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MAJ. 06/09/23 : «ABSOLUTISME INEFFICACE DANS TOUTE SA SPLENDEUR», «FIN DE RÈGNE», «IMPUISSANCE POLITIQUE» … – DONNER LA «PRIORITÉ À L’ACTION PARLEMENTAIRE ET RÉFÉRENDAIRE» ?

« Rencontre Macron-Oppositions : l’absolutisme inefficace dans toute sa splendeur »

Extrait ( sous titre ) de l’article de Baptiste Gauthey proposé ci contre. (4) et (6)

Voir également :

– l’entretien avec Stéphane ROZÈS, (3) et (5)

– l’extrait de la tribune de Stéphane Troussel, (2)

– la relation des propos de Gérard Larcher dans Le Point. (1)

MAJ : « Monarchie présidentielle : « Il serait temps d’en finir avec cette caricature de démocratie » »

TITRE MARIANNE QUI POURSUIT :

« Au-delà des soubresauts politiciens, le piège institutionnel enfanté par la monarchie présidentielle se referme dans l’indifférence générale. Au fil des ans et des échéances, la France est devenue une anomalie démocratique. »

1. « Impuissance politique » : la mise en garde de Gérard Larcher à Macron »

C’EST LE TITRE DE L’ARTICLE DU POINT, EXTRAITS:

Dans Le Parisien, le président du Sénat affirme que le chef de l’État fait face à une « exigence de résultats » après les « rencontres de Saint-Denis ».

Finances publiques, immigration, dialogue social… Le président (LR) du Sénat Gérard Larcher appelle Emmanuel Macron à ne pas être « le président de l’impuissance politique », insistant sur « l’exigence de résultats » …

« il met en garde : « attention à ce qu’une nouvelle fois ces ne débouchent sur rien ». « Maintenant, il y a une exigence de résultats », fait-il valoir.

Le président du Sénat, candidat à sa succession à l’issue des sénatoriales de septembre, met notamment l’accent sur l’immigration, alors que l’exécutif peine à accoucher du projet de loi promis. Un texte sur lequel la droite au Parlement devrait être le pivot : or, Les Républicains réclament en la matière une large réforme constitutionnelle qui permettrait notamment d’organiser un référendum sur la politique migratoire, remettrait en cause la primauté du droit européen ou inscrirait le principe d’assimilation dans la Loi fondamentale.

« Sans réforme constitutionnelle, il n’y aura pas de politique migratoire réelle et donc aucune politique d’intégration réussie. Et nous ouvrons la porte à l’extrême droite si on trompe encore les Français sur ce sujet », prévient Gérard Larcher . Et si Emmanuel Macron « enterre » l’option d’un référendum, « il en assumera les conséquences », menace encore l’élu des Yvelines.

Gérard Larcher se montre également dans l’expectative sur l’annonce d’une prochaine conférence sociale, qui doit notamment viser les bas salaires. « Est-ce un nouveau faux-semblant ou l’amorce d’un nouveau dialogue social ? Si ce n’est que de la gesticulation, on le paiera tous cher collectivement », affirme-t-il. «

…/…

2. « Macron et les partis : fin de règne à Saint-Denis »

C’EST LE TITRE D’UNE TRIBUNE DANS LIBÉRATION DE Stéphane Troussel, Président du département de la Seine-Saint-Denis, porte-parole du Parti socialiste QUI POURSUIT :

C’est donc à la maison d’éducation de la Légion d’honneur, à Saint-Denis, que le Président a lancé son «initiative politique d’ampleur». Un choix qui, dixit le porte-parole du gouvernement, a une «valeur symbolique», celle de la «méritocratie», et parce que la ville «a connu des émeutes».

« L’explication … est surtout culottée tellement la réponse apportée aux violences urbaines se caractérise jusqu’à présent par son vide abyssal.

« Après les émeutes de 2005, le président Jacques Chirac avait pointé «certains territoires qui cumulent trop de handicaps, trop de difficultés» et avait même déclaré que «nous ne construirons rien de durable sans combattre ce poison pour la société que sont les discriminations».

« Avec Emmanuel Macron sont invoqués pêle-mêle des concepts intellectuels filandreux comme la «décivilisation», la sempiternelle crise de l’autorité, le rôle des jeux vidéo ou encore l’irresponsabilité des familles monoparentales, ici à nouveau culpabilisées au mépris des immenses difficultés qu’elles affrontent chaque jour.

