
L’incapacité à utiliser les appareils numériques et les outils informatiques
L’illectronisme, illettrisme numérique ou encore illettrisme électronique est la difficulté, voire l’incapacité, que rencontre une personne à utiliser les appareils numériques et les outils informatiques en raison d’un manque ou d’une absence totale de connaissances à propos de leur fonctionnement. Le terme « illectronisme » transpose le concept d’illettrisme dans le domaine de l’informatique.
Selon une étude de l’Insee en date du 25 février 2022, ce phénomène touche 17 % de la population française, soit près de 13 millions de personnes.
On peut recenser trois types de difficultés
éprouvées au niveau de la lecture et de l’accès aux ressources électroniques :
- l’accès aux outils numériques (acquisition d’un ordinateur, d’un smartphone) mais aussi à l’accès Internet ;
- la pratique et la manipulation de ces nouveaux outils ;
- la vérification des informations véhiculées.
Des difficultés complémentaires sont liées à l’illettrisme.
L’illectronisme résulte aussi de craintes ou d’aversions. Pour certains, Internet est une source d’instrumentalisation ou de complotisme. Pour d’autres, des choix de vie les empêchent de connaître les réseaux sociaux et les privent des usages du partage d’informations. Il faut également compter la crainte, en temps de crise, que fait planer sur les emplois les nouveaux usages de l’informatique et de l’Internet. Ces réticences dépassent la simple ignorance ou l’incapacité à accéder aux informations numériques.
Les croyances et cultures expliquent aussi l’acceptation ou pas des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (NTIC/TIC). L’illectronisme se différencie de l’e-exclusion car il provient d’un manque de savoir et non pas d’un manque de moyen ou de souhait pour accéder au domaine de l’information et des services numériques.
Le terme inverse, « lectronisme », est peu usité, sauf pour traduire information literacy. Il recouvre une notion proche de l’habileté numérique ou de l’inclusion numérique.
ARTICLE : « L’envers des mots » : Illectronisme
Publié: 3 mars 2024, THE CONVERSATION Guillaume Jarousseau, Université Paris-Panthéon-Assas
La crise sanitaire du Covid-19 a fait ressortir certaines carences profondes au sein de la société française, mettant particulièrement en avant deux enjeux critiques : les défaillances de notre système de santé et l’exclusion numérique touchant une partie de la population. L’essor sans précédent du télétravail, de l’éducation en ligne et des procédures administratives dématérialisées a mis en évidence l’incapacité de nombreux individus à s’équiper ou à maîtriser les outils numériques nécessaires.
Ce déficit de compétences et d’accès numériques a engendré des disparités dans l’utilisation de services éducatifs, professionnels et essentiels. Certaines familles, en particulier celles issues de milieux défavorisés, ont rencontré des difficultés significatives pour accéder aux ressources éducatives et juridiques en ligne, mettant en lumière l’impératif d’adopter une politique nationale visant à assurer l’inclusion numérique universelle et à pallier cette vulnérabilité spécifique. Cette forme de précarité est connue sous le nom d’illectronisme.
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Ce concept trouve ses racines dans une notion plus ancienne, celle de fracture numérique. Née au début des années 1990, elle se concentrait initialement sur la disparité d’accès aux technologies, soulignant une fragmentation principalement basée sur des critères matériels et géographiques. Toutefois, avec le temps, cette notion s’est enrichie pour englober non seulement l’accès aux outils numériques, mais aussi la capacité à les utiliser efficacement : prendre en main le clavier et la souris, naviguer sur Internet, etc. Cette dimension est devenue centrale dans la compréhension de l’illectronisme.
Aujourd’hui, l’illectronisme englobe un ensemble complexe de difficultés et de carences dans le domaine numérique. Il concerne les situations où les individus font face à des obstacles, non seulement dans l’utilisation des technologies, mais aussi dans leur compréhension de l’architecture globale du système. Cela inclut des défis liés à la manipulation d’interfaces numériques, comme la maîtrise du bureau ou du navigateur.
Au-delà des compétences techniques, ce concept révèle également un manque d’acculturation au référentiel numérique. Cela se traduit par une méconnaissance et une incompréhension des symboles, des codes et des éléments de langage – comme l’icône wifi, le symbole hashtags ou les émoticônes – qui constituent le tissu de la culture numérique. Cette dimension est tout aussi importante, car elle influence la manière dont les individus perçoivent et interagissent avec le monde numérique.
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Cependant, définir l’illectronisme dans sa globalité est complexe. Au vu de la grande diversité des compétences numériques et des inégalités en œuvre dans les usages, cette notion souffre d’un déficit théorique. Le Robert définit l’illectronisme comme l’« état d’une personne qui ne maîtrise pas l’usage des ressources électroniques ». Résumer ce concept en une non-maîtrise des usages électroniques revient à considérer ce problème comme binaire et stipule que les personnes sont, ou ne sont pas, en situation d’illectronisme.
Dans un contexte de numérisation croissante où les démarches administratives, la recherche d’emploi et l’accès au soin se font de plus en plus en ligne, l’illectronisme soulève des questions cruciales d’inclusion sociale et économique. Son émergence en tant que problème public reflète une prise de conscience collective de son impact sur l’équité et l’accessibilité dans une société toujours plus connectée.