
« Non à une Suisse à 10 millions d’habitants ! »
Le texte « Non à une Suisse à 10 millions d’habitants ! » a été déposé avec 114 600 signatures à la Chancellerie.
Cette initiative survient dans un contexte où le premier parti de Suisse, l’UDC, accuse d’autres formations politiques de ne pas respecter un mandat constitutionnel pour limiter l’immigration. Elle fait aussi suite au rejet, en 2020, d’un vote populaire demandant la fin de l’accord avec l’UE sur la libre circulation des personnes.
1. ARTICLE – Suisse : la droite radicale propose un référendum pour dire non à une « immigration incontrôlée »
Le premier parti de Suisse, appartenant à la droite radicale, veut soumettre à la population un plan pour dire « Non à une Suisse à 10 millions d’habitants« . Selon l’UDC tous les problèmes du petit pays alpin sont liés à une immigration incontrôlée« .
03 AVR. 2024 TV5 MONDE
L’Union Démocratique du Centre (UDC, droite populiste) a déposé ce mercredi 4 avril 114 600 signatures à la Chancellerie fédérale à Berne, sur les 100 000 prévues par la loi et collectées en moitié moins de temps que la période légale.
Les Suisses pourront donc voter sur le texte, qui va jusqu’à prévoir la dénonciation de l’accord sur la libre circulation des personnes avec l’Union européenne. Il peut se passer de nombreux mois voire des années entre le dépôt d’une initiative et un vote.
Un signal fort, en pleine négociations d’un rapprochement entre la Suisse et l’UE, auquel l’UDC est farouchement opposée. Le site internet du parti ne laisse aucune place à l’ambiguïté.
« Du manque de sécurité aux embouteillages quotidiens en passant par la hausse des primes d’assurance maladie, tous nos problèmes sont liés à l’immigration de masse incontrôlée. Face à cela, il existe une solution : « L’initiative pour la durabilité« .
Le référendum propose donc de modifier la Constitution, en stipulant que « la population résidente permanente de la Suisse ne doit pas dépasser dix millions de personnes avant l’année 2050« .
« Si la population résidente permanente de la Suisse dépasse neuf millions et demi de personnes avant l’année 2050« , le gouvernement et le parlement « prennent des mesures, en particulier en matière d’asile et de regroupement familial, en vue d’assurer le respect de la valeur limite fixée« .
Pour l’UDC, qui a encore renforcé sa position de premier parti du pays lors des élections parlementaires en octobre, la définition de la population résidente permanente est assez restreinte : les citoyens suisses qui y habitent et les étrangers qui ont un titre de séjour de un an au moins ou séjournant en Suisse depuis au moins douze mois.
Si 9,5 millions de personnes vivaient dans le pays avant 2050, le parti propose que « les personnes admises temporairement ne pourraient plus recevoir de permis d’établissement ni être naturalisées » et « le regroupement familial devrait également être restreint« .
La Suisse devrait aussi introduire des clauses d’exception ou de protection dans les accords internationaux auxquels elle adhère s’ils contribuent à la croissance démographique.
Si tout cela ne suffit pas pour respecter la limite, la Suisse devra finalement mettre fin à l’accord sur la libre circulation des personnes avec l’UE comme frein d’urgence.
Selon l’Office fédéral de la statistique (OFS), fin juin 2023, le pays comptait 9 006 664 personnes (citoyens suisses, étrangers en résidence permanente ou non, y compris les demandeurs d’asile, sont pris en compte).
La population résidente permanente d’habitants locaux et étrangers comprenait 8 902 308 personnes. Les étrangers résidents permanents représentent environ un quart de la population vivant en Suisse.
« Aujourd’hui, il y a trop d’étrangers et ce ne sont pas les bons étrangers qui arrivent« , a déclaré le président du parti Marcel Dettling dans le communiqué accompagnant la présentation de l’initiative. Selon l’OFS, le solde migratoire présente une augmentation de 68 800 habitants en 2022.
Le solde naturel – naissances moins décès – représente une augmentation de 7900.
