
MISE À JOUR : ARTICLE DE LIBÉRATION (4)
NOTRE DOSSIER :
BILLET (ET EXTRAITS DE PRESSE)
1. ARTICLE : Le Conseil d’État demande à l’Arcom de mieux contrôler CNews
2. COMMUNIQUÉ DU CE
3. ARTICLE : CNews : le Conseil d’Etat ouvre la voie à un contrôle plus strict du respect du pluralisme des opinions sur les chaînes de télévision
4. ARTICLE : Le Conseil d’Etat somme le régulateur des médias de mieux contrôler CNews
BILLET (ET EXTRAITS DE PTESSE)
«ON EST EN TRAIN D’ALLER, EN FRANCE, VERS UN GOUVERNEMENT DES JUGES»,
S’INQUIÈTE FRANZ-OLIVIER GIESBERT, ALORS QUE CNEWS EST VISÉ PAR LE CONSEIL D’ÉTAT
«On est en train d’aller peu à peu en France, vers un gouvernement des juges», s’est alarmé le journaliste et auteur Franz-Olivier Giesbert, sur la demande du Conseil d’État à l’Arcom de contrôler davantage CNEWS.
«C’est très grave, c’est hallucinant». Telle a été la réaction ce mercredi de Franz-Olivier Giesbert sur la demande du Conseil d’État à l’Arcom de contrôler davantage CNEWS.
« L’auteur et journaliste a en effet dénoncé une prise de position déplacée du Conseil d’Etat sur la stratégie éditoriale de la chaîne d’information. «On est en train d’aller peu à peu en France, vers un gouvernement des juges», s’est-il exprimé, s’inquiétant sur l’éventualité que cette demande ne soit que le début d’autres décisions qui pourraient entraver la liberté d’expression. » LIT ON SUR C NEWS
« A l’opposé, poursuit le média, ce rendu a été mal perçu par certains cadres politiques. A titre d’exemple, le patron de LR Eric Ciotti s’est inquiété d’une prochaine «inquisition parmi les opinions des chroniqueurs et des journalistes». »
Le Conseil d’État élargit la loi en ordonnant à l’Arcom des contrôles qui dépassent la loi et la réglementation
Dans un arrêt concernant CNews, le CE a élargi le contrôle du pluralisme et de l’indépendance des médias par l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique.
Une énorme surprise dans le droit de l’audiovisuel et dans le champ de la liberté éditoriale des médias.
Le Conseil d’État a demandé à l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) de passer de nouveau à la moulinette la politique éditoriale de CNews,. L’Arcom a six mois pour se pencher à nouveau sur le recours de Reporter sans frontière, qu’elle avait balayé d’un revers de main le 5 avril 2022.
L’association avait reproché à la chaîne de Vincent Bolloré de faire fi du pluralisme d’opinion et de manquer d’indépendance vis-à-vis de son actionnaire, deux obligations auxquelles elle est astreinte par sa convention de chaîne d’information, en échange de son autorisation d’émettre sur la TNT gratuite. En passant, RSF reprochait à CNews de ne plus être une chaîne d’information.
LE CONSEIL D’ÉTAT DONNE SON OPINION SUR LA « NON INDÉPENDANCE DE L’INFORMATION » DE CNEWS
La plus haute juridiction administrative a estimé que « L’information par le service (CNews) n’est pas conforme à l’obligation d’indépendance vis-à-vis de l’actionnaire principal de sa maison-mère, tant au plan politique qu’au plan économique, comme en attestent divers témoignages et études ».
Vers un décompte – non prévu par la loi appliquée depuis 38 ANS – du temps d’antenne des animateurs et des chroniqueurs
Le régulateur doit selon le CE aller au-delà du seul décompte du temps de parole des politiques pour jauger le respect du pluralisme d’un service audiovisuel. Il modifie en cela de la loi de 1986.
L’Arcom, s’appuie depuis près de 40 ans sur cette loi pour surveiller le respect des obligations des télévisions et radios. Ce dernier doit désormais prendre en compte un champ plus large pour s’assurer que ces médias respectent bien le pluralisme des opinions sur leurs antennes. Et ce qu’il s’agisse de France Inter, de CNews, de TF1 ou de France 2.
