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CHÔMEURS : UN « ACHARNEMENT » AUX EFFETS INCERTAINS ? PROMESSE (126) DU PLEIN EMPLOI

PRÉCÉDENTE PUBLICATION DE METAHODOS

NOUVEAU DURCISSEMENT DES ALLOCATIONS CHÔMAGE – ET POURTANT LA FRANCE N’EST PAS PLUS GÉNÉREUSE QUE SES VOISINS

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ÉMISSION – Assurance chômage : la réforme de trop ?

Mardi 28 mai 2024 FRANCE CULTURE

En cinq ans, c’est déjà la troisième réforme de l’assurance chômage qui nous attend. Gabriel Attal l’a détaillée ce weekend.

Avec

  • Michaël Zemmour Maître de conférences en économie à l’Université Paris 1 et chercheur associé à Sciences Po au laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques (LIEPP).
  • Alexandra Roulet Économiste et professeure à l’INSEAD Business School

Au menu : baisse des durées d’indemnisation, resserrement des conditions d’affiliation ou encore hausse de l’âge pour accéder au régime des séniors. Si les économies permises seront conséquentes, le Premier ministre jure que c’est le plein-emploi qui est visé. Qu’en est-il vraiment ? Quel recul avons-nous sur les précédentes réformes de l’assurance chômage ?

Ce qui va changer

Si l’idée est de durcir les conditions d’obtention et d’indemnisation du chômage dans une perspective d' »incentive », c’est-à-dire d’incitation à retrouver du travail, l’économiste Michaël Zemmour estime que « il faudra revenir sur les effets de cette réforme sur le chômage, parce que ceux-ci sont incertains pour l’instant« . Il rappelle que cette réforme est « la troisième en très peu de temps. » En effet, « il y a eu une réforme en 2019 – 2021, un autre en 2023. Ces deux réformes ont déjà changé le mode de calcul des indemnités chômage en les réduisant en moyenne de 20%, parfois plus. La réforme de 2023 a déjà raccourci la durée d’indemnisation.« 

Les trois principales mesures de cette nouvelle réforme sont le raccourcissement de la durée d’indemnisation à un an et trois mois, la nécessité d’avoir cotisé un minimum de huit mois dans les vingt derniers mois, et enfin une réforme de la filière senior à laquelle il sera possible d’accéder à 57 ans et non plus à 55 ans, avec un raccourcissement des indemnisations de 27 mois à 22 mois et demi pour les concernés. « Ces mesures vont réduire le nombre de personnes indemnisées. À la fois à l’entrée puisque les personnes ne seront pas forcément éligibles, et aussi à la sortie pour les personnes en fin de droits » détaille Michaël Zemmour.

Quelles économies ?

Sur les économies que doit permettre cette réforme, chiffrées par le gouvernement à 3,6 milliards d’euros, Michaël Zemmour rappelle que « l’ordre de grandeur de l’assurance chômage c’est 40 milliards d’euros de dépenses par an« . Il s’agirait donc de 10% d’économies. « Mais si on met bout à bout les trois réformes qui se succèdent, on a 10 milliards d’économies » sans compter les baisses de dépenses du fait de la baisse du chômage ces dernières années. Du fait que le régime soit excédentaire en ce moment, il précise que « la réforme ne répond pas au besoin de financement de l’assurance chômage« . De ce fait, le gouvernement réalise cette réforme « pour récupérer du côté de l’État, les économies qui ont été réalisées sur les indemnités chômage« .

À propos de cette réforme qui se profile alors même que les prévisions sur le chômage ne sont pas à la baisse, Michaël Zemmour voit deux motivations principales : « La première, c’est une motivation de finances publiques, puisque l’État a mis en place des dispositifs pour récupérer l’excédent de l’assurance chômage« . À ce sujet, Michaël Zemmour rappelle que « récupérer les excédents de l’assurance chômage, c’est ce que Bruno Coquet, un spécialiste de l’assurance chômage, appelle une taxe sur les chômeurs pour financer l’État. » La deuxième motivation pour le gouvernement, « c’est la mise sous pression du marché du travail. » Ceci en considérant, analyse-t-il que « Contrairement à ce qui a pu être dit, on n’a pas les résultats des réformes précédentes. On ne peut pas dire si, du côté de l’emploi, ça a eu des effets bénéfiques.« 

Qu’attendre de cette réforme ?

Michaël Zemmour juge cette réforme « très dure dans son contenu« , sachant que « si on accumule les trois réformes, c’est sans précédent« . Il y perçoit « une forme d’acharnement à multiplier les réformes de l’assurance chômage en visant en particulier un public qui est déjà très précaire. Avec des effets sur le niveau de vie qui sont certains. »

L’économiste Alexandra Roulet partage son analyse de cette réforme à venir : « En matière d’assurance chômage, tout est une question d’équilibre. » Il faut comparer deux de ses effets. D’un côté, « Il y aura des effets positifs sur l’emploi. On peut débattre de leur ampleur. » La durée d’indemnisation a tendance à « réduire la durée du chômage pour les demandeurs d’emploi qui ont des durées d’indemnisation longues » tandis que quand on touche à l’éligibilité, cela a tendance à « rallonger les contrats proposés par les entreprises qui vont proposer des contrats qui permettent d’ouvrir des droits à l’assurance chômage. » Il y a selon la chercheuse, beaucoup d’études qui viennent soutenir l’idée que ces effets sont positifs sur l’emploi.

Il faut également préciser les effets non recherchés, qui peuvent être de deux types. Le premier type de risque concerne la qualité de l’emploi. C’est-à-dire que « les gens vont retrouver un emploi plus tôt, mais ça sera peut-être un emploi de moins bonne qualité. » Le deuxième type de risque est celui des situations de vulnérabilités que peut provoquer cette réforme. « Il y a des gens qui auraient été éligibles à l’assurance chômage en l’absence de réforme, et qui ne le seraient plus, et donc seraient ainsi privés de ce revenu.« , explique Alexandra Roulet, s’agissant notamment des jeunes, ou des personnes qui ont des trajectoires hachées sur le marché de l’emploi.

Michaël Zemmour, économiste, enseignant-chercheur à l’Université Lumière Lyon 2 et chercheur associé à Sciences Po au laboratoire interdisciplinaire des politiques publiques (LIEPP).

Alexandra Roulet, économiste et professeure à l’Institut européen d’administration des affaires (INSEAD). Lauréate du Prix du meilleur jeune économiste (décerné par Le Monde et le Cercle des économistes).

LIEN VERS L’ÉMISSION

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