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LES MAIRES DE FRANCE EN CONGRÈS – UNE DÉMOCRATIE EN DANGER : DIAGNOSTIC ET PROPOSITIONS

105° CONGRÈS : COMMUNES ATTAQUÉES, RÉPUBLIQUE MENACÉE

DÉCENTRALISATION : LES RÉFORMES PROMISES (57) DEPUIS 6 ANS ET LE PRÉSIDENTIEL « CUL PAR DESSUS TÊTE «

TITRAIT METAHODOS IL Y A DEUX JOURS https://metahodos.fr/2023/11/24/reforme-de-la-decentralisation-promise-depuis-6-ans-cul-par-dessus-tete-saventure-le-president/

RÉSOLUTION GÉNÉRALE DES MAIRES ET PRÉSIDENTS D’INTERCOMMUNALITÉS

Nous, maires et présidents d’intercommunalité, représentant la diversité de la France hexagonale et ultramarine, avons une nouvelle fois fait la preuve de notre puissante unité lors de ces 3 jours de congrès. C’est bien la passion que nous avons chacune et chacun en partage pour l’intérêt général et l’action communale qui nous permet de transcender les différences qui nous traversent.


La réélection à l’unanimité de notre Président, de notre Premier Vice-Président et de nos
instances est le signe d’une association vivante et dynamique qui a su trouver les moyens
pour que s’expriment librement en son sein toutes les riches sensibilités politiques,
géographiques, démographiques, sociologiques, des communes de France.


Animés par cette force, nous avons fait le choix de porter collectivement un message d’alerte
à l’occasion de ce 105° Congrès des maires de France. En affirmant solennellement que
quand les communes sont attaquées c’est toute la République qui est menacée, nous avons
conscience que l’alerte est grave.


A l’issue de ces 3 journées riches et pleines, à l’écoute des plus de 10 000 participants, au
terme des 39 débats -un record ! – qui se sont tenus, nous avons fait la démonstration
implacable que nos inquiétudes n’étaient pas imaginaires. Oui, les communes sont attaquées,
leurs élus pris pour cible, leurs moyens d’action affaiblis, leur liberté entravée ! Et oui, en
s’attaquant à son socle communal c’est toute la République qui se trouve aujourd’hui
menacée, si ce n’est en danger.


Riche de tant d’atouts, notre pays traverse actuellement des crises multiples économique,
sociale, écologique, internationale et mettant profondément en cause notre capacité à vivre
ensemble dans un cadre apaisé et serein. Des droits fondamentaux tels que le logement et la
santé sont mis en danger, minant le cœur de notre contrat social.


La polarisation des opinions et la radicalisation des affrontements politiques touche désormais
tous les étages de l’action publique. Le rétrécissement du débat démocratique touchant la
représentation nationale donne le spectacle d’un consensus introuvable. Les révoltes urbaines
qui ont frappé notre pays l’été dernier, dans les zones urbaines mais aussi -et c’est inédit- dans
des territoires ruraux, sont le dernier symptôme d’un rejet grandissant des institutions, d’une
société fracturée et d’une Nation divisée. Il n’est pas anodin que des mairies, des écoles, des
bibliothèques, et plus largement des bâtiments publics aient été visés par cette violence
croissante. Le contexte international fait par ailleurs office de catalyseur de nos tensions
nationales, en important souvent maladroitement et injustement des conflits internationaux,
donnant prise au déchainement de haines ou de rancœurs enfouies.

Tous ces épisodes de
violences qui marquent les esprits et, parfois, malheureusement les corps, sont la partie visible
du mal-être démocratique qui gangrène notre pays. Alors se répand à bas-bruit un poison plus
insidieux mais plus tenace : celui du découragement civique.


Nous, maires, sommes aux premières loges pour mesurer cette tendance lourde qui conduit
de plus en plus de nos concitoyens à se détourner de la citoyenneté et de l’engagement public
affaiblissant ainsi nos collectivités.


Si nous dressons un tableau grave de la situation, nous refusons pour autant de nous résigner.
Nous restons résolument optimistes car nous faisons l’expérience chaque jour dans chacune
de nos communes que le travail de proximité des 35 000 maires, des 500 000 élus du bloc
communal, des 1,5 millions agents territoriaux, est un levier puissant pour remettre notre pays
sur de bons rails. Notre message d’espoir : les communes ne sont pas un problème, elles sont
souvent la solution !


Alors que nous fêtons cette année les 20 ans de la révision constitutionnelle de 2003 qui a
consacré le principe de subsidiarité et l’autonomie financière des collectivités, deux principes
aujourd’hui battus en brèche, nous adressons solennellement au Gouvernement cette
résolution. Elle constitue le mandat d’action pour notre association, la seule représentative de
l’ensemble des communes et intercommunalités de France.


