
ARTICLE : «Sauvage», «analphabète», «condamnée» : la génération Alpha est-elle déjà perdue ?
Ciara Boulman – 22 mars 2024 SLATE Repéré sur Los Angeles Times
L’inquiétude principale est liée à un niveau de lecture au plus bas.
Cette année marque la fin des naissances de la génération Alpha. Correspondant aux enfants nés entre 2010 et 2024, elle est la successeure de la génération Z (1996-2010) et a comme parents des membres de la génération Y (1982-1996). À contre-courant des inquiétudes de déclin démographique, il s’agit de la plus grande cohorte de l’histoire: elle représente aujourd’hui plus d’un quart de la population mondiale.
Malgré une moyenne d’âge de 6 ans et demi, ses représentants ont déjà acquis une réputation chaotique, comme le souligne le Los Angeles Times. Sur les réseaux sociaux, on ne compte plus les vidéos se plaignant d’un supposé manque de savoir-vivre de cette nouvelle génération: on qualifie ces enfants de «sauvages», d’«analphabètes» et de déjà «condamnés».
Exemple emblématique de cette critique: les jeunes adolescentes dévalisant les magasins Sephora à la recherche de rétinol (un produit antirides) dans des vidéos qui ont fait le tour de TikTok. Mais pour le démographe Mark McCrindle, inventeur du concept de génération Alpha en 2008, il s’agirait moins d’un marqueur de cohorte que d’âge.
«Le phénomène Sephora, c’est un phénomène intemporel, explique-t-il. On parle d’enfants qui sont encore en train de développer leurs compétences sociales et leur comportement. Des enfants laissant des testeurs de maquillage en désordre dans leur sillage est naturel dans cette période de la vie.» La faute, peut-être, à des générations d’adultes trop critiques?
Un niveau de lecture bas
L’autre point de discorde porte sur l’obsession des écrans, incarnée par le stéréotype de l’enfant ne pouvant survivre à un repas ou un trajet court sans regarder YouTube. Pourtant, les experts n’en tirent pas que des conséquences négatives. Si le temps d’écran est évidemment à limiter, ils estiment que la jeune génération est exposée à un niveau de connaissances sans précédent, et dont elle est friande.
Mais l’inquiétude principale porte sur un niveau de lecture jugé bien inférieur à celui des générations précédentes. Certains membres de la génération Alpha sont entrés à l’école primaire au moment de la pandémieet ont dû apprendre à lire sur Zoom. Selon une étude internationale publiée en 2023, les effets de la crise du Covid-19 sont clairs: dans la majorité des pays étudiés, le niveau de lecture a considérablement baissé entre 2016 et 2021.
Faut-il pour autant condamner toute une génération? La baisse du niveau de lecture étant une tendance qui s’observe depuis le début des années 2000, elle ne peut être imputée à une supposée malédiction de celles et ceux nés après 2010. Et, chez la génération Z, les ventes de livres battent des records. Ce renouveau pourrait être un indicateur du futur des Alpha, qui dévalisent déjà les collections de littérature jeunesse en audiobooks ou sous forme de livres virtuels.