« A côté de la plaque … »

…/…

3. « Seules des propositions concrètes votées au parlement ou par référendum seront à même de pacifier le pays »

Déclare Stéphane ROZÈS – EXTRAIT DE L’ENTRETIEN CI CONTRE

« La réunion entre Emmanuel Macron et les chefs des principaux partis politiques ce mercredi avait pour objectif de «faire nation», selon l’Élysée. Pour le politologue Stéphane Rozès, seules des propositions concrètes votées au parlement ou par référendum seront à même de pacifier le pays. »

Stéphane Rozès est politologue et enseignant à Sciences Po. Il est le président de Cap (Conseils, analyses et perspectives) et lauteur de Chaos. Essai sur les imaginaires des peuples (éd. du Cerf, 2022), livre-entretien avec Arnaud Benedetti.

4. « L’obsession de 2027 : symptôme d’un hyperprésidentialisme à bout de souffle »

ÉCRIT Baptiste Gauthey DANS L’ARTICLE CI CONTRE – EXTRAIT :

« La rentrée politique est une formidable vitrine des pathologies de la démocratie française, dont l’hyperprésidentialisme est la manifestation la plus éclatante. »

« En France, l’instabilité et les divisions qui traversent les trois camps politiques ne sont pas le produit des mécanismes de création du compromis par les institutions, comme cela devrait l’être dans une démocratie fonctionnelle, mais bien de l’absence de leader naturel. Plutôt que de se diviser sur le fond, la vie partisane française est centrée autour d’un objectif unique : préparer et gagner l’élection présidentielle. »

5. ENTRETIEN

Stéphane Rozès: «Emmanuel Macron discute avec les partis, mais où en est-il avec les Français?»

Par Emile Douysset. LE FIGARO

Après la réunion d’Emmanuel Macron à Saint-Denis avec les chefs des principaux partis politiques présents à l’Assemblée nationale, la majorité s’est réjouie d’une «main tendue fructueuse». Partagez-vous cet enthousiasme?

Stéphane ROZÈS. – C’est un premier «round présidentiel» nécessaire mais insuffisant. Après la loi retraite et la perte de légitimité politique qu’a représentée pour l’opinion le recours au 49.3, après les émeutes, puis les premiers positionnements au sein de la majorité en vue de la prochaine présidentielle, il s’agissait de renouer avec le pays. Le président de la République dit vouloir «avancer»; et j’ajouterai «tenir quatre ans encore». Puisque ses tentatives de contacts directs avec les Français ont échoué, il revient au «vieux monde» pour tenter de renouer à nouveau avec le pays.

À lire aussiInitiative d’Emmanuel Macron: «Innovation démocratique» ou séminaire d’entreprise?

D’une part, cette conférence était nécessaire. Le seul fait d’avoir réussi à réunir toutes les formations politiques est déjà au crédit de l’opération assez singulière menée par Emmanuel Macron. Tous les sujets importants ont été abordés. Il a ainsi pu obtenir une géographie des possibles au Parlement ou par référendum: avec la droite et le RN sur le régalien et l’immigration; avec la gauche et le RN sur le social. Sur les institutions et l’écologie, c’est plus flou et plus consensuel. Enfin, à l’issue de la réunion, on a pu sentir une certaine retenue ou une critique attentiste de la part des participants.

Mais cette réunion demeure insuffisante car le sujet d’Emmanuel Macron, ce sont les Français. Ils attendent des décisions concrètes. Dorénavant, la balle est dans le camp d’Emmanuel Macron. Un séminaire gouvernemental sous l’égide d’Élisabeth Borne aura lieu, mais c’est évidemment le président qui sera en première ligne et qui décidera de tout. Emmanuel Macron a répété que d’autres rencontres, d’autres rendez-vous avec les corps intermédiaires auront lieu. Mais l’essentiel reste à faire, car il doit faire en sorte que des majorités de circonstances puissent se constituer en cas de référendum sur des thèmes comme le social ou l’immigration.

Si Emmanuel Macron ne fait pas des propositions sérieuses et concrètes, il ne pourra pas tenir longtemps.Stéphane Rozès

Emmanuel Macron a validé le principe d’une «conférence sociale» et prévu de réaliser d’autres réunions de la sorte à intervalles réguliers. Le dialogue, avec les partis et les syndicats, peut-il vraiment transcender les clivages?

