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LA PROMESSE (119) NON TENUE DE PROPORTIONNELLE RÉACTIVÉE PAR L’ASSEMBLÉE NATIONALE – MISE À JOUR : point de vue de PATRICE MARTIN-LALANDE

2 MISES À JOUR 29 04 24

A. DANS LE PROLONGEMENT DU SÉMINAIRE sur « le mode de scrutin pour l’élection des députés »

organisé à l’Assemblée nationale, le 25 avril 2024,

PATRICE MARTIN-LALANDE A MIS À JOUR L’INTERVENTION QU’IL AVAIT FAITE

<< Dans ma rapide introduction, je me bornerai à quelques questionnements, bruts de décoffré, sur la nature et les effets des différents modes de scrutin qui permettent l’expression de la volonté du peuple pour le choix des députés ! 

>> Peut-on, avec l’utilisation d’un seul mode de scrutin, atteindre à la fois les 2 principaux objectifs de l’élection législative : la juste représentation de la diversité des opinions et la nécessaire capacité à décider grâce à une majorité ? 

>> Si on ne peut atteindre ces 2 objectifsavec un seul et même mode de scrutin, faut-il : 

>panacher les 2 modes de scrutin ? et, si oui, dans quelles proportions ? 

>ou, renoncer à un des 2 objectifs qui apparaîtrait comme moins essentiel; et en rester au seul mode de scrutin qui permettrait d’atteindre l’objectif considéré comme le plus essentiel ? 

>> Le choix entre les 2 objectifs n’est-il pas un faux débat ? Puisque, en démocratie, la décision législative est prise à la majorité, le but ultime de toute élection n’est-il pas de faire émerger et faire sanctionner par les électeurs un pouvoir de décision sur un projet commun susceptible d’être majoritaire ? 

À ce sujet, l’opinion publique française peut apparaître comme assez paradoxale : elle veut à la fois la proportionnelle et la capacité de décision. 

Ainsi, selon plusieurs sondages, jusqu’à  30% à 40% des électeurs seraient prêts à accepter un régime autoritaire dans l’espoir d’une décision plus efficace …donc prêts à renoncer à l’expression de la diversité – sensée être apportée par la proportionnelle pourtant plébiscitée ! – pour assurer l’efficacité de la décision ! « L’efficacité,  quoiqu’il en coûte ? » 

Toujours aussi cartésiens, nos chers concitoyens ! À moins qu’ils n’aient tout simplement aucune idée des conséquences d’un mode de scrutin ? 

Encore un débat public défaillant …

>> La proportionnelle donne une photographie exacte de nos divisions; ou, si on préfère, de nos diversités…

La photographie la plus exacte des divisions répond-elle aussi au besoin de créer un pouvoir de décision ? 

Est-il plus important d’exprimer les diverses opinions « à l’état pur » ( dans une RP ou au 1er tour d’un SM) ou d’exprimer les diverses opinions « structurées » avant le vote pour être en état de gouverner ? 

>> La diversité actuelle, que prétend mieux représenter la proportionnelle, n’est pas  la diversité «  naturelle » des formations politiques, mais la diversité « construite » par un certain mode de fonctionnement de nos institutions.

Notamment, par le mode de scrutin majoritaire; et aussi par le mode de financement qui pousse aussi à être présent, même sans aucune chance d’être élu, dans les compétitions électorales …

La proportionnelle construira-t-elle une autre diversité, surtout si le mode de financement est lui aussi adapté ( par exemple en donnant aux voix obtenues à l’éventuel second tour une valeur financière supérieure à la valeur attribuée aux voix du 1er tour ? Ce qui inciterait, pour être présent au second tour et toucher le financement maximum, à se grouper dès le premier tour ? Mais la prime financière crée une inégalité,…comme le fait la prime majoritaire en terme de sièges …) 

>> n’est-ce pas un peu paradoxal qu’avec la proportionnelle -sensée renforcer la prise en compte de la volonté des électeurs – on diminue le pouvoir des électeurs d’influencer le choix des candidats puisque ces candidats désignés par les partis n’ont pas besoin de la légitimité donnée par les mandats antérieurement confiés par les électeurs ? Légitimité qui est la source principale du choix des candidats dans le scrutin majoritaire…

>> n’est-ce pas aussi un peu paradoxal que, avec la proportionnelle, on renforce le pouvoir donné aux partis de choisir les candidats et donc de « désigner » les députés, alors que les partis sont une des institutions qui ont le moins la confiance des Français ? 