Concrètement, « l’Arcom ne doit pas se limiter au décompte des temps de parole des personnalités politiques » invitées sur ces chaînes et radios pour jauger «l’expression pluraliste des courants de pensée et d’opinion », écrit le Conseil d’État dans sa décision. C’est ce que faisait l’Arcom jusqu’à présent. Le régulateur doit désormais élargir son analyse « aux interventions de l’ensemble des participants aux programmes diffusées, y compris…
« Conseil d’État, Arcom et CNews : la France mûre pour un régime autoritaire »
TITRE LE POINT qui poursuit ( ÉTIENNE GERNELLE ) :
« La décision du Conseil d’État sommant l’Arcom de sévir contre la chaîne privée est le symptôme d’une dérive illibérale qui devrait alarmer, à gauche comme à droite.
« Quelle défaite pour la liberté ! Entendons-nous bien pour commencer : il ne s’agit pas ici de CNews, que chacun est libre d’apprécier ou de détester. Le problème est celui de notre liberté d’expression à tous. Sommes-nous en train de réinventer, de manière insidieuse, une forme de ministère de la Vérité ? La réponse est malheureusement oui, et tout le monde, qu’il soit de gauche, de droite ou du centre, devrait s’en alarmer.
« Georges Clemenceau écrivait que « l’arbitraire ne peut s’arrêter sur sa pente », et les idiots qui se réjouissent bruyamment aujourd’hui pourraient bien, un jour, se … »
…/…
«Après la décision du Conseil d’État, c’est à une véritable inquisition que l’Arcom devra se livrer»
TITRE LE FIGARO Par Jean-Eric Schoettl qui poursuit :
« Pour l’ancien directeur général du Conseil supérieur de l’audiovisuel*, Jean-Éric Schoettl, les exigences formulées par le Conseil d’État, par leur lourdeur et leur effet homogénéisant et démobilisateur, entraveront la liberté d’expression et la liberté d’entreprise dans le domaine audiovisuel. *Ancien secrétaire général du Conseil constitutionnel, Jean-Éric Schoettl a été directeur général du Conseil supérieur de l’audiovisuel de 1989 à 1992.
« L’association Reporters sans frontières a demandé à l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle (Arcom, ex-CSA) de mettre en demeure CNews de respecter le pluralisme et l’indépendance de l’information. L’association estimait insuffisante la diversité des points de vue exprimés à l’antenne de CNews, notamment à l’occasion des débats sur des questions prêtant à controverse.
« Elle soutenait également que, en raison des interventions de son principal actionnaire, CNews ne respectait pas l’obligation d’indépendance de l’information. Conformément à sa doctrine constante en matière de pluralisme de l’information politique audiovisuelle, l’Arcom a estimé qu’elle ne devait comptabiliser, pour apprécier le respect de ce pluralisme par CNews, que les temps de parole des personnalités politiques. »
…/…
« Audiovisuel public : Rachida Dati veut que « toutes les opinions » aient « leur juste place » »
TITRE VALEURS ACTUELLES LE 4 FÉVRIER QUI POURSUIT :
NB : Cette Information n’est pas reprise par les médias.
« Rachida Dati a affirmé dans une interview au Journal du dimanche que le service public avait pour mission d’éduquer à la citoyenneté. Par conséquent, la ministre de la Culture estime que les médias publics, la radio comme la télévision, doivent accorder une juste place à toutes les opinions qui reflètent la diversité de la France.
« Elle a également annoncé qu’elle rencontrerait « prochainement» les dirigeants de l’audiovisuel public. Soulignant que les Français y sont, selon elle, « très attachés », elle estime que ce dernier doit faire face « à la concurrence d’acteurs extra-européens, à l’évolution des publics, au bouleversement des pratiques et à l’irruption de l’intelligence artificielle ». «
Ce n’est pas la première fois que CNews est pointé du doigt
L’Arcom a déjà mis en demeure CNews à plusieurs reprises sur des séquences diffusées, notamment quant au respect du pluralisme politique. RSF demandait au régulateur d’aller plus loin et de garantir « un contrôle effectif », au-delà de l’équilibre des temps de parole des invités politiques.
