
« SCIENCES PO : UNE DIRECTION QUI DEVRAIT – À TERME – SORTIR DE L’ENTRE SOI ? »
TITRAIT METAHODOS EN DÉCEMBRE 2023 https://metahodos.fr/2023/12/13/sciences-po-une-direction-qui-devrait-a-terme-sortir-de-lentre-soi-2eme-mise-a-jour-12-12-23/
Les récents événements à Sciences Po ( antisémitisme, en particulier ), en même temps que la démission de son Directeur – pour des raisons judiciaires et dans un contexte de gouvernance en échec – nous conduisent à rappeler notre publication de décembre 2023 et à publier deux articles.
MAJ : « Notre école fait l’objet d’un intérêt peut-être déraisonnable »,
regrette, lundi 18 mars, sur France Inter Laurence Bertrand Dorléac, présidente de la Fondation nationale des Sciences politiques, au sujet de la polémique autour d’une mobilisation pro-palestinienne organisée la semaine dernière au sein du prestigieux établissement.
La présidente de la Fédération nationale des Sciences politiques pointe donc du doigt l’emballement médiatique autour de l’occupation de l’amphithéâtre. Elle y voit une « rançon de la gloire ». Pour Laurence Bertrand Dorléac, la polémique a pris de l’ampleur notamment parce que « Sciences Po attire tous les regards » et est « sous les feux du projecteur en permanence ». « Est-ce bien raisonnable de s’emballer ? »,s’interroge-t-elle.
Elle ne fait pas le lien avec le directeur démissionnaire dont le profil est « communication « .
NOUS VOUS PROPOSONS 5 ARTICLES :
1. ARTICLE : À Sciences Po, les étudiants espèrent un retour au calme au lendemain de la démission de leur directeur
2. ARTICLE : Sciences Po Paris à nouveau dans la tourmente
3. Sciences Po Paris : une mobilisation étudiante pro-palestienne accusée d’antisémitisme
4. ARTICLE : Mobilisation pro-palestinienne à Sciences-Po: Macron dénonce des propos « parfaitement intolérables »
5. ARTICLE : «L’antisémitisme n’a pas sa place dans notre école»: la lettre ouverte d’étudiants de Sciences Po
1. ARTICLE : À Sciences Po, les étudiants espèrent un retour au calme au lendemain de la démission de leur directeur
Qu’ils s’en réjouissent ou non, les étudiants de Sciences Po espèrent que le départ de Mathias Vicherat permettra à leur école de retrouver sa sérénité.
Par Lou Roméo 14/03/2024 LE POINT
Rue Saint-Guillaume, dans le 7ᵉ arrondissement de Paris, le soulagement domine. Qu’ils se disent « attachés à la présomption d’innocence », comme Anna*, ou « soulagés de voir partir un homme qui n’incarne pas les valeurs défendues par l’école », comme Camille*, les étudiants de Sciences Po espèrent que le départ de leur directeur, Mathias Vicherat , permettra à l’établissement de retrouver son unité et son calme.
Des blocages s’étaient en effet succédé depuis décembre et le placement en garde à vue du directeur et de sa compagne, accusés de violences conjugales. L’annonce, ce mercredi 13 mars au matin, de la démission de Mathias Vicherat, à la suite de son renvoi et de celui de son ex-compagne en correctionnelle, et d’une visite de Sylvie Retailleau, la ministre de l’Enseignement supérieur, mardi, est ainsi saluée par de nombreux élèves.
Climat « délétère »
Gaspard, en première année, se dit satisfait. « Cela faisait plusieurs mois que la situation était tendue, beaucoup demandaient son départ, commente le jeune homme. Cette démission me convient car, au-delà de la question de l’affaire, la confiance était totalement rompue. M. Vicherat n’osait plus se montrer dans l’établissement depuis son retour, fin janvier. Il ne pouvait plus travailler correctement. Ce n’était plus tenable. »
Quelle est la part de la radio dans le volume d’écoute des offres audios disponibles ?
