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MAJ : GOUVERNANCE CAHOTIQUE DE L’UNION EUROPÉENNE

MAJ : «Mes confrères européens sont dépités de la surdité dangereuse de la Commission»

TITRE L’OPINION 1 février 2024 Emmanuelle Ducros QUI POURSUIT ;

Des manifestations agricoles d’ampleur ont lieu dans toute l’Europe, les colères nationales convergent vers Bruxelles

David Clarinval est vice-premier ministre de Belgique. Il est aussi ministre de l’Agriculture, des Classes moyennes, des Indépendants et des PME. Membre du Mouvement réformiste (MR), Il se définit comme un libéral de centre droit. La Belgique assume, depuis janvier, la présidence tournante de l’Union européenne. C’est donc lui qui préside les réunions des 27 ministres de l’Agriculture, qui doivent collectivement répondre à la colère paysanne qui gagne le continent. 

Le 1ᵉʳ février au matin, au moment de cette interview, des tracteurs de toute la Belgique convergeaient vers Bruxelles. Ils y rejoignent les manifestations d’agriculteurs européens (français, roumains, hongrois…) venus dire leur exaspération à la Commission européenne. Ils lui reprochent la stratégie agricole verte Farm to Fork, clairement décroissante, et le laissez-passer accordé aux productions agricoles ukrainiennes pour les marchés européens. Cette aide économique de guerre partait d’un bon sentiment, elle est désormais contestée.

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ARTICLE : Charles Michel, cette mauvaise histoire belge

Par Emmanuel Berretta 27/01/2024 LE POINT

La pantalonnade de la candidature annoncée puis retirée du président du Conseil aux européennes illustre les limites du personnage mais aussi des erreurs de fond dont les 27 partagent la responsabilité.

« Un guignol ! » C’est l’expression la plus employée dans les milieux diplomatiques bruxellois, vendredi soir, quand Charles Michel annonce que, tout bien réfléchi, il renonce à se présenter aux élections européennes en Belgique et poursuivra sa mission de président du Conseil jusqu’à son terme en novembre. En vingt jours (sa candidature remonte au 6 janvier), le Belge a pu mesurer tout le discrédit dont il est accablé, mezzo vocce, au sein des institutions. « Il ne fait pas le job, il n’a jamais compris ce qu’était la présidence du Conseil, grince un représentant des Vingt-Sept. Il avait un très bon chef de cabinet, François Roux, qui, s’il l’avait écouté, l’aurait empêché de faire beaucoup d’erreurs. Roux a préféré démissionner en juin 2020. Tout est dit. »

Piteuse, cette candidature avait suscité, en effet, un torrent de critiques tant l’individu paraissait en dessous de sa fonction et seulement intéressé à sa survie politique, désespérément à l’affût du « job d’après », d’une planque bien payée, faute d’avoir pu accrocher un poste de haut niveau international (au sein de l’Onu par exemple). Quand, la semaine dernière, Michel se déroba à la session plénière de Strasbourg en raison d’un « lumbago », on pouvait soupçonner que son corps n’avait pas bien supporté le passage à tabac médiatique. Même les « grands personnages » somatisent…

« J’ai sous-estimé l’ampleur de certaines réactions négatives »

« Mon choix a suscité de vives controverses médiatiques, écrit Michel sur Facebook dans une explication chantournée publiée vendredi à 18 h 50. J’en avais pressenti une partie, vu l’aspect inédit – audacieux, diront certains – de ma démarche. Mais j’ai sous-estimé l’ampleur et la radicalité de certaines réactions négatives – pas au sein du Conseil européen mais à l’extérieur de celui-ci – à la perspective de me voir participer à la campagne européenne. Et aussi à l’avancement de quelques mois de la fin de mon mandat et de l’entrée en fonction de la personne qui me succédera. »

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En même temps qu’il annonçait sa candidature début janvier, il précisait, en effet, la date de son retrait anticipé : le 9 juillet, jour de la prestation de serment des députés européens élus. Il avait étudié juridiquement sa petite affaire ; son défaut à la tête du Conseil devait, dans ce cas, être comblé par le Premier ministre hongrois, son pays devant prendre la succession de la Belgique de la présidence tournante de l’UE à compter du 1er juillet. Michel s’engageait, par ailleurs, à effectuer une campagne électorale discrète et, assurait-il, compatible avec ses fonctions.

« Tintin aux pays des conflits d’intérêts »

Dans La Libre Belgique, la virulence d’une tribune signée par Franklin Dehousse, professeur à l’université de Liège, ancien représentant spécial de la Belgique, ancien juge à la Cour de justice de l’Union européenne, avait circulé d’ambassade en ambassade. Le titre – « Tintin au pays des conflits d’intérêts » – donnait le ton. Il faut en venir au fond.

Qu’est-ce qu’un président du Conseil ? La réponse du traité (article 15) dessine une fonction d’amiable compositeur (« honest brockeur ») sans grand pouvoir : préparer les travaux du Conseil européen, présider les réunions du Conseil européen (au moins quatre fois par an, plus en cas de crises), les animer, en assurer la continuité en coopération avec la Commission sur la base des travaux du Conseil des affaires générales. Entre les vingt-sept dirigeants, il doit être suffisamment habile pour nouer des consensus. Puis, il fait rapport au Parlement à l’issue de chaque réunion du Conseil.

