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QUELLE SOLUTION POUR LA DETTE DE L’ÉTAT

1. ÉMISSION : Comment combler la dette publique française ?

Lundi 18 mars 2024 FRANCE INTER

Nous recevons aujourd’hui François Ecalle, Economiste, Président de l’association Fipeco (Finances Publiques et Economie), conseiller maître honoraire à la Cour des comptes

L’invité :

  • François Ecalle, Economiste,Président de l’association Fipeco (Finances Publiques et Economie), conseiller maître honoraire à la Cour des comptes.

Il est l’ancien rapporteur général du rapport de la Cour des comptes sur la situation et les perspectives des finances publiques, ancien membre du Haut Conseil des finances publiques, ancien membre de l’Autorité de la statistique publique, chargé d’un cours de politique économique à l’université Paris I.

LIEN :

2. ARTICLE : François Ecalle, l’« influenceur » des finances publiques

A 65 ans, cet ancien haut fonctionnaire, passé par Bercy et la Cour des comptes, fait figure de référence sur le budget, grâce à sa connaissance des chiffres. Au point d’être reçu par le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, le 15 mars. 

Par Elsa Conesa. LE MONDE 18 mars 2024

Les journalistes connaissent bien son petit rire modeste, semblable en toutes circonstances. François Ecalle, 65 ans, est le spécialiste incontesté des finances publiques. Celui que tous les médias, experts ou engagés, sollicitent pour décrypter le jargon de Bercy. Celui qui pointe les angles morts des discours sur la dépense, les incohérences des réformes, et les choix politiques qui sous-tendent des décisions en apparence budgétaires. Sans faire de politique – « Jamais, jamais ! », jure-t-il.

L’homme est à la fois un ancien de Bercy et de la Cour des comptes – où il était conseiller maître honoraire –, deux maisons rivales qui se disputent l’expertise budgétaire. Il en a conservé des réflexes de neutralité de grand commis d’Etat, capable de pondre une note en deux heures sur à peu près n’importe quel sujet. Les agriculteurs sont dans la rue ? Le voilà qui dégaine une fiche sur les politiques de soutien au secteur agricole. Le débat revient sur la fiscalité du logement ? Un article de son blog recense aussitôt les aides et les compare à celles de nos voisins. Ses fiches en deux ou trois parties – on ne se refait pas – alimentent le site Fipeco.fr (sorte d’encyclopédie des finances publiques pour les nuls, consultée par 45 000 visiteurs par mois), qu’il a créé il y a huit ans après avoir quitté la rue Cambon.

Est-ce à ce titre que Bruno Le Maire, le ministre de l’économie, l’a reçu dans son bureau du sixième étage à Bercy, vendredi 15 mars ? C’est la première fois que François Ecalle est invité dans le bureau d’un ministre des finances, et que cela figure à l’agenda officiel.

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« Que feriez-vous à ma place ? », a demandé le ministre. L’intéressé a répété ce qu’il dit aux journalistes : « Les retraites, c’est un quart de la dépense publique, il faut les sous-indexer. » Celles-ci suivent aujourd’hui le niveau de l’inflation, contrairement aux salaires qui les financent, ce qui a coûté 14 milliards d’euros cette année. En l’entendant, Bruno Le Maire a souri. L’exécutif ne veut pas entendre parler d’une contribution des retraités, surtout à l’approche des élections européennes du 9 juin.

« J’ai aussi proposé mon idée de bouclier sanitaire », précise-t-il. Un dispositif pour contenir les dépenses de l’Assurance-maladie sans pénaliser les ménages modestes, en plafonnant le reste à charge. Sa marotte depuis quinze ans, portée en son temps par Martin Hirsch, alors haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, en 2007. Bruno Le Maire a écouté poliment. Mais le ministre voulait plutôt parler de la prise en charge des maladies chroniques, sur lesquelles le gouvernement espère faire quelques économies. Le tout aura duré vingt minutes.

Celui que « tous les journalistes appellent »

Sans doute est-ce aussi l’écho relatif des travaux de François Ecalle dans le débat public qui explique l’intérêt du numéro deux du gouvernement. Et la nécessité de « traiter », comme on dit dans les cabinets ministériels, celui que « tous les journalistes appellent », de l’aveu même de l’entourage du ministre.

