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DE SAMUEL PATY AU LYCÉE MAURICE RAVEL : DÉFAITE DE LA RÉPUBLIQUE OU REPRISE EN MAIN ?

LA TOLÉRANCE ET LA PEUR EMPÊCHENT LA FERMETÉ – EN 4 SÉQUENCES

L’école de la République est en danger. Il règne à l’intérieur comme à l’extérieur « une violence endémique », selon le rapport des sénateurs François-Noël Buffet et Laurent Lafon , dans le primaire comme dans le secondaire.

Une reprise en main doit remplacer la soumission

VOIR 1. De Samuel Paty au lycée Maurice-Ravel : sur l’école de la République : fatwa sur l’école de la République

L’affaire du lycée Maurice-Ravel rappelle à quel point il est parfois difficile de faire appliquer la loi de 2004 interdisant le port de signes religieux ostentatoires dans l’enceinte d’un établissement scolaire.

VOIR 2. «L’affaire du lycée Maurice-Ravel illustre les difficultés d’appliquer la loi sur les signes religieux à l’école»

Face aux menaces de mort contre ce chef d’établissement, il faut réaffirmer que la laïcité rassemble tous les citoyens autour des valeurs communes de bienveillance, de solidarité et de fraternité, estime, dans une tribune au « Monde », Yannick Trigance, secrétaire national PS pour l’éducation.

VOIR 3. « Le départ anticipé à la retraite du proviseur du lycée Maurice-Ravel constitue une défaite pour la République »

« Combien de professionnels de l’éducation nationale choisiront, comme le proviseur du lycée Maurice-Ravel, de démissionner pour leur sécurité ? Nous devons apprendre à nos élèves le sens de la loi et de l’obéissance. » écrit André Comte-Sponville.

VOIR 4. Démission du proviseur du lycée Maurice-Ravel : une défaite de la République et des Lumières

1. ARTICLE – De Samuel Paty au lycée Maurice-Ravel : fatwa sur l’école de la République

Sous le couvert de la tolérance ou par peur de menaces, les enseignants manquent de fermeté sur la laïcité. Un écueil qu’il faut combattre face à l’obscurantisme.

Par Valérie Soria* pour Unité Laïque 06/04/2024 LE POINT

L’école de la République est en danger, à l’intérieur comme à l’extérieur. Il y règne « une violence endémique », selon le rapport des sénateurs François-Noël Buffet et Laurent Lafon , dans le primaire comme dans le secondaire.

Sur le terrain, nos hussards noirs, personnels enseignants et personnels administratifs et de direction, essuient des agressions verbales, physiques, des pressions et des menaces qui, pour l’essentiel, viennent d’élèves et de parents sous emprise islamiste. Les réseaux sociaux se font le relais dévastateur des rumeurs et des calomnies.

À lire aussi : Menaces d’attentats contre les écoles : « On ramasse ce qu’on n’a pas voulu voir »

Depuis le 28 février 2024, l’affaire du lycée Ravel et de son proviseur – qui s’est résolu à se mettre en congé jusqu’à sa retraite qu’il prend cette année – nous alerte. Cette mise en congé pour des raisons de sécurité , tant à l’égard de sa personne que vis-à-vis de son établissement, est intolérable. Ce proviseur n’a fait que son métier en demandant à une lycéenne d’ôter son voile à l’entrée de l’établissement, comme le stipule la loi du 15 mars 2004 sur les signes religieux ostensibles.

À la suite de cela, l’engrenage des réseaux sociaux s’est enclenché. N’avons-nous pas tiré des enseignements des assassinats par des terroristes islamistes des professeurs Samuel Paty et Dominique Bernard  ? Cette situation est préoccupante concernant la laïcité et sa mise en œuvre dans l’enseignement primaire comme dans l’enseignement secondaire. Cela appelle quelques réflexions et quelques propositions.

Tolérance ou soumission ?

Si la réponse de l’État a été enfin exemplaire concernant l’affaire Ravel, puisqu’ une plainte pour dénonciation calomnieuse a été déposée contre la jeune fille qui a accablé le proviseur du lycée Ravel d’allégations mensongères, il reste que celui-ci a dû prendre un congé anticipé.

Que le Rectorat de Paris invoque des « convenances personnelles » ne nous convainc aucunement et envoie un très mauvais signal de l’institution scolaire vers les personnels enseignants, administratifs ainsi que vers les élèves et leurs parents. L’autorité des fonctionnaires de l’État vaut-elle moins que les rumeurs intolérables et dévastatrices qui circulent sur les réseaux sociaux à l’instigation de cette jeune fille ?

