
LE EN MÊME TEMPS AU SOMMET DE L’EXECUTIF
Le PR a demandé au député Renaissance de l’Oise de réfléchir à « la simplification de l’organisation territoriale » pour en « réduire le nombre de strates ».
La PM a indiqué – quant à elle – que département est le niveau « du quotidien », de « l’humain », elle a déclaré qu’« aujourd’hui et demain le département est un échelon indispensable pour l’action publique locale ».p
1. ARTICLE
Les départements redoutent une réorganisation territoriale
Par Emmanuel Galiero LE FIGARO
La première ministre était à Strasbourg pour l’Assise des départements de France. Accompagnée de quatre ministres, Élisabeth Borne y a évoqué les budgets en tension et le transfert de certaines compétences, vers des collectivités.
Les annonces faites en Alsace vendredi par la première ministre, en clôture du 92e congrès des assises des départements de France, pouvaient-elles apaiser les inquiétudes des présidents de collectivités? Pas vraiment. D’autant moins que ces assises, célébrées de manière inédite dans l’hémicycle du Parlement européen, à Strasbourg, restent chargées d’interrogations budgétaires. Surtout, il y a une phrase d’Emmanuel Macron, écrite dans sa lettre de mission à Éric Woerth sur la décentralisation, qui reste en travers du gosier des élus départementaux.
Les finances des collectivités revues à la hausse
Ils se sont sentis visés en lisant que les orientations présidentielles sur la «simplification de l’organisation territoriale» étaient envisagées «en vue de réduire le nombre de strates décentralisées aujourd’hui trop nombreuses et de mieux les articuler entre elles». Comme si le chef de l’État avait soudain réveillé les fantômes de l’époque Hollande-Valls et la suppression des départements.
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2. ARTICLE
Décentralisation : la mission confiée par Emmanuel Macron à Eric Woerth inquiète les départements
Des présidents de départements craignent que leurs collectivités soient menacées, après que le chef de l’Etat a demandé au député Renaissance de l’Oise de réfléchir à « la simplification de l’organisation territoriale » pour en « réduire le nombre de strates ».
Dès qu’il est question de millefeuille territorial, les départements se raidissent. C’est souvent eux, en effet, qui sont dans le viseur quand on agite l’idée d’un grand ménage dans les collectivités locales. Lorsqu’ils ont lu la lettre de mission adressée par le président de la République, le 3 novembre, au député Renaissance de l’Oise Eric Woerth, leur sang n’a fait qu’un tour.
Emmanuel Macron demande, en effet, à l’ancien ministre de Nicolas Sarkozy de réfléchir à « la simplification de l’organisation territoriale en vue de réduire le nombre de strates décentralisées aujourd’hui trop nombreuses ». C’est l’un des cinq thèmes sur lesquels l’ancien maire de Chantilly (Oise) devra travailler, avec « la clarification des compétences »ou « la valorisation » de la fonction d’élu. Pour le chef de l’Etat, « toute notre architecture territoriale est à repenser »: à ses yeux, « confuse, coûteuse », l’organisation actuelle « dilue les responsabilités », « produit de l’inefficacité pour l’action publique » et nourrit la défiance des citoyens.
Mais certains présidents de conseil départemental, réunis du 8 au 10 novembre à Strasbourg pour leurs assises annuelles, sont persuadés que c’est leur collectivité qui est visée. « Qu’est-ce qu’ils veulent, la disparition du département ? », s’insurge Noël Bourgeois, à la tête des Ardennes. L’élu Les Républicains (LR) n’est pas loin de penser, comme beaucoup d’autres, que « l’asphyxie financière » de ces collectivités est délibérée. « Si on continue comme ça, moi, je ne sais plus faire, s’emporte M. Bourgeois. Je rends les clés à M. le préfet et je dis “débrouillez-vous !” » Il l’assure : « Un certain nombre de départements risquent la banqueroute. »
« Paternalisme » de l’Etat
D’autres signaux les inquiètent. Comme les déclarations – aujourd’hui démenties – de la secrétaire d’Etat chargée de l’enfance, Charlotte Caubel, affirmant mi-octobre, dans Le Figaro, que le gouvernement était « prêt à envisager » la recentralisation de la protection de l’enfance. Depuis, le président de l’association d’élus Départements de France ne décolère pas. « Je dénonce cette musique ambiante, insupportable, qui laisse entendre que ce pays irait mieux si l’Etat s’occupait lui-même d’un certain nombre de responsabilités dont nous avons la charge », a protesté François Sauvadet, jeudi 9 novembre, à Strasbourg. Car en la matière, insiste le président UDI de la Côte-d’Or, le problème vient d’« une défaillance des services de l’Etat ».