En matière de conférence sociale, ce sont les syndicats qui vont donner le la. La CFDT et la CGT veulent conserver une image unitaire. Cette conférence sociale pourrait avoir lieu, mais les thèmes pour l’instant ne concernent que les secteurs à bas revenus, sous le smic. Les attentes des Français, qu’ils soient salariés ou retraités, tournent autour de la question du pouvoir d’achat. Le nombre de salariés sans travail et non retraités risque d’entraîner une paupérisation importante. Finalement, l’idée de conférence sociale est bonne, mais elle est pour l’heure trop limitée quant à son objet. Pour remporter l’adhésion des Français, il faut des mesures concrètes avec des effets rapides.

Après le grand débat, les conventions citoyennes pour le climat et l’euthanasie, le Conseil national de la refondation, Emmanuel Macron cherche-t-il, avec cette initiative, à gagner du temps?

Après des crises à répétition dans le pays montrant une perte de légitimité politique, le pouvoir est légal mais le pays est en état de «polycrise». Si Emmanuel Macron ne fait pas des propositions sérieuses et concrètes, il ne pourra pas tenir longtemps. Pour que le pays soit un minimum pacifié, il sera inévitablement amené à dissoudre ou mettre en jeu sa légitimité à travers un référendum.

À lire aussiChristophe Boutin et Frédéric Rouvillois: «Le “préférendum”, un nouveau recul des pouvoirs du Parlement et du peuple?»

L’idée d’organiser des référendums est toujours sur la table. En appeler directement au peuple serait-il plus efficace que de dialoguer avec les partis politiques?

Pour l’instant, Emmanuel Macron a en réserve des référendums qui accentuent le caractère néobonapartiste de son attitude. À moins que les référendums ne soient sur des thèmes consensuels ou sur plusieurs sujets en parallèle, il essaiera d’abord de voir s’il peut dégager des majorités à géométrie variable. Le «en même temps» n’est pas possible sur des questions de fond. Là, il a le choix entre la voie parlementaire et la voie référendaire. Il lui reste quatre ans. Le seul fait qu’au sein même de sa majorité, il y ait déjà des pré-positionnements politiques montre que le pays est dans une très grande instabilité. L’enjeu pour Emmanuel Macron, c’est d’avancer mais surtout de tenir parce que le pays risque de passer de crises en crises.

6. ARTICLE

Rentrée politique : la démocratie française face à ses vieux démons

Baptiste Gauthey. 2 septembre 2023. CONTREPOINTS

La rentrée politique est une formidable vitrine des pathologies de la démocratie française, dont l’hyperprésidentialisme est la manifestation la plus éclatante.

À l’instar des petites têtes blondes qui vont retrouver, ce lundi 4 septembre, le chemin de l’école, nos politiques font leur rentrée. Universités d’été, discours de rentrée, annonces politiques « fortes », chaque camps place ses cartes et déjà l’on sent peser sur la vie politique française l’ombre… de 2027.

 

Un échiquier politique fracturé

Au sein de la majorité, Gérald Darmanin a lancé les hostilités dans son fief de Tourcoing, avec un discours de rentrée dont les intentions ne font pas de doutes. Emmanuel Macron ne pourra pas se représenter et, bien qu’il soit au début de son second mandat, les héritiers putatifs s’engagent déjà dans une guerre de succession qui ne fait que débuter et qui touchera assurément au-delà du camp macroniste (Bernard Cazeneuve, Édouard Philippe…).

À gauche comme à droite, le tripartition de la vie politique et l’instabilité du bloc centriste imposent un choix politique auxquels les ténors des partis de « l’ancien monde » peinent à répondre : faut-il se rapprocher d’un centrisme réformateur occupé aujourd’hui par le parti présidentiel, ou au contraire se radicaliser vers la droite et la gauche ?

Chez Les Républicains, Éric Ciotti semble avoir fait le choix de la seconde option en poussant, lors de son discours dans la salle de Le Cannet (Alpes-Maritimes), la question migratoire et sécuritaire. Cette stratégie de droitisation, qui consiste à offrir une alternative « compétente » et « responsable » au Rassemblement National et à Reconquête tout en allant sur leur terrain, est un pari risqué, contesté par certains à droite. Dans une interview donnée au journal Le FigaroJean-Pierre Raffarin prône plutôt un rapprochement vers le centre, et donne en filigrane son soutien à Édouard Philippe et son parti Horizon.