Tous évoquent le climat « délétère » qui règne depuis décembre dans l’enceinte de la prestigieuse école, encore accentué par le contexte du 7 octobre et de la guerre à Gaza, qui oppose et divise parfois violemment les étudiants. Une étudiante aurait ainsi été empêchée d’entrer mardi soir dans un amphithéâtre où était réuni un collectif d’élèves pro-palestiniens, dont certains membres l’auraient traitée de « sioniste ».
Devant les portes vitrées de Sciences Po, la plupart des élèves refusent d’aborder le sujet, ne s’estimant pas assez informés, certains déplorant un « incident interne monté en épingle par les médias ».
Tension palpable
« On espère que le départ de Mathias Vicherat va permettre d’améliorer les choses, confie néanmoins Agathe, étudiante en première année. Il y a eu une concomitance entre la mise en cause du directeur et le conflit israélo-palestinien. Depuis, la tension est palpable, et j’espère que cette démission va apaiser les choses. »
D’autant que ce scandale n’est pas le premier à éclater à Sciences Po. Le prédécesseur de Mathias Vicherat, Frédéric Mion, avait, lui aussi, démissionné en 2021 après avoir reconnu qu’il avait maintenu en poste le politologue Olivier Duhamel tout en connaissant les accusations d’inceste portées contre lui. En 2012, le directeur précédent, Richard Descoings, avait, lui, trouvé la mort dans des circonstances troubles à New York.
« Cela fait quatre ans qu’on est à Sciences Po et on a déjà connu trois directeurs différents, pointe ainsi Manon, en première année de master. Il n’y a plus de ligne directrice claire, d’autant que Mathias Vicherat était censé se saisir de la question des violences sexistes et sexuelles… On peut dire que c’est raté. Il est temps de passer à autre chose pour préserver l’image de l’école après tous ces scandales. »
Appel à un changement de profil
Adrien Lehman, vice-président enseignant, espère ainsi une nomination rapide « pour rétablir le cap ». « Je pense qu’il faut aller vite, expose le professeur. Sans commenter la situation personnelle du directeur, la situation à Sciences Po est déstabilisante et difficile. J’espère une nomination rapide pour le bien de la communauté éducative. »
C’est aussi ce que veut le syndicat Nova, qui a longtemps mis en avant son attachement au respect de la présomption d’innocence de Mathias Vicherat. « Cette démission était nécessaire, observe ainsi Raphaël. Nous avons vraiment besoin d’une direction forte face aux troubles actuels, d’une direction qui puisse être ferme et qui revienne au cœur de la mission de Sciences Po qui est de former des étudiants à l’excellence. »
« Nous sommes ravis que le directeur ait enfin pris ses responsabilités, souligne ainsi Stefania, la présidente de l’Unef Sciences Po. Nous demandions son départ depuis longtemps… Mais il faut maintenant construire une réforme des instances et de la gouvernance à Sciences Po, introduire plus de transparence et de démocratie, donner plus de poids aux élèves, car ces scandales à répétition témoignent d’un problème structurel. »
D’aucuns voudraient aussi que le type de profil choisi pour présider l’école change. « Ce serait bien que le prochain directeur vienne du monde académique, plutôt que du monde politique, souligne ainsi Félix, en master 1. Quelqu’un qui ait été prof ou administrateur d’université, qui soit vraiment formé sur les questions de discriminations, qui soit à même de comprendre les défis qui se posent à un établissement de l’enseignement supérieur. Et qui soit une femme, ce serait pas mal, quand même… »
2. ARTICLE : Sciences Po Paris à nouveau dans la tourmente
13 mars à 21h49, AFP
Sciences Po Paris de nouveau plongé dans la tourmente: l’école des élites affronte simultanément deux crises avec la démission de son directeur renvoyé devant la justice dans un dossier de violences conjugales et une polémique après une mobilisation pro-palestinienne.
