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L’EFFET POLITIQUE DES RÉSEAUX SOCIAUX : UN IMPACT SUR LA VIE DÉMOCRATIQUE LARGEMENT SURÉVALUÉ

LUC ROUBAN AU SUJET DE L’IMPACT POLITIQUE DES RÉSEAUX SOCIAUX

« L’usage intensif des réseaux sociaux ne joue pas contre la vie démocratique. Un compte rendu de notre enquête Baromètre confiance. »

« Les réseaux sociaux fascinent et certains pensent qu’ils fabriquent les opinions. L’analyse empirique montre autre chose. »

Il dément dans son étude trois idées reçues qui s’avèrent erronées :

La première : les réseaux sociaux seraient a la fois envahis par des geeks surdiplômés et surinformés, et des marginaux et exclus;

La seconde : les opinions politiques des utilisateurs intenses s’enfermeraient dans des univers politiques radicaux;

La troisième : l’usage intense des réseaux sociaux jouerait sur l’orchestration des violences politiques. 

1. NOTE – L’EFFET POLITIQUE DES RÉSEAUX SOCIAUX

Luc Rouban Directeur de recherche SC PO CNRS note du 15 mai 2024

INTRODUCTION

Les réseaux sociaux sont souvent considérés comme des acteurs clés de la post-modernité politique, permettant la constitution de communautés qui viendraient fragmenter l’espace public en univers fermés et homogènes, réunissant des personnes partageant les mêmes convictions culturelles ou politiques.

En ce sens, c’est la technologie même des algorithmes qui faciliterait mécaniquement ces rapprochements puisque leur principe est de créer des liens probabilistes entre locuteurs des mêmes thèmes et défenseurs des mêmes idées.

Les réseaux sociaux seraient donc des objets technologiques particuliers puisqu’ils viendraient non pas seulement faciliter la
communication ou informer mais structurer l’information et redéfinir les clivages politiques voire créer un espace
public distinct de l’espace public officiel
encadré par les règles constitutionnelles, les partis politiques et les héritages mémoriels.

Les réseaux sociaux seraient donc à l’origine d’une communautarisation identitaire qui
échapperait aux outils analytiques de la sociologie politique classique.

Les questions posées dans le cadre de la vague 15 du Baromètre de la confiance politique permettent de tester un certain nombre d’hypothèses.

La première concerne la particularité sociale des réseaux sociaux qui seraient soit envahis par des geeks surdiplômés et surinformés, soit par des marginaux et des exclus qui en feraient un espace privatif dédié à la satisfaction de leur ressentiment.

La seconde concerne la structuration des opinions politiques dans des univers partisans et dans un vote bien identifiable, généralement radical.

La troisième concerne le rôle que l’usage intense des réseaux sociaux joue sur
l’orchestration des violences politiques.

L’analyse menée ici vient démentir ces trois assertions, étant entendu que les échantillons utilisés ne concernent que des personnes adultes de plus de 18 ans, ce qui ne permet pas
d’expliquer les usages sociopolitiques des réseaux par les plus jeunes.

CONCLUSION

Note technique :

La vague 15 du Baromètre de la confiance du CEVIPOF

a été réalisée grâce à un partenariat entre le CEVIPOF, le CESE, Intériale Mutuelle, CMA-France, EDF et l’Université Guido Carli – LUISS à Rome.

L’enquête de terrain Baromètre de la confiance politique a été réalisée par OpinionWay du 8 au 18 janvier 2024
auprès d’un échantillon représentatif de 3 521 enquêtés en France, de 1 632 en Allemagne, de 1 706 en Italie et de 1 820 en Pologne.

Ni l’enquête ni son traitement ni les analyses qui en sont tirées n’ont fait l’objet d’un recours à l’intelligence artificielle.

2. ARTICLE – Européennes 2024 : les réseaux sociaux font-ils l’élection ?

Une enquête réalisée par OpinionWay pour le Cevipof dans quatre pays européens relativise l’impact électoral des réseaux sociaux malgré les stratégies sophistiquées des politiques. Avec des nuances.