Nous ne pouvons que constater, par les différents sondages effectués à ce sujet, que les atteintes à la laïcité sont en forte hausse dans les écoles de la République . Nous ne pouvons que nous alarmer du manque de formation initiale et continue des professeurs concernant les valeurs et les principes de la République, l’indifférence voire l’hostilité de certains, leur manière de définir la laïcité, confondue trop souvent avec la tolérance : laïcité adjectivée, laïcité sacrifiée sur l’autel de convictions idéologiques antirépublicaines.

Une reprise en main est nécessaire

Quelle est cette école qui accueille en son sein des personnels inaptes à transmettre à nos enfants la culture de la citoyenneté républicaine ? Est-il alors étonnant que les élèves soient si partagés concernant la laïcité ?

Nous demandons à la ministre de l’Éducation nationale une reprise en main rapide et volontariste de la formation de tous les personnels. Nous demandons une fermeté de tous les instants concernant le respect de la loi du 15 mars 2004 ainsi que de celle du 24 août 2021. Cela implique une pédagogie à l’adresse de tous les serviteurs de l’État, pédagogie non négociable face aux ennemis de la République, les islamistes et leurs idiots utiles qui garnissent les rangs de certains syndicats radicalisés.

À lire aussi : Lycée Maurice-Ravel : l’école, sanctuaire laïque, est assiégée

Si de nombreux professeurs sont au mieux timorés et au pire réticents concernant les principes et les valeurs de la République, n’est-ce pas aussi, reconnaissons-le, parce que la peur a pris le pas sur l’exercice impérieux de la parole d’autorité ? La peur qui fait contagion dans l’enseignement de presque toutes les matières, la peur qui isole le professeur, la peur qui crée un sentiment d’abandon de la part de la hiérarchie ?

« Foi obscurantiste »

Nous appelons de nos vœux l’amélioration de la protection fonctionnelle en rendant celle-ci automatique et dans des délais qui prennent en compte l’urgence de la situation de chacun, confronté à une atteinte à la laïcité et aux menaces qui pèsent sur lui. Aucun agent, qu’il soit enseignant, administratif ou de direction, ne doit devenir impunément une cible des islamistes de la fatwa qu’ils ont lancée sur notre école. Aucune espèce d’intégrisme ne doit dicter sa foi obscurantiste et dévoyée à la loi de la République.

Il est urgent de restaurer l’autorité de l’école en tant qu’institution face aux coups de boutoir de l’islamisme contre notre modèle républicain. L’agenda des islamistes s’inscrit dans le temps long, celui de l’émancipation s’écrit au présent : des professeurs sont tombés au combat, des personnels de direction vivent sous la menace, nous ne pouvons attendre. La République nous oblige, notre jeunesse est la relève : nous avons à son égard un devoir de transmission afin que l’École comme institution accomplisse son œuvre d’émancipation des esprits. Nos serviteurs de l’État, engagés et qui ne comptent pas leurs heures, exigent de nous tous un soutien sans faille. Il est grand temps de passer de la parole aux actes. Agissons !

*Valérie Soria est professeure agrégée de philosophie et membre d’Unité Laïque.

2. ARTICLE : «L’affaire du lycée Maurice-Ravel illustre les difficultés d’appliquer la loi sur les signes religieux à l’école»

Démission d’un proviseur menacé de mort, plainte déposée au nom de l’État contre une élève, mise en place d’une « force mobile scolaire »… L’affaire du lycée Maurice-Ravel rappelle à quel point il est parfois difficile de faire appliquer la loi de 2004 interdisant le port de signes religieux ostentatoires dans l’enceinte d’un établissement scolaire. Entretien avec Alain Policar, chercheur associé au Centre de recherches politiques de Sciences Po et membre du Conseil des sages de la laïcité.  

Publié le : 05/04/2024 – RFI – Caroline Renaux

RFI : Le « départ anticipé en retraite » du proviseur du lycée Maurice-Ravel à Paris est-il un nouveau signe de la difficulté à appliquer la loi sur la laïcité en milieu scolaire ?  

Alain Policar : Ça illustre, me semble-t-il, les difficultés d’appliquer sereinement la loi qui, comme je l’ai fréquemment écrit, apparaît, à tort ou à raison, comme discriminatoire à l’égard des musulmans. De ce point de vue-là, les nerfs sont à vif, aussi bien du côté des élèves que de celui de l’administration, qui se sent plus ou moins obligée de refuser ce qu’ils appellent une atteinte à la laïcité. À mes yeux, le voile n’est plus un signe de prosélytisme – les enquêtes sociologiques montrent qu’il s’agit même souvent d’un vecteur d’émancipation pour les jeunes filles par rapport à leurs milieux – et le port du voile devrait donc être analysé chaque fois au cas par cas. Or, la loi ne permet pas cette analyse fine. Tous les voiles ne sont pas un signe de résistance aux valeurs républicaines, mais on ne peut pas sans arrêt sonder les intentions.