« Le problème de Sciences Po, c’est qu’on va de crise en crise », résume auprès de l’AFP l’un de ses enseignants qui a souhaité garder l’anonymat.
La situation du prestigieux établissement s’est invitée en conseil des ministres mercredi, où le président de la République, Emmanuel Macron, a dénoncé des propos « inqualifiables et parfaitement intolérables » rapportés lors d’une mobilisation pro-palestinienne la veille à Sciences Po Paris.
L’Union des étudiants juifs de France a, en effet, affirmé que des jeunes appartenant à l’association y ont été « pris à partie comme juifs et sionistes ».
Le Premier ministre Gabriel Attal et la ministre de l’Enseignement supérieur Sylvie Retailleau « se sont rendus au conseil d’administration » de la Fondation de Sciences Po « pour souligner la gravité des faits et la nécessité absolue que l’Université demeure un lieu d’enseignement » et de « débats sains et respectueux des valeurs de la République », a indiqué la direction de l’école dans un communiqué dans la soirée.
Elle a saisi « le procureur de la République pour des faits à caractère antisémite, sur la base de l’article 40 du code de procédure pénale ». L’établissement, « traversé par le conflit au Proche-Orient et ses conséquences désastreuses sur les populations civiles, constate et regrette un durcissement des relations entre ses communautés étudiantes et l’instauration d’un climat délétère inacceptable », écrit encore Sciences Po Paris.
« Ce qui s’est passé hier est intolérable, des lignes rouges ont clairement été franchies », a estimé de son côté la ministre de l’Enseignement supérieur Sylvie Retailleau sur BFMTV, dans la soirée.
Cette version des faits est vivement contestée par le comité Palestine de Sciences Po, qui dénonce des « accusations infondées d’antisémitisme de la part de l’extrême droite ».
– Comparution à l’automne –
Comme souvent avec Sciences Po Paris, la controverse étudiante a débordé dans la sphère politico-médiatique.
Sylvain Maillard, chef des députés Renaissance, a appelé « la ministre (de l’Enseignement supérieur) à reprendre les choses en main », dans la matinée sur Radio J, tandis que Sébastien Chenu, vice-président du RN, demande à la direction de « plier bagage », sur CNews/Europe1.
Le leader de La France insoumise Jean-Luc Mélenchon évoque lui un « incident dérisoire », s’étonnant que l’affaire prenne une telle « ampleur médiatique nationale ».
Toujours mercredi matin, le directeur, Mathias Vicherat, renvoyé devant la justice avec son ex-compagne dans un dossier de violences conjugales, annonce sa démission dans un message à la communauté éducative.
« Des convocations devant le tribunal correctionnel ont été délivrées à M. Vicherat et Mme Sansal-Bonnefont pour des violences réciproques au sein du couple », a confirmé le parquet de Paris à l’AFP.
Les ex-concubins se voient reprocher notamment « des violences sur conjoint ayant entraîné une incapacité de travail supérieure à huit jours », a précisé le ministère public.
Ils comparaîtront à l’automne, d’après une source proche du dossier.
Mathias Vicherat, 45 ans, et son ex-compagne Anissa Bonnefont s’accusaient réciproquement de violences conjugales et avaient été placés en garde à vue le 3 décembre avant d’être remis en liberté le lendemain. Le parquet de Paris avait ordonné une enquête préliminaire.
Les deux ex-concubins n’avaient pas porté plainte. Le parquet de Paris a rappelé « que la charge d’engager des poursuites incombe au seul ministère public ».
– Déboires et scandales –
Dans son message de mercredi, M. Vicherat conteste « toujours les accusations de violences qui ont été formulées et diffusées à (son) égard ».
En décembre, à la suite de ces accusations, Mathias Vicherat avait proposé son retrait de la direction, avant de revenir fin janvier, sous les huées d’étudiants.
En attendant la nomination d’une nouvelle équipe dirigeante, « une administration provisoire » va être mise en place « dans les prochains jours », a indiqué la direction de Sciences Po Paris.