Confusion des rôles

« Son rôle essentiel consiste à veiller à “la continuité et la préparation des travaux”, expliquait Franklin Dehousse. Ledit rôle devient plus essentiel encore à la fin de la législature. Le Parlement européen est alors dissous et la Commission commence à se disloquer. Le président du Conseil européen demeure donc l’organe le plus stable. Pour cela, dès 2010, il a été décidé de désynchroniser cette fonction des autres, et de la maintenir jusqu’au 1er novembre de l’année électorale. Il faut en effet quelqu’un en cas de crise majeure pendant la transition (un accident financier, ou un effondrement du front ukrainien, par exemple). » Dès lors, le départ de Michel dès le 9 juillet était d’une désinvolture crasse…

En outre, la création d’un président stable du Conseil visait, précisément, à éviter les manipulations intéressées des présidences tournantes. Remettre les clés à Orban, c’était, là encore, mépriser l’esprit de l’institution.

En tout état de cause, le président du Conseil n’a rien à voir avec la présidence de la Commission qui dispose, elle, d’une énorme administration afin de proposer des textes, négocier des accords internationaux, faire respecter le droit de la concurrence, les directives et les traités en poursuivant, devant la CJUE, les États qui s’en éloignent. La machine européenne est, bien évidemment, entre les mains de la Commission. Pour le dire en un mot, la rivalité entre Ursula von der Leyen et Charles Michel, qui a ravagé leurs relations depuis plus de quatre ans, n’avait pas lieu d’être. « La vanité de Charles Michel à vouloir exister sur son terrain à elle a été l’une de ses nombreuses erreurs », commente un diplomate bruxellois.

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Tout le monde a en tête l’incident protocolaire du « Sofagate » à Ankara avec cette image d’un Charles Michel s’affalant de tout son long dans un fauteuil près du président Erdogan devant l’émoi sonore de von der Leyen confinée à une banquette sur le côté… Un incident diplomatique qui aura ridiculisé l’UE et qui est à l’origine d’une guerre d’ego sans fin entre les deux têtes européennes. « Cette querelle dit tout de la méprise de Michel. Le Conseil européen donne instruction à la Commission. Il donne le cap. Il n’a pas à entrer en concurrence sur les affaires courantes avec la Commission », explique un représentant des États membres.

Macron, le pire directeur de casting

Les Allemands sont les plus critiques à l’égard du « style Michel ». À l’opposé, Emmanuel Macron, qui a poussé sa candidature – ils sont de la même famille politique, Renew – le ménage, et se montre indulgent avec ses erreurs dans les négociations budgétaires délicates. Par exemple, lors de la très longue séquence du « plan de relance européen » de juillet 2020. Emmanuel Macron et Angela Merkel ont proposé, deux mois plus tôt, un plan de 500 milliards d’euros de subventions pour surmonter la crise du Covid-19. Les pays « frugaux », alors emmenés par le Néerlandais Mark Rutte et l’Autrichien Sebastian Kurz, ne veulent pas en entendre parler. Dès la première soirée de négociation, Charles Michel pose sur la table une baisse des subventions très importante. Merkel et Macron sont stupéfaits. Ils écartent aussitôt Michel et reprennent les rênes de la négociation pour les quatre jours suivants… « Macron a été le pire directeur de casting des institutions », maugrée-t-on à Bruxelles.

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Autre question : que sont les conclusions du Conseil ? Elles n’ont pas de valeur juridique. « Mais doit-on pour autant en faire des déclamations à n’en plus finir sur le soutien à l’Ukraine, à chaque Conseil, avec quantité de serments creux quand aucune décision nouvelle n’est prise ? s’interroge un diplomate. Charles Michel en tartine des pages. On est obligé d’élaguer lors des Coreper [conseil des ambassadeurs des Vingt-Sept, NDLR] qui précèdent le Conseil. Le résultat final reste pompeux mais il faut voir d’où l’on part… On lui rend service en épurant les conclusions. À l’époque de Jacques Delors, les conclusions étaient très sèches, très directes, très cliniques. On a perdu cette rigueur. Maintenant, on fait des phrases. »

Un code de conduite à compléter

Charles Michel a pu se prévaloir d’un certain vide juridique pour annoncer sa candidature. Le « code de conduite » du président du Conseil n’est pas à jour. Il faut le compléter. Par exemple, rien n’est prévu pour les « revolving doors », le « pantouflage ». Comment peut-on imaginer que les commissaires européens, et maintenant les eurodéputés, soient soumis à des règles pour le « job d’après » et que le président du Conseil y échappe ? Le profil même du président du Conseil définit, en vérité, un « sage » (Michel a 48 ans), un politique en fin de carrière à la Herman Van Rompuy, qui doit se mettre au service du consensus européen et non un ambitieux trop jeune qui pense à la suite.

C’est en cela que le choix des Vingt-Sept en juillet 2019 n’a pas été heureux. On peut accabler Charles Michel, et s’amuser de ses surnoms (« Monsieur Patate », etc.), mais on en resterait à l’écume des choses. La faute originelle des arrangements de coulisses du Conseil a abouti à une erreur de casting, en méconnaissance de l’esprit des textes et de la logique des institutions. Et parmi les Vingt-Sept, Emmanuel Macron en porte la plus lourde responsabilité. Saura-t-on en tirer des leçons pour la prochaine sélection des « top jobs », l’été prochain ?

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