
1. « Annonces de Gabriel Attal : beaucoup de bruit pour rien »
TITRE CONTREPOINTS ( VOIR POINT 1)
« Le vent brassé par le ministre de l’Éducation nationale ne soufflera pas au-delà de la rue de Grenelle. Explications. »
2. « Au-delà des grandes annonces, postures et déplorations, sommes-nous capables … ? »
QUESTIONNE FRANCE CULTURE ( VOIR POINT 2 )
« Au-delà des grandes annonces, postures et déplorations, sommes-nous capables de tirer des leçons de l’enquête de l’OCDE sur le niveau (en baisse) des élèves de 15 ans en France ? »
3. Pourquoi l’enquête administrative sur le suicide de Lucas, 13 ans, n’existe pas ? Les esquives de Gabriel Attal
Des discours ou postures à la réalité ou à l’action, il y a parfois un abîme.
EXEMPLES : La question de la revalorisation des traitements des enseignants reste non traitée. Celle du remplacement des professeurs absents également. Ou encore la question de la sanction des responsables du rectorat de Versailles.
Interrogé par la presse, le ministre de l’éducation refuse de dire pourquoi aucune enquête administrative n’a été lancée après la mort de cet adolescent victime de harcèlement scolaire.
« J’ai fait de la lutte contre le harcèlement scolaire ma grande cause, priorité absolue pour l’action de ce ministère depuis ma nomination cet été », indiquait pourtant le ministre de l’éducation.
4. LES ANNONCES NE SONT PAS SUFFISANTES POUR LES GROUPES DE NIVEAU ET LES REDOUBLEMENTS
« Gabriel Attal a beau parler de “choix historique”. Les aménagements budgétaires qu’il annonce le 21 décembre ne lui permettent toujours pas de mettre en place les mesures présentées le 5 décembre. Pour enseigner dans les groupes de niveau de 6ème et 5ème installés à la prochaine rentrée il faudrait d’autres moyens. Le ministre n’anticipe pas non plus la hausse des redoublements qu’il a pourtant appelé de ses vœux. C’est le devenir des élèves les plus faibles qui reste opaque. » EXTRAIT DE CAFÉ PÉDAGOGIQUE
1. ARTICLE
Annonces de Gabriel Attal : beaucoup de bruit pour rien
12 décembre 2023 CONTREPOINTS Jean-Baptiste Noé
Le vent brassé par le ministre de l’Éducation nationale ne soufflera pas au-delà de la rue de Grenelle. Explications.
Aussi séduisantes qu’elles soient, les mesures scolaires annoncées par Gabriel Attal se révèleront inutiles et inefficaces pour résoudre les maux de l’école. D’une part parce qu’elles ne tiennent pas compte de la nature de l’Éducation nationale, d’autre part parce qu’elles ne s’attaquent pas à la racine du problème.
Ce pourrait être une épreuve du classement Pisa : dénombrer toutes les mesures prises par les ministres de l’Éducation nationale pour redresser l’école. Comme ses prédécesseurs, Gabriel Attal a donc annoncé vouloir recentrer l’école sur les fondamentaux, savoir lire, écrire et compter et accroître les exigences scolaires. Au programme donc, redoublement, dédoublement des classes, groupes de niveaux, revalorisation du Brevet du collège, etc.
Des mesures de séduction qui ont atteint leurs cibles ; des mesures vaines pourtant, qui ne résoudront pas les problèmes scolaires.
Une administration toute-puissante
À un syndicaliste à qui je demandais son avis sur un ministre de l’Éducation nationale fraichement nommé, celui-ci me répondit : « Peu importe le ministre, c’est nous qui avons le pouvoir ».
Un constat lucide sur le fonctionnement de cette administration qui avale et digère les réformes avec une grande capacité d’absorption des chocs. La seule fonction du ministre est politique : mener une guerre de communication auprès des parents électeurs et servir de fusible au président auprès des professeurs militants. Son influence sur le ministère et les décisions pédagogiques est nulle. Là règnent les inspecteurs académiques, les professeurs syndicalisés, les formateurs des INSPE qui, associant la force d’inertie à la puissance corporatiste, imposent leur point de vue et leurs orientations, par la terreur des affectations et des notations.
La réponse aux annonces Attal a été donnée par un tweet de Philippe Meirieu :
« Avant même que nous ayons pu analyser les résultats de PISA, alors que nous ignorons les résultats de la consultation du ministère, le ministre tout-puissant et omniscient dévoile ses nouvelles réformes : non pas un choc des savoirs, mais un grand bond en arrière. »
L’application dans les établissements de cet oukase de l’empereur des pédagogistes a été relayée par un article du journal Le Parisien qui fait état qu’en Seine-Saint-Denis « la création de groupe de niveau inquiète », ce qu’il faut comprendre par « les mesures ne seront pas appliquées ». Ou pour le dire plus prosaïquement : le vent brassé rue de Grenelle n’ira pas au-delà de la rue de Grenelle.
Car il ne suffit pas d’annoncer, encore faut-il mettre en œuvre. Et là, de groupes de concertation en commissions d’évaluation, les mesures annoncées connaîtront les affres de l’enlisement et de l’ensablement.
Après Gabriel Attal viendra donc un autre ministre qui, comme lui, annoncera un « choc des savoirs », dont le destin sera à peu près similaire.
