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L’ÉDUCATION ET LE PRÉSIDENT : « 20 ANS DE RETARD » ? – UNE EXTENSION BAROQUE DU DOMAINE RÉSERVÉ

6 ANNÉES PERDUES ?

6 ARTICLES ET EXTRAITS SUR L’INITIATIVE PRÉSIDENTIELLE DE L’ÉTÉ

1. « L’éducation, nouveau « domaine réservé » : à quoi joue Emmanuel Macron ? «

2. « Rentrée dès le 20 août pour les élèves en difficulté : Gabriel Attal tempère »

3. « Sur l’éducation, Emmanuel Macron a vingt ans de retard »

4. Emmanuel Macron et l’école : « Un discours sur l’éducation civique, c’est bien, mais cela ne suffit pas. »

5. Emmanuel Macron veut un enseignement «chronologique» de l’histoire, «on le fait déjà» répond un prof

6. Rentrée, décrochage scolaire, refonte des programmes : les souhaits d’Emmanuel Macron pour l’école

LE PRÉSIDENT – QUI N’A JAMAIS MIS AU COEUR DE SA RECHERCHE DE GOUVERNANCE LES ÉQUILIBRES CONSTITUTIONNELS – INVENTE UN NOUVEAU DOMAINE RÉSERVÉ

« Adepte de formules censées faire avancer le schmilblick et même le mammouth, persuadé que sa parole présidentielle est toujours autant performative. Adepte aussi d’une nouvelle lecture de la Constitution : ce qui est important est pour moi, ce qui ne l’est pas est pour les autres. Car tel est le sous-entendu quand on parle de domaine réservé. » EXTRAIT ARTICLE 1

Le président grille la politesse à son ministre en termes de pilotage de l’éducation par une interprétation personnelle et baroque de la Constitution

« Attal renvoie à sa conférence de presse de rentrée, qui aura lieu lundi matin, où il devrait notamment évoquer des aménagements pour les épreuves anticipées du bac et préciser la position du ministère sur le port des abayas à l’école. En n’oubliant pas qu’Emmanuel Macron reste le grand décideur, lui qui, non content de griller la politesse à son ministre en termes de communication de rentrée, estime désormais que l’éducation est son «domaine réservé», dans une interprétation toute personnelle de la Constitution. » EXTRAIT ARTICLE 2

« Rien n’est à la hauteur des enjeux,…Ces mesurettes rappellent ce qu’on faisait il y a vingt ans, alors qu’il faudrait renverser la table. »

« Le président se flatte de son bilan, mais il n’a jamais pris à bras-le-corps les problèmes véritables dont souffre l’école. Par exemple, il refuse de toucher au collège unique, créé en 1975 par Valéry Giscard d’Estaing et René Haby. Or, l’obligation faite aux enseignants de baisser constamment le niveau pour que les plus faibles puissent suivre est au centre de tout. » EXRAIT ARTICLE 3

« L’idée défendue par le président d’un discours sur l’éducation civique est bonne, mais elle ne suffit pas. »

« Il faut prendre en compte la personnalité des élèves, les écouter. C’est bien plus éducatif que de leur lire un grand texte de quelqu’un de très respectable. Supprimer les heures de vie de classe pour boucler les programmes, comme c’est le cas dans de nombreux établissements, me semble être une erreur. C’est un moment d’échange entre tous, enseignants et élèves, qu’il faut préserver. » EXTRAIT ARTICLE 4

« L’histoire doit être enseignée chronologiquement et l’instruction civique, devenir une matière essentielle »…. « Un coup de comm »

« On est irrité, et c’est un mot poli. Ça apparaît soit comme une manipulation de la réalité, soit une incompétence. Les seules fois où il n’y a pas un protocole purement chronologique, c’est lorsqu’on s’intéresse à la chronologie elle-même. En tout début de classe de seconde, il y a un chapitre introductif qui s’appelle la périodisation. » EXTRAIT ARTICLE 5

« Un avant-goût de la conférence de rentrée du ministre de l’Éducation nationale Gabriel Attal ? »

« Alors qu’il présentera la feuille de route du ministère la semaine prochaine, des premières informations ont été lâchées par Emmanuel Macron lors d’une interview accordée au magazine le Point paru le 24 août. Quatre jours avant la prise de parole du nouveau ministre, le 28. » EXTRAIT ARTICLE 6

1. ARTICLE

« L’éducation, nouveau « domaine réservé » : à quoi joue Emmanuel Macron ? «

En indiquant que l’éducation était son « domaine réservé », Emmanuel Macron a pris le risque d’affaiblir, déjà, son ministre Gabriel Attal.

