
Interview imaginaire, mais historique
Ce navigateur aventurier a ouvert les portes de la mondialisation. Savait-il qu’il allait bouleverser l’équilibre de la planète ? Sans doute pas, il ne savait même pas qu’il allait découvrir l’Amérique. Interview imaginaire, oui, mais aucun historien ne viendra contredire ce qu’il nous raconte.
ARTICLE
Christophe Colomb : « J’ai navigué pour gagner ma vie, mais j’ai vite réalisé que je vivais pour naviguer, et explorer le monde. »
Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l’information économique sur TF1 et LCI jusqu’en 2010 puis sur i>TÉLÉ.Aujourd’hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.
Christophe Colomb aurait pu être un personnage de roman. Comme Monte Cristo, à qui il ressemblait étrangement, il aurait pu être inventé par Alexandre Dumas. Il était de cette trempe-là. Christophe Colomb s’est rendu célèbre pour avoir découvert le Nouveau Monde, c’est-à-dire l’Amérique, en 1492, alors qu’il cherchait la route des Indes.
Le doute persiste sur ses véritables origines, bien qu’il soit né en Italie en 1451. Était-il juif ? Pourquoi écrivait-il toujours en espagnol alors qu’il était italien ? Il existe autant d’hypothèses que de pays (Italie, Portugal, Espagne, Corse) voulant s’attribuer la gloire de Christophe Colomb.
Christophe Colomb a organisé et piloté quatre expéditions vers le Nouveau Monde et a été le premier explorateur à faire connaître la culture indigène par la colonisation et par ses récits. Épuisé par ses voyages, il s’éteint en 1506 à Valladolid, en Espagne, dépossédé de ses privilèges acquis et ignorant jusqu’au nom du nouveau continent qu’il avait découvert. Quel journaliste n’aurait pas rêvé de le rencontrer ? Nous l’avons fait, car aux côtés d’Albert Einstein, Alexandre Fleming, Marie Curie ou le Baron Haussmann, il fait partie de cette catégorie de personnages qui sont rentrés dans l’histoire parce qu’il a participé à changer le monde et notre façon de vivre. Il a ouvert les portes de la mondialisation.
Question : Christophe Colomb, tout le monde vous connaît, on sait que vous avez découvert l’Amérique, bien sûr, mais on ne sait pas toujours d’où vous venez. Votre origine a déclenché des vraies querelles d’historiens ! Est-ce que vous pouvez nous éclairer ?
Christophe Colomb : Je suis italien, moi, un vrai de vrai, in Italien de Gênes ! Alors, c’est vrai que j’ai un peu brouillé les pistes. Je m’entendais très bien avec les latins, j’ai navigué grâce aux Espagnols et j’ai été marié à une Portugaise, rencontrée pendant une de mes premières venues en péninsule ibérique. En Italie, mes parents étaient tisserands, j’ai manié moi-même , le métier à tisser pour confectionner des tissus. Mais entendre parler chiffons toute la journée, je m’en suis lassé bien vite. J’étais fier de mes origines génoises, mais je voulais découvrir autre chose. Alors, je me suis mis à voyager. L’Europe d’abord, l’Irlande, les côtes africaines. Ça n’a pas toujours été facile.
Mes parents étaient modestes certes, mais ils avaient une condition sociale et une stabilité obtenues par le travail ; mon père était fier de pouvoir me la transmettre, moi, l’aîné de ses enfants. Il a donc fallu que je me révolte contre ce que je considérais comme un devoir : prendre la suite de mon père. Les noms d’oiseaux ont volé, mais j’ai gagné ma liberté. J’ai navigué pour vivre et j’ai vite réalisé que je vivais pour naviguer. Pour explorer.
Question : Avant d’être téméraire, il faut simplement être instruit. Vous étiez de ceux qui défendaient l’idée que la Terre était ronde. Comment vous instruisiez-vous ? Vous avez fait des études ?
Christophe Colomb : J’avais, par mes parents, reçu une éducation assez élémentaire. J’ai approfondi moi-même, de manière autodidacte, les points qui représentaient de l’intérêt à mes yeux. On peut beaucoup apprendre par soi-même, vous savez. J’ai beaucoup lu, et j’ai navigué. Bref, j’ai vécu. Il m’est arrivé plusieurs fois de faire naufrage. La première fois que j’ai vu des universitaires, c’était pour leur soumettre mon projet de naviguer sur l’océan, et ils m’ont pris pour un demeuré.
Question : Revenons justement à cette idée folle. Comment vous est venue le projet de traverser la « Mer Océane », comme vous disiez à l’époque, l’Atlantique, sans aucune certitude de toucher terre à un moment ou un autre ?
Christophe Colomb : Tous ces grands maîtres que je m’étais donné m’ont inspiré. Ils ont agi sur moi comme des guides, des mentors. Et en mettant bout à bout toutes leurs recherches, j’ai reconstitué le puzzle. Eratosthène, le plus ancien, l’Égyptien. Plus d’un millénaire avant moi, ce formidable génie avait estimé la circonférence de la Terre à 39 375 kilomètres. Avec un chameau, le phare d’Alexandrie et quelques hypothèses, il ne s’est trompé que de 7000 kilomètres ! Claude Ptolémée, ensuite, chez les Romains.
C’était un formidable astronome et géographe, c’est lui qui a tout cartographié et beaucoup d’explorateurs après moi se serviront encore de ses recherches. D’après ses tracés, qui n’étaient pas exacts – on les a bien sûr corrigés par la suite – l’Océan Atlantique ne semblait pas si long à traverser. Il avait très bien cartographié l’Europe, l’Afrique et l’Asie, mais ne connaissait pas l’Amérique. Je ne peux pas lui en vouloir. Son apport a tellement été immense. Pour avancer, il faut savoir se tromper. Selon lui, donc, l’autre rive la plus proche était celle de l’Asie. Cette terre avait été découverte par la route orientale, en contournant l’Afrique.
Marco Polo avait décrit ce monde nouveau et terriblement différent de nous dans son Livre des Merveilles. Il avait pris le soin d’évoquer le Japon, qu’on appelait Cipangu, mais qui était encore qu’un mythe, jamais découvert par les Européens. Du coup, personne n’avait osé le faire avant moi, mais j’ai voulu rejoindre cette île par la route …
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