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EUTHANASIE, SUICIDE : LES ENJEUX ÉTHIQUES PEUVENT ILS ÊTRE IGNORÉS ?

PRÉCÉDENTE PUBLICATION DE METAHODOS

FIN DE VIE : LA SIENNE ET CELLE DES AUTRES

Le projet le plus permissif du monde ? – Fin de vie : « pas de juridique sans …

https://metahodos.fr/2024/05/20/controverses-fin-de-vie-la-sienne-et-celle-des-autres-quels-enjeux/

ARTICLE – Trois points soulèvent des enjeux éthiques majeurs

20240513. LA CROIX Henri de Soos Juriste, auteur de « L’impasse de l’euthanasie » (Salvator, 2022)


Le projet de loi sur la fin de vie est examiné à partir de ce lundi 13 mai par la commission
spéciale de l’Assemblée nationale. Henri de Soos, juriste et auteur de L’Impasse de
l’euthanasie (Salvator, 2022), relève trois dispositions inquiétantes qui soulèvent des enjeux éthiques majeurs.

Le cadre général du projet de loi sur la fin de vie suscite de multiples commentaires ou
critiques, mais au moins trois points du chapitre « Aide à mourir » restent dans l’ombre alors qu’ils soulèvent des enjeux éthiques majeurs. Les parlementaires en ont-ils conscience ?

Selon le texte (article 6), la personne doit « présenter une souffrance physique ou
psychologique liée à cette affection qui est soit réfractaire aux traitements, soit
insupportable lorsque la personne ne reçoit pas ou a choisi d’arrêter de recevoir des
traitements ». Ainsi, il y aurait deux situations de souffrance qui permettraient l’aide à
mourir : le cas où le médecin n’arrive pas à soulager la personne, ou le cas où la personne
affirme ne pas pouvoir supporter cette souffrance.

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Mais s’il s’agit d’une alternative, et non pas d’une condition cumulative, ce peut être la
porte ouverte à une multitude de situations.

En effet, un malade peut ressentir des
souffrances non soulagées, mais d’une intensité faible ou moyenne et donc supportables : cela justifierait-il pour autant de mettre fin à sa vie ? Et si la souffrance est perçue par le malade comme insupportable mais qu’il existe des moyens pour la soulager, va-t-on quand même accéder à sa demande de mourir ?

Ce n’est vraiment pas acceptable.
Dans tous les pays qui ont légalisé l’euthanasie ou le suicide assisté, face à ces deux
situations de souffrance, la loi ne dit pas « ou », mais « et ». La Belgique, souvent citée
en exemple, exige « une souffrance physique ou psychique constante et insupportable qui
ne peut être apaisée». Au Canada, il s’agit de « souffrances physiques ou psychologiques
persistantes qui lui sont intolérables et qui ne peuvent être apaisées». En Espagne, il
faut « des souffrances physiques ou mentales constantes et insupportables ». Il est donc
impératif de clarifier et de renforcer cette condition essentielle.

Des organismes contraints
Dans le projet de loi (article 16), les professionnels de santé disposent d’une clause de conscience. Ils auront pourtant l’obligation de communiquer le nom d’un confrère prêt à
participer à l’acte, ce qui est déjà une façon de limiter cette liberté de conscience. Par
ailleurs, les établissements sanitaires (hôpitaux, cliniques…) et médico-sociaux (Ehpad, centres pour personnes handicapées…) ne pourront pas refuser que des suicides assistés ou des euthanasies soient réalisés en leur sein. Même si leur charte éthique s’oppose sur ces actes, pour des raisons philosophiques ou religieuses, ils devront permettre à d’autres soignants de les réaliser dans leurs locaux.

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Pourquoi veut-on « forcer la main » à ces milliers d’établissements, appartenant pour
l’essentiel au secteur privé non lucratif ? Verra-t-on par exemple des euthanasies à
la maison médicale Jeanne-Garnier, à Paris, dont tous les politiques louent l’excellente
prise en charge palliative ? Ce n’est vraiment pas acceptable.

Cette volonté d’obliger ces organismes à subir des actes contraires à leurs convictions
n’existe pas dans la plupart des pays étrangers : ni aux États-Unis, ni au Canada (sauf Québec), ni aux Pays-Bas, ni en Espagne, ni en Suisse (sauf quelques cantons), seulement en Belgique (après vingt ans de pratique). Il existe d’autres moyens de résoudre le conflit de liberté. Dans les pays cités ci-dessus, les rares personnes concernées peuvent être accueillies dans d’autres structures médicales à proximité qui acceptent d’organiser le décès. Il est donc essentiel de retirer cette contrainte.

La commission de contrôle et d’évaluation
Dans le projet de loi actuel (article 17), la commission de contrôle et d’évaluation est
chargée d’un rôle essentiellement administratif de suivi des procédures, via un système

d’information qui sera censé assurer la traçabilité des actes réalisés. Sa mission de
contrôle reste très limitée, par exemple sans capacité de saisir la justice en cas
d’irrégularité. Tout est renvoyé à un décret en Conseil d’État, dont le gouvernement sera
seul maître : composition, règles de fonctionnement, et donc garantie d’indépendance et d’impartialité, pouvoirs réels, etc. Ce n’est vraiment pas acceptable.

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En Belgique, la commission de contrôle tient une place importante. Sur huit articles et quatre pages entières de la loi, sa composition, son rôle et ses pouvoirs sont très détaillés.

De même, aux Pays-Bas, la loi contient 17 articles à ce sujet ; au Québec, 10 articles. C’est dire l’importance que les législateurs étrangers ont accordée à cette institution pour garantir que tout était « sous contrôle ».

Pourtant, malgré toutes ces précautions, l’expérience prouve que ces commissions ne
contrôlent pas grand-chose. Elles n’empêchent pas la persistance d’euthanasies
clandestines, ce qui est en fait une évidence : quel médecin sera assez stupide pour
risquer la prison en déclarant dans le formulaire officiel une euthanasie qui n’a pas été faite selon les règles ? Par ailleurs leurs membres, souvent favorables à l’euthanasie,
contribuent à interpréter de plus en plus largement les conditions d’accès prétendues très strictes au départ. Il est donc nécessaire de fixer la composition de cette commission.

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