Les projections de l’OFS datant de 2020 prévoient que la population atteindra 10,4 millions d’habitants en 2050, avec un « scénario bas » de 9,5 millions et un « scénario haut » de 11,4 millions.
2. ARTICLE : Les Suisses se prononceront sur un contrôle strict de l’immigration
Marion Monforta. 04/04/2024 JDD
L’Union démocratique du centre (UDC), principal parti de droite en Suisse, propose un référendum pour rejeter une « immigration incontrôlée » et limiter la population à 10 millions d’habitants d’ici à 2050.
Ce texte, appelé « Non à une Suisse à 10 millions d’habitants ! », a été déposé avec 114 600 signatures, dépassant largement les 100 000 requises, a dévoilé RTS mercredi 3 avril. L’initiative vise également à mettre fin à l’accord sur la libre circulation des personnes avec l’Union européenne.
Selon le mouvement de droite populiste, de multiples problèmes du pays sont dus à une « immigration de masse incontrôlée » : « pénurie de logements et augmentation des loyers, embouteillages sur les routes, trains et bus bondés, baisse du niveau des écoles, violence et criminalité en hausse, pénurie d’électricité, revenu par habitant qui stagne, primes d’assurance maladie toujours plus élevées, services sociaux endettés et pression accrue sur la beauté du paysage et la préservation de la nature », énumère l’UDC sur son site officiel. « Face à cela, il existe une solution : « l’initiative pour la durabilité » », peut-on encore lire.
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Que demande l’UDC ?
Le référendum propose d’incorporer dans la Constitution un nouvel article sur le « développement démographique durable », fixant une limite de 10 millions de résidents permanents en Suisse d’ici à 2050. Si cette limite est dépassée, le Gouvernement et le Parlement devront prendre des mesures, y compris en matière d’asile et de regroupement familial, pour en garantir le respect.
Précisons que l’UDC définit la population « résidente permanente » comme les citoyens suisses et les étrangers titulaires d’un permis de séjour d’au moins un an ou séjournant en Suisse depuis au moins douze mois. Si la population dépasse les 9,5 millions d’habitants avant 2050, les personnes admises temporairement ne pourront plus recevoir de permis d’établissement ni être naturalisées, et le regroupement familial sera restreint.
Si ces mesures ne suffisent pas à contenir le nombre de résidents permanents, Berne devra mettre fin à des traités internationaux comme l’accord sur la libre circulation des personnes avec l’UE, ou encore le Pacte de l’ONU sur les migrations.
3. ARTICLE – Référendum : « L’exemple suisse n’est pas importable en France »
Jean-Pierre Camby réagit à la proposition d’élargir le champ du référendum en France. Pour lui, il faut se méfier des solutions miracles, et il reste persuadé qu’une réforme institutionnelle ne peut éluder ni la question du quinquennat ni celle de la faiblesse du contre-pouvoir parlementaire.
Jean-Pierre Camby, 23/11/2023
Jean-Pierre Camby réagit à la proposition d’élargir le champ du référendum en France. Pour lui, une réforme institutionnelle ne peut éluder ni la question du quinquennat ni celle de la faiblesse du contre-pouvoir parlementaire. (Photo d’illustration)LUDOVIC MARIN / AFP
En France, les règles institutionnelles sont l’enjeu d’un incessant débat politique. Pourtant, depuis 1962, chaque réforme a abouti à renforcer les pouvoirs décisionnels du président, alors que sa responsabilité politique reste, constitutionnellement, inexistante. Ce grand écart est devenu plus marqué encore avec le rythme électoral actuel. Depuis le quinquennat, le peuple choisit le président, puis, deux mois après, ses députés. Cette synchronisation est censée se traduire par une cohérence politique, mécanique démentie en juin 2022, mais la domination présidentielle, même contrariée, demeure la clé du fonctionnement, défectueux, de nos institutions.