« En lien constant avec ses acteurs, le ministère va continuer à accompagner l’établissement afin de permettre son bon fonctionnement, en veillant en particulier à la sérénité de ses débats et à la lutte contre l’antisémitisme et toute forme de discrimination », a indiqué la ministre Sylvie Retailleau dans une déclaration transmise à la presse.
Sciences Po Paris cumule déboires et scandales autour de ses dirigeants depuis une dizaine d’années sans que son prestige académique n’en soit pour l’heure entaché.
M. Vicherat avait succédé en novembre 2021 à la tête de l’école à Frédéric Mion, contraint de démissionner en février de cette année-là pour avoir dissimulé les soupçons d’inceste visant le politologue Olivier Duhamel, qui était alors le président de la Fondation nationale des sciences politiques (FNSP).
Frédéric Mion avait lui-même succédé à Richard Descoings, patron de Sciences Po de 1996 à 2012, mort accidentellement dans une chambre d’hôtel à New York.
3. Sciences Po Paris : une mobilisation étudiante pro-palestienne accusée d’antisémitisme
13 mars Capucine Trollion, 6Medias AFP
Mardi 12 mars, un groupe d’étudiants de Sciences Po Paris a occupé un amphithéâtre en soutien au peuple palestinien. Mais, une étudiante de l’Union des étudiants juifs de France (UEJF) n’a pas eu le droit d’entrer dans la salle et « des propos accusatoires » ont été prononcés contre l’association, alerte la direction de l’établissement.
Sciences Po Paris est au cœur d’une nouvelle polémique. Mardi 12 mars, une centaine d’étudiants de l’école parisienne se sont rassemblés dans un amphithéâtre pour soutenir le peuple palestinien, raconte BFMTV. Mais une étudiante de l’Union des étudiants juifs de France (UEJF) n’a pas eu le droit d’entrer dans la salle. L’antisémitisme est passé sous silence par la direction de l’établissement qui explique dans un message sur X, mardi 12 mars, que l’étudiante « a été empêchée d’entrer dans l’amphithéâtre » et que « des propos accusatoires » ont été prononcés contre « une association en particulier » qui est l’UEJF.
Sur X, l’UEJF a affirmé que « les étudiants de l’UEJF y sont pris à partie comme juifs et sionistes » mardi 12 mars et que la phrase « Ne la laissez pas rentrer, c’est une sioniste » a été prononcée contre l’étudiante mentionnée plus haut. Selon une étudiante qui a assisté à la scène et qui a préféré rester anonyme : l’étudiante de l’UEJF n’a pas eu le droit d’entrer « pour des raisons de sécurité, parce qu’elle avait auparavant intimidé des étudiants pro-Palestiniens ».« Elle est la seule à n’avoir pu entrer. D’autres membres de l’UEJF ont assisté aux débats », ajoute-t-elle.
Emmanuel Macron dénonce des propos « inqualifiables et parfaitement intolérables »
La Direction va saisir la section disciplinaire pour sanctionner « ces agissements intolérables ». Prisca Thevenot, la porte-parole du Gouvernement a déclaré que « des témoins ont été entendus » par Sylvie Retailleau, la ministre de l’Enseignement supérieur et la jeune étudiante victime des propos antisémites a été invitée à « se présenter devant la justice ». Mercredi 13 mars en Conseil des ministres, Emmanuel Macron a dénoncé des propos « inqualifiables et parfaitement intolérables ». Selon BFMTV, Gabriel Attal s’est rendu à Sciences-Po Paris ce mercredi pour y rencontrer le Conseil d’administration. Le Premier ministre a indiqué avoir signalé les faits au procureur. Un peu plus tard dans la soirée, la direction de Sciences Po a annoncé dans un communiqué en avoir fait de même, « en étroite collaboration avec le ministre de l’Enseignement et de la Recherche », « pour des faits à caractère antisémite ».
