Pas vraiment, à en croire certains de ces acteurs qui participent aux travaux demandés par le président. « Depuis le 1er quinquennat, rien n’a changé et depuis le second n’en déplaise à sa promesse de changer de méthode, il reste convaincu que les corps intermédiaires ne servent à rien », analyse l’un des participants de poids au CNR sur la Santé auprès du HuffPost.
Entre-temps, les griefs et les déceptions se sont accumulés au fil des initiatives présidentielles. Il faut dire qu’elles sont nombreuses. En ce sens, le devenir des cahiers de doléances, lancés après la fronde des gilets jaunes, est assez éclairant. Le président de la République décide, en 2018, de proposer aux Français de s’exprimer en mairie ou en préfecture, par écrit, pour prendre le pouls des réformes à venir. Ils sont très nombreux à y croire et à se prêter au jeu.
De quoi déboucher sur un grand projet ? Une loi ? Une consultation ? Ou ne serait-ce qu’un rapport gouvernemental ? Rien. Bien malin celui qui sait ce qu’il a été fait de ces 16 337 contributions (récoltés dans 10 000 mairies différentes). Au contraire, nombreux sont ceux qui déplorent l’opacité autour de ces documents, morceau d’histoire contemporain très difficile à obtenir, comme vous pourrez le voir dans la vidéo ci-dessous.
La parole des citoyens oubliée
Au printemps dernier, un collectif de chercheur s’est même fait le relais des revendications de l’association « rendez les doléances » dans une tribune publiée dans les colonnes du Monde. Tout en saluant la multiplication des « initiatives portant la démocratie délibérative comme modèle », ces universitaires regrettent qu’elles « perdent malheureusement de leur substance puisque la parole donnée par les citoyens n’est finalement pas écoutée. »
Au rayon des promesses déçues, il est un autre moment marquant dans la présidence Macron : la Convention citoyenne pour le Climat. Le président de la République installe 150 Français tirés au sort en octobre 2019, après le « grand débat » et leur demande de plancher sur des mesures structurantes « pour parvenir, dans un esprit de justice sociale, à diminuer d’ici 2030 les émissions de gaz à effet de serre de la France d’au moins 40 %. » Il assure alors qu’il reprendra leurs propositions « sans filtre » .
L’initiative, appréciée par les principaux concernés, les défenseurs de la démocratie participative, et une large part de la classe politique débouche sur une centaine de propositions et une vive amertume. Les participants reprochent à l’exécutif d’avoir raboté l’essentiel de leurs idées et affichent leur mécontentement en attribuant au chef de l’État la note de 3,3 sur 10 à l’issue de la séquence. Rude… Pour lui, et sa crédibilité politique.
Quatre ans, et de nouvelles crises plus tard, il n’est sans doute pas étonnant de voir que 76 % des Français jugent Emmanuel Macron incapable de trouver les réponses adéquates à l’embrasement des banlieues. Un chiffre mesuré au début du mois par YouGov pour Le HuffPost, délicat à appréhender pour le chef de l’État à l’orée de ses quatre dernières années de mandat. La déception laisse toujours des traces.
7. Lost in the air – Confidences dans l’avion : Emmanuel Macron promet «une initiative politique d’ampleur» avant la fin août
Le «Figaro Magazine» publie ce mercredi 2 août les propos du Président recueillis dans l’avion au retour de sa virée dans le Pacifique. Il revient sur les émeutes, appelle à ne pas faire d’amalgame entre immigration et intégration et précise les contours de l’initiative politique qu’il compte lancer avant la fin de l’été.
2 août 2023 LIBÉRATION
Entre Nouméa et Paris, le président de la République a livré à bord de l’Airbus A 320 ses analyses au journaliste du Fig Mag, qui les publie ce mercredi 2 août. Malgré des «zones de turbulence», quelques «secousses à l’atterrissage» et le suivi en live de la crise au Niger, Emmanuel Macron revient longuement sur les émeutes urbaines de la fin juin, le projet de loi immigration, la suite de l’action du gouvernement à la recherche de majorités relatives à l’Assemblée. Et précise sa promesse d’une «initiative politique d’ampleur» pour «faire nation».
L’ordre, l’ordre, l’ordre ?
Le Président entend «remettre» de l’«autorité démocratique», de l’«autorité à l’école» et de l’«autorité parentale»face au «délitement de la famille». C’est ainsi qu’Emmanuel Macron est revenu sur son très cryptique tryptique «l’ordre, l’ordre, l’ordre», martelé lors de son interview du 24 juillet en duplex de Nouméa sur France 2 et TF1. «On ne peut pas faire nation si on n’a pas confiance dans la parole publique, si on n’a pas confiance dans les autorités, dans ses parents, dans ses maîtres, lance-t-il. L’ordre ne se réduit pas à sa pointe immergée, la police et la justice», affirme le président de la République.