Ne risque-t-on pas d’affaiblir encore plus la confiance qui est la base de la démocratie ? 

>> pour la démocratie, l’essentiel n’est-il pas de garantir le pouvoir des électeurs de choisir directement la politique qui sera menée ? 

Un des acquis les plus fondateurs de la Ve République est le pouvoir donné à chaque électeur de choisir le président de la République et de choisir la politique qui sera mise en œuvre par l’élection d’une majorité à l’Assemblée nationale. 

Pour gagner dans le scrutin majoritaire, il faut avoir 1 voix ( au moins !) de plus que le second, ce qui pousse au regroupement des sensibilités avant les élections pour être en tête le soir du vote ( ou, en tout cas, parmi les 2 premiers pour être qualifié pour le second tour…).

Il faut donc négocier entre formations politiques et proposer au public – avant l’élection – l’alliance ( ou au moins la perspective d’une alliance ) électorale la plus large possible.

Le scrutin majoritaire impose et permet le choix entre deux majorités potentielles. 

N’est-ce pas la seule manière de respecter le pouvoir des électeurs de décider directement quelle sera la politique mise en œuvre ?

>> Avec la proportionnelle, chacun tente sa chance, et, au vu des résultats, on négocie une alliance de gouvernement après le choix initial des électeurs. 

La proportionnelle fonctionne comme un système où les partenaires potentiels ne voudraient pas négocier avant que les électeurs ne répartissent les voix et ne fixent ainsi les rapports de forces. 

Le respect de la volonté des électeurs est-il mieux assuré, avec la proportionnelle, lorsqu’ils ont, certes, la possibilité d’exprimer leur préférence, mais qu’ils laissent libres les partis politiques de concocter une coalition pas forcément conforme à la volonté de la majorité des votants ? 

Confier aux partis politiques, si décrédibilisés, le pouvoir de décider de la majorité parlementaire ( en fonction de l’importance de la dose de proportionnelle…) n’est-il pas un marché de dupes pour les électeurs qui perdent ce pouvoir ? 

>> La culture – bien française – de la discorde, le financement ( qui pousse chacun à tenter sa chance le plus longtemps possible ) et le scrutin proportionnel ( qui dispense de s’engager avant le vote ) ne formeront-ils pas un obstacle insurmontable pour dégager une majorité de gouvernement après le vote ? 

A quoi cela sert-il au Parlement d’être plus représentatif, si c’est pour être dans l’incapacité de décider ? Faut-il rendre plus « représentative » l’impuissance législative ? 

>> la proportionnelle est voulue pour sa capacité à donner une certaine suite au choix de ( presque) tous les électeurs. Mais l’effet bénéfique de ce « rapprochement » ne sera-t-il pas gommé par l’éloignement que la proportionnelle instaure entre l’électeur et son représentant ? 

>> on peut se demander si, pour compenser la dose de proportionnelle, il ne faudrait pas introduire le scrutin majoritaire à 1 seul tour pour les députés restant élus au scrutin majoritaire ?

> Selon son importance, la dose probable de proportionnelle va, par définition, rendre un peu moins facile l’émergence d’une majorité . 

Le scrutin majoritaire à 1 seul tour oblige les sensibilités à se regrouper dès avant le premier et unique vote afin d’assurer leur meilleure chance d’être en tête du vote sans appel. En se regroupant , les sensibilités assurent aux électeurs le pouvoir de choisir directement la majorité potentielle qu’ils veulent. 

> Une des justifications du second tour du scrutin majoritaire était d’adoucir la logique du scrutin en permettant des regroupements. Avec la dose de proportionnelle, l’adoucissement est déjà inclus…Il faut , au contraire, renforcer la logique majoritaire pour protéger le pouvoir de choix des électeurs.

> Les législatives viennent après la présidentielle : tous les débats ont déjà eu lieu et un second tour n’apporte rien au débat sur les programmes. Le vote est « pour ou contre une majorité pour le président ? ».

> L’élection le même dimanche des 2 catégories de députés les place à égalité. Et cela évitera aussi que le second tour des députés élus au scrutin majoritaire ne soit politiquement impacté par les résultats du tour unique des députés élus à la RP.

