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NI COHÉRENCE , NI CRÉDIBILITÉ : LES PERSPECTIVES FINANCIÈRES DE L’EXÉCUTIF EREINTÉES PAR LE Ht Cl DES FINANCES PUBLIQUES

« Le pari risqué de l’exécutif sur les salaires et l’épargne »

TITRE LE FIGARO Par Julie Ruiz 17 04 24 QUI POURSUIT :

Dans son programme de stabilité présenté ce mercredi, l’exécutif met en avant des prévisions qui laissent la Cour des comptes perplexe.

Dans son programme de stabilité, présenté ce mercredi en Conseil des ministres, le gouvernement promet des lendemains économiques qui chantent. La croissance devrait significativement rebondir l’année prochaine (de 1 % à 1,4 %) et le déficit public devrait passer de 5,1 % en 2024 à 4,1 % en 2025, une baisse qui serait inédite. Quant au plein-emploi, il devrait être atteint d’ici à 2027 grâce aux « réformes du gouvernement », peut-on lire, entre autres bonnes nouvelles, dans ce document qui consigne les engagements budgétaires de la France auprès de Bruxelles.

Dans la tourmente après une sévère révision à la baisse de la prévision de croissance pour cette année (ramenée de 1,4 % à 1 %), puis après un encore plus sévère dérapage du déficit public (5,5 % au lieu des 4,9 % prévus), l’exécutif a dû largement revoir à la baisse les ambitions contenues dans le programme de stabilité de l’année dernière. Cette nouvelle trajectoire porte, par exemple, l’objectif initial de déficit pour 2027…

…/…

1. ARTICLE – Le Haut Conseil des finances publiques déplore le « manque de crédibilité » et de « cohérence » de la trajectoire financière du gouvernement

L’organisme public a évalué les prévisions de déficit du gouvernement, qui vise à un retour au-dessous de 3 % du produit intérieur brut en 2027. 

Le Monde 17 04 24

Dans un avis rendu public mercredi 17 avril, le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) se montre très critique à l’égard du programme de stabilité pour la période 2024 à 2027 présenté par le gouvernement, où il expose sa trajectoire financière et ses prévisions de croissance. Si elle vise un retour au-dessous de 3 % du produit intérieur brut (PIB) en 2027, cette trajectoire financière manque de « crédibilité » et de « cohérence », estime l’organisme public.

Ce nouveau programme de stabilité, présenté mercredi matin en conseil des ministres et qui doit être envoyé à la Commission européenne dans les prochaines semaines, prévoit une réduction du déficit à 5,1 % en 2024, 4,1 % en 2025, 3,6 % en 2026 et finalement 2,9 % en 2027. L’exécutif a d’ores et déjà annoncé en février des coupes budgétaires de 10 milliards d’euros et son intention d’économiser à nouveau le même montant dans les prochaines semaines. Puis, en 2025, le gouvernement souhaite trouver 20 milliards d’économies, contre 12 initialement.

Or, pour le HCFP, « compte tenu de la dégradation » surprise du déficit public 2023 à 5,5 % du PIB, au lieu de 4,9 % initialement prévus et d’« hypothèses de croissance moins élevées » – 1 %, contre 1,4 % initialement prévu pour 2024 –, le retour au-dessous de 3 % d’ici à 2027 « supposerait un ajustement structurel massif entre 2023 et 2027 » qui « s’appuierait essentiellement sur un effort d’économies en dépenses ».

« Le Haut Conseil considère que cette prévision manque de crédibilité », à la fois car la documentation de cet effort « jamais réalisé par le passé » reste « à ce stade lacunaire », mais aussi parce que « sa réalisation suppose la mise en place d’une gouvernance rigoureuse, associant l’ensemble des acteurs concernés (l’Etat, les collectivités locales et la Sécurité sociale), qui n’est pas réunie aujourd’hui », expose l’avis.

Un débat sans vote à l’Assemblée à la fin d’avril

Concernant la critique sur « le manque de cohérence » de cette trajectoire, l’organisme estime qu’elle « pèsera nécessairement, au moins à court terme, sur l’activité économique », si bien que « les prévisions de croissance élevées du gouvernement » apparaissent « peu cohérentes avec l’ampleur de cet ajustement ».