Les émeutes, la sociologie de leurs auteurs, les solutions
Pour Emmanuel Macron, ces émeutes ont révélé «une crise de civilisation» et «un dérèglement dans nos sociétés». L’une des causes selon lui : les réseaux sociaux qui «créent des meutes», «suppriment l’autorité» et accélèrent la «décivilisation». Le Président assume de ne pas avoir réagi pendant la crise, «parce que dans les moments d’émotion, on est sommé de choisir son camp», dit-il. Avant de donner son analyse du profil des personnes interpellées. «Près de 75 % des jeunes déférés à la justice étaient à l’aide sociale à l’enfance, soit des jeunes de familles monoparentales, sans compter les mineurs non accompagnés, mais ceux-ci étaient très peu nombreux dans les émeutes. C’est un immense défi pour nous parce que c’est la société de demain», pointe le chef de l’Etat.
Pas question de «supprimer les allocations familiales» comme le défendent Les Républicains. Cette proposition «idéologise le débat» et risquerait même «d’aggraver le problème», juge-t-il. Pour lui, la solution est la suivante : «On doit accompagner ces familles, donner beaucoup plus de moyens, mieux les préparer, et en même temps les responsabiliser.» Avec des politiques de sanction lorsque les parents sont «vraiment dans l’irresponsabilité».
Ne pas confondre immigration et intégration
Face à ceux qui pratiquent l’amalgame entre l’immigration et les émeutes, le président de la République appelle à «ne pas confondre immigration et intégration» tout en reconnaissant que le pays a «très clairement un problème d’intégration». «Ces émeutes ne sont pas un sujet d’immigration actuelle. C’est un sujet plus large de difficultés de certaines villes, de difficultés socio-économiques, de difficultés d’intégration dans certains cas et de fonctionnement de la démocratie à l’heure des réseaux sociaux», affirme-t-il.
Avant de souligner qu’en regardant les choses de manière «lucide», «90 % des personnes interpellées sont des Français. Après, on n’a pas de statistiques ethniques dans notre pays. Il y a des Français issus de l’immigration, d’autres qui ne sont pas issus de l’immigration».
Une «initiative politique d’ampleur» avant la fin de l’été
«C’est un temps nouveau qui doit s’ouvrir dans la vie du pays. J’ai été élu sur une promesse d’émancipation, de modernisation de la France, d’éclater certains tabous. Ce qu’on a fait avec des résultats, surtout sur la partie économique et sociale. Maintenant, on voit bien que quelque chose se joue, qui est de l’ordre non pas du “vivre ensemble”, je n’aime pas ce terme, mais de “faire nation”». Voilà comment le chef de l’Etat détaille la feuille de route de la suite de son quinquennat, appelant à des «actes d’unité». Il a d’ailleurs annoncé prendre «à la fin du mois une initiative politique d’ampleur», invitant les partis d’opposition à rejoindre son projet de «faire nation».Sans en dévoiler plus pour l’instant.
Aucune volonté de «créer des coalitions»selon Macron, mais «d’essayer de réunir autour d’un projet clair et simple tous ceux qui veulent s’y retrouver, sans leur demander d’adhérer à tout», rappelant que la France va accueillir «de grands évènements sportifs» tels que la Coupe du monde de rugby ou encore les Jeux olympiques.
Assemblée nationale: création d’un nouveau groupe fourre-tout et Macron-compatible
Néanmoins, au sujet de la loi immigration dans les tuyaux, Emmanuel Macron se montre inflexible. Face aux menaces de motion de censure notamment de la droite, le Président n’exclut pas un nouveau recours au 49.3 afin de faire adopter sa loi. «Je ne veux pas être bousculé par des majorités de fortune ou des blocages […] J’utiliserai ce que la Constitution me permet de faire», avertit le chef de l’Etat.
Au sujet de sa première ministre Elisabeth Borne, le président de la République se fait un poil plus chaleureux que lors de ses précédentes interventions télévisées. Il salue une femme «de très grande qualité, courageuse», rappelant qu’il a «choisi [ses] trois premiers ministres […]» et que ces derniers ont bénéficié de sa«confiance de la première à la dernière seconde» de leur séjour à Matignon.
Emmanuel lost in the air ?