4. ARTICLE : Mobilisation pro-palestinienne à Sciences-Po: Macron dénonce des propos « parfaitement intolérables »
13 mars à 15h26, AFP
Emmanuel Macron a dénoncé mercredi lors du Conseil des ministres des propos « inqualifiables et parfaitement intolérables » rapportés lors d’une mobilisation pro-palestinienne la veille à Sciences-Po Paris.
Le chef de l’Etat « a rappelé avec clarté et fermeté sa position: oui, les établissements universitaires sont autonomes, mais cette autonomie ne justifie en aucun cas le moindre début de séparatisme », a déclaré la porte-parole du gouvernement Prisca Thevenot.
Mardi matin, une centaine d’étudiants ont occupé l’amphithéâtre principal de la prestigieuse école de sciences politiques, creuset des élites françaises, dans le cadre d’une « journée de mobilisation universitaire européenne pour la Palestine ».
Une étudiante de l’Union des étudiants juifs de France (UEJF) a alors « été empêchée d’accéder à l’amphithéâtre » où se tenait l’action, et « des propos accusatoires ont été prononcés (à la tribune, NDLR) à l’encontre » de l’association étudiante, a dénoncé Sciences Po sur le réseau social X.
« +Ne la laissez pas rentrer, c’est une sioniste+ », tels sont les propos dénoncés par l’UEJF sur X.
Interrogé par l’AFP, Hicham, membre du Comité Palestine de Sciences-Po, réfute qu’une telle phrase ait été prononcée.
« Je trouve ça triste que des faits non vérifiés soient directement rapportés au président de la République », juge l’étudiant qui n’a pas souhaité donner son nom de famille. « Nous n’acceptons aucune forme d’antisémitisme. »
Selon Mme Thevenot, « des témoins ont été entendus » par la ministre de l’Enseignement supérieur, Sylvie Retailleau, qui s’est rendue sur place mardi, invitant « la jeune étudiante qui a été victime de ces propos (…) à se présenter devant la justice. »
La direction de Sciences-Po a annoncé saisir « la section disciplinaire en vue de sanctionner ces agissements intolérables », considérant auprès de l’AFP « que plusieurs lignes rouges ont été franchies ».
Selon une étudiante présente dans l’amphithéâtre interrogée par l’AFP, la jeune femme membre de l’UEJF a été empêchée d’entrer « pour des raisons de sécurité, parce qu’elle avait auparavant intimidé des étudiants pro-Palestiniens ». « Elle est la seule à n’avoir pu entrer. D’autres membres de l’UEJF ont assisté aux débats », a-t-elle affirmé, sous couvert d’anonymat.
Le député apparenté LFI, Aymeric Caron, a adressé mercredi sur X un « bravo aux étudiants de Sciences Po qui se mobilisent contre le génocide en cours à Gaza », tout comme la candidate LFI aux élections européennes, Rima Hassan, qui a apporté mardi sur X son « soutien à tous les étudiants-es et à toutes les facultés qui se mobilisent contre le génocide en cours. »
« Ce qui s’est passé a un nom: l’antisémitisme », écrit pour sa part Aurore Bergé, ministre chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes, également sur X.
5. ARTICLE : «L’antisémitisme n’a pas sa place dans notre école»: la lettre ouverte d’étudiants de Sciences Po
Par Tribune collective LE FIGARO 14 03 24
Après qu’une étudiante s’est vue refuser l’entrée de l’amphithéâtre principal aux cris de «c’est une sioniste», plusieurs élèves de Sciences Po adressent une lettre ouverte à l’institution pour lui demander de prendre des mesures fortes face aux «dérives» constatées dans cette école.
Lino Castex, Théa Augoula, Emma Dez et Victor Galmel sont étudiants en master à Sciences Po.
À la direction provisoire de Sciences Po, à notre chère institution,
Non, Sciences Po n’a pas le visage que quelques-uns ont voulu lui donner ce mardi après-midi.
