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« PLACE NETTE » ? « LA CAME EST LÀ » – BILAN DÉRISOIRE MALGRÉ DES CONDAMNATIONS https://metahodos.fr/2024/03/31/75674/
MAJ : « Ce que révèlent les récentes saisies de drogue sur l’ampleur du trafic »
TITRE LE MONDE QUI POURSUIT (2 AVRIL Antoine Albertini et Simon Piel ) :
« Loin de l’affichage des opérations « Place nette » voulues par l’exécutif, le travail minutieux et discret des services spécialisés illustre l’étendue du trafic de drogue en France et la nécessité d’une réponse groupée entre les différents services de police.
« Près de 9 tonnes de cocaïne, 3,9 tonnes de résine de cannabis, 50 kilos de drogue de synthèse, 40 kilos d’héroïne, 86 armes, 24 véhicules, 1,4 million d’euros saisis – et 345 personnes interpellées. Ce n’est pas le bilan des dizaines d’opérations « Place nette » voulues par le président de la République et mises en musique – et en images – par son ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, mais le résultat de l’activité de l’Office antistupéfiants (Ofast) pour le seul mois de février, consigné dans une note confidentielle dont Le Monde a pu prendre connaissance.
« Sobrement intitulé « Affaires marquantes », ce document de sept pages diffusé dans le cadre du plan national de lutte contre les stupéfiants ne recense que les principaux dossiers traités par l’Ofast avec le concours des services de police judiciaire locaux et, parfois, celui de la marine nationale. Interception d’un « go fast », de deux livraisons maritimes, démantèlement d’un « trafic international transitant par la France » : en creux, il révèle l’ampleur d’un phénomène dont on perçoit mal comment les opérations « Place nette », mobilisant des centaines de policiers dans les quartiers sensibles, pourraient, seules, venir à bout.
« Ce travail vient justement compléter celui, indispensable, de ces opérations d’envergure que nous menons au quotidien », assure une source au ministère de l’intérieur. Il témoigne surtout de la nécessité et de l’efficacité d’investigations de l’ombre, éloignées de la retransmission en direct des démonstrations de force contre les points de deal, une œuvre au noir jalonnée d’écoutes, de filatures, de surveillances, qui implique de petites équipes d’enquêteurs spécialisés et des mois de recoupements minutieux sur le « haut du spectre », ces réseaux d’importation de drogue depuis l’Espagne, les Pays-Bas, les Antilles, à destination du quartier Bacalan, à Bordeaux, de Montfermeil (Seine-Saint-Denis), ou d’Hyères (Var).
« Méthodes éprouvées
« Une approche « indispensable à la lutte contre la criminalité organisée et particulièrement le narcotrafic », a martelé dans un communiqué l’Association nationale de police judiciaire, qui continue à dénoncer la réforme de la police et la « focalisation de l’action publique sur la petite délinquance [qui] pousse à l’absorption des petits groupes criminels par de plus grosses organisations mieux structurées et plus résilientes ».
« La lecture du document renseigne sur la validité de méthodes éprouvées dans la chasse aux trafiquants, l’importance des informateurs, du cloisonnement des informations, la réactivité de services spécialisés. Dans le courant du mois de janvier, le service interdépartemental de police judiciaire de Haute-Savoie est ainsi destinataire d’un « tuyau » : un résident de Chambéry plutôt bavard se vante d’effectuer des « convoyages de drogue » entre l’Espagne et la Savoie. Un camion est rapidement identifié et placé sous surveillance discrète.Cours en ligne, cours du soir, ateliers : développez vos compétencesDécouvrir
« Moins d’un mois plus tard, le 8 février, il est stationné dans la zone industrielle de Saint-Quentin-Fallavier (Isère) lorsqu’une voiture s’en approche. « Les deux chauffeurs descendent et ouvrent leurs coffres respectifs dans le but d’effectuer le transbordement d’une partie de la marchandise. » Ils sont aussitôt interpellés par la police judiciaire de Haute-Savoie et l’antenne Ofast de Lyon. Volume de la prise : 814 kilos de résine de cannabis. Les deux individus sont écroués.