L’éducation semble être le nouveau « domaine réservé » d’Emmanuel Macron.

Par Erwan Bruckert et Eric Mandonnet L’EXPRESS 25/08/2023

Le domaine réservé, « ça n’existe pas », avait l’habitude d’énoncer François Mitterrand. C’est dire si on peut y inclure ce qu’on veut. « Compte tenu des enjeux, l’éducation fait partie du domaine réservé du président », avance dans Le Point Emmanuel Macron.

Adepte de formules censées faire avancer le schmilblick et même le mammouth, persuadé que sa parole présidentielle est toujours autant performative. Adepte aussi d’une nouvelle lecture de la Constitution : ce qui est important est pour moi, ce qui ne l’est pas est pour les autres. Car tel est le sous-entendu quand on parle de domaine réservé. On songe à la Défense et aux Affaires étrangères, deux champs dans lesquels la Constitution de 1958 confère au président des pouvoirs uniques – c’est ainsi qu’il décide seul de l’emploi de la force nucléaire par exemple ou qu’il assure en première ligne la représentation de la France sur la scène internationale.

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2. ARTICLE

« Rentrée dès le 20 août pour les élèves en difficulté : Gabriel Attal tempère »

Le ministre de l’Education, en déplacement dans une école ce vendredi 25 août, se refuse à parler de généralisation et d’obligation pour certains élèves de suivre des remises à niveau fin août, deux jours après les déclarations du Président sur le sujet.

par Elsa Maudet LIBÉRATION

Il s’agit désormais d’assurer le service après-vente présidentiel, exercice pour le moins délicat. Gabriel Attal, le ministre de l’Education, était en déplacement ce vendredi 25 août dans une école de Torcy (Seine-et-Marne) afin de découvrir les stages de réussite pour élèves en difficulté. Des sessions destinées aux enfants et adolescents ayant besoin d’une remise à niveau et réalisées durant les vacances, notamment donc fin août, dont on pouvait déduire (faute d’informations précises) de l’interview d’Emmanuel Macron au Point, mercredi 23 août, qu’il souhaitait les étendre.

Le Président a en effet évoqué une rentrée anticipée de deux semaines pour les élèves en difficulté. Laissant équipes pédagogiques et commentateurs avec plus de questions que de réponses sur ce qu’impliquerait la mesure, alors que ce type de remise à niveau existe déjà depuis plus de trente ans, sous des formes et des appellations qui ont varié au gré des gouvernements.

Attendu sur le sujet lors de son déplacement, Gabriel Attal n’a guère dissipé le brouillard. Si ce n’est en évitant soigneusement de parler de généralisation et d’obligation faite aux élèves identifiés comme en difficulté. «Le sens de ce chantier, c’est de dire qu’on va développer [ces stages de soutien]. La nouveauté, c’est qu’on va investir massivement pour les déployer», s’est-il contenté de répondre à la presse, sans plus de précision.

L’enjeu de la cantine

Le ministre a tout de même reconnu qu’il allait falloir se pencher sur la logistique, notamment concernant la cantine. Deux mères d’élèves spécialement dépêchées pour la visite ministérielle lui ont en effet fait part de leurs difficultés d’organisation, leurs enfants suivant des cours en petit groupe de 8 h 30 à 11 h 30 avant de revenir à l’école à 13 h 30 pour des activités plus physiques et culturelles. Durant les deux heures méridiennes, pas de restauration scolaire, faute de personnel pour l’assurer. Mais les agents de restauration étant embauchés par les collectivités et non par le ministère, on imagine mal ce dernier s’embarquer dans un chantier de révision de leur rythme de travail.

Quant aux professeurs qui assureront ces stages, seront-ils davantage rémunérés qu’actuellement, afin de les inciter à y participer ? Gabriel Attal, soucieux lors de toute sa visite de valoriser le travail des enseignants auprès des élèves comme de leurs parents, rétorque que tout ceci devra être discuté avec les organisations syndicales, leur court-circuitage étant peu élégant – un moyen de montrer qu’il a tiré des leçons de l’ère Jean-Michel Blanquer, l’ex-occupant de la rue de Grenelle ayant pris l’habitude faire ses annonces dans la presse.