2025 : RENOUVELLEMENT D’AUTORISATIONS POUR PLUSIEURS CHAÎNES DONT CNEWS
Une décision qui ne tombe tout de même pas au bon moment pour la chaîne d’informations. Car un des principaux enjeux de l’Arcom cette année porte sur le renouvellement des fréquences de 15 chaînes de la TNT, soit la plus grande vague d’attribution de fréquence depuis le milieu des années 2000 et le lancement de la TNT. Ainsi, l’autorisation de plusieurs chaînes arrivent bientôt à échéance en 2025 comme C8 ou encore W9 mais également… CNews.
1. ARTICLE : Le Conseil d’État demande à l’Arcom de mieux contrôler CNews
Maud Guilbeault le 13/02/2024 LA CROIX
Saisi par l’ONG Reporters sans frontières, le Conseil d’État a enjoint à l’Arcom, le régulateur des médias, de réexaminer le respect par la chaîne CNews de ses obligations en matière de pluralisme et d’indépendance de l’information, dans une décision rendue publique ce mardi 13 février.
L’Arcom va devoir serrer la vis. Dans une décision rendue publique en début d’après midi ce mardi 13 février, le Conseil d’État, saisi par l’ONG Reporters sans frontières (RSF), a enjoint au régulateur de « réexaminer dans un délai de six mois le respect par la chaîne CNews de ses obligations en matière de pluralisme et d’indépendance de l’information ».
« L’émission “Touche pas à mon poste” cultive une vision très binaire du monde »
« C’est une décision historique », a réagi le secrétaire général de RSF, Christophe Deloire, à l’occasion d’une conférence de presse donnée un peu plus tard dans la journée. Le 13 avril 2022, l’ONG avait saisi le Conseil d’État d’un recours pour contester le refus de l’Arcom d’agir contre les manquements de CNews à ses obligations. Déjà, le 19 janvier dernier, elle avait reçu un soutien de poids : lors de l’audience, le rapporteur public du Conseil d’État – qui dit le droit – avait estimé que l’Arcom n’avait pas suffisamment motivé le rejet de sa demande.
Le contrôle du pluralisme étendu aux chroniqueurs, animateurs et invités
Le Conseil d’État précise que, pour apprécier le respect par un éditeur du pluralisme des courants de pensée et d’opinion, le régulateur pourra – outre le décompte des temps de parole des personnalités politiques – prendre en compte les interventions de l’ensemble des participants aux programmes diffusés. Et donc également les chroniqueurs, animateurs et invités.
Concernant l’indépendance de l’information aussi, la plus haute juridiction a tranché en faveur d’une appréciation élargie. Celle-ci ne devra plus seulement se faire « au regard d’extraits d’une émission spécifique mais aussi à l’échelle de l’ensemble des conditions de fonctionnement de la chaîne et des caractéristiques de sa programmation », a ajouté le Conseil d’État.
Une semaine plus tôt, à l’occasion d’un déjeuner organisé par l’Association des journalistes médias, Roch-Olivier Maistre avait assuré que « quelle qu’elle soit, l’Arcom se pliera à la décision du Conseil d’État et à son interprétation de la loi ». Le président de l’autorité de régulation s’était par ailleurs gardé de tout commentaire concernant la chaîne d’information visée, probable candidate au renouvellement de son autorisation d’exploiter le canal 16 de la TNT. Celle-ci, ainsi que toutes celles du groupe Bolloré, arrivera à échéance en 2025.
Un nouveau dispositif à mettre en place pour le régulateur
Patrice Spinosi, avocat au Conseil d’État, voit dans cette décision « un véritable camouflet pour le groupe Canal ». « Désormais, l’Arcom va pouvoir exercer un contrôle approfondi à son égard avec la légitimité du Conseil d’État, ce qu’aurait immédiatement dénoncé le groupe de Vincent Bolloré si le régulateur se l’était permis plus tôt », souligne-t-il.
Afin de fournir d’ici à six mois une nouvelle évaluation du respect de ses obligations par CNews, le régulateur devra trouver un nouveau dispositif de contrôle qui tienne compte des précisions apportées par le Conseil d’État sur la portée des obligations prévues par la loi. Celles-ci ne s’accompagnent d’aucune feuille de route à destination du régulateur.