L’ambition que porte l’AMF pour une relance de la décentralisation et un approfondissement
des libertés locales suppose l’abandon du mouvement de recentralisation en cours et la
reconquête des libertés affaiblies, préalables à tout rétablissement de la confiance.


Les recentralisations que nous dénonçons sont multiples et étouffantes ; ce sont :


➢ La succession de plans annoncés par le Gouvernement et dont l’application repose en tout
ou partie sur l’action des communes et des intercommunalités, sans qu’elles aient été
véritablement associées en amont : plan eau, vélo, écoles, chaleur, petite enfance…La
logique est toujours la même : celle de politiques publiques qui suscitent des attentes
légitimes de la part de nos concitoyens et dont la mise en œuvre est déléguée à nos
collectivités sans moyens correspondants, au risque d’alimenter toujours plus la défiance
populaire.


➢ Les transferts rampants, comme les digues ou le recul du trait de côte, qui échappent au
principe constitutionnel de compensation car le législateur depuis 2003 a pris soin d’éviter
de les qualifier de transferts de compétences. Transfert de gestion, transfert de
responsabilité, autorité organisatrice : l’imagination des juristes est au pouvoir lorsqu’il
permet à l’Etat d’échapper à l’obligation des compensations.


➢ Le fait que la nécessaire transition écologique soit devenue un prétexte commode pour
justifier le retour d’une tutelle de l’Etat sur les collectivités. Le ZAN en constitue l’illustration
la plus frappante. Sous couvert de lutter contre l’artificialisation des sols, objectif
indispensable que personne ne remet en cause, les maires se voient dessaisis de leurs
capacités à porter le développement de leurs communes. Les avatars de cette
recentralisation verte sont nombreux comme en témoignent le retour en force de la fausse
consigne sur les bouteilles en plastique qui menace toute la filière de recyclage, ou encore
les projets d’industrie dite « verte » qui dépossède les maires de leur pouvoir d’urbanisme.


➢ La mode des fausses contractualisations, à l’instar des CRTE, qui surchargent les équipes
municipales en aval, alimentant trop souvent la déception en amont.


➢ La rigidité de la construction intercommunale qui s’est éloignée de son esprit coopératif
originel. Les transferts obligatoires, comme sur l’eau et l’assainissement, le contournement
des communes ou encore le refus de toutes les souplesses comme les compétences à la
carte contribuent à rigidifier et donc à affaiblir les EPCI.


➢ Les mesures imposées aux communes sans avoir été dûment concertées avec les
représentants des maires. Priorité donnée à l’avis du DASEN sur celui du maire pour les
écoles à rénover, suppression du fonds de soutien aux activités périscolaires, hausse du
point de la fonction publique, contrat d’engagements réciproques pour le logement social
dont sont écartés les communes… Trop d’exemples récents qui traduisent la volonté de
marginaliser la commune.


➢ Le poids des normes, dont la multiplication enlise les énergies et retarde le développement
de nos communes. Si le problème est malheureusement ancien, il tend à empirer. Le
nombre de mots contenus dans notre stock normatif a presque doublé (près de 43 millions
de mots) pour un total de 400.000 normes. Le CNEN évalue à 2,5 milliards d’euros le coût
des normes pour la seule année 2022. Pour autant, nous refusons la fatalité et sommes
convaincus qu’il est possible de mettre fin aux lois bavardes et aux réglementations
tatillonnes.


➢ Citons enfin, l’étouffement financier, imposé aux communes : sans même attendre
l’encadrement des dépenses prévu par la loi de programmation des finances publiques qui
prévoit une baisse de 0,5 sous l’inflation, le gouvernement a fait le choix de restreindre
l’autonomie financière et fiscale des collectivités : nationalisation de la taxe d’habitation et
de la CVAE et dont la compensation n’est pas à la hauteur du manque à gagner ; refus
d’indexer la DGF sur l’inflation entrainant une perte sèche tous les ans pour toutes les
collectivités malgré pour certaines d’entre elles des apparences trompeuses en euros
courants, suppression des dispositifs de soutien contre la crise de l’énergie alors même
que celle-ci dure encore notamment pour les territoires liés par des contrats pluriannuels,
obligation d’établir des budgets dits verts, sans parler du fléchage toujours plus dirigiste
des dotations d’investissement. Toutes ces mesures, s’ajoutant à l’augmentation
tendancielle des charges, resserrent massivement le garrot budgétaire imposé aux
communes et intercommunalités de France. Et demain, s’annonce la suppression de
l’octroi de mer pour nos communes ultramarines, suppression dont l’effet serait aussi
dévastateur que celle de la taxe d’habitation.


Quelle liberté nous reste-t-il lorsque nous ne maitrisons plus ni les recettes, ni
progressivement l’affectation de nos dépenses ?

