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La poésie comme remède à la solitude
Par Lili Mora le 07.11.2023 SCIENCES ET AVENIR
La poésie est un art créatif qui permet de s’exprimer et de poser des mots sur des émotions et des sentiments parfois confus. Une récente étude prouve que la lecture ou l’écriture de la poésie permet de se sentir apaisé, moins seul et moins anxieux.

« On ne lit pas, ni écrit de la poésie, parce que c’est joli. On lit et écrit de la poésie car on fait partie de l’humanité. Et l’humanité est faite de passion. La médecine, le droit, le commerce sont nécessaires pour assurer la vie, mais la poésie, la beauté, la romance, l’amour, c’est pour ça qu’on vit. » Cette réplique, tirée du film Le Cercle des Poètes Disparus du réalisateur américain Peter Weir (1989) et déclamée par l’acteur Robin Williams, corrobore avec l’étude sortie le 7 novembre 2023 dans le Journal of Poetry Therapy.
La poésie, un remède à la solitude
De juin 2020 à juin 2021, Anthony Caleshu, professeur de poésie et de création littéraire à l’Université de Plymouth (Royaume-Uni), et son équipe se sont appuyés sur les données d’un site internet qu’ils ont créé, « Poetry and Covid », et dont le but était de permettre à tous de partager, lire et écrire des poèmes en rapport avec la pandémie de Covid. Les chercheurs ont aussi demandé à 400 utilisateurs de ce site de répondre aux questions d’un test reconnu sur la santé mentale, le Warwick-Edinburgh Mental Well-being Scale (WEMWBS).
Pour les participants, la poésie, qu’elle soit lue ou écrite, les a aidés à combattre l’anxiété et l’isolement dû aux multiples confinements. Pour 68% d’entre eux, ce site leur a permis de se sentir plus proches des autres, et 66% se sentaient plus aptes à accepter et gérer les émotions créées par la pandémie. « Ces résultats démontrent le pouvoir considérable de la poésie, a déclaré le chercheur principal Anthony Caleshu dans un communiqué. L’écriture et la lecture de poèmes, ainsi que l’utilisation de ce site web, ont eu un impact positif considérable sur le bien-être des participants pendant la pandémie de Covid-19. »
Un calligramme créé par un utilisateur du site de l’étude. Il possède la forme du virus Covid-19 et parle de cette période de pandémie et de confusion sur les mesures à adopter. Crédits : 2023 The Author(s). Published by Informa UK Limited, trading as Taylor & Francis Group
Un boost de créativité
81% des participants à l’étude et ayant lu ou posté un poème ont déclaré que cette initiative leur a donné un boost de créativité et de motivation. « Cette étude montre que la créativité, associée à la possibilité d’une explication et d’une discussion saines et encourageantes, peut aider les gens à supporter des moments et des circonstances difficiles en leur offrant des moyens de donner un sens à leur expérience« , relate le professeur Caleshu.
Le site « Poetry and Covid » a enregistré, durant l’année de sa création, plus de 600 écrivains, et plus de 100.000 visiteurs venant de 125 pays différents, ce qui est un succès tout à fait « inattendu » pour les auteurs de l’étude. Les poèmes sont parfois courts, parfois longs, parfois sous forme de calligramme (un poème sous forme de dessin), mais tous sont publiés dans le but d’extérioriser les sentiments, comme le montre ce poème provenant du site :
At night we peer at silhouettes
Of people we have never met,
And wonder if they are alone,
Imprisoned. Caged within their homes.
(Traduction : La nuit, nous observons les silhouettes
De personnes que nous n’avons jamais rencontrées,
et nous nous demandons s’ils sont seuls,
emprisonnées. En cage dans leur maison.)
« Il est également probable que d’autres modes d’écriture créative et expressive – qui permettent d’essayer de trouver les mots justes pour décrire une expérience ou une circonstance, puis de les partager réciproquement – puissent avoir un effet positif sur la santé des gens d’une manière similaire. Les arts au sens large, y compris les arts visuels et les arts du spectacle, ont probablement un potentiel comparable », conclut le co-auteur Rory Waterman, professeur associé de littérature moderne et contemporaine à l’université de Nottingham Trent.