
MISE À JOUR 02 05 24
« Jeux olympiques, quand nos dirigeants cèdent au chantage de la SNCF et lâchent des millions d’euros »
TITRE L’IFRAP Agnès Verdier-Molinié 30 avril 2024 SUI POURSUIT :
C’était début avril, le Sénat votait une proposition de loi (LR) visant à instaurer des périodes de 15 jours maximum (avec un total de 60 jours par an) où le gouvernement pourrait interdire les grèves dans les services publics et les transports. L’objectif non caché ? Garantir une période olympique sans grève. Un mécanisme équivalent existe en Italie pour les périodes de fêtes, d’élections ou de vacances… Sauf que le gouvernement n’en veut pas. Pourquoi ? Les arguments ne sont pas très clairs. On parle de « mauvais timing », d’enjeux constitutionnels ou d’un accord tacite entre l’exécutif s’engageant à ne pas reprendre ce texte pour que les syndicats ne bloquent pas les JO.
Cette tribune a été publiée dans les pages du Figaro, le 27 avril 2024.
Dans les faits ? Sous la menace de l’épée de Damoclès des grèves en période olympique, nos dirigeants sont en train de lâcher des millions d’euros d’argent public sous forme de primes exceptionnelles (de mobilisation, pour ne pas avoir posé des congés, de gardes d’enfants, etc.)… et d’avantages salariaux qui, eux, continueront d’être versés, et financés par les Français, bien après les Jeux.
Une économie de 300 millions d’euros
Le plus choquant est, bien sûr, la retraite spéciale (ou cessation progressive d’activité) que les syndicats de la SNCF ont réussi à obtenir de leur direction alors même que les primes pour les agents pendant les Jeux ont été actées (50 euros par jour, jusqu’à 500 euros de prime supplémentaire, etc.). Qui se souvient qu’en 2008, Nicolas Sarkozy affirmait avoir réformé la retraite des régimes spéciaux ? À l’époque déjà, un accord intégrant un échelon supplémentaire, une majoration de rémunération et une disposition de cessation progressive d’activité pour les agents annulait quasiment les économies induites par la réforme.
En bref, les contrôleurs pouvaient partir plus tôt avec une période de 18 mois moitié travaillée et moitié non travaillée payée à 75%, tandis que les conducteurs bénéficiaient du même dispositif sur 15 mois. Rebelote, 16 ans plus tard, avec l’accord qui vient d’être passé et qui « améliore » le dispositif de 2008 pour, dixit SUD-rail, compenser « les effets néfastes de la réforme des retraites ». Désormais, les contrôleurs auront 18 mois travaillés payés à 100% et 18 mois non travaillés payés à 75% contre 15 mois de chaque pour les conducteurs.
Pour quel coût ? Rien n’est moins clair. En 2017, ce dispositif de « cessation progressive d’activité » de la SNCF coûtait 30 à 35 millions d’euros par an aux Français et 12% des agents utilisaient ce dispositif. Si l’on extrapole ce coût au nouveau dispositif, beaucoup plus incitatif, ce serait un coût maximum de 300 millions d’euros par an qui pourrait être atteint. Un montant qui s’ajoute aux 3 milliards de subventions annuelles que le contribuable verse déjà pour équilibrer le régime de pension ultra-déficitaire des agents de la SNCF. En face de cela, les économies annuelles liées à la réforme des retraites peuvent être estimées avec le décalage d’âge de 2 ans à 300 millions d’euros par an, comme en 2008. Les syndicats ont donc raison : cet accord annule potentiellement les effets de la réforme. Les Français ont donc supporté les grèves SNCF de 2022 et 2023 contre la réforme des retraites pour presque rien.
