
« Rebondissement au CNR : le conseiller de Macron quitte l’Elysée »
TITRE L’EXPRESS DU 28 08 23 QUI POURSUIT :
« Installé par Emmanuel Macron au poste de rapporteur général du Conseil national de la refondation, David Djaïz quitte ses fonctions. Difficile de ne pas y voir un indice de l’engourdissement d’une instance qui n’a pas fait la révolution annoncée par le président.
« Le retour des anciens pour le départ des nouveaux. Ce lundi 28 août, quelques ex-conseillers d’Emmanuel Macron fouleront à nouveau les parquets élyséens pour venir trinquer au temps retrouvé de ceux qui leur ont succédé. Parmi les libérés, le normalien et auteur de « Slow démocratie » David Djaïz, rapporteur général du Conseil national de la refondation et conseiller en charge de ladite structure au sein du cabinet du président depuis… septembre 2022. A peine une année après la mise en place de cette instance… »
ARTICLE
Conseil national de la refondation sur l’éducation : Le Sénat critique une mise en œuvre « désordonnée et peu transparente »
Dans un rapport d’information publié en juillet, trois sénateurs dressent le bilan du projet porté par Emmanuel Macron, qui a permis la création d’un fonds doté de 500 millions d’euros sur le quinquennat pour financer des « projets d’établissement ».
Une « révolution copernicienne ». C’est ainsi que le président de la République, Emmanuel Macron, avait présenté à la rentrée 2022 la déclinaison du Conseil national de la refondation (CNR) au monde de l’éducation, baptisée « Notre école, faisons-la ensemble ». Depuis début octobre 2022, les écoles, collèges et lycées volontaires sont invités à organiser, selon un calendrier qu’ils sont libres de déterminer, des « concertations locales » en vue de construire un projet susceptible d’obtenir des financements d’un « fonds d’innovation pédagogique » spécialement créé et doté de 150 millions d’euros pour 2023 – 500 millions d’euros sur le quinquennat.
Quel bilan tirer de la première année de déploiement ? Dans un rapport d’information publié le 12 juillet, les sénateurs Max Brisson (Les Républicains, Pyrénées-Atlantiques), Annick Billon (Union centriste, Vendée) et Marie-Pierre Monier (Socialiste, écologiste et républicain, Drôme) font le constat critique d’une mise en œuvre du projet présidentiel « sans réelle préparation », de « manière désordonnée et peu transparente ».
Les sénateurs, qui appellent à une évaluation nationale de la démarche, soulignent un nombre de projets validés qui « semble faible » au regard des 60 000 établissements scolaires. Sur la page Internet consacrée au CNR, la Rue de Grenelle fait état de 7 732 projets déposés au 7 juillet, 2 600 validés et un peu plus de 40 millions d’euros mobilisés pour près de 1,9 million d’élèves, soit environ 15 % des enfants scolarisés.
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Du côté du ministère de l’éducation nationale, où l’on déplore ne pas avoir été auditionné par les sénateurs sur le sujet, on rétorque que les chiffres ne cessent d’augmenter, avec désormais 3 030 projets validés. « Il est plutôt sain que tout n’ait pas été validé instantanément, il ne s’agit pas de tout valider sans contrôle », fait valoir la Rue de Grenelle.
Extensions de projets déjà existants
Les sénateurs observent par ailleurs que les projets « innovants » présentés étaient moins des projets neufs, nés de la dynamique du CNR, que des extensions de projets déjà existants en quête de financement. Ils s’étonnent surtout, en écho à plusieurs recteurs auditionnés, de l’absence, à leur sens, d’« innovation pédagogique » dans le contenu de certains projets retenus. De nombreuses demandes de fonds portent ainsi sur du mobilier ou des outils en faveur de l’école inclusive, à la frontière du partage des compétences entre l’Etat et les collectivités territoriales, responsables des locaux scolaires. « Un certain nombre de projets relève, dans les faits, plus d’une opportunité de financement, estiment les sénateurs. Le fonds d’innovation pédagogique joue davantage le rôle de levier dans le cadre d’un cofinancement impliquant la collectivité territoriale. »
Le rapport déplore que le déploiement « dans la confusion » du fonds d’innovation pédagogique ait conduit à délivrer aux équipes des informations différentes selon les territoires quant aux critères d’éligibilité des projets. A ces disparités s’ajoute une méconnaissance persistante du dispositif, source « d’inégalités entre les écoles et établissements dans l’accès à ce fonds », estiment les sénateurs. Inégalités d’autant plus importantes, poursuivent-ils, que la conception de projets et la demande de financement nécessitent du temps et certaines compétences que n’ont pas nécessairement les personnels enseignants.
A Marseille, les écoles impliquées dans le plan « école du futur » – prévoyant, entre autres, le financement de « projets innovants » dans certaines écoles primaires – ont bénéficié de moyens humains spécifiques pour construire le projet, contrairement aux autres établissements du pays.
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La mission du Sénat relève en outre que « certains établissements privés n’ont pas accueilli d’élèves pendant quelques jours pour que les professeurs puissent réfléchir à des projets éligibles au fonds d’innovation pédagogique », ce que ne peuvent pas faire les établissements publics.
Dégager du temps
« Au nom de l’égalité », les rapporteurs recommandent ainsi de « renforcer les moyens pour que l’ensemble des écoles soit matériellement en capacité de se lancer dans une démarche de projet innovant finançable par le fonds d’innovation pédagogique », en dégageant, par exemple, du temps pour un membre de l’équipe.
Le ministère de l’éducation nationale, lui, réfute toute impréparation et toute inégalité dans la distribution des financements. « Une caractéristique remarquable est l’absence de géographie et de sociologie de la démarche [du CNR] », souligne la Rue de Grenelle, précisant que l’éducation prioritaire compte pour 23 % des projets, soit davantage que son poids parmi les établissements scolaires.
Ce risque d’inégalités est au cœur des critiques formulées par les syndicats enseignants depuis le lancement du CNR, qui repose tout entier, comme plusieurs des mesures voulues par Emmanuel Macron en matière éducative, sur le volontariat. Interrogé sur le sujet en marge d’un déplacement en décembre 2022, le chef de l’Etat Macron avait répondu au Monde que les écoles étaient « libres », se disant persuadé que la « dynamique » finirait par convaincre. Pour les sénateurs, il en faudra davantage pour que tous les établissements scolaires puissent être concernés.
Eléa Pommiers