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ÉTÉ STUDIEUX AVEC METAHODOS – LES « ISME » DE LA PENSÉE (PARTIE 6) : EXISTENTIALISME, ESSENCIALISME ET LIBERTÉ

Ces mots en “isme” qui organisent nos pensées

Série d’été. Depuis l’idéalisme de Platon jusqu’au post-humanisme évoqué par certains aujourd’hui, l’histoire de la philosophie est caractérisée par l’apparition régulière de mots en “isme” qui sont autant de manières de se représenter ou de structurer les choses. Cette série d’été, à retrouver chaque mardi dans La Libre, a pour objet d’en définir les principaux et de les mettre en perspective.

PRÉCÉDENTES PUBLICATIONS :

ÉTÉ STUDIEUX AVEC METAHODOS – LES « ISME » DE LA PENSÉE – PLATON, ARISTOTE ET «LA VIE BONNE» (PARTIE 5). https://metahodos.fr/2023/08/23/vivre-e-philosophie-avec-metahodos-platon-aristote-et-leurs-suiveurs-la-vie-bonne/

ÉTÉ STUDIEUX AVEC METAHODOS – ABSTRACTION, SPÉCULATION, ACTION (PARTIE 4). https://metahodos.fr/?p=63821

ÉTÉ STUDIEUX AVEC METAHODOS – LES « ISME » DE LA PENSÉE : LA « QUERELLE DES UNIVERSAUX » (PARTIE 3) https://metahodos.fr/2023/08/18/3-7/

ÉTÉ STUDIEUX AVEC METAHODOS – LES « ISME » DE LA PENSÉE : REAL… IDEAL… SPIRITUAL… (PARTIE 2). https://metahodos.fr/2023/08/17/2-7/

ÉTÉ STUDIEUX AVEC METAHODOS – LES « ISME » DE LA PENSÉE : DOGMAT… SCEPTIS… RELATIV… (PARTIE 1). https://metahodos.fr/2023/08/16/1-7-isme/

ARTICLE

Existe-t-il une « nature humaine » qui détermine notre avenir ?

Y a-t-il une “nature humaine” qui détermine notre avenir ou sommes-nous libres d’infléchir le cours des choses ? L’essentialisme et l’existentialisme se sont toujours opposés sur ces questions.

Publié le 15-08-2023

Les questions existentielles, la recherche de sens, le choix de ce qui est essentiel dans la vie occupent bien des esprits. Mais que dit-on quand on parle de revenir à l’“essence” des choses, ou de donner du sens à l’“existence” ?

Pas de montagne sans sommet

L’essence d’une chose est ce qu’on ne peut enlever à la chose sans perdre la chose. L’essence d’une montagne est – entre autres – d’avoir un sommet, car s’il n’y a pas de sommet, il ne peut y avoir de montagne. L’essence d’un arbre est – entre autres – d’avoir un tronc et des branches. L’essence d’un homme ou d’une femme est ainsi l’ensemble des caractères nécessaires, universels et intemporels qui fondent leur humanité, ce qui constitue le “propre “de l’être humain. Si on leur enlève par exemple la capacité de penser, ils ne sont plus des êtres humains.

On qualifie d’essentialisme le courant philosophique qui considère que toute entité, être ou chose, peut être caractérisée par un ensemble d’attributs “essentiels”, nécessaires à son identité et à sa fonction. Il se décline dans divers domaines comme la sociologie, la biologie ou la médecine. Le féminisme et la théorie du genre ont remis la notion d’essence au cœur des débats avec la remise en question de l’affirmation selon laquelle les natures masculine et féminine diffèrent par essence.

L’existence par contre, c’est le fait pour une entité individuelle de se trouver là concrètement, d’exister indépendamment de tout attribut a priori. C’est la réalité de ce que l’être humain vit, jeté qu’il est dans le monde et dans l’histoire.

Est alors qualifiée d’existentialisme une philosophie qui oppose à la nécessité une forme de contingence de l’homme, et qui s’interroge sur le mystère de son surgissement dans le monde. Elle ne fait pas l’hypothèse d’une essence mais s’intéresse plutôt à l’existence humaine, vécue et individuelle, qu’elle place au cœur de sa réflexion.