En réalité, on ne peut pas établir de façon exhaustive et définitive une liste de ce qui est religieux. Puisque tout comportement peut être assimilé, on a inventé la notion de signe par destination. Au Conseil des sages de la laïcité, on est donc informés de ce qui apparaît comme une atteinte à la laïcité, et cette liste met sur le même plan le port du voile et la suspicion de terrorisme, ce qui est complètement surréaliste. 

Ce qui rend également la situation des enseignants du second degré ou du lycée difficile, c’est la crainte d’être victime d’attentat. Incontestablement, on a des raisons d’avoir peur, et par conséquent, il y a une forme probablement d’autocensure qui s’institue. Leurs discours ne peuvent pas s’exprimer avec assez de liberté, ce qui rend le climat d’autant plus lourd dans l’établissement scolaire. Il y a aussi d’autres atteintes à la laïcité, comme le refus d’écouter un enseignement sur la théorie d’évolution ou sur l’islam par exemple. La loi est donc, à mon sens, en elle-même assez difficilement applicable : c’est extrêmement difficile de savoir quelle est la signification précise du comportement de l’élève, savoir ce qui est prosélyte et véritablement un non-respect de la loi. À cela s’ajoute le malaise de la profession et le manque de confiance envers les différents ministères. 

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« La loi de la République doit s’imposer partout et pour tous », a martelé Prisca Thévenot, porte-parole du gouvernement. Y a-t-il des établissements scolaires où elle est inapplicable 

On ne sait jamais l’ampleur du phénomène. En ce qui concerne les signes religieux, on les compte, mais on ne les donne jamais en pourcentage d’élèves. En réalité, quand on compare le chiffre absolu des signalements, il est extrêmement faible par rapport au nombre d’élèves. Ça pourrait être bien pire s’il y avait véritablement une volonté coordonnée de l’islam politique d’investir l’école pour déstabiliser le système. Malgré tout, il y a cette idée que l’on a des territoires perdus, évoquée dès 2002 dans un livre dirigé par Georges Bensoussan. Moi, je pense qu’il y a des territoires vivants aussi, et qu’on ne parle que de territoires perdus dans lesquels les principes républicains ont du mal à valoir contre l’influence religieuse. 

Le vrai problème, c’est que cette loi de 2004 devrait s’appliquer aussi à l’enseignement privé sous contrat. Or, ce n’est pas le cas, et on en a beaucoup parlé avec les exemples de Stanislaset Averroès. Le lycée Averroès a été suspendu, mais pas le collège Stanislas, dont aucune subvention n’a été entamée. Il y a un deux poids deux mesures qui accentue encore le sentiment que l’on ne fait pas la même chose selon qu’il s’agit d’établissements chrétiens catholiques ou d’établissements musulmans. 

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La classe politique, aussi bien à gauche qu’à l’extrême droite, a dénoncé un « échec ». Que manque-t-il pour bien appliquer cette loi ? L’école est-elle mal armée 

On a voulu sacraliser l’école en disant que c’était un espace qui devait être réservé, mais je pense qu’il est absolument irréaliste d’imaginer que l’école puisse être épargnée par les conflits de la société civile. Ce qui manque, c’est certainement un système éducatif qui soit déjà en général plus bienveillant vis-à-vis des élèves. 

À l’époque, on a interprété la loi de 2004 comme une loi de liberté. Elle a été accueillie avec soulagement par la communauté éducative. Aujourd’hui, il est certain que l’application de la loi est difficile, et donc génératrice de tensions. Elle paraît même être intolérante. La tolérance moderne, ce serait accepter la diversité culturelle des valeurs et se poser la question de la coexistence avec les minorités. En France, on a choisi de combattre le terrorisme islamiste avec la laïcité, ce qui est aberrant.

3. ARTICLE : « Le départ anticipé à la retraite du proviseur du lycée Maurice-Ravel constitue une défaite pour la République »

Yannick TriganceSecrétaire national du PS sur l’école, le collège et le lycée LE MONDE

Face aux menaces de mort contre ce chef d’établissement, il faut réaffirmer que la laïcité rassemble tous les citoyens autour des valeurs communes de bienveillance, de solidarité et de fraternité, estime, dans une tribune au « Monde », Yannick Trigance, secrétaire national PS pour l’éducation.