Pour le reste, Attal renvoie à sa conférence de presse de rentrée, qui aura lieu lundi matin, où il devrait notamment évoquer des aménagements pour les épreuves anticipées du bac et préciser la position du ministère sur le port des abayas à l’école. En n’oubliant pas qu’Emmanuel Macron reste le grand décideur, lui qui, non content de griller la politesse à son ministre en termes de communication de rentrée, estime désormais que l’éducation est son «domaine réservé», dans une interprétation toute personnelle de la Constitution.

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3. ARTICLE

« Sur l’éducation, Emmanuel Macron a vingt ans de retard »

ENTRETIEN. L’essayiste Jean-Paul Brighelli, auteur de « La Fabrique du crétin », juge sévèrement les propositions d’Emmanuel Macron.

LE POINT Par Géraldine Woessner. Publié le 24/08/2023

Publié en 2005, son essai La Fabrique du Crétin avait fait l’effet d’une déflagration. L’enseignant Jean-Paul Brighelli y dénonçait la faillite du système éducatif français, annonçant la mort programmée de l’Éducation nationale. Dix-huit ans après, il publie L’École à deux vitesses, chez L’Archipel, constatant avec amertume que loin de s’améliorer, la situation s’est tendue au point de conduire l’école au bord du point de rupture. Non seulement l’écart entre établissements favorisés et défavorisés n’a pas diminué, mais il s’est creusé au point de s’éloigner de tous les standards, le niveau des élèves français en calcul et en compréhension écrite atteignant les bas-fonds.

Dans la longue interview qu’il accorde au Point, Emmanuel Macron consacre le redressement de l’Éducation comme une priorité politique cardinale. « L’école est devenue un sujet régalien. C’est dans les salles de classe que se murmure la France et que s’apprennent nos valeurs », avance le chef de l’État, qui estime que, « compte tenu des enjeux », « l’éducation fait partie du domaine réservé du président ».


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Mais son bilan (dédoublement des classes en CP-CE1, réforme du lycée professionnel, du bac…) comme ses nouvelles propositions (demi-heure de sport obligatoire chaque jour, renforcement de l’éducation artistique culturelle, vacances écourtées pour les décrocheurs…) laissent Jean-Paul Brighelli de marbre. « Rien n’est à la hauteur des enjeux, juge-t-il. Ces mesurettes rappellent ce qu’on faisait il y a vingt ans, alors qu’il faudrait renverser la table. » Entretien.

Le Point : Quel regard portez-vous sur le bilan d’Emmanuel Macron en matière d’éducation ?

Jean-Paul Brighelli : Le président se flatte de son bilan, mais il n’a jamais pris à bras-le-corps les problèmes véritables dont souffre l’école. Par exemple, il refuse de toucher au collège unique, créé en 1975 par Valéry Giscard d’Estaing et René Haby. Or, l’obligation faite aux enseignants de baisser constamment le niveau pour que les plus faibles puissent suivre est au centre de tout. Il faudrait rétablir rapidement des classes de niveau, en les réorganisant avec moins d’élèves dans les classes les plus faibles. Sous François Hollande, Najat Vallaud-Belkacem avait changé toutes les règles en trois mois. Mais depuis six ans, le gouvernement n’a pas réussi à changer quoi que ce soit !

Les programmes ont un besoin urgent d’être réécrits, en fixant des priorités. En la matière, on atteint aujourd’hui le sommet du burlesque. Emmanuel Macron explique à votre magazine que « ne doivent pas passer en sixième les 20 % d’élèves qui ne maîtrisent pas bien la lecture et l’écriture ». Mais il faut comprendre que dans les établissements les plus défavorisés, le taux de quasi-analphabètes dépasse 40 %. Et on continue à évoquer l’école d’un point de vue jacobin, centralisé, alors qu’il existe une extraordinaire disparité des écoles.

Accueil des enfants dès deux ans, dédoublement des classes dans les zones d’éducation prioritaires, réformes du bac, du lycée professionnel… Depuis 2017, Emmanuel Macron a lancé de nombreux chantiers, visant précisément à réduire ces inégalités. Votre critique n’est-elle pas sévère ?

