
UNE MISSION DU SÉNAT : L’institution communale, doit être confortée
« l’avenir des communes et des maires s’est assombri. Pour autant, l’institution communale, à laquelle les citoyens sont attachés et qui a fait la pleine preuve de sa résilience, doit être confortée. »
La mission, lancée à l’initiative du groupe Les Républicains, a entendu objectiver cet état de fait en enrichissant ses auditions et déplacements par un sondage sur la perception qu’ont les citoyens de la commune et du maire ainsi qu’une vaste consultation des élus municipaux sur la plateforme dématérialisée du Sénat.
1. L’ESSENTIEL DU RAPPORT
Mission d’information sur l’avenir de la commune et du maire en France 12 juillet 2023 SÉNAT
Démissions nombreuses de maires et de conseillers municipaux, faits de violences ou d’injures à leur encontre, affaiblissement des moyens humains et financiers des communes, concurrence de l’intercommunalité : de fortes inquiétudes pèsent sur l’avenir de la commune et du maire.
La mission, lancée à l’initiative du groupe Les Républicains, a entendu objectiver cet état de fait en enrichissant ses auditions et déplacements par un sondage sur la perception qu’ont les citoyens de la commune et du maire ainsi qu’une vaste consultation des élus municipaux sur la plateforme dématérialisée du Sénat.
Le constat est sans équivoque : l’avenir des communes et des maires s’est assombri. Pour autant, l’institution communale, à laquelle les citoyens sont attachés et qui a fait la pleine preuve de sa résilience, doit être confortée.
I. UN AVIS DE TEMPÊTE SUR LA DÉMOCRATIE LOCALE ?
A. UN AVENIR ASSOMBRI
La place du mandat municipal dans la vie civique locale semble connaître un reflux inquiétant. D’une part, la baisse tendancielle de la participation aux élections municipales laisse craindre un désengagement de nos concitoyens. D’autre part, la crise des vocations des élus municipaux s’aggrave : les démissions de maires (1 078) et de conseillers municipaux (29214), s’accélèrent par rapport au mandat 2014-20201, les maires partageant un vif pessimisme quant à l’avenir des communes.
En second lieu, la commune est parfois perçue comme une collectivité en voie d’affaiblissement. Confrontée à des difficultés de recrutement, en particulier de secrétaires de mairie, à l’érosion de leurs moyens financiers et au désengagement de l’État territorial, incapable d’assumer son rôle de conseil, l’institution communale est parfois concurrencée par la montée en puissance d’une intercommunalité qui a longtemps bénéficié d’une politique active d’intégration et d’extension intercommunale.
1 S’agissant des maires, le nombre de vacances de sièges hors décès atteint 1 342, un niveau 5,4 % supérieur à celui observé lors des trois premières années du mandat de 2014, qui s’élevait à 1 247.
B. DES RAISONS, CEPENDANT, D’ESPÉRER
Il n’en demeure pas moins que l’institution communale a fait la preuve de ses forces. Résiliente face aux crises – comme elle a montré dans la gestion de la crise liée à l’épidémie de la covid-19 –, plastique dans la permanence et la relative unicité de sa forme juridique, lacommune demeure aux yeux de nos concitoyens une collectivité agile, à la fois lieu de vie civique et lieu d’accueil des services publics locaux.
Les communes sont aussi riches de l’attachement que les citoyens leur portent, plus qu’à toute autre collectivité, et de l’efficacité qu’ils leur reconnaissent1.
Surtout, la mission a constaté à quel point notre pays est riche de l’engagement des élus municipaux au côté de nos concitoyens. La consultation conduite par la mission a notamment permis de montrer que les maires attendent de pouvoir agir au service de leurs administrés et qu’on peut assurément compter sur leur engagement tant que les moyens d’agir leur seront donnés.