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Ses anciens collègues de la Cour des comptes ont fait le recensement : « Plus de cent soixante citations dans la presse depuis le début de l’année 2023, 13 500 abonnés à son site, soit l’équivalent de 15 % des abonnés de la Cour à lui seul ! », a dénombré, admiratif, le procureur général près la Cour, Louis Gautier, à l’occasion d’un discours pour son départ à la retraite, le 6 février.

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Avec les temps difficiles qui s’annoncent pour le ministère des finances, ce n’est en effet pas le moment de se fâcher avec lui. Lorsqu’il était à Bercy, Gabriel Attal recevait de temps en temps la lobbyiste de droite libérale Agnès Verdier-Molinié, pourfendeuse de l’« Etat obèse », figure du think tank Ifrap (Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques), omniprésente dans les médias. Et pas franchement appréciée des « technos » du ministère.

Avec son CV plus conforme aux standards maison, François Ecalle y est mieux toléré, même s’il agace aussi parfois, à corriger avec entêtement les chiffres des élus et des ministres. Comme lors des Assises des finances publiques, en juin 2023 à Bercy, lorsqu’il a repris publiquement la ministre des collectivités territoriales, Dominique Faure, qui s’était aventurée à contester ses données sur les concours financiers de l’Etat aux collectivités. « De temps en temps, il faut dire les choses telles qu’elles sont ! », s’est-il échauffé, détaillant au micro toutes les contributions. Avec son petit rire, toujours.

L’impression de se répéter

Les médias ne sont pas les seuls à l’appeler. Des élus – y compris à l’extrême droite – sollicitent son expertise. Les budgétaires et les conseillers ministériels aussi admettent à voix basse consulter ses travaux. Pas pour s’instruire, mais pour avoir un œil dessus. « Il a de l’audience et il est très souvent repris, parfois même par des comptes anglo-saxons, admet un ancien conseiller de l’ex-première ministre Elisabeth Borne. C’est une sorte d’influenceur des finances publiques. Il fait ses petits calculs dans son coin et met des sujets dans le débat. C’est utile à défaut d’être utilisé. Mais à vrai dire, en France, qui pèse sur ces sujets ? »

Son public compte aussi de gros bataillons d’étudiants de Sciences Po, et de fonctionnaires de l’administration fiscale. Parfois, ils lui écrivent pour le remercier. Car ses fiches servent aussi à préparer les concours.

Ironiquement, le fisc lui a joué un mauvais tour en 2022, refusant d’accorder à son association le statut qui permettrait à ses donateurs de bénéficier d’une réduction d’impôt, comme les autres fondations et think tanks. Motif ? Son activité « n’a pas un caractère éducatif ou scientifique », a avancé l’administration fiscale. L’enjeu financier est modeste – le budget de son association est de l’ordre de 30 000 euros. De quoi payer le petit bureau de Levallois-Perret, dans les Hauts-de-Seine, où il rédige seul ses notes, et « quelques services informatiques », dit-il.

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Les dons couvrent les deux tiers de son budget, à côté de quelques conférences qu’il donne de temps en temps. En plein confinement, il a tenté un recours, en vain. « L’administration est tatillonne, et n’aime pas se contredire », résume-t-il. Même s’il défend les vertus de comptes publics maîtrisés, ce qui lui vaut d’être parfois taxé de « libéral », lui qui n’a jamais quitté le service de l’Etat, l’affaire lui a laissé un goût « saumâtre ».

L’impression de se répéter le décourage aussi parfois. Il trouve que ses notes ressemblent beaucoup à celles qu’il écrivait il y a trente ans à la direction de la prévision à Bercy. « Sur les baisses de charges sur les bas salaires par exemple, soupire-t-il. Le PIB a augmenté, mais le débat est le même que sous Balladur. Les problèmes et les solutions sont identiques. » Même lassitude sur les plans d’économies, qu’il a vu se succéder depuis quarante ans. Le 6 mars, en entendant le ministre délégué aux comptes publics, Thomas Cazenave, annoncer 20 milliards d’euros d’économies pour 2025, il a levé les yeux au ciel. « Ils n’en feront même pas 12 », a-t-il prophétiséEt puis il s’est dit qu’il pourrait aider à faire de la pédagogie, et a repris la plume. « Il faut avoir la foi, sourit-il. Croire, faute de preuves. » 

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