Aux yeux de Christophe Deloire, la décision de la plus haute juridiction fait entrer la régulation audiovisuelle « dans une nouvelle dynamique, systémique ». « Ce qu’elle dit très clairement à l’Arcom, c’est qu’un nouveau dispositif de contrôle doit être mis en place, ajoute-t-il. Et pas seulement pour CNews, partout. » Il est rejoint par Me Patrice Spinosi, qui salue une décision « inédite par son caractère général et particulièrement importante dans la perspective du renouvellement prochain des chaînes, de la rédaction des futures conventions et de leur application. »
Maud Guilbeault
2. COMMUNIQUÉ DU CE
Pluralisme et indépendance de l’information : l’Arcom devra se prononcer à nouveau sur le respect par CNews de ses obligations
Saisi par l’association Reporters sans frontières, le Conseil d’État juge que, pour apprécier le respect par une chaîne de télévision, quelle qu’elle soit, du pluralisme de l’information, l’Arcom doit prendre en compte la diversité des courants de pensée et d’opinions représentés par l’ensemble des participants aux programmes diffusés, y compris les chroniqueurs, animateurs et invités, et pas uniquement le temps d’intervention des personnalités politiques. Le Conseil d’État juge également que l’Arcom doit s’assurer de l’indépendance de l’information au sein de la chaîne en tenant compte de l’ensemble de ses conditions de fonctionnement et des caractéristiques de sa programmation, et pas seulement à partir de la séquence d’un extrait d’un programme particulier. Faute d’avoir examiné tous ces aspects, l’Arcom devra réexaminer sous 6 mois la demande de mise en demeure à l’encontre de CNews, formulée par l’association, en tenant compte des précisions apportées par le Conseil d’État sur la portée des obligations prévues par la loi.
La loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication impose aux chaînes de télévision d’assurer l’honnêteté, le pluralisme et l’indépendance de l’information et fait de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) la garante du respect par les chaînes de ces obligations. Estimant que CNews ne respectait pas ces exigences, l’association Reporters sans frontières a demandé à l’Arcom de mettre en demeure cette chaîne de les respecter. Face au refus de l’Arcom de prononcer une telle mise en demeure, Reporters sans frontières a saisi le Conseil d’État.
Par sa décision du 13 février 2024, le Conseil d’État écarte d’abord les critiques générales adressées par Reporters sans frontières au cadre législatif français au regard tant de la Constitution que de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Le pluralisme de l’information ne se limite pas au temps de parole des personnalités politiques
L’association critiquait ensuite la diversité insuffisante des points de vue exprimés à l’antenne de CNews, notamment à l’occasion des débats sur des questions prêtant à controverse. Face à cette critique, l’Arcom a estimé qu’elle ne devait prendre en compte, pour apprécier le respect du pluralisme de l’information, que l’équilibre des temps de parole accordés aux personnalités politiques, et elle a conclu que la plainte de l’association ne permettait pas de mettre en évidence un manquement de CNews à ses obligations en la matière.
Toutefois, le Conseil d’État juge que, pour assurer l’application de la loi, l’Arcom ne doit pas se limiter au décompte des temps de parole des personnalités politiques. Suivant des modalités qu’il lui appartient de définir, l’Arcom doit veiller à ce que les chaînes assurent, dans le respect de leur liberté éditoriale, l’expression pluraliste des courants de pensée et d’opinions en tenant compte des interventions de l’ensemble des participants aux programmes diffusés, y compris les chroniqueurs, animateurs et invités.
L’indépendance de l’information s’apprécie au regard de l’ensemble des conditions de fonctionnement d’une chaîne et des caractéristiques de sa programmation
L’association Reporters sans frontières faisait également valoir que CNews ne respectait pas, en raison des interventions de son principal actionnaire, son obligation d’indépendance de l’information. L’Arcom lui avait répondu qu’elle ne pouvait se prononcer sur cette question que sur la base d’exemples précis, dans des séquences données, que l’association ne fournissait pas. Le Conseil d’État juge toutefois que l’indépendance ne s’apprécie pas seulement au regard d’extraits d’une émission spécifique mais aussi à l’échelle de l’ensemble des conditions de fonctionnement de la chaîne et des caractéristiques de sa programmation. Il appartient donc à l’Arcom de se prononcer à nouveau en procédant à cet examen.