Il est vraiment naïf de croire que cet accord signera la fin des grèves à la SNCF. Et par ailleurs, cet accord signifie bien aux syndicats du public que les vannes sont désormais ouvertes avant les Jeux olympiques. Comment expliquer autrement que les contrôleurs aériens, qui s’étaient engagés à une « trêve olympique », déposent un préavis de grève pour le week-end de l’Ascension (après un mouvement de grève pendant les vacances de Noël et de la Toussaint en 2023) ? Comme pour l’accord SNCF, impossible de savoir le coût de cet accord… Les syndicats demandaient 25% d’augmentation de salaire, vraisemblablement autour de 50 millions de coût par an, car la DGAC veut mettre fin aux « clairances », un système qui permet aux aiguilleurs du ciel d’être payés 25 % de leur temps de travail sans travailler. Qu’ont-ils réellement obtenu ? Mystère. Un accord « gagnant-gagnant », selon le ministre des Transports…
Des compensations pour éviter les grèves
Cela donne des idées dans les autres services publics. Dans les trois fonctions publiques où la CGT a déposé des préavis de grève, courant du 15 avril au… 15 septembre. Un préavis équivalent a été déposé par FO. Côté RATP, des préavis de grève courent depuis le 5 février et ce, jusqu’au 9 septembre prochain, soit le lendemain des Jeux paralympiques. Le 25 avril, un accord RATP a été signé et les agents du département métro transports services (MTS), les plus mobilisés en juillet, août et septembre, pourront toucher une prime allant jusqu’à « 2500 euros » à condition de ne pas être absents… plus de 5 jours !
Primes exceptionnelles, revalorisation salariale et mécanisme de préretraite, nos chers agents des services publics et leurs syndicats l’ont bien compris : pour eux, c’est le moment de s’octroyer des avantages considérables, pérennisés et financés par les Français mais dont le coût n’est pas publiquement assumé, le tout grâce à des accords de dernière minute avant les Jeux. Résultat, le coût complet des Jeux olympiques pour nos finances publiques annoncé initialement pour 1,5 milliard pourrait bien doubler à 3 milliards, voire 5.
Si la logique de période de travail exceptionnel avéré et donc de primes exceptionnelles peut être comprise pour l’été 2024, rien ne justifie les centaines de millions de dépenses pérennes que les syndicats sont en train d’arracher en utilisant le chantage aux Jeux olympiques. Le gouvernement semble être prêt à tout céder alors même qu’il a refusé l’opportunité offerte sur un plateau par le Sénat de mieux encadrer le droit de grève. Quitte même à s’asseoir, pour les cheminots ou les aiguilleurs, sur les effets des réformes déjà votées ou actées comme la réforme des retraites ou l’augmentation de la productivité du contrôle aérien ? Dans une période de recherche tous azimuts de milliards d’économies, c’est incompréhensible pour les Français.
MISE À JOUR 24 04 24
« SNCF: l’Etat ne devrait pas faire ça »
TITRE L’OPINION 24 avril 2024 Nicolas Beytout
« En autorisant la SNCF, une entreprise publique dont il possède 100% des parts, à accorder à une partie de son personnel un régime outrageusement dérogatoire à la récente réforme des retraites, il envoie une série de signaux tous plus négatifs les uns que les autres »
L’Etat ne devrait pas faire ça : en autorisant la SNCF, une entreprise publique dont il possède 100% des parts, à accorder à une partie de son personnel un régime outrageusement dérogatoire à la récente réforme des retraites, il envoie une série de signaux tous plus négatifs les uns que les autres.
L’Etat puissance publique ne devrait pas faire ça : admettre que les contrôleurs pourront partir dix-huit mois avant l’âge légal en touchant 75% de leur salaire, c’est mépriser ouvertement la loi et consentir un effondrement de l’autorité de la chose votée.
L’Etat endetté ne devrait pas faire ça : après avoir repris à sa charge (c’est-à-dire à la nôtre, celle de tous les contribuables) quelque 35 milliards d’euros de dettes, valider un accroissement brutal et durable des coûts de l’entreprise est une faute.
L’Etat visionnaire ne devrait pas faire ça : peser sur l’exploitation de la SNCF, c’est soit freiner l’investissement dans ce mode de transport, soit alourdir le prix des billets pour les voyageurs, soit les deux. Mais dans tous les cas, c’est faire un bien mauvais sort au train, mode de déplacement pourtant élevé au rang de modèle de sobriété énergétique.
L’Etat employeur ne devrait pas faire ça : cela fait des années que les dérives des contrôleurs aériens et autres fonctionnaires du ministère des Transports, sont dénoncées. Absences injustifiées, productivité affligeante, négligence sur les horaires de travail, ces notables de la fonction publique bataillent pourtant régulièrement à coups de grèves pour défendre leurs privilèges. L’Etat patron reste impuissant à faire cesser ces abus.
