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« Nous devons nous opposer à l’offensive généralisée de l’islam intégriste contre la liberté des femmes »
Par Jean-Pierre Sakoun. 19/09/2023 MARIANNE
Mahsa Amini est morte il y a un an, après avoir été arrêtée par la police des mœurs iraniennes, déclenchant une révolte féministe dans le pays. Président d’Unité Laïque, Jean-Pierre Sakoun rappelle combien il est important de lutter pour le droit des femmes, soumises aux pressions islamistes partout dans le monde.
Le 16 septembre 2022, Mahsa Amini, une étudiante iranienne d’origine kurde de 22 ans, mourait sous les coups des nervis du pouvoir de Téhéran, trois jours après avoir été arrêtée, pour un hijab mal porté qui laissait apparaître ses cheveux…
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Depuis, les femmes iraniennes et beaucoup d’hommes ont occupé la rue, manifesté, protesté, au risque de leur vie, de leur santé. Arrêtées, battues comme plâtre, torturées, parfois jusqu’à ce que mort s’ensuive. Un an après, devant la férocité des barbus fanatiques et de leurs chefs enturbannés, les manifestations massives se sont lentement éteintes. Mais la flamme, elle, fragile et vacillante, luit toujours. Combien de femmes, aujourd’hui, au péril de leur vie, chaque jour, parcourent les rues des villes iraniennes, affrontant du regard la menace haineuse de la police du vêtement, décidées à ne plus jamais se soumettre à l’assignation d’impureté et d’esclavage moral et physique que représente le hijab ? Notre soutien à ces femmes et à ce peuple martyrisé, qui depuis quarante-quatre résistent à la cruauté fanatique, est total. Cette petite flamme est notre phare.
RENONCEMENTS FACE À L’ISLAMISME
Un an après ce soulèvement, d’autres manifestations de la volonté acharnée de soumission obsessionnelle des femmes par un islam rétrograde et cruel se sont fait jour ou ont persisté. La plus effroyable est le martyre subi par les femmes afghanes, hilotes dans leur propre pays, privées de soins médicaux, privées d’éducation, privées de toute liberté, battues, assassinées impunément par la pire bande de malfrats obscurantistes et fanatiques que l’islam radical ait produite. La torture permanente infligée à ces femmes est une douleur pour tout humaniste. Sous nos cieux-mêmes, les entreprises islamistes dont les femmes sont les premières victimes et les premiers marqueurs, ne sont pas moins constantes, même si elles se parent absurdement des habits couvrants et « modestes », bien sûr, de la liberté.
« Les fanatiques obscurantistes islamistes ont pour premier objectif de séparer les musulmans du reste de la communauté nationale. »
Ainsi, l’approche des Jeux olympiques nous rappelle que, à cause de l’Iran et des pétrodollars du Golfe qui irriguent le mouvement olympique, la règle 50-2 de la Charte olympique, qui interdit toute manifestation religieuse et qui exige le respect de l’égalité entre les athlètes est honteusement bafouée ; les dirigeants politiques préfèrent baisser le regard, devant les délégations sans femme, les délégations où les femmes n’ont pas le droit de pratiquer certaines disciplines, les délégations où elles ne peuvent se déplacer qu’accompagnées d’un chaperon agressif et tout-puissant, les délégations où les accoutrements couvrants les plus improbables et les plus humiliants leur sont imposés. Certains parlent à ce propos d’apartheid sexuel. Nous les rejoignons pour rappeler que c’est le courageux boycott de l’Afrique du Sud par le mouvement olympique qui obligea ce pays à intégrer des Noirs à ses équipes sportives et qui participa à l’effondrement de ce régime post-nazi. Où est le courage aujourd’hui ? Ni au CIO, ni à l’Hôtel de Ville de Paris.
Dans notre pays-même et au-delà de la préparation des Jeux olympiques de 2024 à Paris, les épisodes se succèdent, qui nous rappellent sans cesse que les fanatiques obscurantistes islamistes ont pour premier objectif de séparer les musulmans du reste de la communauté nationale et que ce but sera atteint d’abord par le voilement des femmes musulmanes appelées à se soumettre. Le deuxième objectif, auquel ces extrémistes travaillent en parallèle, consiste à rendre la société « charia-compatible » selon l’heureuse formule de Florence Bergeaud-Blackler, en tentant d’abattre tous les remparts que la laïcité et la République égalitaire dressent contre la haine de l’autre, la haine des femmes, la guerre des communautés, le retour de l’oppression religieuse dans la société.
UNE OFFENSIVE INDISCUTABLE
On ne peut interpréter autrement les épisodes qui se succèdent sans discontinuer, hijabeuses, burkini dans les piscines grenobloises, hidjab, abayas et qamis dans les écoles, tentative d’imposer le port de signes religieux par les avocates islamistes. Et que dire de l’explosion de la domination intégriste islamiste dans l’espace public du fait de la multiplication exponentielle du hidjab ; voire d’une invisibilisation totale des femmes dans certains quartiers de nos villes.
« Ce concept mortel pour la liberté de conscience et pour l’égalité entre les êtres humains. »
L’offensive est indiscutable. Elle s’appuie sur un autre dogmatisme, celui des droits de l’individu poussé jusqu’à l’absurde par l’Union européenne et soutenu par les efforts américains, ce pays messianique où triomphe le wokisme, convaincu que sa vision de la démocratie fondée sur l’exaltation de l’individu néolibéral est la meilleure du monde et prêt à l’imposer partout, surtout en France, le seul autre modèle démocratique disponible, fondé lui sur l’émancipation collective et la solidarité, caillou dans les rangers des USA.
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Pire encore, une partie massive de la gauche a rejoint ce combat douteux, par culpabilité postcoloniale, cet instrument si bien manié par les frères musulmans, par clientélisme décomplexé, par haine de soi et de l’héritage des Lumières, par dérive de la lutte des classes vers la lutte des races. Nombre de ses dirigeants sont devenus des machines à produire de la confusion et à paralyser le combat contre l’obscurantisme sectaire et la soumission des femmes. Certains vont même jusqu’à parler de « police du vêtement » en France, à affirmer sans que le rouge leur monte au front qu’il faut soutenir à la fois le combat des femmes contre le voilement en Iran et pour le voilement en France. Ils font mine d’oublier que la lutte des femmes iraniennes ne consiste à pouvoir porter le hijab si et quand elles en ont envie, mais comme le dit Golshifteh Farahani, actrice Iranienne, à « libérer sa chevelure, […] geste symbolique sans précédent. Le voile est la base de l’oppression islamique sur la femme. S’il tombe, le reste s’effondrera ». On a même récemment entendu qu’il faudrait arrêter de critiquer les talibans sous peine de participer à l’islamophobie ambiante, ce concept mortel pour la liberté de conscience et pour l’égalité entre les êtres humains.
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Oui, nous soutenons les femmes iraniennes, oui, nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour aider à délivrer les femmes afghanes de leur enfer. Et notre premier devoir consiste à lutter ici et maintenant contre l’offensive généralisée de l’islam intégriste contre la liberté des femmes dans notre pays, contre la République, contre la laïcité. « Quand vous entendez dire du mal des juifs, dressez l’oreille, on parle de vous » prévenait Frantz Fanon. Quand vous voyez des femmes contraintes à la soumission, ouvrez l’œil, on parle de vous, serions-nous tentés de dire après lui. D’autant que ce sont les mêmes qui se livrent à ces menées. Nous appelons nos élus et nos concitoyens à lutter résolument contre l’apartheid des femmes, où qu’il soit, et de quelque motif qu’il se prévale.
- Par Jean-Pierre Sakoun