Vingt ans après la loi du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le départ anticipé à la retraite du proviseur du lycée Maurice-Ravel, à Paris, à la suite de menaces de mort proférées sur les réseaux sociaux après qu’il a fait respecter cette même loi, constitue une formidable régression, mais surtout une défaite pour la République et son principe constitutionnel de laïcité face à l’obscurantisme, au sectarisme et à une forme d’intégrisme religieux.

La loi de 2004 est pourtant particulièrement claire et explicite : « Dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit. »

Force est de constater que cette loi fait régulièrement l’objet de tentatives de déstabilisation visant à fragiliser notre école comme lieu d’émancipation, de liberté de conscience et de neutralité religieuse – ce qui n’est pas la neutralité des valeurs, puisque, comme l’a écrit Jean Jaurès (1859-1914) en 1908, « il n’y a que le néant qui soit neutre ».

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Menacer de mort sur les réseaux sociaux un chef d’établissement qui accomplit son devoir en faisant respecter les lois de la République, c’est non seulement porter atteinte à l’institution, mais aussi afficher une incompréhension totale de l’une des missions essentielles de l’école : l’acquisition d’une citoyenneté visant notamment à faire partager et à faire vivre les valeurs républicaines que sont la liberté, l’égalité et la fraternité.

Elèves et parents

Cette incompréhension ne concerne pas uniquement les élèves, mais aussi, et malheureusement, les parents : les études et les enquêtes de terrain montrent une contestation grandissante du contenu des enseignements, des méthodes pédagogiques ou des règlements intérieurs, qui s’accompagnent parfois de dérives allant jusqu’aux menaces et aux intimidations – quand ce n’est pas l’assassinat d’enseignants, acmé de l’horreur.

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Cette situation doit cesser. Au-delà des brigades de sécurité [une « force de sécurité mobile scolaire »] annoncées par la ministre de l’éducation nationale, qui ne suffiront pas, il appartient à l’Etat de mieux protéger non seulement les publics accueillis au sein des établissements, mais également les équipes éducatives qui, au quotidien, enseignent à nos élèves et mettent en œuvre les valeurs républicaines dans des conditions parfois bien difficiles, sans toujours être formées, imprégnées, voire convaincues de l’enjeu scolaire et social que constituent ces valeurs fondatrices de notre pacte républicain.

Comment pouvons-nous collectivement accepter cette situation absolument incroyable où, pour se protéger, un chef d’établissement part prématurément en retraite à la suite de menaces de mort déployées sur les réseaux sociaux ? Comment concevoir que des enseignants n’osent plus aborder certains aspects des programmes face à des élèves et à des parents qui les remettent en cause sur la base de préceptes religieux ou politiques ? Comment imaginer que des enseignants, ces passeurs de savoirs et de valeurs, puissent perdre la vie au service de l’école de la République, cette école qui, selon la désormais célèbre phrase de Jean Zay (1904-1944), « doit rester l’asile inviolable où les querelles des hommes n’entrent pas » ?

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Convenons-en : la laïcité au sein de l’école n’est plus une évidence, pour les élèves, pour certains parents et pour des enseignants démunis face à des situations comme l’enseignement du fait religieux, les revendications alimentaires ou encore la qualification de signes religieux « ostensibles ». Si les affirmations identitaires, qu’elles soient individuelles ou collectives, restent légitimes au sens où, rappelons-le, l’école n’a pas pour objectif de rendre tous les jeunes identiques, les valeurs républicaines ne peuvent pas pour autant être contestées au nom de principes religieux, politiques ou philosophiques.

Garante des libertés

Aussi devons-nous, toutes et tous, engager sans attendre un travail de relégitimation de la laïcité comme garante des libertés – liberté de conscience, liberté de croyance et de non-croyance –, garante du respect de l’autre dans sa diversité, garante du refus des préjugés et des discriminations, garante de l’égalité femmes-hommes. C’est un enjeu éducatif, mais aussi un enjeu social.

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Réaffirmons avec force que « la laïcité n’est pas une opinion, mais la liberté d’en avoir une », qu’elle dissocie les croyances personnelles des connaissances communes et qu’elle est indispensable à tous : sans rejeter personne, elle sépare pour mieux rassembler. Rappelons sans relâche que la République considère que, pour appartenir à l’humanité, nul besoin de croire ou de ne pas croire et que, pour reprendre les propos d’Aristide Briand (1862-1932) en 1905, « la loi protège la foi à la condition que la foi ne veuille pas faire la loi ».