Bien sûr, toujours de façon objective, l’AMF salue certaines avancées : nous saluons les
avancées législatives actuelles sur la revalorisation des secrétaires de mairie largement
inspirées des propositions de l’AMF ou la possibilité pour les associations d’élus de se porter
partie civile en cas d’agressions. C’est malheureusement bien peu. Malgré les difficultés, nous
ne renonçons jamais à faire entendre la voix des communes de France, parfois avec succès,
comme avec la réintégration des dépenses d’aménagement dans le FCTVA ou encore la
reconduction du programme Action Cœur de Ville.


Néanmoins, en nous appuyant sur notre expérience des réalités locales, nous formulons des
propositions concrètes pour engager la nécessaire relance de la décentralisation. Cette
relance doit s’inscrire dans les principes fondateurs des lois de 1982-84, qui ont été
progressivement dévoyés.


Nos propositions concernent tous les leviers de l’action publique, allant de la révision
constitutionnelle au changement de culture administrative, en passant par des changements de la loi. Elles peuvent être mises en œuvre dès demain, si la volonté politique est au rendez-
vous et si un cap clair est fixé. Il n’est pas besoin d’inventer des dispositifs alambiqués, ni d’attendre les conclusions d’une énième mission.


Nous considérons en effet que trop de temps a été perdu et qu’il est désormais temps
d’enclencher le mouvement et c’est pour cela que nous mettons à disposition une véritable
boite à outils anti-procrastination.

1) Conformément à ces positions constantes, l’AMF appelle par la présente résolution
au rétablissement d’une véritable autonomie financière et fiscale.

Nous proposons


➢ La réécriture du principe de compensation et la définition des ressources propres tel
qu’ils sont prévus par la Constitution et la loi organique. A ce titre, des clauses
d’indexation du montant des compensations des transferts de compétences aux
collectivités doivent être prévues, ainsi que, suivant les cas, des clauses de revoyure
lorsque les conditions d’exercice de la compétence transférée sont bouleversées.


➢ L’instauration d’une contribution territoriale universelle, afin que tous les habitants –
ménages et entreprises – puissent participer à hauteur de leurs moyens au financement
des services publics locaux dont ils bénéficient. Au-delà de restaurer une autonomie
fiscale qui assoit une responsabilité vis-à-vis de nos mandants, nous considérons que
le lien fiscal est consubstantiel au pacte démocratique.


➢ L’engagement d’une réforme structurelle des dotations, tant en investissement qu’en
fonctionnement. Il faut redonner de la lisibilité à un système à bout de souffle, rétablir
la péréquation verticale aujourd’hui disparue et garantir le principe de liberté
d’affectation des recettes. En outre, le partage de la fiscalité écologique, par la création
d’une dotation climat, doit donner au bloc communal les moyens d’accélérer sa
politique de transition écologique. Toutes les études récentes tendent à démontrer que
l’adaptation au changement climatique impose une refonte du modèle financier des
collectivités.


Dans le cadre de la révision à mi-parcours du cadre financier pluriannuel de l’Union
Européenne, l’AMF plaide pour un maintien du budget de la cohésion territoriale et des
fonds du Pacte vert pour toutes les communes de France.


➢ L’instauration d’un pacte financier sur la durée de la législature et d’un débat dédié au
parlement chaque année lors de l’examen du projet de loi de finances retraçant
l’ensemble des relations financières entre l’Etat et les collectivités locales. Il s’agit de
clarifier enfin les intentions de l’exécutif et mesurer l’impact global des décisions
budgétaires.


➢ La consécration du Conseil National d’Evaluation des Normes (CNEN) et du Comité
des Finances Locales (CFL), instances chargées de contrôler le respect de la libre
administration des collectivités, comme Autorités Administratives Indépendantes de
rang constitutionnel. Malgré la qualité du travail produit par ces organismes
indispensables, force est de constater qu’ils sont encore trop dépendants de
l’administration, tant dans leurs moyens que dans le choix des personnels qui y sont
affectées. En cohérence avec nos propositions, ces organismes doivent évoluer vers
un statut qui garantisse leur indépendance.

2) L’AMF appelle aussi à une revalorisation de la commune


Nous proposons :


➢ De reconnaitre dans notre Constitution la légitimité singulière de la commune, qui
demeure la collectivité territoriale de proximité de l’action publique par excellence,
garante de la citoyenneté et le premier échelon de l’accès à un service public universel.
En bénéficiant de la reconnaissance constitutionnelle de sa clause de compétence
générale, la commune verra ainsi garantie, dans la durée, la place unique qu’elle
occupe comme cellule de base de l’organisation et de la cohésion de la Nation.