Lire l’édito du « Monde » |  Finances publiques : la stratégie de l’évitement

Pour 2024, le HCFP juge que la prévision de croissance du gouvernement, révisée à la baisse en février à 1 %, contre 1,4 % précédemment, « demeure optimiste »« même si elle n’est pas hors d’atteinte ». Mais, globalement, « la trajectoire de PIB » retenue dans les prévisions gouvernementales pour la période 2024 à 2027 « est surévaluée », estime le HCFP. « Il y a donc un risque important que l’évaluation du PIB potentiel par le gouvernement soit révisée ultérieurement à la baisse, et donc que la part structurelle du déficit le soit à la hausse », met-il en garde.

Sur la forme, le Haut Conseil reproche aussi la saisine « tardive » et « incomplète » du gouvernement, qui ne « permet pas d’éclairer les choix faits alors que les finances publiques de la France présentent une situation préoccupant ».

Lire aussi |  Jean Pisani-Ferry : « Une revue méthodique des dépenses publiques s’impose, afin d’améliorer leur qualité »

Tensions

A l’issue du conseil des ministres, mercredi à la mi-journée, la porte-parole du gouvernement, Prisca Thevenot, a défendu un programme de stabilité qui « rappelle nos ancres : réindustrialiser, continuer à investir pour nos services publics, aller bien évidemment vers l’objectif du plein-emploi pour continuer à mener des réformes structurelles dont le pays a besoin pour le quotidien de nos concitoyens ». Lors de ce conseil, Emmanuel Macron « a tenu à rappeler qu’il était bien évidemment important et primordial que nous continuions à maintenir notre cap, à tenir notre agenda pour continuer à agir pour une France plus juste, une France plus forte », a-t-elle ajouté.

Les difficultés budgétaires ont provoqué des tensions ces dernières semaines au sein du camp présidentiel, notamment entre le chef de l’Etat et son ministre de l’économie depuis sept ans, Bruno Le Maire. Alors que ce dernier plaidait pour que les économies annoncées soient inscrites dans un projet de loi de finance rectificatif, qui serait présenté devant le Parlement, le président de la République a balayé cette hypothèse.

Fragilisé par l’absence de majorité absolue à l’Assemblée nationale, le premier ministre, Gabriel Attal, aurait dû avoir recours à l’article 49 alinéa 3 de la Constitution pour faire adopter ce texte sans vote – comme c’est quasi systématiquement le cas au cours de cette législature sur les textes budgétaires. L’utilisation de cet outil constitutionnel aurait pu alors permettre aux oppositions de déposer une motion de censure contre le premier ministre et son gouvernement. Une menace que laisse planer depuis plusieurs semaines le groupe Les Républicains à l’Assemblée. Les députés devront se contenter d’un débat sans vote sur les finances publiques programmé le 29 avril à l’Assemblée.

2. ARTICLE – Le Haut conseil des finances publiques enterre le retour sous 3 % de déficit

La vigie budgétaire met en doute le réalisme de la nouvelle trajectoire budgétaire de l’exécutif

Publié le 17 avril 2024 L’OPINION Marc Vignaud

Présidée par Pierre Moscovici, l’institution critique vertement le manque de cohérence de la trajectoire proposée.

Revenir sous 3 % de déficit malgré le dérapage de 2023 et 2024, va nécessiter un « ajustement massif » en quatre ans. C’est ce qui ressort de l’avis du Haut conseil des finances publiques sur la nouvelle trajectoire budgétaire française présentée en Conseil des ministres mercredi matin. Cet effort est chiffré à 2,2 points de PIB par la vigie budgétaire indépendante. Cela représente de l’ordre de 65 milliards. Une fois prise en compte l’augmentation anticipée de la charge de la dette, une dépense incompressible, cet ajustement atteindrait même plus de 95 milliards, selon nos calculs.

A lire aussi: Déficit: Macron s’accroche coûte que coûte aux 3% 

« Selon les indications produites dans la saisine du gouvernement, [il] s’appuierait essentiellement sur un effort d’économies en dépenses », relève l’institution dirigée par Pierre Moscovici, qui regrette, au passage, que « la saisine du gouvernement ait été tardive, incomplète et qu’elle ne permette pas d’éclairer précisément les choix faits alors que les finances publiques de la France présentent une situation préoccupante ».