> La France adore être une exception culturelle ! Mais est-ce suffisant pour rester le seul pays occidental à utiliser le scrutin majoritaire à 2 tours ? ( 1 seul tour en GB, USA, Allemagne…)…

>> L’éternelle question de la causalité de l’œuf et de la poule n’épargne pas le choix du mode de scrutin : le mode de scrutin détermine-t-il l’organisation des partis qui déterminerait la culture et le fonctionnement du système politique ? Ou l’inverse ? Ou un peu des deux ? 

Patrice MARTIN-LALANDE 

Membre honoraire du Parlement.

B. Elections législatives : la proposition de Yaël Braun-Pivet pour instaurer une dose de proportionnelle divise la classe politique

Yaël Braun-Pivet évoquera mardi au Sénat, notamment avec Gérard Larcher, sa proposition d’instaurer une dose de proportionnelle aux élections législatives. Qui sont les partisans et les adversaires d’une telle réforme ?

Aurélie Herbemont. Radio France. 30/04/2024

Après avoir vu les présidents des groupes à l’Assemblée, la présidente de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet rencontre le président du Sénat mardi 30 avril. L’idée qu’elle veut soumettre est d’élire à la proportionnelle les députés des départements, lorsque les départements comptent plus de 11 députés. C’est le cas à Paris, dans le Nord ou encore les Bouches-du-Rhône. Cela donnerait un quart des élus choisis à la proportionnelle, sans avoir besoin de redécouper les 577 circonscriptions législatives.

Dans la majorité présidentielle, il y a des défenseurs historiques de la proportionnelle, comme François Bayrou.« On reprend espoir, confie un ministre MoDem, il peut y avoir une fenêtre de tir cette fois ». Sauf que chez Renaissance l’accueil est très mitigé : « La majorité de la majorité est contre », résume un député macroniste. À commencer par le patron du groupe à l’Assemblée, Sylvain Maillard, qui voit dans la proportionnelle une prime aux « apparatchiks », qui feraient le siège du parti pour être investis.

La proportionnelle poussée par l’opposition, sauf chez LR

Il y a davantage de défenseurs de la proportionnelle dans l’opposition, comme au RN. Chez les insoumis aussi, mais les mélenchonistes veulent la proportionnelle « intégrale », comme aux législatives de 1986, pas juste « une dose ». La présidente des députés écologistes, Cyrielle Chatelain, n’est pas davantage convaincue par la version de Yaël Braun-Pivet, qui crée « deux types de députés » : les députés des zones urbaines élus sur des listes, et ceux des zones rurales pour qui rien ne changerait. Même réserve du côté des communistes, qui n’ont pourtant « pas de problème de principe avec la proportionnelle ». Quant au PS, il regarde cela « sans hostilité, mais sans appétit non plus ».

C’est dans les rangs de LR qu’il y a le plus d’attachement au scrutin majoritaire. La droite n’aime pas la proportionnelle, synonyme de « déconnexion macroniste puissance 1 000 » lâche un député. Mais chez Les Républicains, « ils vont finir par y avoir intérêt », ironise une ministre, car LR perd des plumes à toutes les législatives depuis 2012. Avec le scénario de Yaël Braun-Pivet, la droite aurait d’ailleurs eu huit députés de plus en 2022, quand Renaissance en aurait perdu 16. « Son système est une connerie monumentale », confie pourtant un élu d’un département visé pour passer à la proportionnelle : « Il y a 3 heures de route d’un bout à l’autre, dit-il, comment on fait campagne ? Et ensuite, il faudrait plusieurs permanences ! » Le patron du groupe Olivier Marleix semble moins hostile que ses troupes, mais seulement à condition de réautoriser le cumul des mandats au passage… Une dose de proportionnelle contre le cumul, c’est ce que Gérard Larcher dira à la présidente de l’Assemblée.

Bref, entre les partisans de la proportionnelle intégrale, les opposants, et ceux qui ont des exigences en contrepartie, le consensus dont rêve Yaël Braun-Pivet est très lointain. « Elle a une chance sur 10 d’aboutir, grince un macroniste, voire une chance sur 100! » 

1. ARTICLE – Dose de proportionnelle aux législatives : Yaël Braun-Pivet veut transmettre une proposition de loi transpartisane d’ici l’été au Conseil d’Etat

Julie Marie-Leconte. Radio France 10/04/2024

La présidente de l’Assemblée nationale consulte cette semaine les présidents de groupe dans l’optique de transmettre une proposition de loi transpartisane visant à introduire une dose de proportionnelle dès les prochaines législatives.