➢ D’ouvrir un droit de saisine spécifique du Conseil Constitutionnel pour les collectivités,
lorsqu’elles estiment qu’il est porté atteinte aux principes qui les régissent : libre
administration ; autonomie financière ; principe de subsidiarité. En ce sens, et d’ores
et déjà, nous étudions les possibilités actuelles de saisine directe ou indirecte à notre
disposition.


➢ Une amélioration des conditions d’exercice du mandat. Si nous sommes convaincus
que la perte de moyens d’agir est la première cause de découragement chez les élus,
nous plaidons aussi pour des mesures concrètes afin de mieux concilier vie
personnelle, vie professionnelle et mandat. Nous avons formulé plusieurs propositions
afin de renforcer l’attractivité du mandat et permettre à une meilleure représentation de
la population. Qu’il s’agisse de retraite, de droits sociaux, de formation ou de juste
indemnisation, leur statut est largement perfectible. De nombreuses recommandations
sont déjà sur la table et directement opérationnelles.


➢ La pleine reconnaissance de la diversité de nos communes. La ruralité doit être
considérée comme un atout pour notre pays, notamment par la préservation des ZRR
à l’échelle communale. Les communes d’Outre-mer, diverses mais répondant toutes à
des besoins bien spécifiques, doivent être accompagnées dans leur développement
en tenant compte des défis démographiques, climatiques et économiques d’une rare
ampleur auxquelles elles font face.


Les territoires de la politique de la ville, qui ne se limitent pas aux banlieues, ont fait la
démonstration qu’ils nécessitaient une attention particulière afin d’offrir les mêmes
droits et services à leurs habitants.


3) Par cette résolution, l’AMF appelle également à une relation de confiance entre l’Etat
et les communes

Nous proposons


➢ Le rétablissement d’une vraie déconcentration, corollaire indispensable à la
décentralisation, par le renforcement des services départementaux
d’accompagnement de projets sous la responsabilité du préfet de département. En
s’étant retirés progressivement des communes, des cantons, des arrondissements et
des départements pour se replier finalement sur un échelon régional lointain, les
services de l’Etat ont envoyé au pays un signal d’indifférence aux préoccupations
quotidiennes locales et ainsi favorisé l’émergence d’un sentiment d’abandon. L’Etat
déconcentré doit parler d’une seule voix et agir dans le même sens, sous l’autorité
renforcée des Préfets de départements. Les maires ont besoin des préfets, de préfets
dotés de moyens humains et légitimés dans leur autorité.


➢ Un véritable pouvoir réglementaire d’application des lois pour les communes. La vraie
différenciation, ce sont des lois moins bavardes, qui fixent des objectifs, mais laissent
aux collectivités le choix des moyens pour y parvenir. Face à l’inflation normative, le
pouvoir de dérogation est un pansement sur une jambe de bois. Nous ne quémandons
pas à être par exception autorisés à agir, nous exigeons le respect du principe
constitutionnel de libre administration.


➢ Le recours à l’avis conforme des maires sur les décisions essentielles qui concernent
leurs communes, mais prises par d’autres autorités, comme les fermetures de classe
ou d’école, de service hospitalier, les projets d’implantation d’énergie renouvelable, les
ventes de logements locatifs sociaux… Dans le même esprit, cette reconnaissance des
communes doit se traduire par leur association pleine et entière aux instances qui
concourent aux politiques publiques, au premier rang desquelles l’intercommunalité.
Nos EPCI doivent retrouver une plus grande souplesse d’organisation de leurs
compétences pour répondre à leur vocation première de coopération entre communes.

Toutes les propositions ici évoquées sont écrites et connues de longue date.

L’AMF les défend inlassablement, convaincue que la décentralisation est un acquis majeur de nos institutions et de notre démocratie. Quand passerons-nous aux travaux pratiques ? Les commissions et les missions se suivent, les rapports, tous de qualité, aboutissent peu ou prou aux mêmes conclusions.

Ce qui manque, c’est une véritable vision et surtout, sa concrétisation dans la loi
autant que dans le fonctionnement de l’Etat.


En crise profonde, la France a besoin de ses communes, ces lieux de démocratie qui respirent
et qui inspirent.


La commune du XXI° siècle, moderne, résistante est plus nécessaire que jamais dans notre
société fragmentée et notre démocratie fragilisée.


Face à une France du repli et de la crainte, les Communes, leurs élus et leurs équipes portent
l’espérance d’une France ouverte, créative, active, solidaire.


Nous attendons de l’Etat confiance et liberté. Ce serait un changement majeur et tellement
nécessaire !


Alors, comme l’a dit Churchill, : « prenons le changement par la main, avant qu’il ne nous
prenne par la gorge. » Voilà toute la résolution de l’Association des maires de France et des
présidents d’intercommunalité.

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