À gauche, les fractures sont encore plus profondes. La tentative de constitution d’une liste commune aux prochaines législatives européennes ajoute un nouvel acte à la pièce tragique, classique de la Cinquième République, qu’est l’union de la gauche. Lors de son discours à l’Université d’été du Parti socialiste, Olivier Faure a ainsi déploré que l’union lui semblait impossible, renvoyant la responsabilité à la décision des communistes et des écologistes de faire bande à part. Dans ce paysage aux airs apocalyptiques, un zombie de la politique française a même tenté un énième retour, dont il faut au moins saluer l’audace. Invitée des Universités d’été de La France Insoumise, Ségolène Royal, la candidate malheureuse de 2007, s’est dit prête à mener une liste d’union de la gauche aux européennes de 2024.

 

L’obsession de 2027 : symptôme d’un hyperprésidentialisme à bout de souffle

Ces luttes de pouvoir au sein même des différentes familles politiques sont inévitables dans des systèmes pluralistes, en ce qu’elles constituent une première « étape démocratique » où s’effectuent des arbitrages « internes » d’ordres politique, philosophique et stratégique.

La droite sécuritaire, conservatrice et sociale, qui prône un État fort autant sur les questions régaliennes qu’économique, et met l’accent sur une politique migratoire stricte et restrictive, se différencie en effet d’une droite libérale plus progressiste exigeant un désengagement de l’État.

De la même manière, la gauche identitaire qui célèbre Médine n’a plus grand-chose en commun avec la gauche sociale-démocrate et laïcarde, comme le montrent les récents débats autour de l’interdiction du port de l’abaya à l’école.

Bref, les luttes de pouvoirs au sein des familles politiques sont partie intégrante du jeu démocratique.

En France toutefois, toute la vie démocratique est centrée autour d’un moment qui concentre toutes les passions : l’élection présidentielle.

Alors même que la prochaine échéance arrive dans un peu moins de quatre ans, chaque politique, chaque journaliste, chaque citoyen a les yeux rivés sur 2027. Il suffit d’observer à quel point les partis qui ne reposent pas sur une figure forte et charismatique sont presque systématiquement sanctionnés électoralement, pour mesurer à quel point la personnalisation du pouvoir gangrène notre vie politique. Les résultats du premier tour de l’élection présidentielle 2022 vont dans ce sens : les trois blocs se sont constitués autour de trois personnalités, que sont Emmanuel Macron, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon.

En France, l’instabilité et les divisions qui traversent les trois camps politiques ne sont pas le produit des mécanismes de création du compromis par les institutions, comme cela devrait l’être dans une démocratie fonctionnelle, mais bien de l’absence de leader naturel. Plutôt que de se diviser sur le fond, la vie partisane française est centrée autour d’un objectif unique : préparer et gagner l’élection présidentielle.

Dans cette obsession présidentialiste réside, je le crois, le cœur de la pathologie démocratique qui affecte la France.

 

Rencontre Macron-Oppositions : l’absolutisme inefficace dans toute sa splendeur

Dans un ouvrage qui a fait date, Jean-François Revel a forgé l’expression d’absolutisme inefficace. Il entendait dénoncer un paradoxe caractéristique de la Cinquième République : l’hyperprésidentialisme et l’extrême concentration et centralisation du pouvoir, desquels on serait en droit d’attendre une efficacité accrue, s’accompagnent en réalité d’une inertie qui pousse à l’immobilisme, et tue dans l’œuf toute tentative de réforme ambitieuse.

Le parti présidentiel, qui n’a de parti que le nom puisqu’il repose en réalité sur l’unique personnalité du chef de l’État, a poussé jusqu’au paroxysme cette logique malheureuse, comme en témoigne la succession de « gadgets » politiques et d’annonces en tout genre qui donnent le sentiment qu’une révolution est En marche, alors qu’en réalité rien ne change. La « rencontre de Saint-Denis », qui a eu lieu ce mercredi 29 août, entre le président de la République et les onze chefs des partis représentés au Parlement, est une manifestation éclatante de cet absolutisme inefficace.

Olivier Véran, porte-parole du gouvernement, a vu dans cette rencontre un moment « qui pourrait bien marquer l’histoire démocratique de notre pays », et s’est enthousiasmé que « des gens qui ne se parlent pas, qui ne s’entendent pas, qui ne se comprennent pas, qui ne pensent pas la même chose et même se combattent […] ont décidé de se parler à huis clos, ont décidé d’échanger, ont décidé de partager des accords, des désaccords et ce jusqu’au milieu de la nuit ».