Mais si vous faites cela sans imposer aux professeurs des écoles des méthodes d’apprentissage de la lecture cohérentes, c’est-à-dire alphasyllabiques, et que vous conservez la méthode semi-globale, ce n’est pas efficace. Ensuite, il promet de mettre le paquet sur le français et les mathématiques. Tout à fait d’accord ! Mais alors, il faut absolument suspendre toutes les matières annexes. Or Emmanuel Macron fait l’inverse, il en rajoute !

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Outre la demi-heure de sport quotidienne et le développement des arts que le président annonce dans Le Point, il est prévu à la rentrée une sensibilisation à l’écologie, une sensibilisation au permis de conduire, une autre à la diététique… C’est extraordinairement chronophage. 50 % du temps scolaire devrait être consacré à l’apprentissage du français et des sciences. On en est loin. Et l’on néglige l’histoire…

Le président souhaite qu’on l’enseigne de nouveau de façon chronologique, et qu’on réintroduise l’instruction civique.

Et bien qu’il change les programmes avant, de façon qu’on ait, sur l’ensemble du primaire et du collège, des programmes qui s’enchaînent d’année en année, et qui ne laissent rien dans l’ombre. Savez-vous que les élèves ignorent à peu près tout de Louis XIV ? J’enseigne en classes préparatoires aux grandes écoles : mes élèves ne connaissent pas la guerre de Trente Ans, la Première Guerre mondiale, à laquelle ait été mêlée la France ! En réalité, ils s’ignorent eux-mêmes. On les inonde de considérations sur les vêtements au Moyen Âge, sans les instruire sur les faits.

Le système est fait pour épargner les “fils et filles de”, et l’on se prive de tous les vrais talents des classes intermédiaires.

Vous faites le constat d’une école à deux vitesses. Voulez-vous dire que les inégalités se sont aggravées ?

Bien sûr. La mixité scolaire devrait être basée sur le talent, pas sur les classes sociales. Lorsque Valérie Pécresse était ministre de l’Enseignement supérieur, en 2009-2010, elle avait imposé aux classes préparatoires 30 % d’élèves boursiers. Il faut généraliser cela à tous les niveaux, et créer de véritables classes de niveau qui permettent à chacun de combler ses manques, ou au contraire de progresser. Le rôle de l’école doit être d’amener chacun au plus haut de ses capacités. On en est très loin.

Actuellement, à force de fixer une barre moyenne, on a sans cesse abaissé cette barre, sauf dans les établissements dans lesquels les élites inscrivent leurs enfants. Le fait que l’ancien ministre de l’Éducation Pap Ndiaye, sortant lui-même d’un assez bon lycée public, ait inscrit ses enfants à l’École alsacienne, temple de l’élitisme, d’où sort d’ailleurs celui qui l’a remplacé, n’est pas un hasard. Cela a permis à Gabriel Attal d’intégrer Sciences Po Paris sur dossier, en dépit d’une scolarité houleuse. Cela n’arrivera pas à « Mohamed », venu de je ne sais où, avec 20/20 de moyenne. C’est un scandale absolument terrifiant.

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Le système est fait pour épargner les « fils et filles de », et l’on se prive de tous les vrais talents des classes intermédiaires, qui font ce qu’elles peuvent pour y arriver. Les jurys de l’ENA se plaignent depuis plusieurs années de la faiblesse des candidats, de leur manque d’imagination et de compétences… Aujourd’hui, ils sont pourtant au pouvoir. Gabriel Attal, dont je ne doute pas de l’excellente volonté, n’a connu toute sa vie que les cabinets ministériels, il n’a jamais travaillé. Il se retrouve pourtant en charge de décider du destin de 12 millions de petits Français. C’est vertigineux.

L’Éducation subit la malédiction du temps long… Les réformes mettent plusieurs années à porter leurs premiers fruits. La revalorisation des salaires des enseignants n’est-elle pas positive ?

Il y a une volonté de ne pas donner moins de 2 000 € par mois à des gens qui commencent à bac + 6. Emmanuel Macron mise sur un gadget assez fonctionnel, le « Pacte », qui permet de relever non pas les salaires, mais ce que gagneront effectivement les enseignants, en rémunération de missions supplémentaires. Mais c’est un faux-semblant de bonus au mérite. Il faudrait au contraire inciter à travailler mieux, pour gagner plus. Par ailleurs, la remise à niveau des enseignants est à peine évoquée. Or ceux qui ont été recrutés depuis quinze ans, compte tenu du poids du pédagogique par rapport au poids du savoir, ne sont plus à même de faire classe à des élèves perdus. On les paie mal, on les recrute n’importe comment, on ne les forme pas… Ce gouvernement a toutes les clés des solutions en main, je ne comprends pas pourquoi il ne les utilise pas.