Des réformes qui loupent leurs cibles
Quand bien même les réformes Attal seraient appliquées, elles sont bien en deçà des mesures à prendre pour rebâtir l’école.
Les vrais problèmes de l’école aujourd’hui c’est l’impossibilité de recruter des professeurs, qui engendre une pénurie sans précédent, et la violence qui gangrène de nombreux établissements. Quand des instituteurs sont recrutés, comme dans l’académie de Créteil, avec des moyennes de 4 sur 20, il est difficile d’attendre d’eux des merveilles pour établir un choc des savoirs.
L’effondrement du niveau scolaire suit l’effondrement du niveau des professeurs. Il n’est pas rare que des candidats recalés au concours du CAPES début juillet soient recrutés comme contractuels à la fin de l’été. Aux concours de recrutement, les épreuves de validation des connaissances et de maitrise de la discipline sont réduites à la portion congrue, remplacées par des épreuves de pédagogie et de maitrise des « valeurs de la République ». Une fois admis, ces jeunes professeurs sont formatés dans les Instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation (INSPE) où ils doivent démontrer une conformité idéologique totale afin d’être titularisés. Auquel cas, ils seront exclus de l’administration de l’Éducation nationale. Des INSPE où les notions de transmission et de savoir sont bannies au profit des compétences et du pédagogisme.
Gabriel Attal annonce ainsi vouloir dédoubler les classes, une mesure matériellement impossible à mettre en œuvre : où trouver des classes supplémentaires dans des établissements qui sont déjà pleins comme des œufs, où recruter les professeurs supplémentaires alors que la pénurie s’aggrave ? Faire du Brevet une barrière entre le collège et le lycée ? Que faire des élèves qui auront échoué à cette épreuve ? L’annonce de la création de « prépa-lycée » est une mesure vaine : ce n’est pas en une année de troisième bis qu’il sera possible de régler des problèmes d’orthographe et de maîtrise de la langue accumulés depuis l’école primaire.
Les problèmes de l’école sont causés par la nature même d’une éducation nationale. Tant qu’il n’y aura pas l’addition de la liberté pédagogique, de la liberté de recrutement et de la liberté de rémunération des professeurs, toute annonce sera vaine. Mais pour cela il faudrait abattre le totem de l’Éducation nationale, ce que Gabriel Attal n’est pas disposé à faire.
2. ÉMISSION
Après les mauvais résultats de PISA, quels enseignements ?
Lundi 11 décembre 2023 FRANCE CULTURE
Au-delà des grandes annonces, postures et déplorations, sommes-nous capables de tirer des leçons de l’enquête de l’OCDE sur le niveau (en baisse) des élèves de 15 ans en France ?
Avec
- Eric Charbonnier Economiste, expert en éducation à l’OCDE
- Gilles Halbout Recteur de l’académie d’Orléans-Tours
- Zoé Butzbach Enseignante en Histoire-Géographie en collège (académie de Créteil)
Retour sur le contenu du rapport de l’OCDE et le classement publiés le 5 décembre dans ce numéro d' »Être et savoir », et retour sur la réception de cette étude en France. Avec Gilles Halbout, recteur de l’académie d’Orléans-Tours, et Zoé Butzbach, enseignante en histoire-géographie en collège (académie de Créteil) et membre du syndicat CGT Éduc’action, nous débattrons des mesures proposées par le ministre de l’Éducation Gabriel Attal – ce fameux choc des savoirs annoncé le jour même de la parution de l’étude PISA – et nous nous demanderons : qu’attendent les acteurs de l’éducation ?
Et faut-il un choc pour remonter la pente ? La pente consistant à rester à la 23e place, un résultat très moyen alors que la France est la 7e puissance économique du monde et des résultats en mathématiques davantage en baisse que dans les autres pays, alors que nos écoles sont restées ouvertes pendant une grande partie de la pandémie de Covid qui a pénalisé les élèves du monde entier…
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Avec Eric Charbonnier, expert à l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) nous allons revenir sur certains points précis : ce qui fonctionne dans les pays qui progressent, le climat de travail dans les écoles, le rôle des familles, la place des écrans dans l’éducation. Évidemment, il pourra commenter les mesures déjà annoncées en France !
À écouter : Doit-on noter l’école ?
Être et savoirÉCOUTER PLUS TARD
58 min
La citation
« La situation a évolué : en 2010, on disait tous les trois ans, entre 2000 et 2010, les inégalités s’aggravent aujourd’hui, on dit que les inégalités sont à un niveau très élevé, mais elles sont stables depuis dix ans. Alors ce n’est pas satisfaisant parce que la France reste dans un petit groupe de pays avec l’Allemagne, la Belgique, la République Tchèque où les inégalités impactent le plus la performance, mais malgré tout le message n’est plus tout à fait le même. Mais il convient aujourd’hui d’inverser la courbe, c’est vraiment l’enjeu », Eric Charbonnier
À écouter : PISA : petite histoire de la comparaison internationale
À la sourceÉCOUTER PLUS TARD
4 min
Pour aller plus loin
« L’éducation est la clef » : entretien de Ramona Bloj avec Kristina Kallas, ministre estonienne de l’Éducation, Le Grand continent, 01/12/23
À écouter : PISA : baisse en maths, aux racines du problème
France Culture va plus loin (l’Invité(e) des Matins)ÉCOUTER PLUS TARD
35 min