En se félicitant ainsi d’avoir réinstauré un dialogue, le porte-parole du gouvernement donne, sans le vouloir, la meilleure preuve du malaise démocratique que traverse le pays.

En effet, dans son Introduction à la philosophie politique, Raymond Aron explique très justement que le propre des systèmes démocratiques est de créer du compromis par le jeu institutionnel. Or, l’espace privilégié de cette institutionnalisation du compromis, c’est le Parlement, et non un huis clos au sein duquel des représentants politiques discutent de l’avenir du pays !

Une démocratie en bonne santé ne devrait pas avoir besoin de ce genre de rencontres, puisqu’il existe déjà des institutions chargées d’organiser ce dialogue.

 

De la démocratie représentative à la tyrannie de la majorité : le danger de la passion référendaire

Enfin, la volonté affichée, de la part de l’opposition et de la majorité, de recourir à des référendums sur différents sujets est un signe supplémentaire de la déliquescence de la démocratie représentative et de la délégitimation du Parlement, plus que jamais condamné à l’impuissance.

Il faut ici distinguer les causes institutionnelles de l’hyperprésidentialisme des causes culturelles, même si les premières influencent les secondes, et inversement. En effet, la dérive présidentialiste des institutions de la Cinquième République va de pair avec une quête ininterrompue et toujours déçue d’un homme providentiel.

Cette culture politique se caractérise également par cet étrange mariage entre le culte de 1789, qui fait que le peuple français se vit fièrement comme le peuple révolutionnaire par excellence, et une attitude résolument conservatrice qui pousse chacun à refuser tout changement lorsque celui-ci passe du slogan au texte de loi. Si dans les manifestations, les Français ne manquent pas de réclamer le changement au nom de l’intérêt général, ils se montrent beaucoup plus réticents s’il doit se faire au détriment de leurs intérêts propres : « oui à plus de taxes, seulement si je ne suis pas concerné… »

De fait, la vie politique française est rythmée par des épisodes pseudo-insurrectionnels (Gilets jaunes, réforme des retraites, émeutes des banlieues…) ou les Français « jouent » à la Révolution. Le décalage entre ces appels répétés au changement radical et la réalité de l’immobilisme chronique de notre système politique crée chez les citoyens un sentiment de frustration et de dépossession du pouvoir.

Pour répondre à cette insatisfaction, le référendum, par sa simplicité, apparaît comme l’outil providentiel permettant de redonner du sens à la souveraineté populaire : le peuple vote, l’État exécute. Mais c’est oublier bien vite que l’outil référendaire peut être un instrument au service d’un pouvoir ou de décisions autoritaires. Au XIXe siècle déjà, Alexis de Tocqueville avait analysé comment la démocratie pouvait soit être libérale, soit être despotique.

L’échec des institutions représentatives pourrait signifier l’entrée de la France dans la seconde catégorie, la confrontant au risque de la tyrannie de la majorité.

 

Conclusion

L’absolutisme inefficace débute sur ces lignes :

« Il a, dans l’exercice de la fonction présidentielle, su conjuguer, en un désastreux et paradoxal mariage, l’abus de pouvoir et l’impuissance à gouverner, l’arbitraire et l’indécision, l’omnipotence et l’impotence, la légitimité démocratique et le viol des lois, l’aveuglement croissant et l’illusion de l’infaillibilité, l’État républicain et le favoritisme monarchique, l’universalité des attributions et la pauvreté des résultats, la durée et l’inefficacité, l’échec et l’arrogance, l’impopularité et le contentement de soi. »

Jean-François Revel parlait à l’époque de François Mitterrand. On ne peut s’empêcher de penser que cette critique s’applique parfaitement à Emmanuel Macron. C’est pour cette raison que Revel avait raison de poursuivre : « le coupable de ces maux n’est pas l’homme, c’est l’institution ».

C’était en 1992, et l’analyse n’a pas pris une ride.

Alors, que faire ?

Parce que les causes institutionnelles et culturelles se confondent, la résolution de l’immaturité démocratique française n’appelle pas de réponse unique et évidente. Il reste que, si l’on ne peut pas modifier comme bon nous semble la culture et les mœurs politique d’un peuple, on peut réformer les institutions d’un pays.

La fin de l’élection du président de la République au suffrage universel direct serait un premier pas bienvenu pour enfin débuter notre sevrage de la drogue présidentialiste. Cela permettrait également de redonner au Parlement toute l’importance qu’il devrait avoir, en faisant de l’élection législative le grand moment démocratique.