Le Conseil d’État a en revanche écarté l’argumentation de Reporters sans frontières sur les autres points en litige. Il a considéré que la place des émissions de débat dans la programmation de CNews ne remet pas en question son format de service consacré à l’information. S’agissant des séquences pointées par Reporters sans frontières comme manquant à l’honnêteté de l’information, le Conseil d’État a retenu, selon les cas, que l’Arcom avait déjà adressé des mises en garde à la chaîne ou que les éléments apportés par l’association étaient insuffisants.
Pour ces raisons, le Conseil d’État enjoint à l’Arcom de réexaminer dans un délai de six mois le respect par la chaîne CNews de ses obligations en matière de pluralisme et d’indépendance de l’information.
Par cette décision, le Conseil d’État ne se prononce pas sur le respect par les programmes de la chaîne CNews des exigences de pluralisme et d’indépendance de l’information. Il précise les principes applicables au contrôle que l’Arcom doit exercer sur le respect de leurs obligations légales par l’ensemble des chaînes et rappelle que, dans le respect de ces principes, le régulateur dispose d’un large pouvoir d’appréciation dans l’exercice des prérogatives qui lui sont conférées par la loi.
3. ARTICLE : CNews : le Conseil d’Etat ouvre la voie à un contrôle plus strict du respect du pluralisme des opinions sur les chaînes de télévision
La plus haute juridiction administrative demande à l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique d’être plus intransigeante vis-à-vis de la chaîne détenue par Vincent Bolloré. Mais sa décision élargit les pouvoirs de l’Arcom au-delà de ce seul cas.
L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) va devoir être plus intransigeante envers les chaînes de télévision à l’avenir, y compris CNews. Dans une décision rendue publique mardi 13 février, et inédite en ce qui concerne une autorité indépendante, le Conseil d’Etat demande à l’Arcom de réexaminer le respect par la chaîne propriété de Vincent Bolloré de ses obligations en matière de pluralisme. Il donne six mois au « gendarme » de l’audiovisuel pour apporter une réponse à Reporters sans frontières (RSF), qui l’avait saisie.
« C’est une décision historique pour la régulation de l’audiovisuel, pour la démocratie et le journalisme », exulte Christophe Deloire, le secrétaire général de RSF, qui se réjouit que « le Conseil d’Etat annule le refus de l’Arcom d’agir contre CNews ». L’avocat de l’ONG, Me Patrice Spinosi, y voit même « un camouflet » pour l’instance, estimant que « sa passivité » est « sanctionnée ».
En novembre 2021, RSF avait demandé à l’autorité − qui s’appelait alors le Conseil supérieur de l’audiovisuel − de mettre en demeure CNews afin que celle-ci respecte ses obligations légales relatives à l’honnêteté, à l’indépendance et au pluralisme de l’information. L’ONG jugeait que l’antenne du Goupe Canal+ n’était plus une chaîne d’information et qu’elle s’était muée en une chaîne d’opinion largement ouverte aux droites extrêmes. Après des échanges infructueux en avril 2022, RSF avait saisi le Conseil d’Etat d’un recours « pour contester le refus de l’Arcom d’agir contre les manquements de CNews à ses obligations ».
« S’assurer de l’indépendance de l’information »
L’autorité dirigée par Roch-Olivier Maistre est donc aujourd’hui sommée par la plus haute juridiction administrative d’imaginer une nouvelle manière de « prendre en compte la diversité des courants de pensée et d’opinions représentés par l’ensemble des participants aux programmes diffusés, y compris les chroniqueurs, animateurs et invités, et pas uniquement le temps d’intervention des personnalités politiques ».
L’Arcom va devoir apprécier le pluralisme des courants de pensée de manière globale. Concrètement, cela signifie que CNews sera tenu de rééquilibrer le choix des participants à ses plateaux qui penchent nettement à droite aujourd’hui, même si l’instrument pour vérifier cet équilibre ne va pas être simple à concevoir.