Pour toutes ces raisons, l’Etat donneur de leçon ne devrait pas faire ça. Et pourtant, il le fait. C’est son privilège de puissance publique, mais c’est aussi son immense faiblesse politique, et elle laisse des traces.
1. ARTICLE – Polémiques après l’accord de la SNCF sur les préretraites
Par Cécile Crouzel et Anne de Guigné LE FIGARO
La direction a signé lundi avec les syndicats un compromis qui efface une partie de la réforme des retraites de 2023.
Deux ans de travail supplémentaire pour tout le monde, sauf pour… les cheminots de la SNCF. La réforme des retraites de 2023 a décalé de deux ans l’âge légal de départ à la retraite en France pour les salariés du privé et les fonctionnaires (le plus souvent de 62 à 64 ans), ainsi que pour les bénéficiaires des régimes spéciaux. À la SNCF, cet âge est donc passé de 52 à 54 ans pour les agents de conduite, et de 57 à 59 ans pour les autres personnels au statut. Mais, en pratique, les personnels de la vieille dame ferroviaire, déjà avantagés, vont avoir la possibilité de partir encore plus tôt.
Comme l’avait révélé Le Figaro, l’entreprise a signé lundi un accord avec ses quatre syndicats représentatifs sur les fins de carrière, qui annule une partie des efforts demandés par la réforme de 2023. Le fait que SUD-rail et la CGT-cheminots l’aient avalisé, en plus de l’Unsa-ferroviaire et de la CFDT-cheminots, confirme son contenu particulièrement avantageux, tant ces deux premiers syndicats sont…
…/…
2. ARTICLE – Fins de carrières à la SNCF: un accord trouvé sur un dispositif qui contourne les effets de la réforme des retraites
Publié le 23 avril 2024. L’OPINION
Les quatre principaux syndicats de la SNCF et la direction de l’entreprise ferroviaire ont signé, lundi, un accord mettant en place un dispositif de «cessation anticipée d’activité». Les salariés pourront ainsi partir à la retraite plus tôt que prévu en gardant 75% de leur salaire
Les salariés de la SNCF ne seront pas touchés par la totalité des effets de la réforme des retraites. En effet, les quatre principaux syndicats (CGT, Unsa, CFDT et Sud Rail) et la direction de l’entreprise ferroviaire ont signé, lundi 22 avril, un accord créant un nouveau dispositif de « cessation anticipée d’activité », comme le rapporte franceinfo. Ainsi, les employés qui le souhaitent pourront partir à la retraite plus tôt que prévu, en gardant une rémunération égale à 75 % de leur salaire.
L’accord prévoit de diviser la fin de carrière d’un salarié de l’entreprise en deux périodes égales. Pendant la première période, l’employé travaille normalement et touche donc 100 % de son salaire. Dans un second temps, il ne travaille plus et perçoit à ce moment-là 75 % de sa rémunération.
Pour les cheminots, la période durant laquelle ils pourront bénéficier du dispositif est fixée à dix-huit mois, jusqu’à leur date officielle de départ à la retraite. Une période qui pourra aller jusqu’à trente mois pour les salariés exerçant des emplois considérés comme « pénibles », à l’instar des aiguilleursou des conducteurs. Une période de trente-six mois est enfin prévue pour les contrôleurs, précise franceinfo. Sur ces 36 mois, 18 ne seront pas travaillés par les contrôleurs et seront donc rémunérés à 75%, détaille Capital.
Pour la CGT, syndicat majoritaire à la SNCF, le but est d’éviter de faire subir aux salariés les effets de la réforme des retraites. Cependant, certaines mesures auront tout de même un impact sur les employés, affirme la fédération des cheminots de la CGT, relayée par franceinfo. Elargissant le spectre aux différentes réformes des retraites menées ces dernières années, l’Unsa ferroviaire estime pour sa part, par la voix de son secrétaire général Didier Mathis, que « les dispositifs qui accompagnent cet accord permettront d’atténuer en partie les différentes réformes [qu’ils ont] subies ».
« Je salue une première pierre décisive dans la mise en œuvre de notre plateforme de progrès social », a de son côté commenté le PDG de la SNCF, Jean-Pierre Farandou, toujours selon franceinfo. Le média précise que le dispositif sera effectif au 1er janvier prochain.