Pour le moment, et sans excès de pessimisme, rien n’indique que les conditions soient réunies pour un tel changement institutionnel. De plus, on peine à trouver le parti politique duquel pourrait émerger des propositions allant en ce sens.

David Lisnard, avec son parti Nouvelle Énergie pour la France, survient peut-être comme une éclaircie dans un ciel ombrageux. Le maire de Cannes, qui tente d’occuper la place au centre-droit de l’échiquier politique, a fait sa rentrée politique sur la chanson I’m free du groupe britannique The Who.

Libéral assumé, il s’est fait remarquer lors de la rentrée du Medef en s’opposant aux aides aux entreprises, affirmant qu’il fallait « supprimer les 145 milliards d’aides aux entreprises et supprimer au moins d’autant la fiscalité des entreprises », puisqu’elles représentent un « boulet de compétitivité au pied par des surprélèvements ».

Son entretien donné à Valeurs Actuelles est également encourageant : réduction des dépenses publiques, lutte contre la bureaucratisation, décentralisation… Mais cela suffira-t-il à faire bouger les lignes ?

Permettons-nous de douter.

Par :

Baptiste Gauthey

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À l’instar des petites têtes blondes qui vont retrouver, ce lundi 4 septembre, le chemin de l’école, nos politiques font leur rentrée. Universités d’été, discours de rentrée, annonces politiques « fortes », chaque camps place ses cartes et déjà l’on sent peser sur la vie politique française l’ombre… de 2027.

 

Un échiquier politique fracturé

Au sein de la majorité, Gérald Darmanin a lancé les hostilités dans son fief de Tourcoing, avec un discours de rentrée dont les intentions ne font pas de doutes. Emmanuel Macron ne pourra pas se représenter et, bien qu’il soit au début de son second mandat, les héritiers putatifs s’engagent déjà dans une guerre de succession qui ne fait que débuter et qui touchera assurément au-delà du camp macroniste (Bernard Cazeneuve, Édouard Philippe…).

À gauche comme à droite, le tripartition de la vie politique et l’instabilité du bloc centriste imposent un choix politique auxquels les ténors des partis de « l’ancien monde » peinent à répondre : faut-il se rapprocher d’un centrisme réformateur occupé aujourd’hui par le parti présidentiel, ou au contraire se radicaliser vers la droite et la gauche ?

Chez Les Républicains, Éric Ciotti semble avoir fait le choix de la seconde option en poussant, lors de son discours dans la salle de Le Cannet (Alpes-Maritimes), la question migratoire et sécuritaire. Cette stratégie de droitisation, qui consiste à offrir une alternative « compétente » et « responsable » au Rassemblement National et à Reconquête tout en allant sur leur terrain, est un pari risqué, contesté par certains à droite. Dans une interview donnée au journal Le FigaroJean-Pierre Raffarin prône plutôt un rapprochement vers le centre, et donne en filigrane son soutien à Édouard Philippe et son parti Horizon.

À gauche, les fractures sont encore plus profondes. La tentative de constitution d’une liste commune aux prochaines législatives européennes ajoute un nouvel acte à la pièce tragique, classique de la Cinquième République, qu’est l’union de la gauche. Lors de son discours à l’Université d’été du Parti socialiste, Olivier Faure a ainsi déploré que l’union lui semblait impossible, renvoyant la responsabilité à la décision des communistes et des écologistes de faire bande à part. Dans ce paysage aux airs apocalyptiques, un zombie de la politique française a même tenté un énième retour, dont il faut au moins saluer l’audace. Invitée des Universités d’été de La France Insoumise, Ségolène Royal, la candidate malheureuse de 2007, s’est dit prête à mener une liste d’union de la gauche aux européennes de 2024.

 

L’obsession de 2027 : symptôme d’un hyperprésidentialisme à bout de souffle

Ces luttes de pouvoir au sein même des différentes familles politiques sont inévitables dans des systèmes pluralistes, en ce qu’elles constituent une première « étape démocratique » où s’effectuent des arbitrages « internes » d’ordres politique, philosophique et stratégique.

La droite sécuritaire, conservatrice et sociale, qui prône un État fort autant sur les questions régaliennes qu’économique, et met l’accent sur une politique migratoire stricte et restrictive, se différencie en effet d’une droite libérale plus progressiste exigeant un désengagement de l’État.