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Quant à l’idée que l’éducation fait partie du « domaine réservé du président de la République »…, c’est une aberration constitutionnelle. L’enseignement ne devrait même pas être un ministère, mais géré par des gens qui savent, et sont là pour une longue durée.

Je pense qu’il faut avoir le courage de supprimer le bac, qui ne représente plus rien.

C’est de la communication, pour vous ?

Cela y ressemble beaucoup, comme cette volonté affichée de raccourcir les vacances (mais pour les seuls décrocheurs) ou de « reconquérir le mois de juin ». La réforme du bac était intéressante, mais son application fait que les élèves de première et de terminale ne viennent plus à partir de la mi-avril. La « reconquête du mois de juin », c’est un très vieux slogan qui remonte aux années 1980 ! Mais il faut reconquérir avril, mai et juin ! De la même façon, Parcoursup, en sélectionnant en amont du bac, conduit à la démobilisation des élèves.

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Je pense qu’il faut avoir le courage de supprimer le bac, qui ne représente plus rien, de façon à travailler jusqu’à fin juin, donner un certificat de fin d’études, et s’appuyer sur les livrets scolaires des trois dernières années pour l’orientation. Quant aux lycées professionnels… Tout reste à faire ! On propose de rémunérer les stages, d’accompagner plus tôt les élèves vers l’entreprise, mais pour y faire quoi, si les savoirs fondamentaux ne sont pas acquis ? Comment voulez-vous qu’un professionnel soit analphabète ? Peut-on être tailleur de pierre sans savoir calculer un angle ?

Quelle réforme, selon vous, serait prioritaire ?

Emmanuel Macron a vingt ans de retard. La communication et les réformettes ne suffiront plus, il faut renverser la table. Mes 45 ans d’expérience m’ont prouvé que les enfants de riches ne sont pas naturellement plus intelligents que les enfants de pauvres. Le vrai élitisme républicain consiste à donner sa chance à chaque talent, en le montant aussi haut qu’il peut. Emmanuel Macron continue à faire de la com, en essayant de ménager la chèvre et le chou. Si l’on ne veut pas, dans quatre ans, assister à une révolution générale, il faut agir résolument, fermement et radicalement, en régionalisant l’éducation, en donnant aux établissements la possibilité de choisir leurs programmes, de différencier les classes, les budgets. Il faut repenser complètement le système… avant qu’il ne s’effondre. Et il reste peu de temps.

4. ARTICLE

Emmanuel Macron et l’école : « Un discours sur l’éducation civique, c’est bien, mais cela ne suffit pas. »

INTERVIEW. Spécialiste des questions liées à l’enseignement, la sociologue Marie Duru-Bellat analyse les propos d’Emmanuel Macron sur l’éducation.

Propos recueillis par Aurélie Raya. Publié le 26/08/2023 LE POINT

Réfome du temps scolaire et du bac, mixité, recrutement des enseignants… Sociologue spécialiste de l’éducation et des inégalités sociales, autrice de plusieurs ouvrages de référence dont le manuel Sociologie de l’école (éd. Armin Collin), Marie Duru-Bellat a lu avec attention les propositions d’Emmanuel Macron, qui, dans son interview au Point , affirme vouloir faire du redressement de l’Éducation nationale une priorité absolue. Elle y répond ici… et tacle, au passage, l’enseignant et essayiste Jean-Paul Brighelli , qui dénonce la faillite du système scolaire et le manque d’ambition du président en la matière.

Le Point : Que pensez-vous du souhait d’Emmanuel Macron de raccourcir les vacances pour les élèves les plus en difficulté ?

Marie Duru-Bellat : En France, les vacances d’été sont en effet très longues. Les élèves peuvent oublier des acquis pendant ce laps de temps et le redémarrage sera alors plus difficile. Dès lors, l’idée de les raccourcir n’est pas mauvaise en soi, même si les enseignants peuvent se montrer réticents à réduire leur nombre de congés. Il y a un problème, dont profitent des officines privées de type Acadomia qui font faire des révisions aux enfants… ce que tous les parents ne peuvent pas se permettre. Mais comment mettre en œuvre cette politique ? Comment désigner les élèves en difficulté et leur dire qu’ils auront dix jours de vacances en moins ? Quelles seront les écoles qui appliqueront cette mesure ? Les parents ne vont pas forcément tous suivre. Les professeurs non plus.