Nécessaire vs contingent

Essence et existence sont complémentaires. La première a un côté intemporel, prévisible, absolu. La seconde s’inscrit dans le fortuit, l’occasionnel, l’incertain. L’essence d’une personne est ce qu’elle est, son existence est ce qu’elle vit. La question est maintenant de savoir qui, de l’essence et de l’existence, prédétermine l’autre. Y a-t-il une “nature humaine” qui détermine notre avenir ? Ou sommes-nous libres d’infléchir le cours des choses ? L’essentialisme répond oui à la première question, l’existentialisme répond oui à la seconde.

Pour un essentialiste, les choix d’un être humain sont balisés par un ordre des choses qui lui préexiste et le conditionne. Il suppose que l’essence d’une entité précède son existence, avec pour conséquence de soumettre le libre arbitre des êtres humains à des déterminismes qui les définissent en partie et dont ils ont du mal à s’extraire.

Pour un existentialiste par contre, nous ne sommes pas, nous devenons, contrairement à l’animal “qui est déjà à la naissance tout ce qu’il peut être” selon les termes de Kant. Pour un existentialiste, l’homme existe avant d’être défini. C’est à lui à décider de sa propre route, à choisir le sens qu’il donne à sa vie, sans se référer aux doctrines toutes faites, théologiques, philosophiques ou morales.

L’existentialisme considère l’homme comme un être unique qui est responsable non seulement de ses actes et de son destin mais également, dans un monde sans Dieu, des valeurs qu’il choisit d’adopter. Il est “condamné à être libre”, pour reprendre la formule de Jean-Paul Sartre, représentant emblématique de l’existentialisme en France. Camus ira plus loin en donnant à la liberté un contenu plus radical, celui d’une révolte face à l’absurde de la condition humaine.

Essentialiste ? Existentialiste ? Comme souvent dans l’histoire de la philosophie, l’un des camps présente des affinités naturelles avec Platon, l’autre avec Aristote. L’idée que l’essence doit toujours précéder l’existence est naturellement défendue par Platon dans sa théorie des Idées. En revanche, l’argument selon lequel ce n’est qu’en ayant la connaissance d’objets existant déjà que nous pouvons avoir la notion d’une essence se rattacherait plutôt à la vision d’Aristote.

Pensée du néant

Quand l’homme se retrouve sans repères, balises ou certitudes, quand il ne sait plus ce qui est essentiel et se pose des questions existentielles, quand plus rien ne semble aller de soi, comment résister alors à la tentation du rien, à l’attrait du nihilisme ?

Le nihilisme qualifie un scepticisme radical qui considère le monde ainsi que l’existence humaine comme dénués de sens, de vérité compréhensible ou de valeurs absolues. Il refuse ainsi toute hiérarchie des valeurs, toute morale, toute croyance, toute transcendance. La vie humaine et ses prétentions sont dérisoires, tout est vain.

Nietzsche met cette attitude en relation avec ce qu’il appelle la “mort de Dieu”, mais laisse entendre qu’elle est un passage obligé vers un niveau supérieur d’humanité. Il distingue deux formes de nihilisme.

D’une part, un nihilisme passif, celui des faibles, estime que le monde n’existe pas comme il devrait l’être, déplore l’absence totale d’un monde juste et considère de ce fait que l’existence n’a pas de sens. Ce nihilisme des faibles conduit à renier la vie.

Mais d’autre part, Nietzsche imagine un nihilisme actif, celui des forts, qui consiste à tout remettre en question, à abandonner certaines valeurs pour en adopter de nouvelles, à détruire à coups de marteau pour ensuite reconstruire, se réinventer et repartir de plus belle.

Définitions

L’essentialisme est un courant philosophique qui affirme que chaque entité, être ou chose, est prédéfini par des caractéristiques indispensables à son identité et à sa fonction.

L’existentialisme est un mode de philosopher qui se donne pour objet l’analyse de l’existence humaine dans sa réalité concrète et vécue.

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