Des vidéos et des témoignages exposent la gravité des actes et des propos qui ont été tenus dans le cœur même de notre université. On y entend cette phrase douloureuse «Ne la laissez pas rentrer, c’est une sioniste». Ne la laissez pas rentrer. C’est une sioniste. Ne la laissez pas rentrer. C’est une sioniste.
Rien dans ces mots ne mérite sa place dans notre école. Aucun lieu de notre démocratie ne devrait les accepter. Ces paroles sont la preuve d’une faillite absolue. Le sens même de notre institution et de notre engagement en tant qu’étudiants s’est ébréché et dans cet interstice qui s’est ouvert depuis le 7 octobre nous ne voulons plus laisser passer aucun monstre. Ces mots vont à l’encontre de qui nous sommes.
Le départ précipité de notre (ex)directeurne doit pas faire oublier le devoir de l’institution vis-à-vis de notre communauté étudiante. Nos noms ne doivent plus jamais être associés à de tels propos et ceux qui les ont proférés n’ont pas leur place parmi nous. Dire «ne la laissez pas rentrer, c’est une sioniste», c’est reproduire ce contre quoi Miguel Unamuno s’était levé. L’université doit rester un temple de l’intelligence et ceux qui veulent y convaincre doivent savoir y persuader «par la raison et le droit» et par aucun autre moyen. Refuser la présence d’une étudiante parce qu’elle ressemble trop à une juive et que cette apparence est immédiatement décriée pour «sionisme» n’est pas « convaincre » mais humilier, discriminer, briser. L’ombre de l’antisémitisme doit nous obliger plus que tout à une prudence absolue et à la plus grande des méfiances face à de tels agissements.Gageons qu’à l’avenir, les ambigus et les violents n’assombriront plus l’atmosphère de notre belle institution d’une ombre antisémite à peine voilée
Parce que nous sommes étudiants à Sciences Po, nous avons le devoir absolu de cultiver une certaine éthique de la discussion. Dans cet espace ouvert sur nous-mêmes et ouvert sur le monde, il n’y a pas de place pour les dogmatiques et les autoritaires. Aucun ne peut être ostracisé parce que juif. Aucun ne peut être mis dehors parce qu’arabe, femme ou homosexuel. Le débat est notre raison d’être et le savoir le moyen «d’élever des défenses contre les sauvages du présent et les barbares de l’avenir» (Ernest Vinet à Émile Boutmy). Attention, le recul critique n’est pas la froideur rationnelle. Nous pouvons être portés par la blessure affective dans nos discussions et ressentir un émoi conscient des actes terroristes du Hamas et des répliques illégales de Netanyahou, mais, jamais, il ne peut être permis de céder à la haine ou au racisme. Jamais l’exclusion. Jamais la tyrannie intellectuelle.
Faites-vous les porteurs de cette parole que nous savons majoritaire. Vivre et étudier à Sciences Po suppose tout ce que ces injures nient. La discussion, la tolérance, l’esprit critique et le discours à toute heure sont portés par chacun d’entre nous. Les portes toujours ouvertes pour recevoir des étudiants prêts à discuter. Le devoir de mémoire et la critique de l’actualité y côtoient les engagements théoriques et politiques. Il doit être possible d’y défendre la reconnaissance d’un État palestinien et d’y faire vivre le souvenir des assassinés, parce que juifs, parce que pris dans une guerre fratricide, parce qu’otage du Hamas, parce qu’habitant de Gaza. Le recul critique n’est pas la négation des engagements mais la prudence humaniste. Gageons qu’à l’avenir, les ambigus et les violents n’assombriront plus l’atmosphère de notre belle institution d’une ombre antisémite à peine voilée.
Cette lettre ouverte à l’institution reprend en substance les éléments que nous avons envoyés à la direction dans la foulée des évènements de mardi. Ces remarques sont le fruit de discussions spontanées entre étudiants de Sciences Po, animés par le souci du débat et de la discussion et profondément attristés par les dérives haineuses d’une poignée d’entre nous. Nous prions la direction provisoire de prendre les mesures nécessaires pour que notre école demeure fidèle à sa raison d’être.