Que faut-il faire, alors, pour récupérer ce temps scolaire ?

Le reprendre au mois de juin : certains enfants ont alors déjà arrêté de suivre le programme. Faire rentrer tous les élèves une semaine plus tôt. Organiser des révisions différentes, où les plus et les moins avancés n’auront pas les mêmes activités. Il faut que tous les élèves et tous les enseignants aient la même durée de vacances. Donc récupérer du temps scolaire, oui, évidemment, on pourrait ôter quelques jours à la Toussaint ou sur les grandes vacances, mais pour tout le monde, quitte à organiser des activités différentes au sein de l’école.

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Le président défend toujours le collège unique…

Évidemment. Comment faire autrement ? Trier les enfants, mais à partir de quel âge ? Ils seraient pénalisés. Le modèle du collège unique est européen. Personne ne reviendra sur ce dernier, au risque de se mettre à l’écart en Europe. Pourquoi le collège unique connaît-il des difficultés ? Parce que les enfants n’ont pas forcément acquis toutes les bases nécessaires quand ils y entrent. Il faut donc lutter contre l’échec scolaire précoce. Et puis sélectionner les élèves trop tôt n’a pas beaucoup d’avantages. Nicolas Sarkozy voulait mettre des élèves en apprentissage dès 14 ans, les employeurs n’ont pas suivi. Ils sont trop jeunes, pas assez formés.

L’essayiste Jean-Paul Brighelli estime, dans Le Point, que Macron « a 20 ans de retard dans l’éducation » et qu’il faut justement en finir avec le collègue unique, qui abaisse le niveau général des élèves. Qu’en pensez-vous ?

Qu’est-ce que l’on propose pour les enfants de douze, treize ans ? Jean-Paul Brighelli n’est pas un chercheur mais un philosophe polémiste qui ne connaît guère ces questions. Il est certain qu’au collège les élèves affichent des niveaux hétérogènes. Les enseignants peuvent être amenés à adapter le niveau pour un élève moyen. Est-ce grave ? Les bons auront le temps d’être bons, ils resteront longtemps à l’école puis à l’université ou en classes préparatoires, pourquoi cette exigence de précocité absolue ? Des élèves peuvent progresser plus lentement, mais ensemble.

Emmanuel Macron dit vouloir en finir avec l’hypocrisie de 80 % d’une classe d’âge au bac, « car un tiers de nos lycéens sont en lycée professionnel »…

Ce chiffre de 80 % est issu d’une exigence européenne. Sans le bac pro, nous ne l’aurions jamais atteint. Les chercheurs ont observé, par ailleurs, que de plus en plus de jeunes passaient par le bac pro, allaient en BTS, puis rejoignaient un master. Le bac pro peut donc bien être une filière alternative, alors même qu’elle est bien moins considérée chez nous que les filières générales. En France, on développe les études longues sans s’interroger sur ce qu’apprennent les élèves, ce qu’ils vivent. On se satisfait d’indicateurs. On a des objectifs, on est contents de les atteindre, un jeune sur deux suit maintenant un enseignement supérieur. Mais quand on regarde le savoir des élèves, grâce notamment aux enquêtes Pisa, c’est une autre histoire… Nous manquons d’exigence en matière d’évaluation .

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Le métier d’enseignant peine à recruter, à séduire, pourquoi ?

Dans tous les pays, on manque d’enseignants. Cela pose un problème plus vaste, celui de la motivation des jeunes. On manque d’infirmières, de puéricultrices, de médecins… et de professeurs. Aucun des métiers qui exigent un contact avec les autres n’attire. Il n’y a pas là qu’une affaire de salaire, le métier lui-même a perdu en attractivité. Peut-être faudrait-il ne pas placer d’emblée, en début de carrière, des profs inexpérimentés dans des écoles difficiles ? On connait également des problèmes de formation : le pédagogique, la psychologie ne sont pas assez pris en compte.