Par Ulysse Legavre-Jérôme LES ECHOS Publié le 7 juin 2024

Et si toute la communication que font les politiques sur les réseaux sociaux n’était pas si rentable électoralement parlant ? Jordan Bardella qui descend un verre de vin sur TikTok, Gabriel Attal dans un fauteuil avec son chien sur BeReal, Emmanuel Macron et Lula dans une parodie de l’affiche du film « La La Land » sur Instagram… Tous y peaufinent leur image, espérant capter de nouveaux électeurs.

Mais peut-être en vain. Selon une enquête réalisée par OpinionWay pour le Cevipof dans quatre pays européens auprès de 8.679 personnes, ni le comportement électoral ni les niveaux de confiance dans la démocratie ou dans les institutions ne sont modifiés en profondeur par l’utilisation intensive de ces réseaux.

Le Centre de recherche de Sciences Po s’est intéressé au rapport d’usagers d’Instagram, TikTok, LinkedIn, X (ex-Twitter) et Snapchat à la politique. Première conclusion : que cela soit en France, en Allemagne, en Italie ou en Pologne, l’intensité avec laquelle les usagers recourent aux réseaux sociaux ne joue que peu sur la confiance portée aux institutions. 

En France, 74 % des utilisateurs faibles de réseaux ont confiance dans la police contre 65 % des utilisateurs intensifs, un écart peu significatif. En outre, « la confiance dans la politique augmente à mesure que l’on utilise davantage les réseaux sociaux contrairement à l’idée reçue selon laquelle ces réseaux offriraient un espace public de pure contestation », explique l’auteur de l’enquête, Luc Rouban, aux « Echos ».

Les plus gros utilisateurs restent proches des extrêmes

Surtout, l’étude révèle que les réseaux sociaux ne sont pas réellement une extension de la lutte politique dans un univers numérique. « Rien n’indique que leur usage intensif conduit à opter pour une offre politique radicale de droite ou de gauche », explique le directeur de recherche au CNRS. Concrètement, le vote en faveur de Jean-Luc Mélenchon ou de Marine Le Pen n’évolue pas en fonction du rythme d’utilisation de ces réseaux.

Seule différence notable : les usagers intensifs tendent à être plus abstentionnistes (36 %) que ceux qui les utilisent occasionnellement (22 %). Pour Luc Rouban, il semble donc « presque impossible de certifier un effet électoral de l’usage des réseaux sociaux ». « Les réseaux sociaux sont des chambres d’écho de problèmes sous-jacents, poursuit-il. Ce sont avant tout des facteurs sociologiques qui expliquent le vote de chacun. »

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Les utilisateurs intensifs restent toutefois plus proches des extrêmes que les autres. La proximité avec le Rassemblement national (RN) concerne 19 % des utilisateurs intensifs contre 14 % des utilisateurs occasionnels. L’effet est plus fort encore pour La France insoumise (LFI) : 14 % chez les premiers contre 3 % chez les seconds. Même constat en Allemagne, où l’on observe que les plus grands utilisateurs sont plus proches de l’AfD – encore allié du RN au Parlement européen il y a quelques semaines, avant les propos de leur tête de liste sur les SS – que les autres (15 % contre 9 %). A l’inverse, la proximité d’un parti tel que celui des Ecologistes ne subit aucune modification entre usagers.

Plus de politique sur X et LinkedIn

L’enquête souligne également que la sociologie de chaque réseau dicte en grande partie les réactions politiques de ses membres. C’est ainsi que l’intérêt pour la politique comme la confiance dans la politique obtiennent les scores les plus élevés parmi les utilisateurs fréquents de X et de LinkedIn, mais c’est aussi au sein de ces réseaux que l’on trouve la proportion la plus élevée de diplômés du supérieur comme la proportion la plus importante de « déclassés ».

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Il est cependant « impossible d’imputer un effet politique à un réseau particulier », indique Luc Rouban. L’utilisation d’un réseau de manière exclusive à l’exception des autres reste rare. Leur usage étant cumulatif, il faut donc « écarter l’hypothèse d’une construction de l’identité politique par un réseau social », dit-il. Et pour ceux qui n’utilisent jamais les réseaux sociaux ? Peu nombreux (8 %) et « nettement plus âgés » (42 % d’entre eux ont plus de 65 ans), ils ne sont ni plus ni moins critiques à l’égard du personnel politique que ne le sont les usagers des réseaux.

