
ARTICLE – Pour éviter l’effondrement économique, la Russie doit prolonger la guerre en Ukraine le plus longtemps possible
Camille Lemaître – 29 avril 2024 SLATE. Repéré sur Business Insider
La perdre (ou la gagner) serait synonyme de faillite.
Voilà de quoi relativiser les annonces triomphantes sur la croissance russe, en augmentation de 3,6% en 2023, d’après le Service fédéral des statistiques de l’État russe (Rosstat). Ce bilan s’explique principalement par… la guerre en Ukraine, selon Renaud Foucart, professeur d’économie à l’université de Lancaster (nord-ouest de l’Angleterre). Celui s’est exprimé dans une tribune parue le site The Conversation, résumée par le média en ligne américain Business Insider. Sa conclusion: que la Russie gagne ou perde, son économie ne résistera pas à la fin du conflit.
«Le paiement de la solde des militaires, les munitions, les chars, les avions et les indemnisations pour les soldats morts et blessés contribuent tous aux chiffres du produit intérieur brut (PIB), résume Renaud Foucart. Pour le dire simplement, la guerre contre l’Ukraine est désormais le principal moteur de la croissance économique de la Russie.»
Les conséquences sont lourdes pour le reste de l’économie russe, comme nous vous l’avons déjà expliqué. Premièrement, la Russie manque de travailleurs pour les activités non liées à la défense, vu que l’effort de guerre cannibalise l’essentiel de la main-d’œuvre. Le nombre d’emplois non pourvus atteint cinq millions, ce qui conduit à une flambée des salaires (dans l’espoir d’attirer des candidats).
Casse-tête chinois
L’autre truc qui flambe, c’est l’inflation: +7,4%, alors que la Banque centrale de Russie visait +4%, avec un impact direct sur le pouvoir d’achat des Russes. En décembre 2023, Vladimir Poutine en personne s’excusait à la télévision après la hausse du prix des œufs… Troisièmement, les investissements étrangers dans le pays se sont effondrés à 8,7 milliards de dollars (environ 8,13 milliards d’euros) durant les trois premiers trimestres 2023, d’après Business Insider.
Enfin, n’oublions pas les sanctions internationales, un véritable «nœud coulant»qui isole le pays du système économique international. Pour toutes ces raisons, Moscou n’aura pas les moyens d’administrer et de sécuriser tout ou partie de l’Ukraine et aura déjà fort à faire avec ses propres problèmes (infrastructures, pauvreté, etc.). Sauf à opter pour une vassalisation totale de la Russie au bénéfice de la Chine.
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«Un enlisement prolongé [du conflit] pourrait être la seule solution permettant à la Russie d’éviter un effondrement économique total, conclut Renaud Foucart. Le régime russe n’a aucune raison de mettre fin à la guerre et de s’exposer à cette éventualité économique. Il ne peut donc se permettre ni de gagner la guerre ni de la perdre. Son économie est désormais entièrement orientée vers la poursuite d’un conflit long et toujours plus meurtrier.» Tel le gouvernement fictif d’Eurasia dans le roman 1984 de George Orwell, en guerre perpétuelle avec ses voisins Océania et Estasia.