Tout projet de réforme qui élude la question du quinquennat élude l’essentiel. Tout projet qui fait l’impasse sur les faiblesses du contrepouvoir parlementaire et sur l’insuffisance de la maturation et de l’autorité de la loi ne s’attaque pas au déséquilibre qui caractérise aujourd’hui les institutions. C’est sous cette réserve, fondamentale, qu’il faut considérer une éventuelle extension du champ du référendum tel que l’énonce l’article 11 de la Constitution, et un élargissement du recours à l’initiative partagée.
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Une précédente révision sans effets
L’apparence est trompeuse : qui s’opposerait à la consultation directe du peuple ? Certes, le champ de l’article 11 est restreint, initialement réservé aux « projets de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics » ou de « ratification d’un traité qui sans être contraire à la Constitution aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions ». En 1995, il est étendu aux « réformes relatives à la politique économique sociale, ou environnementale (en 2018) de la Nation et aux services publics qui y concourent ».
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Mais d’une part ce changement n’a connu aucune application, d’autre part il laisse de côté le domaine des libertés publiques et des questions sociétales, éthiques, pénales. Il est paradoxal de réclamer une extension du champ du référendum sans constater que la précédente révision est restée lettre morte.
Il est plus paradoxal encore de réclamer qu’il soit étendu à des questions sociétales, tout en excluant par avance, s’agissant de l’IVG, qu’il le soit sur un débat initié par le Parlement, pour tenter de l’inscrire par la voie du Congrès. On entend dire qu’il ne faut surtout pas convoquer un référendum constituant sur l’éventuelle inclusion de la liberté de l’avortement dans la Constitution, car le recours à cette procédure permettrait à ceux qui sont contre de s’exprimer, en oubliant que dans la Constitution est inscrit le pluralisme des courants d’opinion.
Le RIP ne fonctionne pas
Le référendum d’initiative partagée (RIP), qui implique une initiative d’un cinquième des parlementaires soutenue par 4,9 millions d’électeurs, mais aussi de respecter le champ de l’article 11, ne fonctionne pas. Un seul texte, sur la privatisation des aérodromes de Paris a franchi la barre de la recevabilité, mais n’a pu rassembler le nombre de signatures nécessaires. La tentative d’un RIP sur l’âge légal de la retraite à 62 ans a été considérée comme un maintien et non une « réforme », et celle sur une contribution fiscale sur les « superprofits » n’entrait pas dans la « politique économique de la Nation ».
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Ces échecs posent aussi la question de savoir si cette procédure d’appel au peuple peut contrarier un débat parlementaire en cours alors que le RIP ne peut abroger une loi promulguée depuis moins d’un an. Ils posent aussi la question de la nécessité de prévoir une telle procédure qui n’a aucune chance d’aboutir.
L’interprétation du peuple
Pourquoi ? Parce que le référendum banalisé n’est pas adapté à la France. Les exemples suisse, italien, ou encore des USA, ne sont pas importables. Le peuple, comme il l’a fait en avril 1969, comprend l’enjeu comme il le souhaite : dire oui ou non à celui qui pose la question plutôt que d’y répondre, trancher par oui ou non une question trop complexe, réagir sous le coup de l’émotion, ou, pire, ne pas se déplacer comme ce fut le cas pour le référendum du 24 septembre 2000 sur le quinquennat qui a connu un taux d’abstention de 70 % . Le seul référendum constituant, convoqué selon la procédure prévue à cet effet par l’article 89 de la Constitution, s’est avéré être le moins mobilisateur de la Ve République.
L’usage du référendum est resté cantonné aux réformes institutionnelles, comme en 1962 ou en 1969, ou à l’intégration européenne, avec la ratification du traité de Maastricht en 1992 ou le net rejet du traité portant Constitution européenne en 2005, parce que les Français restent attachés au vote parlementaire de la loi et au système représentatif, si brocardé soit-il. Le référendum peut bien être étendu aux questions sociétales, avec le risque que le conservatisme n’y trouve son creuset. Il peut difficilement sortir d’un cadre exceptionnel, sauf à porter encore atteinte à ce qui reste du fonctionnement parlementaire du régime.