Une question reste toutefois à élucider. L’enquête ne s’intéresse pas aux moins de 18 ans, alors qu’ils sont très présents sur les réseaux bien que pas encore en âge de voter. L’influence des stratégies de communication des politiques sur cette jeune génération, ainsi que leurs usages, seront donc encore à étudier pour les prochaines élections, quand viendra l’heure de leur majorité.

3. – L’illusion du poids des réseaux sociaux sur les législatives

Publié le : 13/06/2024 – RFITous les candidats en lice pour les législatives anticipées en France inondent les réseaux sociaux de messages en espérant capter de nouveaux électeurs. Cette utilisation intensive des plateformes sociales par les politiques n’exercerait pourtant aucune influence sur les intentions de vote des internautes, selon une analyse du Centre de recherche de Sciences Po. 

L’utilisation intensive des plateformes sociales par les politiques n’exercerait aucune influence sur les intentions de vote des internautes, selon une analyse du Centre de recherche de Sciences Po.  Godong/Universal Images Group vi – Godong

L’enquête réalisée avant les européennes par OpinionWay pour le compte du Centre de recherche de Sciences Po démontre que les messages politiques sur les réseaux sociaux ne permettraient pas de convaincre de jeunes internautes de se rendre aux urnes.

Les candidats qui se présentent aux législatives se servent plutôt des réseaux sociaux pour réaliser des opérations de marketing politique, estime le directeur recherche au CNRS et au Centre de recherche de Sciences Po, Luc Rouban : « Le problème des réseaux sociaux est qu’ils réduisent considérablement l’information à des éléments de personnalisation. Les éléments de programmatique électorale ou les analyses politiques sont souvent absents de leurs messages. Comme c’était le cas pour les européennes, la communication sur les réseaux des candidats qui se présentent aux législatives, se concentre sur des images et en fonction de l’âge de leur public. La plupart d’entre eux investissent les plateformes sociales pour réaliser des opérations de marketing politique afin de vendre leur image de marque. »

Quand la fracture générationnelle pose un problème aux politiques

Et Luc Rouban de poursuivre : « Il ne faut pas oublier que la plupart des internautes qui utilisent les réseaux sociaux de façon intense sont pour la plupart des personnes très jeunes. Et cette fracture générationnelle en ligne pose un problème majeur pour les législatives. Les jeunes se sont massivement abstenus lors des Européennes et d’une manière générale se déplacent très peu pour aller voter. Les candidats sur les réseaux sociaux cherchent donc à savoir comment les mobiliser, comment les sensibiliser aux enjeux d’une élection. Et il n’est pas certain que leurs messages publiés dans ce sens sur les plateformes sociales, poussent finalement de jeunes électeurs à aller voter. »

Les codes de séduction à suivre sur les plateformes sociales

La règle principale qui s’impose aux politiques pour séduire de potentiels jeunes électeurs, semble surtout d’éviter de leur parler directement des enjeux d’une élection. Les vidéos TikTok du président du Rassemblement National qui figurent parmi les plus partagées le démontre. Ses clips à succès le montrent, par exemple, en train de manger des bonbons ou de sortir un petit gouter quand il est en réunion.

Les candidats de la majorité sortante publient également des instants de vie qui sont croqués par smartphone pour donner l’illusion d’une grande proximité avec leurs internautes.

Les militants à gauche emploient exactement les mêmes méthodes auprès des jeunes internautes afin de les encourager de se rendre aux urnes, mais aussi de voter pour leur camp.

Cette stratégie de communication diffère selon les réseaux, sur TikTok, elle s’adresse plutôt à des utilisateurs qui, par ailleurs, ne sont même pas en âge de voter. Les messages les plus politisés se retrouvent, en revanche, sur la plateforme X. Une communication à vue électorale qui est souvent détourné par les internautes, diffusant à foison des trucages photos ou vidéos, issus de ces messages.

4. LES NOTES DE RECHERCHE DU BAROMÈTRE DE LA CONFIANCE POLITIQUE

NOTES DE LA VAGUE 15

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