« Il faut trouver un dispositif qui ne soit pas une usine à gaz », espère M. Deloire, qui renvoie la charge de la méthodologie à l’Arcom, tout en se tenant à sa disposition. « On doit rentrer dans un décompte qui soit beaucoup plus qualitatif que quantitatif », rebondit le sémiologue François Jost, qui a servi de conseiller scientifique à RSF dans sa démarche juridique. Toutefois, le décompte classique des temps de parole ne devrait pas être remis en cause.
Le délibéré du Conseil d’Etat ne s’arrête pas là. La haute autorité administrative demande également à l’Arcom de « s’assurer de l’indépendance de l’information au sein de la chaîne en tenant compte de l’ensemble de ses conditions de fonctionnement et des caractéristiques de sa programmation ». Et « pas seulement à partir de la séquence d’un extrait d’un programme particulier ».
« Un électrochoc »
Il s’agit là d’un autre changement majeur de l’interprétation de la loi de 1986, qui régit l’audiovisuel français. L’Arcom devra s’enquérir de ce qui se passe au sein des chaînes et agir en cas de problème d’indépendance comme une ingérence de l’actionnaire de la chaîne pour en influencer les contenus. Canal+ avait certes mis en place un comité d’éthique et s’était doté d’une charte éthique en 2017, conformément à ses obligations, mais « la mise en place et le contenu sont bien éloignés de l’esprit de la loi », déplore M. Deloire.
Ce changement de lecture de la loi concerne toutes les chaînes de télévision, même si CNews est spécifiquement nommé par le Conseil d’Etat dans sa décision. « Cela montre que ce n’est pas une décision de nature politique, mais bien démocratique », affirme M. Deloire.
« On regrette que l’Arcom n’ait pas agi plus tôt, car elle en était capable. Le droit était suffisant », tance-t-il au passage, espérant que cette décision marquante « provoque un électrochoc dans ce moment crucial de montée de la désinformation ». La direction de la chaîne n’a pas réagi officiellement à la décision du Conseil d’Etat, mais ses visages phares (Pascal Praud, Christine Kelly, Laurence Ferrari) ont dénoncé ce qu’ils jugent être une attaque contre la liberté d’expression.
Ce recadrage de la justice à l’égard de l’Arcom est néanmoins vu comme une bonne nouvelle au sein de l’autorité de régulation, car il crée une jurisprudence sur laquelle celle-ci pourra s’appuyer à l’avenir. « Avec cette interprétation renouvelée de la loi de 1986, le Conseil d’Etat renforce la capacité de contrôle par le régulateur des obligations de ces médias en matière d’honnêteté, de pluralisme et d’indépendance de l’information, dans le respect de leur liberté éditoriale », se réjouit l’autorité.
Un défi délicat pour l’Arcom
Pour autant, Reporters sans frontières n’a pas gagné sur tous les terrains. Le Conseil d’Etat n’émet pas de critique sur le respect du format télévisé de CNews – censé être un « service consacré à l’information », selon la convention qui lie la chaîne à l’Arcom – et ce, même si les émissions de débat saturent sa programmation. Le recours de RSF s’appuyait notamment sur une étude de François Jost qui avait calculé qu’en février 2022 « l’information stricto sensu, comme énonciation de faits », occupait seulement 13 % du temps dans les émissions « Midi News » et « Soir info ». De plus, la question de l’honnêteté de l’information n’est pas remise en cause par le Conseil d’Etat, qui estime que l’Arcom a fait son possible en la matière en adressant de multiples « mises en garde à la chaîne ».
Cette décision de la justice administrative ouvre donc la voie à l’établissement, par l’Arcom, de nouveaux modes de contrôle pour faire respecter le pluralisme des courants de pensée et l’indépendance au sein de chaque chaîne. Personne ne sait quand cela pourrait aboutir, mais à l’approche des élections européennes de juin, le défi est délicat pour l’Arcom.
