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UN ÉTAT QUI ANNONCE BEAUCOUP, COMMUNIQUE ÉNORMÉMENT … ET AGIT SI PEU

Dans les rouages de l'état ©Getty - May Lim

ÉMISSION

La machine de l’État

Samedi 9 décembre 2023 FRANCE CULTURE

Que se passe-t-il au sein de la grosse machine de l’État ? Comment une loi se prépare-t-elle ? Quelle est la longévité d’une réforme ? Entre récentes crises successives et défiance française, comment l’organisation de l’action gouvernementale se vit-elle ? 

Avec

  • Emmanuel Constantin ancien haut-fonctionnaire, essayiste, auteur de Dans la machine de l’Etat (Gallimard, oct 2023, coll Le débat) 
  • Jean-Pierre Jouyet ancien secrétaire général de la présidence de la République (2014-2017), auteur de Est-ce bien nécessaire Monsieur le Ministre ? (Albin Michel oct 2023) 

Alain Finkielkraut reçoit Jean-Pierre Jouyet, ancien secrétaire général de l’Élysée, ancien ministre des Affaires européennes et ambassadeur de France au Royaume-Uni, qui fait paraître, Est-ce bien nécessaire, Monsieur le ministre ? et Emmanuel Constantin, haut-fonctionnaire qui passa cinq ans au service de l’État, essayiste, auteur de Dans la machine de l’État. Débat avec nos deux invités qui, l’un et l’autre, connaissent la machine de l’intérieur.

L’État, en France, fait l’objet de deux critiques contradictoires. D’un côté, on dénonce ses penchants monarchiques, voire despotiques, on le dit omniprésent, étouffant, écrasant.  On en appelle même, contre ce Moloch, à une révolte citoyenne. ; de l’autre, on décrit un État sous surveillance, un État empêché, un État ligoté, et l’on affirme que la paralysie de la décision politique est le problème le plus aigu de notre démocratie. Qui a raison ?

« Le problème, c’est que l’État promet beaucoup, annonce beaucoup »(J-P. Jouyet)

« En fait, nous nous retrouvons dans les deux situations, parce que nous sommes un pays où nous avons un état fort et cela résulte de notre tradition historique.  Nous sommes aujourd’hui dans une monarchie républicaine et nous avons encore des caractéristiques de l’état d’ancien régime. Et notamment en période de crise, et on l’a vu avec le Covid, On voit bien que l’état est capable de prendre des décisions rapides, fortes, contraignantes à l’égard de nos concitoyens. Mais le problème, c’est que l’État promet beaucoup, annonce beaucoup, mais qu’il a du mal à faire appliquer ses propres décisions, et que les politiques ne suivent pas assez. » Jean-Pierre Jouyet

« On attend beaucoup de l’État. L’État doit produire les individus, leur donner les conditions de leur épanouissement. De fait, l’État, ou du moins la sphère publique en général, va être omniprésente et va présenter des traits coercitifs, de la même manière qu’on peut dire qu’une nounou est étouffante ou écrasante. Et de l’autre côté, en démocratie libérale, on cherche à lutter contre l’arbitraire, contre ce qui restreint nos libertés, et donc on va le critiquer. À l’inverse, on va dire que l’État est empêché et ligoté parce que, justement, des principes libéraux vont venir l’encadrer. Mais au-delà de ce paradoxe qui, d’une certaine manière, est assez structurel, je pense que le malaise qu’on vit, et là, je vais aussi rejoindre Jean-Pierre Jouyet, est plus dû à l’inefficacité de l’État. » Emmanuel Constantin

« De multiples lois se succèdent sans que cela fasse plus qu’égratigner la surface du problème »(E. Constantin)

« Dès qu’une procédure dysfonctionne, dès que quelque chose n’est pas satisfaisant, on va demander, mais que fait l’État ? Que change-t-il ? Et cela induit une sorte de course en avant dans les annonces. Le pouvoir politique a tendance à s’enfermer dans une série d’annonces, sans avoir même le temps d’observer les effets que ces annonces ont – si elles en ont –  leur véritable application, avant même de passer à l’annonce suivante, et l’exemple de l’immigration en est un parmi d’autres ; de multiples lois qui se succèdent sans que vraiment cela fasse plus qu’égratigner la surface du problème »Emmanuel Constantin

« Ce qui est vrai, c’est que nous ne laissons pas suffisamment de place à ce qui est l’humanisme et à ce qui est vraiment l’humanité et que nous sommes régis par des lois économiques non seulement, mais aussi de plus en plus financières.  Aujourd’hui, vous avez un règne des marchés et de la finance que nous n’avons jamais connu. Cela nous entraîne à nous éloigner des réalités de terrain, à ce que les personnes ne comprennent pas ce que l’on veut leur imposer – et en termes d’emploi et en termes d’activité et en termes de travail – et ils ne voient pas non plus comment leur bien-être peut être satisfait, parce que pour des raisons de marché pour des raisons financières, de rentabilité. Nous ne faisons pas assez pour des services collectifs comme l’éducation, comme la santé. Et ça, ça me paraît très important. C’est pour ça que je crois qu’il faut décentraliser quand même très clairement un certain nombre de responsabilités. » Jean-Pierre Jouyet

Sources bibliographiques

LIEN VERS L’ÉMISSION

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