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Redisons qu’en séparant le spirituel du temporel, les lieux de culte de l’Etat, la sphère publique de la sphère privée, les croyances des connaissances, la laïcité ne rejette personne, mais, bien au contraire, rassemble tous les citoyens autour des valeurs communes de bienveillance, de solidarité et de fraternité. C’est ainsi qu’à partir de l’école nous replacerons la laïcité au cœur de notre édifice républicain, pour retrouver une harmonie sociale aujourd’hui menacée et pour conforter l’unité d’une nation plus juste, plus humaine et plus émancipatrice.

4. ARTICLE – Démission du proviseur du lycée Maurice-Ravel : une défaite de la République et des Lumières

Par André Comte-Sponville  CHALLENGES

Combien de professionnels de l’éducation nationale choisiront, comme le proviseur du lycée Maurice-Ravel, de démissionner pour leur sécurité ? Nous devons apprendre à nos élèves le sens de la loi et de l’obéissance.

Le proviseur du lycée Maurice-Ravel n’a pas démissionné « pour convenance personnelle », comme le prétend honteusement le rectorat, mais parce qu’il n’a pas trouvé (ou parce qu’on ne lui a pas fourni) d’autre moyen d’assurer ce qu’il appelle, lui, à juste titre, sa « sécurité » et celle de son établissement. En un sens, cette démission m’effraie encore plus que les morts de Samuel Paty ou de Dominique Bernard. Non par la gravité des faits (ce qui s’est passé au lycée Maurice-Ravel est évidemment bien moins grave), mais par les tendances qu’ils révèlent, qui me paraissent à la fois plus répandues et plus difficiles à combattre.

LIRE AUSSIPour Dominique Bernard et Samuel Paty, nos Maîtres

Les assassins restent une triste exception, même chez les islamistes. Les héros aussi, même chez ceux que l’on appelait autrefois les hussards de la République. Samuel Paty et Dominique Bernard n’ont bien sûr pas choisi de mourir. Mais ils ont fait preuve de courage, voire d’héroïsme, en faisant si bien ce qu’ils considéraient comme leur métier et leur devoir.

58 500 enseignants menacés

Combien, parmi leurs collègues, sont disposés à prendre leur suite, ou même à en courir le risque ? Combien adopteront plutôt l’attitude prudente et compréhensible du proviseur ? En démissionnant ? Cela peut venir, pour certains. Mais plus vraisemblablement en faisant profil bas, en évitant les sujets qui fâchent (la religion, la laïcité, la Shoah, voire le darwinisme, le féminisme ou la psychanalyse), tout ce qui peut leur valoir, sur les réseaux sociaux ou dans les couloirs, insultes, agressions, menaces de mort.

Gabriel Attal a raison de dénoncer cet « entrisme islamiste », qui procède à « coups de boutoir ». Encore faut-il résister, et plus fortement que par des paroles. L’Etat porte plainte pour « dénonciation calomnieuse » contre la jeune fille qui accusa le proviseur de violence. Tant mieux. Mais qu’en est-il des milliers de cas comparables ?

Le même Gabriel Attal constate qu’il y a de plus en plus de « signalements pour contestation d’enseignement ». Mais quelles en ont été les conséquences ? Un rapport émanant du Sénatcomptabilise, pour une seule année scolaire, 58 500 enseignants menacés, 17 200 bousculés ou violentés, dont 900 par un individu armé. On a envie de demander : combien d’exclusions ? Combien de sanctions pénales, et lesquelles ? Et malheureusement : combien de reculades, de la part des enseignants, combien de concessions, voire parfois, hélas, combien de complaisances prétendument antiracistes ou « décoloniales » vis-à-vis de ceux et celles qui se prétendent victimes d’islamophobie ?

Il n’y a pas de loi sans sanction

Deux sondages, datant de 2018 et 2022, indiquent que la part d’enseignants reconnaissant s’autocensurer est passée de 36 à 56 %. Comprend-on ce que cela veut dire, quelle défaite c’est pour la République et les Lumières, donc aussi pour l’émancipation de tous ?

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Je ne cesse de le répéter : le principal problème, dans nos collèges et lycées, ce ne sont pas les programmes mais la discipline. Il faut apprendre aux élèves le sens de la loi et de l’obéissance, sans lesquelles aucune liberté n’est possible. Mais n’oublions pas qu’il n’y a pas de loi sans sanction, ni d’obéissance, surtout dans la jeunesse, sans une part de crainte. C’est vrai a fortiori face à l’islamisme et aux jeunes qu’il a séduits ou embrigadés. Notre faiblesse fait leur force.

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