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242 000 faux comptes Facebook : arnaques et informations mensongères

Désinformation prorusse et arnaques aux faux placements

L’ONG Reset a identifié un réseau tentaculaire. Utilisé à la fois pour promouvoir de la désinformation prorusse et des arnaques aux faux placements, notamment en France, il témoigne de « l’ubérisation » rampante de l’industrie de la manipulation. C’est le propos de l’article proposé à votre lecture ci contre.

ARTICLE

Entre désinformation et arnaques, un rapport lève le voile sur un gigantesque réseau de 242 000 fausses pages Facebook

Par Damien Leloup et Florian Reynaud Publié le 26 octobre 2023 LE MONDE

Il ne faut pas plus de quelques secondes pour deviner que l’on a affaire à de faux comptes créés automatiquement. « Pleasant wwg7 », « Delightful rc3 », « Attractive hc2 »… Visiblement nommées à l’aide d’un générateur automatique, ces pages Facebook n’ont rien d’authentique et ne font pas vraiment d’efforts pour le paraître. Cela ne les a pour autant pas empêchés de proliférer sur la plate-forme de Meta, selon un rapport publié mardi 24 octobre par l’ONG Reset, spécialisée dans les sujets numériques.

L’organisation affirme aujourd’hui que ces fausses pages font partie d’un vaste agglomérat d’au moins 242 000 profils inauthentiques. Existant depuis 2021 et toujours en ligne, il s’agit, en volume, d’un des réseaux de désinformation les plus massifs jamais identifiés. Pour l’étudier, Reset s’est appuyée sur une liste de 51 mots, tous synonymes de « beautiful » (« beau ») utilisés pour générer des noms de profils. Si le rapport explique que l’immense majorité de ces pages est quasiment inactive, quelques centaines d’entre elles ont toutefois été utilisées pour diffuser des publicités sur Facebook.

Nombre de ces réclames sont déjà très familières des chercheurs en sécurité informatique et même de l’équipe de sécurité de Meta. Car une partie de ce réseau a servi la campagne de désinformation appelée « Doppelgänger » (ou « RRN » par les services de renseignement français), active depuis le printemps 2022, et considérée comme l’une des plus vastes opérations de désinformation en ligne attribuées à la Russie ces dernières années.

Certaines pages du réseau décortiqué par Reset ont ainsi diffusé, aussi bien en France qu’en Allemagne et dans d’autres nations européennes, des centaines de contenus sponsorisés sur Facebook traitant très majoritairement de la guerre en Ukraine. A chaque fois, ces éléments poussent l’idée que les pays européens ruinent leur économie en aidant l’Ukraine. Ils tentent à la fois d’affaiblir le soutien des populations européennes à l’effort de guerre ukrainien et de faire croire que l’immense majorité des citoyens de l’Union européenne sont opposés à la politique étrangère de leurs gouvernants. L’analyse des dates de création des pages montre qu’elles se sont démultipliées de manière notable quelques mois après le début de l’offensive russe.

« Ubérisation » de la désinformation

Plus étonnant : une partie des pages de ce réseau tentaculaire est également utilisée pour faire la promotion de sites conçus à des fins crapuleuses, selon le rapport de Reset. D’après l’ONG, certaines de ces publicités frauduleuses servaient à pousser des sites d’hameçonnage, destinés à voler les identifiants ou données personnelles de leurs victimes.

Le Monde a par exemple pu retrouver une page, nommée « Pleasant dku1 », qui a acheté de la publicité renvoyant sur un faux article du Monde affirmant que l’animatrice Alessandra Sublet avait révélé la vérité sur un investissement financier secret mais très lucratif. Ce mode opératoire est très connu : c’est celui de différents groupes d’escrocs spécialisés dans l’arnaque financière.

La faible activité de la plupart des pages, mais aussi le fait qu’elles aient servi aussi bien à des campagnes de désinformation qu’à des escroqueries, suggère qu’elles ont été créées par un même acteur qui loue au plus offrant l’accès à des faux profils ou à un outil de création de faux profils. Une nouvelle preuve de l’« ubérisation » à l’œuvre dans l’industrie de la manipulation.

Face à ces faux comptes, Meta « a adopté une approche réactive, en les supprimant au cas par cas, plutôt que de rechercher et bloquer proactivement ces réseaux clairement inauthentiques dans leur intégralité », regrette Reset. « La suppression de publicités ou de pages au cas par cas n’empêche aucunement l’activation d’autres pages créées par le même acteur. »

Zone d’influence russe

Il est très difficile d’identifier les acteurs derrière les opérations de ce type. Le rapport souligne que près de 118 000 pages avaient automatiquement publié une photo de plat volée à un site de cuisine russe, parfois accompagné d’un texte, lui aussi en russe.

Dans les rares cas où Facebook fournissait l’origine géographique des comptes administrant les pages, l’Ukraine et le Kazakhstan étaient les pays revenant le plus souvent. Ces éléments, couplés à l’utilisation d’une partie du réseau dans le cadre d’une campagne de désinformation russe, peuvent laisser penser que les opérateurs de ces pages résident dans un pays russophone ou situé dans une zone d’influence russe.

Ces indicateurs sont cependant insuffisants. Les milliers de faux comptes administrés par Team Jorge, une officine de désinformation israélienne très active sur les réseaux sociaux, utilisaient par exemple très souvent des photos de profil aspirées sur des réseaux sociaux russes.

Sollicité par Le Monde, Meta, le propriétaire de Facebook, n’a pas souhaité commenter les informations du rapport de Reset. L’entreprise fait partie des grandes sociétés du numérique visées depuis une semaine par une enquête préliminairede la Commission européenne pour diffusion de désinformation et de contenus illégaux.

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