
ÉMISSION – Un rêve culturel : l’Europe au pluriel
Vendredi 7 juillet 2023 RADIO FRANCE
Quel est le rêve culturel d’intégration d’une Europe, plurielle dans ses langues, ses arts et ses sociétés ? La sémiologue néerlandaise Mieke Bal analyse les chausse-trapes de la notion d’identité européenne.
Quel est le caractère trompeur des traditions, l’ambivalence des frontières et les chausse-trapes de la notion d’identité européenne ? Comment peut-on devenir un « voyageur regardeur » qui assume l’aspect pluriel du continent européen ?
Critique et théoricienne d’art et de littérature, professeure émérite à l’université d’Amsterdam, artiste vidéaste et commissaire d’exposition, Mieke Bal est une chercheuse atypique. D’abord formée à la narratologie, comme elle le raconte dans son interview au Collège de France, elle n’a n’a jamais cessé de briser les codes tout au long de sa carrière d’universitaire, de « jouer avec les frontières de l’interdisciplinarité », d’être une « femme à scandales ».
« Je ne me suis jamais sentie à l’aise dans une seule discipline« , confie-t-elle. « Je n’ai jamais été convaincue par les frontières rigides entre les disciplines : elles m’ont toujours un peu empêchée d’accomplir des sauts imaginatifs et créatifs« .
« Élevée par une mère qui adorait les chansons françaises, de Brassens à Brel, de Piaf à Patachou, raconte Mieke Bal, dès que je suis arrivée à lire dans cette langue, je me suis appropriée sa littérature. Et ça ne m’a pas divisée ! L’Europe se trouve unie dans ses pluralités. Elle forme un tout sans être totalitaire« .

La sémiologue néerlandaise, Mieke Bal, lors de sa leçon inaugurale au Collège de France – Patrick Imbert/Collège de France
Invitée pour l’année 2022-2023 sur la chaire annuelle L’invention de l’Europe par les langues et les cultures, chaire créée en partenariat avec le ministère de la Culture, Mieke Bal met en avant une Europe en perpétuel mouvement et création. Suivant les traces du peintre Munch, elle valorise le voyage « comme une forme de stage », une expérience d’apprentissage, au sein de la « sémiosphère européenne », qui est composée de « si nombreux pays, paysages, habitudes, langues et cultures ».
« L’expérience, nous dit-elle, peut permettre au voyageur de pratiquer et d’imaginer cet équilibre délicat entre le familier et le nouveau ». Alors que les populistes poursuivent fanatiquement l’identité européenne, Mieke Bal, en harmonie avec son esprit libre, met l’invention de l’Europe au défi d’un processus plus interactif, celui de « l’identification avec des personnes et des phénomènes de son choix ».
Nous gagnons le Collège de France, le 18 octobre 2022, pour la leçon inaugurale de Mieke Bal, intitulée « Un rêve culturel : l’Europe au pluriel« .