Et comme il n’y a pas de meilleure défense que l’attaque, M. Sauvadet dénonce : « Ce qui doit être réinterrogé, ce ne sont pas les strates, ce sont les conditions dans lesquelles on va agir mieux pour les Français, c’est la pratique de l’Etat. »Que l’Etat commence donc par balayer devant sa porte. Et l’élu bourguignon a trouvé en Gérard Larcher un allié tout acquis. Le président LR du Sénat, présent à Strasbourg, n’a pas mâché ses mots. « Il est nécessaire de mettre fin à une gouvernance verticale, à cette centralisation bureaucratique », a considéré M. Larcher, qui souhaite « en finir avec ce paternalisme » qui rend les élus locaux « dépendants des dotations de l’Etat ». Président UDI du Calvados, Jean-Léonce Dupont le souligne lui aussi : il est inutile de lancer une réforme de la décentralisation sans commencer par s’interroger « sur le rôle de l’Etat central ». Et tant que « la technocratie centrale » n’acceptera pas de « perdre une partie de ses pouvoirs ».
Au-delà, les conseillers départementaux défendent leur collectivité. « Nous, tous les jours, on est aux côtés de nos concitoyens, à tous les âges de la vie, souligne Noël Bourgeois. Qui le fera demain ? Ce ne sont pas avec des guichets que l’on aura ici ou là que les choses vont se régler. C’est la strate qu’il faut conserver absolument. On peut peut-être s’interroger sur les intercommunalités, notamment les plus petites. »
Et chacun d’évoquer le rôle des départements pendant la pandémie de Covid-19. Président socialiste de la Gironde, Jean-Luc Gleyze rappelle que « les régions sont devenues immenses ». Et de poursuivre : « Cela affirme plus que jamais la nécessité d’une strate intermédiaire, qui peut agir à bonne distance. »
« Soit il ne se passera rien, soit c’est une provocation »
Alors ? « Plusieurs fois menacés, les départements ont toujours su démontrer leur utilité et, au contraire, ont vu leurs missions élargies », a déclaré Gérard Larcher en assurant les élus du soutien du Sénat. « Je ne crois pas à un nouveau big bang territorial, a-t-il précisé. Je le dirai à Eric Woerth. » Le président du Palais du Luxembourg a fait référence à la promesse faite en 2014 par Manuel Valls, alors premier ministre, de supprimer les départements. « Gardons-nous des poncifs qui ont la vie dure et ne revenons pas à quelques lubies d’avant l’été 2014 », a lancé M. Larcher.
Ce dernier a raconté à l’assistance que c’est grâce à un dialogue avec le président de la République d’alors, François Hollande, pendant l’été 2014, que les deux hommes ont « compris que le département était nécessaire à la proximité, à l’équilibre et l’aménagement du territoire ». Interrogé par Le Monde, jeudi soir, l’ancien chef de l’Etat corrige : président du conseil général de la Corrèze de 2008 à 2012, il était « déjà convaincu » de l’utilité de « cet échelon de proximité ». « En échangeant avec Gérard Larcher, poursuit M. Hollande, j’ai compris que la création des grandes régions pouvait recueillir l’appui du Sénat à la condition de préserver le département, tout en précisant ses compétences. »
Finalement, Stéphane Troussel, président socialiste de la Seine-Saint-Denis, retient deux hypothèses. « Soit il ne se passera rien, comme il ne s’est rien passé les fois précédentes. » « Soit c’est une provocation », juge-t-il. « Quelle majorité politique le président de la République pourrait trouver au Parlement pour voter une réforme institutionnelle ? », demande-t-il.
En tout cas, pour Stéphane Troussel, « ressortir la tarte à la crème des strates », alors que le chef de l’Etat « est allé quémander le soutien des maires pour se sortir de la révolte des “gilets jaunes” », et que « les préfets sont allés taper à la porte des présidents de département pour les aider à lutter contre le Covid, franchement, ce n’est pas sérieux ».
Venue vendredi 10 novembre à Strasbourg pour annoncer le déblocage de crédits nouveaux en faveur des départements, la première ministre, Elisabeth Borne, a aussi évoqué la question de la décentralisation. Soulignant que le département était le niveau « du quotidien », de « l’humain », elle a déclaré qu’« aujourd’hui et demain le département est un échelon indispensable pour l’action publique locale ». Pas sûr que cela suffise à rassurer des élus locaux à cran.