C’est à un vieux serpent de mer que la présidente de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet a décidé de s’attaquer. Selon les informations de franceinfo, la présidente de l’Assemblée souhaite transmettre elle-même une proposition de loi transpartisane d’ici l’été au Conseil d’État pour introduire une dose de proportionnelle aux élections législatives et obtenir une assemblée plus représentative du vote des Français. 

à lire aussiFrançois Bayrou plaide de nouveau pour l’introduction d’une dose de proportionnelle aux législatives

Yaël Braun-Pivet consulte cette semaine les présidents de groupe et l’objectif est un vote juste avant ou après Noël. Si elle aboutit, cette réforme du mode de scrutin peut limiter un éventuel raz de marée des extrêmes lors des prochaines législatives en 2027.

Emmanuel Macron mis au courant

La présidente de l’Assemblée nationale propose que cette proportionnelle soit appliquée dans les 11 départements qui ont plus de 10 députés, soit un peu plus d’un quart des sièges. Yaël Braun-Pivet va consulter les groupes politiques pour voir s’il y a « une voie de passage ». Elle reçoit mercredi 10 avril les présidents de groupe de la Nupes. Jeudi 11, elle recevra le président des députés Les Républicains, Olivier Marleix, et la patronne des députés du Rassemblement national, Marine Le Pen. 

Le scrutin majoritaire a longtemps contribué à une sous-représentation de l’extrême droite. Un sondage secret commandé en décembre dernier par Les Républicains montre que le RN peut désormais espérer une majorité absolue. L’entourage de Yaël Braun-Pivet pense qu’une dose de proportionnelle peut donc, au contraire, avoir un « effet édredon », parce qu’il « écrase les vagues ».

Emmanuel Macron a été mis au courant de l’initiative de la présidente de l’Assemblée nationale, assure un proche de Yaël Braun-Pivet. Selon cette source, le chef de l’État n’a pas essayé de la décourager.

2. ARTICLE – Le retour de la proportionnelle : entre stratégie politique et enjeux constitutionnels

Par Bruno Daugeronle 11 avril 2024 LE CLUB DES JURISTES

Au nom d’une meilleure représentativité du paysage politique français, la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, défend l’introduction d’une dose de proportionnelle aux prochaines élections législatives. Une proposition qui cache, en réalité, d’autres enjeux.

Par Bruno Daugeron, Professeur de droit public à l’université Paris Cité, Directeur du Centre Maurice Hauriou (URP 1515). Dernier ouvrage paru : Droit constitutionnel, Puf, « Thémis », 2023

Dans quel contexte institutionnel réapparaît le débat sur le mode de scrutin aux élections législatives ?

Les déclarations convergentes, sans être identiques, de Mme Braun-Pivet et de M. Bayrou en faveur du scrutin proportionnel constituent l’énième épisode du feuilleton de la promesse de l’introduction d’une « dose de proportionnelle » pour les élections législatives, selon l’expression consacrée depuis maintenant près de quarante ans. Il intervient largement après la relance du débat en 2018, à une période complexe pour l’actuelle majorité parlementaire, qui ne l’est d’ailleurs que relativement, et qui sent bien qu’à l’issue des prochaines élections législatives de 2027, elle pourrait se retrouver plus nettement minoritaire. Or, il est constant que le scrutin proportionnel, s’il ne permet pas de provoquer une victoire comme peut le faire le scrutin majoritaire ayant tendance à reproduire localement une tendance nationale, peut contribuer à tempérer les effets d’une défaite. C’était d’ailleurs l’accusation portée par la droite contre le président François Mitterrand lorsque celui-ci avait fait voter par le Parlement la loi du 10 juillet 1985 remplaçant le mode de scrutin majoritaire uninominal à deux tours par la représentation proportionnelle de liste départementale pour les élections législatives de 1986, lesquelles débouchèrent sur la première cohabitation mais n’accordèrent qu’une faible majorité à la coalition RPR-UDF. Pour autant, ici, seul F. Bayrou semble prôner l’adoption du scrutin proportionnel pour l’ensemble des sièges, Mme Braun-Pivet plaidant plus timidement pour l’élection d’une partie d’entre eux comme la proposition a été régulièrement faite en vain depuis des années.

Les modalités de proportionnelle proposées par Yaël Braun Pivet sont-elles originales et seraient-elles susceptibles de rencontrer des obstacles juridiques, en particulier constitutionnels ?