De la même manière, la gauche identitaire qui célèbre Médine n’a plus grand-chose en commun avec la gauche sociale-démocrate et laïcarde, comme le montrent les récents débats autour de l’interdiction du port de l’abaya à l’école.

Bref, les luttes de pouvoirs au sein des familles politiques sont partie intégrante du jeu démocratique.

En France toutefois, toute la vie démocratique est centrée autour d’un moment qui concentre toutes les passions : l’élection présidentielle.

Alors même que la prochaine échéance arrive dans un peu moins de quatre ans, chaque politique, chaque journaliste, chaque citoyen a les yeux rivés sur 2027. Il suffit d’observer à quel point les partis qui ne reposent pas sur une figure forte et charismatique sont presque systématiquement sanctionnés électoralement, pour mesurer à quel point la personnalisation du pouvoir gangrène notre vie politique. Les résultats du premier tour de l’élection présidentielle 2022 vont dans ce sens : les trois blocs se sont constitués autour de trois personnalités, que sont Emmanuel Macron, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon.

En France, l’instabilité et les divisions qui traversent les trois camps politiques ne sont pas le produit des mécanismes de création du compromis par les institutions, comme cela devrait l’être dans une démocratie fonctionnelle, mais bien de l’absence de leader naturel. Plutôt que de se diviser sur le fond, la vie partisane française est centrée autour d’un objectif unique : préparer et gagner l’élection présidentielle.

Dans cette obsession présidentialiste réside, je le crois, le cœur de la pathologie démocratique qui affecte la France.

 

Rencontre Macron-Oppositions : l’absolutisme inefficace dans toute sa splendeur

Dans un ouvrage qui a fait date, Jean-François Revel a forgé l’expression d’absolutisme inefficace. Il entendait dénoncer un paradoxe caractéristique de la Cinquième République : l’hyperprésidentialisme et l’extrême concentration et centralisation du pouvoir, desquels on serait en droit d’attendre une efficacité accrue, s’accompagnent en réalité d’une inertie qui pousse à l’immobilisme, et tue dans l’œuf toute tentative de réforme ambitieuse.

Le parti présidentiel, qui n’a de parti que le nom puisqu’il repose en réalité sur l’unique personnalité du chef de l’État, a poussé jusqu’au paroxysme cette logique malheureuse, comme en témoigne la succession de « gadgets » politiques et d’annonces en tout genre qui donnent le sentiment qu’une révolution est En marche, alors qu’en réalité rien ne change. La « rencontre de Saint-Denis », qui a eu lieu ce mercredi 29 août, entre le président de la République et les onze chefs des partis représentés au Parlement, est une manifestation éclatante de cet absolutisme inefficace.

Olivier Véran, porte-parole du gouvernement, a vu dans cette rencontre un moment « qui pourrait bien marquer l’histoire démocratique de notre pays », et s’est enthousiasmé que « des gens qui ne se parlent pas, qui ne s’entendent pas, qui ne se comprennent pas, qui ne pensent pas la même chose et même se combattent […] ont décidé de se parler à huis clos, ont décidé d’échanger, ont décidé de partager des accords, des désaccords et ce jusqu’au milieu de la nuit ».

En se félicitant ainsi d’avoir réinstauré un dialogue, le porte-parole du gouvernement donne, sans le vouloir, la meilleure preuve du malaise démocratique que traverse le pays.

En effet, dans son Introduction à la philosophie politique, Raymond Aron explique très justement que le propre des systèmes démocratiques est de créer du compromis par le jeu institutionnel. Or, l’espace privilégié de cette institutionnalisation du compromis, c’est le Parlement, et non un huis clos au sein duquel des représentants politiques discutent de l’avenir du pays !

Une démocratie en bonne santé ne devrait pas avoir besoin de ce genre de rencontres, puisqu’il existe déjà des institutions chargées d’organiser ce dialogue.

 

De la démocratie représentative à la tyrannie de la majorité : le danger de la passion référendaire

Enfin, la volonté affichée, de la part de l’opposition et de la majorité, de recourir à des référendums sur différents sujets est un signe supplémentaire de la déliquescence de la démocratie représentative et de la délégitimation du Parlement, plus que jamais condamné à l’impuissance.

Il faut ici distinguer les causes institutionnelles de l’hyperprésidentialisme des causes culturelles, même si les premières influencent les secondes, et inversement. En effet, la dérive présidentialiste des institutions de la Cinquième République va de pair avec une quête ininterrompue et toujours déçue d’un homme providentiel.