II. RENDRE AUX COMMUNES LA LIBERTÉ DE LEUR AVENIR
A. LE MODÈLE COMMUNAL FRANÇAIS : UNE CHANCE POUR L’AVENIR
Les consultations organisées par la mission, les auditions ou les déplacements qu’elle a tenus confirment tous le fait que la commune constitue, aux yeux de tous les acteurs, l’échelon du quotidien, de la proximité et du lien démocratique. La commune, c’est d’une part un territoire de service et un territoire de projet : la conduite de projet est d’ailleurs, de loin, la fonction préférée des maires dans la consultation, quelle que soit la taille de la commune. C’est d’autre part, le lieu par excellence de la démocratie locale.
Afin de conforter ce modèle communal français, la mission propose deux mesures. La première est de consacrer constitutionnellement la clause générale de compétence des communes : c’est le fondement du pouvoir d’agir des maires, ce qui permet à toute commune de s’imaginer un projet et un avenir. La seconde mesure est de maintenir les modes de scrutin actuels pour les élections municipales et la désignation des conseillers communautaires: la légitimité des seconds doit dériver des premiers, nonl’inverse. C’est la garantie que l’intercommunalité demeure un instrument au service de la commune.
1 Les sondés jugent, à 58 %, les actions des communes efficaces, contre 48 % pour les départements et les régions.
B.FAIRE SOUFFLER UN VENT DE LIBERTÉ SUR L’ORGANISATION MUNICIPALE
La mission d’information estime qu’il faut d’abord rompre avec le dirigisme reconfigurateur que nous avons connu depuis plusieurs années et cesser les modifications autoritaires de la carte intercommunale.
L’intégration intercommunale à marche forcée a cadenassé la marge de manœuvre des élus.
Le Sénat n’a eu de cesse, au cours des dernières années, de déverrouiller ce qui pouvait l’être lorsque cela avait du sens. Il faut pousser plus loin cette logique.
Si l’expression de « bloc communal » désigne la cohésion et la solidarité du couple que constituent les communes et leurs EPCI, cette idée évoque aussi une forme de fixité. Il est proposé d’y substituer la notion de « biotope communal ». Le biotope, c’est un milieu de vie, dont les éléments qui le composent sont en interaction et s’adaptent pour trouver, en fonction des contraintes du territoire, l’équilibre le plus efficient. Ainsi conçu, le biotope communal favorise la différenciation territoriale.
Pour aller dans le sens de cet assouplissement, il est proposé d’unifier les régimes de délégations de compétence, en supprimant les limitations instaurées pour l’exercice délégué de certaines compétences. Il faut, également, permettre, par accord local, de modifier la répartition des compétences. Le cas le plus pertinent, c’est celui de l’eau et de l’assainissement: il faut pouvoir réorganiser la dévolution de cette compétence en fonction des logiques territoriales et à partir des accords locaux.
La mission recommande également d’élargir le débat obligatoire sur le pacte de gouvernance de l’intercommunalité, qui a lieu après chaque élection municipale, à la question de la répartition des compétences au sein de l’intercommunalité.
En troisième lieu, soucieux de redonner du pouvoir à la commune au sein de l’intercommunalité, la mission propose d’autoriser l’instauration, dans le pacte de gouvernance, d’un droit de veto des communes membres.
C.ASSURER AUX COMMUNES LES MOYENS FINANCIERS DE LEUR LIBERTÉ : POUR DES FINANCEMENTS LISIBLES ET PRÉVISIBLES
De manière convergente avec le groupe de travail « Décentralisation » présidé par le Président du Sénat, Gérard Larcher, la mission insiste sur la nécessité de redonner aux financements des communes de la lisibilité et de la prévisibilité. Le rapporteur propose notamment que les communes continuent d’être attributaires de la dotation globale de fonctionnement et qu’une réflexion s’engage sur les modalités de calcul de cette dernière afin de rendre ses évolutions plus compréhensibles pour les élus locaux.