L’originalité, en effet, se situerait plutôt de ce côté-là. Les modalités du scrutin proportionnel sont multiples aussi bien dans son cadre que dans sa méthode. Pour les élections législatives, la « RP », comme on la nomme depuis la fin du XIXe siècle à l’époque où elle était déjà l’objet d’intenses controverses, peut être pour les élections législatives, totale ou partielle, dans un cadre large (nation ou région) ou plus étroit (département), avec un seuil en pourcentage de voix permettant d’accéder à la répartition des sièges eux-mêmes distribués en fonction d’un calcul des restes des suffrages non comptabilisés selon la règle du plus fort reste ou de la plus forte moyenne. Même quand elle n’est que partiellement mise en œuvre, comme c’est le cas pour la proposition faite par la présidente de l’Assemblée nationale qui ne semble toutefois pas faire l’unanimité même au sein de la coalition soutenant le président de la République, elle peut encore se dérouler selon des modalités fort diverses : plusieurs solutions existent pour mettre en pratique cette « dose » de proportionnelle conduisant à faire élire une partie des députés à la RP. Dans une précédente proposition gouvernementale, celle de 2018 qui prenait place dans le cadre d’une plus vaste réforme constitutionnelle qui ne vit finalement jamais le jour, il était prévu de faire élire 15% des 577 députés (soit 61) au scrutin proportionnel de liste à l’échelle nationale ; cette fois ci, il s’agirait de faire élire à la proportionnelle les députés des départements en élisant onze ou plus ce qui correspondrait à 152 députés de seulement 11 départements (Nord, Paris, Bouches-du-Rhône, Rhône, Gironde, Seine-Saint-Denis, Hauts-de-Seine, Loire-Atlantique, Haute-Garonne, Yvelines, Pas-de-Calais). C’est la première fois qu’est proposée une telle combinaison pour les élections législatives qui, comme toute loi électorale, pourrait être adoptée par une simple loi.

Pour autant, ce mode de scrutin n’est autre que celui pratiqué pour les élections sénatoriales : dans les départements élisant au moins trois sénateurs, ces derniers sont élus à la représentation proportionnelle au scrutin de liste à un tour suivant la règle de la plus forte moyenne tandis que le scrutin majoritaire plurinominal s’applique aux autres. Même transposée à l’élection des députés restant, par hypothèse, élus au scrutin uninominal, son avantage serait de ne nécessiter aucun redécoupage des circonscriptions à l’intérieur des départements élisant moins de onze députés. Le mode de scrutin sénatorial prouve d’ailleurs que cette proposition n’encourt aucune critique sur le plan constitutionnel car il n’impacte en rien la fonction de parlementaire qui est une fonction de représentation d’abord et avant tout constitutionnelle définie par l’article 3 de la Constitution. Elu au scrutin proportionnel ou majoritaire, le député demeure un représentant du peuple chargé de l’expression légale de sa volonté. Le mode d’élection est donc sans influence sur la fonction de représentation. 

Quel peut être l’effet de l’adoption d’un tel mode de scrutin ? 

Il est difficile à déterminer précisément. Sur le plan institutionnel, présentée comme devant conduire à une représentation parlementaire fidèle de la diversité politique des Français. En réalité, cette réforme bien tardive serait désormais de peu d’effets. Le scrutin majoritaire uninominal à deux tours n’est plus, aujourd’hui, un obstacle à cette représentativité que la Présidente de l’Assemblée nationale appelle de ses vœux. Car, sur le plan politique, Rassemblement national (ex-Front National longtemps tenu à l’écart de toute présence significative à l’Assemblée, parvient désormais à faire élire des députés en grand nombre avec ce mode de scrutin, même s’ils sont moins nombreux que son poids électoral le laisse penser. Il en est de même pour les autres formations politiques significatives. Si seulement cent cinquante députés devaient être élus à la proportionnelle dans les départements les plus peuplés, ce ne serait pas suffisant pour que les équilibres électoraux soient bouleversés. Ils ne le seront en tous cas pas en faveur du RN dont une bonne partie de la présence parlementaire vient désormais des zones rurales et péri-urbaines de départements démographiquement moins denses. Certes, ce résultat est lié à la conjoncture institutionnelle et ne se reproduira pas toujours à l’identique. Mais il serait fâcheux que la question fondamentale de la représentativité soit à nouveau instrumentalisée pour des questions de stratégie partisane dans le seul but de contrarier une percée électorale supposée.

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