Les nouvelles règles mises en place ne manqueront pas d’être scrutées, alors que l’autorité de régulation doit aussi lancer, fin février, les appels à candidatures pour le renouvellement des autorisations de quinze fréquences de la télévision numérique terrestre en 2025, dont celles de Canal+, C8 et CNews. La pétition contre le renouvellement de ces deux dernières, lancée par la députée écologiste du Val-de-Marne, Sophie Taillé-Polian, le 8 février, avait réuni près de 10 000 signatures, cinq jours après sa mise en ligne.
Mise à jour :
Dans le viseur
4. ARTICLE : Le Conseil d’Etat somme le régulateur des médias de mieux contrôler CNews
Ce mardi 13 février, la plus haute juridiction administrative a enjoint l’Arcom d’intensifier son contrôle sur la chaîne d’information CNews, relai de la parole décomplexée de l’extrême droite.
publié le 13 février 2024 LIBÉRATION
CNews est-elle une «chaîne d’information» qui se doit de respecter le pluralisme ou un «média d’opinion» ? Le Conseil d’Etat s’en mêle… et met en garde. A la suite d’un recours de l’ONG Reporters sans frontières (RSF), la plus haute juridiction administrative a demandé ce mardi 13 février à l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom, ex-CSA) de renforcer son contrôle sur la chaîne d’information détenue par lemilliardaire conservateur Vincent Bolloré. Le Conseil d’Etat «enjoint à l’Arcom de réexaminer dans un délai de six mois le respect par la chaîne CNews de ses obligations en matière de pluralisme et d’indépendance de l’information», selon un communiqué.
Le secrétaire général de RSF, Christophe Deloire, a salué une «décision historique du Conseil d’Etat»pour «la démocratie et le journalisme».Celle-ci «va certainement changer la donne, en amenant le régulateur de l’audiovisuel à être enfin à la hauteur des enjeux», a-t-il ajouté. Reporters sans frontières considère que CNews «n’est plus une chaîne d’information, mais est devenue un média d’opinion», ce que l’intéressée conteste. L’ONG de défense de la liberté de la presse avait saisi la juridiction en avril 2022, pointant «l’inaction de l’Arcom» face «aux manquements de CNews». Avant ce recours, elle avait, en vain, appelé l’Arcom à mettre en demeure la chaîne de respecter ses obligations, à savoir «honnêteté, indépendance et pluralisme de l’information».
Respect du temps de parole et du pluralisme
Le 19 janvier dernier, lors de l’audience devant le Conseil d’Etat, le rapporteur public avait partiellement donné raison à RSF, estimant que l’Arcom n’avait pas suffisamment motivé le rejet de sa demande. Dans sa décision rendue publique, le Conseil d’Etat a tranché, stipulant que le régulateur des médias «ne doit pas se limiter au décompte des temps de parole des personnalités politiques», mais aussi «veiller à ce que les chaînes assurent, dans le respect de leur liberté éditoriale, l’expression pluraliste des courants de pensée et d’opinions en tenant compte des interventions de l’ensemble des participants aux programmes diffusés, y compris les chroniqueurs, animateurs et invités.»
Concernant l’indépendance de l’information, celle-ci ne doit pas seulement s’apprécier «au regard d’extraits d’une émission spécifique mais aussi à l’échelle de l’ensemble des conditions de fonctionnement de la chaîne et des caractéristiques de sa programmation», a ajouté la plus haute juridiction administrative.
L’Arcom a déjà mis en demeure CNews à plusieurs reprises sur des séquences diffusées, notamment concernant le respect du pluralisme politique. RSF demandait au régulateur des médias d’aller plus loin et de garantir «un contrôle effectif», au-delà de l’équilibre des temps de parole des invités politiques.
La chaîne du canal 16 appartient au groupe Canal +, lui-même contrôlé par Vivendi, groupe de Vincent Bolloré, dont les opinions sont réputées ultra-conservatrices. Pascal Praud, Christine Kelly, Sonia Mabrouk et Laurence Ferrari figurent parmi ses principales têtes d’affiche. Sur le podium des chaînes d’information, CNews occupe la deuxième place en termes d’audience, derrière BFMTV. Mais elle ne cesse de progresser.
Mis à jour : le 13 février 2024 à 15 h 21 avec le détail du communiqué du Conseil d’Etat.