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ÉTÉ STUDIEUX AVEC METAHODOS – LES « ISME » DE LA PENSÉE – PLATON, ARISTOTE ET «LA VIE BONNE» (PARTIE 5)

Ces mots en “isme” qui organisent nos pensées

Série d’été. Depuis l’idéalisme de Platon jusqu’au post-humanisme évoqué par certains aujourd’hui, l’histoire de la philosophie est caractérisée par l’apparition régulière de mots en “isme” qui sont autant de manières de se représenter ou de structurer les choses. Cette série d’été, à retrouver chaque mardi dans La Libre, a pour objet d’en définir les principaux et de les mettre en perspective.

PRÉCÉDENTES PUBLICATIONS :

ÉTÉ STUDIEUX AVEC METAHODOS – ABSTRACTION, SPÉCULATION, ACTION (PARTIE 4). https://metahodos.fr/?p=63821

ÉTÉ STUDIEUX AVEC METAHODOS – LES « ISME » DE LA PENSÉE : DOGMAT… SCEPTIS… RELATIV… (PARTIE 1). https://metahodos.fr/2023/08/16/1-7-isme/

ÉTÉ STUDIEUX AVEC METAHODOS – LES « ISME » DE LA PENSÉE : REAL… IDEAL… SPIRITUAL… (PARTIE 2).  https://metahodos.fr/2023/08/17/2-7/

ÉTÉ STUDIEUX AVEC METAHODOS – LES « ISME » DE LA PENSÉE : LA « QUERELLE DES UNIVERSAUX » (PARTIE 3) https://metahodos.fr/2023/08/18/3-7/

ARTICLE

La philosophie peut-elle vous mettre sur le chemin de la vie bonne ?

Publié le 08-08-2023 LA LIBRE B Par Luc de Brabandere et Anne Mikolajczak, philosophes

Dans le sillage de Platon et Aristote, trois courants ont apporté des réponses différentes à cette question universelle.

Ces mots en “isme” qui organisent nos pensées

Depuis l’idéalisme de Platon jusqu’au post-humanisme évoqué par certains aujourd’hui, l’histoire de la philosophie est caractérisée par l’apparition régulière de mots en “isme” qui sont autant de manières de se représenter ou de structurer les choses. Cette série d’été, à retrouver chaque mardi dans La Libre, a pour objet d’en définir les principaux et de les mettre en perspective.

Le bonheur d’être soi ; Libérez votre énergie ; La pensée positive ; Trouver son chemin de vie ou encore Comment se faire des amis… On ne compte plus le nombre de livres de « développement personnel » qui sortent chaque année avec succès en librairie. Plusieurs auteurs prétendent même renouer ainsi avec ce que nous recommandent les « sagesses antiques ». Mais les philosophes de l’époque seraient un peu surpris de lire les textes publiés aujourd’hui…

Retour aux sources

Dans le sillage de Platon et Aristote, trois courants ont apporté autant de nouvelles réponses différentes à la question de savoir ce que serait une « vie bonne ».

Apparus les premiers, les cyniques étaient des marginaux qui décidèrent de vivre de la manière la plus frugale possible en se détachant des conventions sociales. Leur fondateur, Antisthène, s’habillait comme un laboureur et vécut parmi les pauvres en proclamant qu’il ne voulait ni gouvernement, ni propriété privée, ni mariage, ni religion.

Le représentant le plus emblématique du cynisme est sans conteste Diogène de Sinope qui s’abritait dans une jarre, vivait comme un clochard et se montrait volontiers impertinent. On le qualifiait de kunikos, ce qui veut dire « comme un chien ». À Alexandre le Grand, qui lui proposait de lui donner ce qu’il voulait, il avait répondu : « Ôte-toi de mon soleil » !

Désinvoltes, humbles, anticonformistes, voire anarchiques, les cyniques questionnaient et dénonçaient les normes et les habitudes de la vie en société et méprisaient les honneurs et les richesses. Diogène et ses disciples n’étaient pas cyniques dans le sens où on l’entend aujourd’hui. Se réclamant de Socrate, ils n’étaient ni immoraux ni dédaigneux. Seule comptait pour eux la distinction entre les valeurs importantes et celles qui ne le sont pas.

