
ÉMISSION – La dissolution du réel à travers les écrans : une mutation anthropologique selon Jean Baudrillard
Dimanche 23 juin 2024 FRANCE CULTURE
En 2005, le philosophe Jean Baudrillard, auteur de « La Société de Consommation » revient sur son analyse de la disparition du réel en cherchant à en faire connaître les tenants et les aboutissants. Le réel étant mort, nous ne vivons que dans de la fausseté, une hyperréalité qui se prend pour le réel.
Avec
- Jean Baudrillard Philosophe et sociologue
Le meurtre du réel ? Un crime parfait, sans motivation et sans auteur. C’est l’hypothèse défendue par le philosophe et sociologue Jean Baudrillard. En 2005, dans l’émission « Premier Pouvoir », il est interrogé par Elizabeth Lévy avec Gérard Casanova, Jean-François Colosimo et Antoine Perraud sur ce qu’il analyse comme une mutation anthropologique.
Les médias façonnent une illusion globale
Il y aurait une forme d’imposture métaphysique : l’illusion que Jean Baudrillard appelle hyperréalité se prend pour le réel, et s’impose ainsi à nous comme le seul monde accessible. Il n’y a plus de place pour un imaginaire clairement distingué d’une vérité : tout se confond, et le monde entier nous est accessible par le biais des médias qui désormais créent du sens, créent les événements mais ne les représentent plus adéquatement.
Quand Baudrillard dit, avec son sens légendaire de la provocation que la guerre du Golfe n’a pas eu lieu (titre d’un recueil de textes publié en 1991), c’est qu’elle n’a pas eu lieu de la façon dont les médias l’ont représenté : toute image, tout récit fait partie de cette illusion globale que nous prenons désormais pour la réalité.
L’individu confronté à la submersion du virtuel
La disparition du réel, le passage du stade du miroir, celui de la représentation, à un stade de l’écran, c’est une mutation en termes anthropologiques. La profondeur disparaît au profit d’une extension, une extensibilité totale. Nous nous trouvons confrontés à l’excès de tout, à l’excès de communication, d’information, de messages, à l’excès de possibilités. Le virtuel, c’est quelque chose dans lequel on est immergé.
Selon le philosophe de l’hyperréalité, c’est cette profusion qui est meurtrière. Nous ne sommes plus en état mental, physique, intellectuel de satisfaire à cette profusion. On est devant un état où nul être humain n’est capable d’affronter tous ces possibles. Et c’est alors le début d’une véritable panique au sens pathologique et l’intelligence critique défaille devant cette situation nouvelle.
- Par Gérard Casanova
- Le premier pouvoir – Qui a tué la réalité ?, 1/2 (1ère diffusion : 24/12/2005)
- Avec Jean Baudrillard (philosophe, sociologue, écrivain), Jean-François Colosimo (éditeur et théologien) et Antoine Perraud (journaliste et producteur radio)
- Réalisation Medhi El Hadj
- Edition web : Documentation de Radio France