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Le bien-être n’est pas une question secondaire, sauf en France, où les enseignants sont peu formés à prendre en charge la jeunesse. Le prof de maths est un mathématicien, le prof d’histoire, un historien. Alors traiter les problèmes des adolescents… Qui se soucie de leur éducation dans sa globalité ? À l’école, ils sont enfermés entre quatre murs pour faire de la trigonométrie, par exemple, qu’ils oublieront au bout d’un an. Mais on aura la conscience tranquille. Ce n’est pas comme ça que l’on prend en charge la jeunesse d’un pays. L’idée défendue par le président d’un discours sur l’éducation civique est bonne, mais elle ne suffit pas. Il faut prendre en compte la personnalité des élèves, les écouter. C’est bien plus éducatif que de leur lire un grand texte de quelqu’un de très respectable. Supprimer les heures de vie de classe pour boucler les programmes, comme c’est le cas dans de nombreux établissements, me semble être une erreur. C’est un moment d’échange entre tous, enseignants et élèves, qu’il faut préserver.

5. ARTICLE

Emmanuel Macron veut un enseignement «chronologique» de l’histoire, «on le fait déjà» répond un prof

Selon l’association des professeurs d’histoire et de géographie, l’histoire est déjà enseignée chronologiquement, contrairement à ce que laisse penser Emmanuel Macron dans une interview au Point mercredi.

Par Propos recueillis par Antoine Maes Publié: 25 Août 2023

« L’histoire doit être enseignée chronologiquement et l’instruction civique, devenir une matière essentielle ». Dans la longue interview qu’Emmanuel Macron a accordée au Point, c’est une petite phrase qui a fait bondir certains profs d’histoire-géographie. « Un coup de comm », assure même l’association des professeurs d’histoire et de géographie (APHG). Son vice-président, François Da Rocha Carneiro, est enseignant au lycée Jean-Moulin à Roubaix.

Que pensez-vous de la phrase d’Emmanuel Macron sur l’enseignement « chronologique » de l’histoire ? 

« On est irrité, et c’est un mot poli. Ça apparaît soit comme une manipulation de la réalité, soit une incompétence. Les seules fois où il n’y a pas un protocole purement chronologique, c’est lorsqu’on s’intéresse à la chronologie elle-même. En tout début de classe de seconde, il y a un chapitre introductif qui s’appelle la périodisation. En deux heures, on doit essayer de faire comprendre que le découpage en période est une construction sociale. Qu’il n’y a pas une vérité absolue dans ce découpage, mais que c’est pratique. Le Moyen-Âge n’existe pas, mais en même temps, c’est bien pratique de parler du Moyen-Âge. »

Et selon vous, tout le reste est enseigné de manière chronologique ? 

« On commence en CM1 avec « la France avant la France », et on termine avec la construction européenne en CM2. On reprend en 6e avec la Préhistoire et on termine en 3e avec le 21e siècle. On reprend en seconde avec l’Antiquité et on termine en terminale avec le 21e siècle. Et à chaque fois c’est un ordre chronologique qui est suivi. On le fait déjà, et on revient à chaque fois sur ce qui a été vu de manière adaptée à l’âge, en posant de nouvelles questions. On enseigne des sciences sociales, c’est un regard critique que l’on porte sur des objets qui sont étudiés à partir de sources. Ce n’est pas juste le récit du prof. L’idée d’une Histoire qui serait enseignée sans ordre chronologique, c’est la même chose qu’on peut retrouver en Français avec « on n’apprend plus l’orthographe », ça plaît beaucoup à la droite et à l’extrême-droite. »

Le président veut également que « l’instruction civique devienne une matière essentielle ». Qu’en pensez-vous ?

« Depuis 1969, l’instruction civique n’existe plus. Ce qu’on enseigne c’est l’éducation civique. L’instruction civique, là aussi, ça respire le bon ancien temps. On dit à l’élève « voilà comment il faut penser ». Ensuite, la proposition du président c’est un grand texte par semaine qu’on doit lire sur lequel on va débattre. Mais on n’a qu’une demi-heure par semaine. On va faire des raccourcis et on va priver l’élève de la possibilité de débattre, parce qu’on n’aura pas le temps. Clairement sont des propos partisans, c’est l’instrumentalisation de notre discipline. »

« Il faut que nous refondions les programmes », dit aussi Emmanuel Macron…

« Il y aura certainement un travail autour des programmes, mais ces programmes durent souvent sept ou huit ans, donc il n’y a rien d’exceptionnel. Maintenant, si c’est juste pour apprendre les grands rois et faire du Franck Ferrand ou du Stéphane Bern, c’est sûr que ça nous posera problème. »

6. ARTICLE

Rentrée, décrochage scolaire, refonte des programmes : les souhaits d’Emmanuel Macron pour l’école

Par Marine Ilario, publié le 24 août 2023 L’ÉTUDIANT

Dans une interview accordée au Point, le président de la République a dévoilé son plan sur les questions d’éducation.

