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SERVICE PUBLIC (5) : CONSIDÉRER LES FRANÇAIS DANS LEUR EXISTENCE TERRITORIALE ET SOCIALE

NOS PRÉCÉDENTES PUBLICATIONS RELATIVES AUX SERVICES PUBLICS ET À LA REDISTRIBUTION « ÉLARGIE » :

SERVICE PUBLIC (1) L’ETAT ET SES RESPONSABLES N’ONT PAS SU S’ADAPTER – L’ACTION PUBLIQUE EN PANNEhttps://metahodos.fr/2023/09/18/service-public-1-letat-et-ses-responsables-nont-pas-su-sadapter-laction-publique-en-panne/

Services publics (2) : « ILS CRAQUENT » – PRÉSENTATION DU RAPPORThttps://metahodos.fr/2023/09/19/services-publics/

ÉLOGE DE LA REDISTRIBUTION : UNE ÉTUDE BIEN PEU CONVAINQUANTE ? SERVICE PUBLIC (3) https://metahodos.fr/2023/09/27/66560/

SERVICES PUBLICS (4) : SI ON ÉVALUAIT LEUR EFFICIENCE … ET LEURS INSUFFISANCES https://metahodos.fr/2023/09/28/serv-public-3/

TRIBUNE

Aménagement du territoire : « Les bassins de vie pour réconcilier les Français avec leurs services publics »

Collectif Tribune 29 juillet 2023 LE MONDE

Au lieu d’exiger du citoyen qu’il s’adapte à une organisation des pouvoirs publics de plus en plus absconse, les membres du cercle de réflexion Le Défi démocratique proposent, dans une tribune au « Monde », de s’appuyer sur de petits territoires définis sur lesquels les habitants ont accès aux équipements et services courants. Et définissent la démarche autour de trois axes : coconstruction, engagement et évaluation.

Nettoyer la rivière qui entoure leur jardin et obtenir l’autorisation de convoyer l’équipement idoine : pour ce couple anglo-australien de Gond-Pontouvre (Charente), une formalité. Vous n’y croyez pas, malheureux, nous sommes en France ! La route pour faire venir la machine est d’intérêt communautaire : le Grand-Angoulême est compétent, non le village où passe la rivière. Celle-ci est gérée par un syndicat d’économie mixte, qui doit aussi donner son feu vert. La compétence et le dévouement personnels des élus pour démêler cet écheveau n’y changent rien. Le curage de la rivière attendra…

Caricature ? Clochemerle est loin d’être seul à illustrer l’imbroglio des compétences entre l’Etat et les couches du tristement célèbre millefeuille territorial. Tout sauf innocente concernant les difficultés à réformer notre école, la balkanisation des responsabilités en est une autre preuve : le primaire aux communes, le collège aux départements, les lycées aux régions et les professeurs à l’Etat.

Anecdotiques ou stratégiques, les exemples abondent, qui instruisent le procès en impuissance publique. Provoquant l’incompréhension de nos concitoyens, leur désertion des urnes, leur non-recours aux droits, leur fuite des zones rurales, leur colère, quand ce n’est pas la violence – injustifiable et inexcusable – d’une minorité d’entre eux.

Nul besoin d’un énième jeu de construction territorial

« Pour une démocratie utile », plaidions-nous dans ces colonnes (Le Monde du 12 avril). Plus que jamais ce mot d’ordre doit guider l’action publique. Le chambardement des structures administratives nous semble impossible dans les circonstances politiques présentes, nous proposons néanmoins un changement radical pour tourner le dos à la philosophie qui a trop souvent inspiré les « actes de décentralisation » des dernières décennies.

Au lieu d’exiger du citoyen qu’il s’adapte à une organisation des pouvoirs publics de plus en plus absconse, imposer à ces derniers de joindre leurs efforts dans une seule perspective : l’accessibilité et la qualité des services rendus aux populations. Inverser la charge de la complexité : tel est l’enjeu !