Des prix relativement stables

Des prix relativement stables

Des prix relativement stables

Des prix relativement stables

Des prix relativement stables
Source : Ofast
Infographie Le Monde : Flavie Holzinger et Victor Simonnet
« La même journée, « l’interception d’un convoi de type “go fast” convoyant 83 kilos d’herbe de cannabis » est réalisée au péage de Saint-Selve (Gironde), sur l’autoroute A62. C’est le signal d’une vaste opération d’interpellations dans le quartier de reconquête républicaine de Bacalan « au sein de la communauté des gens du voyage d’origine espagnole ».
« Les brigades de recherche et d’intervention de Bordeaux-Bayonne, Toulouse et Perpignan, l’antenne bordelaise du Raid, l’unité d’investigation nationale et même la section aérienne de la gendarmerie de Mérignac interviennent dans le cadre d’une enquête menée par la juridiction interrégionale spécialisée de Bordeaux depuis trois mois. Dix membres de ce « réseau structuré » sont interpellés et les perquisitions mènent à la découverte de 100 kilos d’herbe de cannabis, deux fusils à pompe, deux carabines de précision, deux armes de poing et sept véhicules.
« 8,5 tonnes de cocaïne saisies en quinze jours
« Cinq jours plus tard, c’est la police judiciaire de Seine-Saint-Denis qui, à la suite d’une information récoltée au mois de décembre 2023, appréhende deux individus sur un parking. Ils étaient en train de décharger leur marchandise de caches aménagées dans un véhicule en provenance des Pays-Bas : « La fouille du véhicule porteur et l’ensemble des perquisitions permettent la saisie de 19,1 kilos de MDMA contenant du carfentanil, 13,9 kilos de kétamine, 5 kilos de résine de cannabis, 512 grammes de 3-MMC, 58 grammes de cocaïne et 2 500 buvards de LSD. »
« Ce mois de prises se terminera par l’arraisonnement par la marine nationale, dans la nuit du 29 février au 1er mars, d’un navire transportant plus d’une tonne de cocaïne dans les Caraïbes. C’est la quatrième opération de ce type en moins de quinze jours, entre le 16 et le 29 février, qui a vu la frégate Germinal et le patrouilleur La Combattante, saisir au total près de 8,5 tonnes de cocaïne à destination de l’Europe, « fruit de la collaboration entre le pôle renseignement de l’Ofast, l’antenne de l’office dans les Caraïbes et le Centre opérationnel d’analyse du renseignement maritime pour les stupéfiants », une agence internationale basée à Lisbonne.
« De tels succès montrent que les enquêtes au long cours associant spécialistes et moyens techniques hors norme sont indispensables au démantèlement de réseaux structurés. Mais ils rappellent aussi que, pour importantes qu’elles soient, ces saisies ne représentent qu’une part infime de la drogue en circulation. »
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ARTICLE : POUDRE AUX YEUX
L’Association nationale de la police judiciaire dénonce les opérations antidrogue menées par le gouvernement comme « de l’affichage »
Gilles Duran Publié le 25/03/2024 20 MINUTES
L’essentiel
- Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a annoncé plus de 187 interpellations dans le cadre d’opérations antidrogue « place nette XXL », que l’Association nationale de la police judiciaire considère comme de « l’affichage ».
- Selon l’ANPJ, ces opérations ciblent des statistiques sans garantie de réponse pénale, au détriment du travail d’enquête en profondeur qui nécessite plusieurs mois.
- Un policier s’inquiète du « risque d’engorger les tribunaux avec des gens qui ne seront pas forcément condamnés par manque de preuves ».
«Il y a eu, au moment où je vous parle, plus de 187 interpellations. » L’annonce du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a claqué, ce lundi, lors d’un déplacement à Roubaix. Après Marseille la semaine dernière, les métropoles de Lille et Lyon, mais aussi Dijon et la région parisienne ont été le théâtre d’actions policières coup de poing dans le cadre des nouvelles opérations antidrogue baptisées « place nette XXL ».
Objectif revendiqué par Gérald Darmanin : 850 personnes à interpeller. « De l’affichage » plus qu’autre chose, déplore toutefois un membre de l’Association nationale de la police judiciaire (ANPJ) à 20 Minutes. « Si c’est pour alimenter la statistique sans qu’il n’y ait de réponse pénale derrière, on ne voit pas bien l’intérêt », dénonce-t-il.
« On veut mettre du bleu sur la voie publique »
Cette association, qui rassemble des officiers de la police judiciaire, ne cesse depuis plusieurs mois d’alerter le ministère sur la politique du chiffre qui, selon elle, « réduit l’efficacité », notamment au sein de la police judiciaire (PJ). « On veut mettre du bleu sur la voie publique et ce serait une bonne chose si le nombre d’enquêteurs était corrélé, explique-t-il. En plus, la réforme de la police a rajouté des strates administratives qui alourdissent les opérations autrefois plus fluides de la PJ. »
Résultat, moins de policiers sur le terrain de l’investigation, selon l’ANPJ. « Démanteler un point de deal, c’est trois à six mois de travail pour comprendre comment il fonctionne, pour réunir les preuves et faire condamner les coupables. Cela nécessite une investigation en profondeur. »
« Manque de preuves »
Selon nos informations, le ministère public de la justice, à Lille, a d’ailleurs été prévenu très tardivement de cette opération « place nette XXL ». « Le ministre veut rappeler que l’Etat peut aller partout, c’est bien et ça rassure la population. Mais on risque d’engorger les tribunaux avec des gens qui ne seront pas forcément condamnés par manque de preuves », se désole encore le policier.
Dans le Nord, où près de 900 policiers ont été mobilisés, le préfet a fait état de 74 arrestations lundi matin, soulignant que l’opération était « multidélinquance », avec un focus sur les stupéfiants. Un demi-kilo d’héroïne, quatre armes et 70.000 euros avaient été saisis au moment de la visite du ministre, a annoncé Thierry Courtecuisse, directeur interdépartemental de la police nationale, anticipant de futures « saisies immobilières ».
Moyens d’enquête défaillants
L’an dernier, une mission d’inspection conjointe des ministères de l’Intérieur et de la Justice avait révélé que 2,7 millions de dossiers de plaintes n’avaient pas été traités en 2022, alors que 3,5 millions de nouvelles procédures avaient été enregistrées en 2023. « Ce sont parfois des dossiers de viols ou de violences intrafamiliales qui restent en souffrance », regrette l’ANPJ.