Un avant-goût de la conférence de rentrée du ministre de l’Éducation nationale Gabriel Attal ? Alors qu’il présentera la feuille de route du ministère la semaine prochaine, des premières informations ont été lâchées par Emmanuel Macron lors d’une interview accordée au magazine le Point paru le 24 août. Quatre jours avant la prise de parole du nouveau ministre, le 28.

Une rentrée avancée pour les élèves en difficulté ?

Pour Emmanuel Macron, « les inégalités se recréent le soir, le week-end et pendant les vacances. » Après le passage d’évaluations, les élèves identifiés comme étant en difficulté pourraient voir leur rentrée des classes avancée au mois d’août. « Il y a trop de vacances et des journées trop chargées, tranche le président. Les élèves qu’on aura évalués et qui en ont besoin, il faut qu’on puisse les faire rentrer dès le 20 août », précise-t-il.

Une proposition illusoire pour Sophie Vénétitay, secrétaire générale du SNES-FSU(syndicat des enseignants du second degré) qui ironise sur X (anciennement Twitter) : « Il fait 40 degrés sur la moitié du pays, nos bahuts sont des passoires thermiques et il veut faire rentrer les élèves. Quel timing ! »

Le président a également rappelé le souhait de « reconquérir » le mois de juin, pour reprendre les termes de l’ancien ministre de l’Éducation nationale, Pap Ndiaye. Objectif affiché : éviter le décrochage et assurer la maîtrise des fondamentaux.

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Lutter contre le décrochage en 6e

Côté décrochage scolaire, Emmanuel Macron a rappelé les nouveautés qui toucheront le collège à la rentrée : suppression de l’heure de technologie en 6e et renfort du français et des maths, obligation de suivi du dispositif devoirs faits, horaires élargis dans les quartiers en difficulté, etc.

Des dispositifs qui ne pourront fonctionner que si les professeurs absents sont effectivement remplacés. Alors que douze millions d’heures sont perdues à cause des absences non remplacées, le président a réitéré son souhait de voir un enseignant devant chaque classe, allant jusqu’à parler de « responsabilité de l’État ».

Orientation et réforme de la réforme du bac

Les ajustements de la réforme du bac seront précisés la semaine prochaine par Gabriel Attal, avec à la clé une probable modification du calendrier des épreuves du bac. « Sur la réforme du bac […] on ne peut pas avoir d’épreuves aussi tôt dans l’année », a concédé le chef de l’État, tout en précisant que « dans les prochains jours, le ministre annoncera les ajustements que nous déciderons à ce sujet ».

Le président a aussi rappelé l’importance de se pencher sur les questions d’orientation dès le collège avec l’intégration de temps de découverte des métiers dès la classe de 5e. D’ailleurs, selon lui, « dans les métiers qui recrutent le plus, la majorité correspond à la voie professionnelle ».

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Lycées pro et universités, même combat ?

Une voie professionnelle à l’aube de sa réforme dont le président a rappelé les grandes lignes. L’occasion aussi pour lui de dresser un parallèle avec l’université.

« Ce n’est pas vrai que tout le monde a vocation à aller à l’université et qu’aller à l’université est une fin en soi. […] On va faire la transparence pour voir combien vont à l’université, combien obtiennent un diplôme, combien accèdent à un emploi, et travailler à l’évolution de l’offre de formations en fonction des besoins en emploi[…] dans la même logique que pour les lycées professionnels ».

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Refonder les programmes d’histoire et d’éducation civique

Emmanuel Macron souhaite aussi renforcer la formation des enseignants en histoire et éducation civique et propose d’en repenser les programmes. « L’histoire doit être enseignée chronologiquement et l’instruction civique devenir une matière essentielle ».

Un discours qui a fait réagir. L’APHG (association des professeurs d’histoire géographie) se scandalise et parle sans détours de « fake news », voire « d’erreur de lecture des programmes » lorsque le président laisse entendre que les programmes d’histoire doivent être chronologiques. « Ils sont déjà chronologiques », a rappelé, sur France Info, la présidente de l’APHG, Christine Guimonnet

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