Un peu plus tard, l’école stoïcienne fondée par Zénon de Citium s’appuiera sur l’idée d’un univers cohérent régi par un esprit divin à l’œuvre dans la nature tout entière. Dieu et le monde ne font qu’un. Le bien suprême, le bonheur, c’est vivre en harmonie avec soi-même, avec la nature, avec ses semblables, en accord avec la Raison divine qui anime le cosmos. Tous les autres biens doivent nous devenir peu à peu indifférents.

Frères ennemis

Le stoïcisme est une philosophie pour les temps difficiles. Le sage est appelé à se préoccuper des seules choses qui dépendent de lui et à ne pas se soucier de ce qui est hors de sa portée, il est celui qui s’abandonne à son destin sans en être affecté. Le stoïcisme invite chacun à consentir avec dignité au cours naturel des choses (catastrophes, maladies, mort…). Il prône le détachement, la maîtrise de soi, la tempérance.

À la vision panthéiste du monde portée par les stoïciens, Épicure oppose une conception plus matérialiste des choses. L’univers est composé d’atomes et de vide, tout ce qui se passe dans le monde est régi par une nécessité quasi mécanique. Les dieux ne sont donc pas à craindre, pas plus que la mort. Le bonheur réside dans l’ataraxie ou l’absence de troubles physiques et psychiques et nous avons en nous les ressources pour l’atteindre.

Loin de sa réputation faite de bon vin et de farniente, l’épicurisme propose une philosophie de la modération et de la mesure. Il invite le sage à pratiquer une forme d’ascèse en ne cherchant à satisfaire que les désirs naturels et nécessaires. Il trouvera alors son bonheur dans des plaisirs simples, sources de sérénité, comme cultiver son jardin, converser avec un ami ou observer les abeilles. Comme disait Willy Deweert :« Quelques pralines, pas toute la boîte ! »

Tant l’épicurisme que le stoïcisme proposent de chercher la tranquillité de l’âme, mais leurs recommandations divergent sensiblement.

On pourrait les résumer de la manière suivante : le sage stoïcien affronte et surmonte la douleur, le sage épicurien cherche à l’éviter et à souffrir le moins possible. Le sage stoïcien anticipe les coups durs, le sage épicurien s’efforce de ne pas y penser. Le sage stoïcien s’entraîne à dominer les passions, le sage épicurien apprend à composer avec elles. Le sage stoïcien est encouragé à participer à la vie de la cité et à assumer des responsabilités, le sage épicurien est invité à s’en tenir à la vie privée, loin des affaires de l’État, source d’inquiétude.

L’épicurisme est resté la pensée d’un seul homme, contrairement au stoïcisme, repris et enrichi bien plus tard par les penseurs romains Sénèque et Marc Aurèle.

L’utile et l’agréable

Plus près de nous, l’utilitarisme, courant philosophique anglo-saxon initié au XVIIIe siècle par Jeremy Bentham, retrouve l' »hédonisme raisonné » des épicuriens et propose une morale fondée sur la recherche du plus grand bonheur possible pour le plus grand nombre d’individus.

Influencé par l’esprit productiviste de la révolution industrielle, l’utilitarisme s’appuie sur une méthode de calcul des plaisirs et des peines pour assurer les meilleures conditions du bonheur. Newton avait établi les lois de la physique et donné à Adam Smith l’idée de chercher celles de l’économie et à Kant, celles de la morale. À leur suite, Bentham cherche d’une certaine manière à établir les lois de la vie en société sur des bases aussi rationnelles et efficaces que celles de la physique.

L’utilitariste n’est pas un égoïste obtus à courte vue, la réflexion le conduit en effet à découvrir que son bonheur dépend étroitement du bonheur des autres. Il mesure la qualité morale d’une action aux conséquences que l’on peut en attendre, il considère que ce qui est utile est bon et que l’utilité peut être déterminée de manière rationnelle.

Définitions

Le stoïcisme est une tradition philosophique qui a pour but la recherche de la sagesse morale et voit dans la vertu la seule source de bonheur.

L’épicurisme est une doctrine selon laquelle le bonheur est une “absence de troubles” rendue possible par la satisfaction des seuls désirs naturels et nécessaires.

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