« Crédibilité ». Le Haut Conseil des finances publiques souligne surtout qu’une telle prévision « manque de crédibilité ». D’abord parce qu’un tel effort « n’a jamais été réalisé par le passé ». Ensuite parce que le gouvernement ne détaille pas comment il compte y parvenir. Rien que pour 2025, la somme à trouver atteint 27 milliards. Un chiffre colossal. Pour y parvenir, le gouvernement compte sur ses revues de dépenses dévoilées au fil de l’eau (sur les transports médicaux, les affections de longue durée, l’immobilier de l’Etat, les aides aux entreprises, la politique de l’emploi, l’éducation nationale, etc). 

La nouvelle trajectoire du gouvernement, suppose que la dépense publique augmente, en moyenne chaque année, de seulement 0,5 % en euros constants, malgré le vieillissement de la population. Une telle croissance serait « moindre que celle enregistrée sur les deux décennies précédentes, même pendant la crise des dettes souveraines entre 2011 et 2014 (+0,7 % par an en moyenne) », note le Haut conseil des finances publiques. Dans ce scenario, le ratio de dépenses publiques par rapport au PIB reviendrait pourtant tout juste à son niveau d’avant-crise, à 54,5 points de PIB.

Le FMI, qui a révisé mardi ses prévisions de croissance, s’attend à ce que le déficit de la France atteigne 4,3 % du PIB en 2027

L’objectif de retour sous 3 % inscrite dans le « programme de stabilité » du gouvernement « manque aussi de cohérence », attaque le Haut conseil. L’ampleur de l’effort sur les dépenses à réaliser « pèsera nécessairement, au moins à court terme, sur l’activité économique, si bien que les prévisions de croissance élevées du gouvernement (…) apparaissent peu cohérentes avec l’ampleur de cet ajustement », peut-on lire dans son avis. Après 1 % de croissance en 2024 — un chiffre jugé « optimiste mais pas hors d’atteinte » — Bercy table sur 1,4 % en 2025 puis 1,7 % et 1,8 %, respectivement en 2026 et 2027. Une prévision jugée, en moyenne, « élevée ». Comprendre : pas très crédible.

Hausses d’impôts. Pour le Haut conseil, le gouvernement aurait donc dû choisir : soit renoncer à revenir sous 3 % de déficit en 2027, avec un effort plus limité, soit dégrader ses prévisions de croissance et prévoir des efforts sur les dépenses encore plus importants. Autrement dit, il est très probable qu’Emmanuel Macron ne parvienne pas à ramener le déficit sous 3 %. Surtout dans un contexte ou la majorité à l’Assemblée reste relative. Les Républicains ont plusieurs fois menacé de déposer une motion de censure, contre le gouvernement. 

Avec un effort budgétaire et des prévisions de croissance plus réalistes, le Fonds monétaire international (FMI), qui a révisé mardi ses projections, s’attend à ce que le déficit de la France atteigne 4,3 % du PIB en 2027. La dette publique continuerait donc à augmenter pour atteindre 114 % du PIB.

Pour boucler sa trajectoire financière, le gouvernement a inscrit quelques hausses d’impôts à hauteur de trois milliards d’euros, dont une contribution exceptionnelle sur les énergéticiens, dans la droite ligne de la mission confiée par Gabriel Attal à des parlementaires sur la « taxation des rentes ». L’élasticité retenue par le gouvernement, c’est-à-dire, les rentrées fiscales attendues pour chaque euro de PIB supplémentaires (0,9 en 2025 et 1 en 2026 et 2027), est toutefois relativement prudente, ce qui pourrait laisser une place à une bonne surprise.

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En revanche, le programme de stabilité a été établi sur la base d’un baril de pétrole de la mer du Nord à 82 dollars pour 2024 et 2025, alors qu’il tourne actuellement autour des 90 dollars. Une hausse de 10 dollars du baril entraîne une aggravation du déficit public de 0,1 point au bout d’un an et de 0,2 point au bout de deux ans, selon les chiffres du programme de stabilité.

Le débat sans vote sur le programme de stabilité, programmé le 29 avril à l’Assemblée, s’annonce très agité.

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