III. REDONNER AUX MAIRES LE POUVOIR D’AGIR
A.DONNER AUX ÉLUS LES MOYENS DE TRANSFORMER LEUR ENGAGEMENT EN ACTION
Afin de redonner de la simplicité à l’action quotidienne des maires, il apparaît particulièrement nécessaire de simplifier, renforcer et unifier autour du préfet de département l’accès des maires à l’État.
L’exemple de l’ingénierie est à cet égard parlant : éclaté en plusieurs agences, désarmé dans les sous-préfectures, l’État ne parvient plus à être le partenaire qu’il constituait jadis pour les projets des communes. Le préfet de département doit dès lors redevenir le point d’entrée unique de celles-ci.
La mission a également dégagé trois outils pour sécuriser les maires dans la conduite de leurs projets : la réception par un guichet identifié d’un dossier unique, la fusion des trois dotations d’investissement en une seule, ainsi que le renforcement du recours aux rescrits – administratif et juridictionnel – devraient permettre à l’État d’internaliser la contrainte technique et administrative qu’il fait aujourd’hui injustement peser sur les communes, en particulier les plus petites d’entre elles, en matière de conduite de projets.
Enfin, il est urgent de conforter, par des moyens juridiques et humains renforcés, la liberté des maires de gérer les affaires de leur commune. Il existe un très fort consensus parmi les élus locaux, et singulièrement communaux, sur la nécessité d’approfondir le pouvoir réglementaire local, capacité normative d’agir, dans plusieurs domaines identifiés par la mission, comme, par exemple, les locations de meublés touristiques. Par ailleurs, face aux difficultés rencontrées en la matière, il est nécessaire de consolider l’équipe autour du maire en facilitant les recrutements de secrétaires de mairie et d’agents municipaux spécialisés et en encourageant les mutualisations de personnel.
B. FACILITER L’ENGAGEMENT DANS LE MANDAT MUNICIPAL
Afin d’éviter une crise de l’engagement local en 2026, il faut, d’une part, faciliter l’exercice des mandats municipaux afin de permettre à une diversité de profils d’y participer. On ne saurait faire, à cet égard, l’économie d’une réflexion sur la revalorisation des indemnités de fonction. Il est également nécessaire de mieux adapter les conditions d’exercice des mandats municipaux à la diversité de profil des élus, notamment ceux engagés dans la vie professionnelle. En particulier, la constitution de droits à la retraite pendant l’exercice du mandat devrait être facilitée, y compris par l’octroi de bonifications.
Enfin, la protection des élus municipaux dans l’exercice de leur mandat est une exigence dont l’actualité récente ne fait que renouveler l’acuité. La République doit à cet égard se tenir aux côtés des élus municipaux, sans faillir, en garantissant la protection effective des maires et élus municipaux face aux violences, menaces et outrages, par un renforcement de la protection fonctionnelle et une amélioration du dispositif judiciaire. Le Sénat a déjà été force de proposition en la matière, ces mesures étant pour l’essentiel déclinées par la proposition de loi déposée le 26 mai 2023 au Sénat par le président de la commission des lois, François- Noël Buffet, le rapporteur et la présidente de la mission ainsi que plusieurs de leurs collègues, renforçant la sécurité des élus locaux et la protection des maires ; le Gouvernement doit désormais s’en saisir.
2. LISTE DES PRINCIPALES PROPOSITIONS ET SOUS-PROPOSITIONS
Proposition n° 1 : Confirmer la commune comme le lieu du quotidien, de la proximité et du lien démocratique.
Sous-proposition n° 1 : Consacrer constitutionnellement la clause générale de compétence.
Sous-proposition n° 2 : Maintenir les modes de scrutins actuels pour les élections municipales et la désignation des conseillers communautaires.
Proposition n° 2 : Faire souffler un vent de liberté sur l’organisation municipale.
Sous-proposition n° 1 : Rompre avec le dirigisme reconfigurateur de la carte communale et intercommunale :
– plus de nouveau transfert obligatoire de compétences ;
– plus de modification autoritaire de la carte intercommunale.