Un peu down Macron ? Ou est-ce l’effet de l’altitude ? Avant de se poser à Brégançon où il prend des vacances au bord de la Méditerranée depuis le 29 juillet, le président de la République a employé moult expressions «teintées de pessimisme», s’inquiète le journaliste du Fig Mag, fort compatissant (et plein de gratitude pour l’Elysée qui lui a accordé cet entretien au long en exclu). Tout au long de ses échanges, le chef de l’Etat s’est alarmé de «ces sociétés modernes et postmodernes», qui ont selon lui «affaibli des structures qui rassuraient» telles que «la famille» et «les religions». Le procès en mépris qu’on lui fait ? Pour lui, rien d’autre que l’expression d’un consumérisme politique. «Le danger, c’est qu’on entre dans une société où, au fond, chacun est victime de quelque chose, et ce qu’il vit est irréductible, irreprésentable, et donc intraitable. J’ai beaucoup de défauts, parfois je m’emporte. Mais je ne crois pas du tout être méprisant. Je ne l’ai jamais été.» Si lui-même le dit.
8. Émeutes liées à la mort de Nahel : Macron promet une « réponse immense », un mois après
03/08/2023 08:32Par Anthony Berthelier LE HUFFPOST
Le président de la République s’est exprimé dans « Le Figaro » sur les émeutes qui ont touché la France début juillet. Elles sont la preuve, selon lui, d’une forme de « décivilisation » ; mais le président refuse de les lier aux enjeux migratoires.
La poussière est retombée, Emmanuel Macron peut s’exprimer. Un mois après les émeutes qui ont secoué de nombreuses villes à travers le territoire, à la suite de la mort du jeune Nahel, tué par un policier à Nanterre, le président de la République a pris la parole en longueur face à des journalistes du Figaro Magazine. Dans un article publié ce mercredi 2 août, le président se livre à une analyse et à des commentaires qu’il avait rechigné à faire jusqu’à présent.
C’est entre Nouméa et Paris, en marge de son voyage officiel dans le Pacifique fin juillet que le chef de l’État s’est confié, après avoir donné l’impression de tergiverser pour clore la fameuse période des « 100 jours d’apaisement. » « Je me suis gardé de réagir à chaud. (…) Parce que dans les moments d’émotion, on est sommé de choisir son camp. Et donc on dit toujours des bêtises », a-t-il ainsi fait valoir, avant de révéler son diagnostic et une partie du traitement, entre « en même temps » et retour à « l’autorité »dans de nombreux aspects.
« C’est la société de demain »
Concernant le profil des émeutiers, d’abord. « Près de 75 % des jeunes déférés à la justice étaient soit à l’aide sociale à l’enfance, soit des jeunes de familles monoparentales, sans compter les mineurs non accompagnés », détaille le président de la République, en évoquant « la société de demain. »
Selon lui, ces nuits de violences ont montré un « dérèglement dans nos sociétés », une « décivilisation » qui serait encouragée par des réseaux sociaux qui « créent des meutes » et « suppriment l’autorité », toujours selon les mots relayés par Le Figaro. Une vision, et des responsables que le locataire de l’Élysée pointait déjà du doigt au plus fort de la crise. Pour lui, la réponse à apporter est donc « immense. »
Elle doit se faire, malgré tout, sur deux jambes à en croire les mantras présidentiels. « Je ne veux pas choisir », entre la réponse sociale et la réponse sécuritaire, a ainsi soufflé Emmanuel Macron lors de cet entretien : « On doit accompagner ces familles (…), et en même temps les responsabiliser ».
En d’autres termes, le chef de l’État veut mettre en place des politiques de sanction quand les parents « sont vraiment dans l’irresponsabilité »,mais sans toucher aux allocations familiales. Une sorte de fin de non-recevoir adressée à la droite qui a fait de ce sujet son cheval de bataille.
Autorité, autorité chérie
À quoi faut-il donc s’attendre ? Le président de la République n’en a pas dit davantage sur les réponses qu’il entend fournir. Il a simplement détaillé le triptyque « ordre, ordre, ordre », qu’il avait lancé depuis Nouméa, dans les journaux télévisés de 13 heures. Il sera donc question de « remettre » de l’« autorité démocratique », de l’« autorité à l’école » et de l’« autorité parentale » face au « délitement de la famille. »
Une chose est sûre, toutefois, Emmanuel Macron refuse de lier les émeutes dans les banlieues aux enjeux migratoires, comme le fait allégrement la droite, son extrême et certains membres de sa propre majorité. « Quand on regarde les choses de manière lucide, 90 % des personnes interpellées sont des Français », explique-t-il.
En clair, la droite aurait tort d’attendre de lui qu’il change son projet initial sur l’immigration au regard des événements après la mort de Nahel. « Nous avons toujours été un pays d’immigration et nous continuerons de l’être », réplique-t-il dans Le Figaro, quitte à épaissir le flou qui plane au-dessus de son gouvernement. Les Républicains répètent effectivement leur intention de déposer une motion de censure si le gouvernement passe en force avec un projet qu’ils jugent « laxiste ». Un nouveau 49.3, donc, qu’Emmanuel Macron n’exclut pas.