Cette culture politique se caractérise également par cet étrange mariage entre le culte de 1789, qui fait que le peuple français se vit fièrement comme le peuple révolutionnaire par excellence, et une attitude résolument conservatrice qui pousse chacun à refuser tout changement lorsque celui-ci passe du slogan au texte de loi. Si dans les manifestations, les Français ne manquent pas de réclamer le changement au nom de l’intérêt général, ils se montrent beaucoup plus réticents s’il doit se faire au détriment de leurs intérêts propres : « oui à plus de taxes, seulement si je ne suis pas concerné… »

De fait, la vie politique française est rythmée par des épisodes pseudo-insurrectionnels (Gilets jaunes, réforme des retraites, émeutes des banlieues…) ou les Français « jouent » à la Révolution. Le décalage entre ces appels répétés au changement radical et la réalité de l’immobilisme chronique de notre système politique crée chez les citoyens un sentiment de frustration et de dépossession du pouvoir.

Pour répondre à cette insatisfaction, le référendum, par sa simplicité, apparaît comme l’outil providentiel permettant de redonner du sens à la souveraineté populaire : le peuple vote, l’État exécute. Mais c’est oublier bien vite que l’outil référendaire peut être un instrument au service d’un pouvoir ou de décisions autoritaires. Au XIXe siècle déjà, Alexis de Tocqueville avait analysé comment la démocratie pouvait soit être libérale, soit être despotique.

L’échec des institutions représentatives pourrait signifier l’entrée de la France dans la seconde catégorie, la confrontant au risque de la tyrannie de la majorité.

 

Conclusion

L’absolutisme inefficace débute sur ces lignes :

« Il a, dans l’exercice de la fonction présidentielle, su conjuguer, en un désastreux et paradoxal mariage, l’abus de pouvoir et l’impuissance à gouverner, l’arbitraire et l’indécision, l’omnipotence et l’impotence, la légitimité démocratique et le viol des lois, l’aveuglement croissant et l’illusion de l’infaillibilité, l’État républicain et le favoritisme monarchique, l’universalité des attributions et la pauvreté des résultats, la durée et l’inefficacité, l’échec et l’arrogance, l’impopularité et le contentement de soi. »

Jean-François Revel parlait à l’époque de François Mitterrand. On ne peut s’empêcher de penser que cette critique s’applique parfaitement à Emmanuel Macron. C’est pour cette raison que Revel avait raison de poursuivre : « le coupable de ces maux n’est pas l’homme, c’est l’institution ».

C’était en 1992, et l’analyse n’a pas pris une ride.

Alors, que faire ?

Parce que les causes institutionnelles et culturelles se confondent, la résolution de l’immaturité démocratique française n’appelle pas de réponse unique et évidente. Il reste que, si l’on ne peut pas modifier comme bon nous semble la culture et les mœurs politique d’un peuple, on peut réformer les institutions d’un pays.

La fin de l’élection du président de la République au suffrage universel direct serait un premier pas bienvenu pour enfin débuter notre sevrage de la drogue présidentialiste. Cela permettrait également de redonner au Parlement toute l’importance qu’il devrait avoir, en faisant de l’élection législative le grand moment démocratique.

Pour le moment, et sans excès de pessimisme, rien n’indique que les conditions soient réunies pour un tel changement institutionnel. De plus, on peine à trouver le parti politique duquel pourrait émerger des propositions allant en ce sens.

David Lisnard, avec son parti Nouvelle Énergie pour la France, survient peut-être comme une éclaircie dans un ciel ombrageux. Le maire de Cannes, qui tente d’occuper la place au centre-droit de l’échiquier politique, a fait sa rentrée politique sur la chanson I’m free du groupe britannique The Who.

Libéral assumé, il s’est fait remarquer lors de la rentrée du Medef en s’opposant aux aides aux entreprises, affirmant qu’il fallait « supprimer les 145 milliards d’aides aux entreprises et supprimer au moins d’autant la fiscalité des entreprises », puisqu’elles représentent un « boulet de compétitivité au pied par des surprélèvements ».

Son entretien donné à Valeurs Actuelles est également encourageant : réduction des dépenses publiques, lutte contre la bureaucratisation, décentralisation… Mais cela suffira-t-il à faire bouger les lignes ?

Permettons-nous de douter.

Par :

Baptiste Gauthey

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