Sous-proposition n° 2 : Simplifier et assouplir les conditions de la répartition des compétences et de leur exercice entre l’intercommunalité et les communes :
– unifier les régimes de délégation et ceux de création des syndicats, quelles que soient les compétences concernées ;
– permettre par accord local de modifier la répartition de certaines compétences (par exemple l’eau et l’assainissement).
Sous-proposition n° 3 : Pour une intercommunalité de projet, instaurer après chaque renouvellement général des conseils municipaux, un débat, conjoint à celui sur le pacte de gouvernance, relatif à la répartition des compétences au sein de l’intercommunalité.
Sous-proposition n° 4 : Permettre d’instaurer, au sein du pacte de gouvernance, un droit de veto des communes.
Sous-proposition n° 5 : Faciliter, dans l’esprit défendu par la délégation aux collectivités territoriales du Sénat, le développement des communes nouvelles, notamment par le lissage des effets de seuils.
Proposition n° 3 : Assurer aux communes les moyens financiers de leur liberté : pour des financements lisibles et prévisibles.
Sous-proposition n° 1 : Conserver aux communes un financement par de la fiscalité locale et une dotation globale de fonctionnement.
Sous-proposition n° 2 : Lancer une réflexion pour refondre la DGF et le FPIC sur la base de deux principes : rendre leurs modalités de calculs compréhensibles et leur évolution prévisible.
Sous-proposition n° 3 : Faire des lois de programmation des finances publiques de véritables outils conférant une visibilité sur l’évolution des ressources des collectivités territoriales.
Proposition n° 4 : Normes, ingénierie, financements, interlocuteurs : redonner de la simplicité à l’action quotidienne des maires.
Sous-proposition n° 1 : Simplifier, renforcer et unifier autour du préfet de département l’accès des maires à l’État.
Sous-proposition n° 2 : Guichet de dossier unique, fusions des dotations d’investissement, rescrit : trois outils pour sécuriser les maires dans la conduite de leurs projets.
Sous-proposition n° 3 : Limiter le nombre d’instances et de structures de coopérations auxquelles doivent participer les maires, sans réelle plus-value.
Proposition n° 5 : Conforter, par des moyens juridiques et humains renforcés, la liberté des maires de gérer les affaires de leur commune.
Sous-proposition n° 1 : Renforcer le pouvoir réglementaire des maires, capacité normative d’agir.
Sous-proposition n° 2 : Renforcer l’effectivité du pouvoir de police du maire et ses moyens de contrôle.
Sous-proposition n° 3 : Consolider l’équipe autour du maire en facilitant les recrutements de secrétaires de mairie et d’agents municipaux spécialisés et en encourageant les mutualisations de personnel.
Proposition n° 6 : Faciliter l’exercice des mandats locaux en reconnaissant à sa juste valeur l’engagement municipal et en s’adaptant à la diversité des profils des élus.
Sous-proposition n° 1 : Lancer une réflexion sur la revalorisation des indemnités de fonction.
Sous-proposition n° 2 : Mieux adapter les conditions d’exercice des mandats municipaux à la diversité de profil des élus, notamment ceux engagés dans la vie professionnelle.
Proposition n° 7 : Protéger les élus municipaux en toutes circonstances face aux menaces et aux mises en cause.
Sous-proposition n° 1 : Garantir la protection effective des maires et élus municipaux face aux violences, menaces et outrages, par un renforcement de la protection fonctionnelle et une amélioration du dispositif judiciaire.
Sous-proposition n° 2: Stabiliser le cadre juridique des conflits d’intérêts et de la prise illégale d’intérêts et veiller à l’acculturation de tous les acteurs pour sécuriser l’action des élus locaux.
Sous-proposition n° 3 : Remédier à l’absence de protection spécifique des candidats aux élections municipales.