Cette approche nouvelle n’a nul besoin d’un énième jeu de construction territorial. Elle peut s’incarner dans une création de l’Insee de 2012 : le « bassin de vie ». Cette année-là, chacun des 1 666 bassins de vie (les trois quarts en terre rurale) était dessiné comme le plus petit territoire sur lequel les habitants ont accès aux équipements et services les plus courants.

La mise en place de la coconstruction

Nos concitoyens parcourent en moyenne 50 kilomètres par jour pour travailler, se soigner, faire leurs courses, emmener leurs enfants à l’école, se divertir, se cultiver… Cet espace de la vie quotidienne n’a que faire des frontières administratives. Il s’agit maintenant de transformer cet instrument d’observation en un outil opérationnel pour réconcilier les Français avec leurs services publics. Coconstruction, engagement et évaluation sont les trois étapes qui permettront aux bassins de vie de donner leurs meilleurs fruits.

La coconstruction, en premier lieu, réunit les parties prenantes autour de la même table : l’Etat, les collectivités territoriales et leurs administrations (caisses d’allocations familiales, France Travail…), les entreprises, les associations représentatives (du handicap, de la pauvreté, des familles, des jeunes, des seniors…) et les citoyens. Leur mission est d’écrire la feuille de route du bassin de vie pour les cinq ou six années à venir. Sur quels services porter les efforts en priorité ? L’éducation ? Les transports ? L’emploi ? Les commerces ? La santé ? Les loisirs ? Pour obtenir quels résultats, précisément ? A quelles échéances ? Avec quels investissements ?

Questions basiques, mais qui requièrent une grande rigueur. Que ceux qui redoutent une république des palabres se rassurent. Pour identifier les besoins des citoyens, ceux-ci sont au cœur de cette démarche. Mais ils n’ont pas besoin d’être présents en nombre : une vingtaine tout au plus, format retenu lors des multiples réunions pour bâtir la réforme des retraites en Suède. Le classement des propositions est assuré par la technique du vote préférentiel : seront retenues les cinq ou six qui auront recueilli le plus de suffrages.

L’engagement et l’évaluationdes résultats obtenus

L’engagement, ensuite, est scellé par un contrat entre toutes les parties, en particulier les entités administratives, étatiques ou territoriales. Celles-ci renoncent aux guéguerres de défense de leurs compétences propres, pour se concentrer sur un objectif : la réussite de la feuille de route. Il y a là, nous l’assumons, un tour de passe-passe. Dans l’incapacité de réaliser une réforme de l’action publique par le haut, au risque d’une impasse politique et parlementaire, nous l’enjambons et contraignons ses responsables à la mettre en œuvre par le bas, au plus près du terrain. En leur imposant une culture du résultat à laquelle ils sont trop souvent réfractaires.

L’évaluationdes résultats obtenus, enfin, intervient aux termes du contrat. Elle donne lieu à une large publicité. Et elle rime avec évolution. Le bassin de vie est un organe… vivant. Son périmètre évolue en fonction de la démographie, les attentes de ses habitants avec leur sociologie, ses objectifs tiennent compte des transformations déjà entreprises. Une chose est sûre : la démarche n’est jamais achevée.

Concernant nos services publics, le bilan de notre majorité présidentielle est loin d’être négligeable. Les maisons France Services ou la diffusion du numérique, par exemple, ont permis des avancées importantes. Mais notre conviction est que celles-ci ne sont pas à l’échelle des attentes de nos concitoyens et des dysfonctionnements qui, au fil des ans, ont « embolisé » l’action publique. Il y a urgence à accélérer la restauration d’une confiance qui se dérobe et à conjurer le danger que les courants populistes tirent profit de ce délitement en 2027. Avec les bassins de vie, nous ne promettons pas le « grand soir » institutionnel. Mais un « grand soir » démocratique, pourquoi pas ?

Les signataires de la tribune : Loïc Boivin, administrateur territorial ; Isabelle Florennes, ancienne députée des Hauts-de-Seine ; Daniel Lebègue, ancien président de Transparency International France et d’associations ; Gilles Le Gendre, député (Renaissance) de Paris ; Frédéric Monlouis-Félicité, cadre en entreprise ; Sophie Roche, consultante en transformation digitale, anime le cercle de réflexion Le Défi démocratique.

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