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LA ROBUSTESSE DE LA Vème RÉPUBLIQUE : UNE COHABITATION – AVEC MAJORITÉ RELATIVE OU ABSOLUE – EST DÉMOCRATIQUE ET REPUBLICAINE

IL NE « RESTERAIT PAS BRAS BALLANTS »

« Le président a signifié à ses troupes qu’il ne resterait pas les bras ballants s’il devait nommer un premier ministre issu du Rassemblement national. Mais ses marges de manœuvre seront limitées. » EXTRAIT ARTICLE 1

Une cohabitation au sommet de l’État. Y compris dans le cas d’une victoire du bloc central – «La cohabitation ou la loi de la démocratie»

« Avec la dissolution, le président de la République a ouvert la boîte de Pandore. Depuis, chacun y va de son scénario. Le plus probable, à la lumière des sondages, reste celui d’une cohabitation au sommet de l’État. Y compris dans le cas d’une victoire du bloc central… » EXTRAIT ARTICLE 2

La majorité absolue n’est pas nécessaire pour gouverner

« La dissolution prononcée par le Président de la République le 9 juin plonge les électeurs, les partis politiques et les candidats dans de nombreuses incertitudes. Mais il en est une que l’on peut lever d’emblée : la majorité absolue n’est pas nécessaire pour gouverner. » EXTRAIT ARTICLE 3

La cohabitation bénéficie d’une bonne image dans l’opinion publique

« Une partie des observateurs voient dans la cohabitation le risque d’une paralysie politique, mais cette dernière bénéficierait d’une bonne image dans l’opinion publique. Elle pose avant tout des questions de répartition des pouvoirs entre le président et le premier ministre. » EXTRAIT ARTICLE 4

1. ARTICLE – Législatives : Emmanuel Macron obligé d’envisager le scénario d’une cohabitation avec le RN

Par Louis Hausalter LE FIGARO 24 06 24

Le président a signifié à ses troupes qu’il ne resterait pas les bras ballants s’il devait nommer un premier ministre issu du Rassemblement national. Mais ses marges de manœuvre seront limitées.

Au Sommet du G7 en Italie, le 13 juin. Quatre jours après avoir prononcé la dissolution de l’Assemblée nationale, Emmanuel Macron est interrogé par la presse : ses homologues étrangers considèrent-ils encore que ce qu’il dit engage la France, alors qu’il sera peut-être délesté de nombre de ses pouvoirs le 7 juillet, si le second tour des élections législatives ne lui accorde pas de majorité ? 

« Ils connaissent notre Constitution et ils savent quels sont les compétences et le rôle d’un président en France, sur les sujets internationaux et de défense, donc il n’y a pas de doute », rétorque-t-il.

Et de marteler que dans les sommets internationaux « la parole de la France est engagée par le président de la République».

Le chef de l’État baliserait-il déjà ses domaines réservés en cas de cohabitationavec un premier ministre issu d’un autre camp ? Pas du tout, se récrie-t-on dans son entourage : « Il ne se projette vraiment pas dans cette perspective. …

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2. ARTICLE – «La cohabitation ou la loi de la démocratie»

Par Yves Thréard 23 06 24. LE FIGARO

Elle serait très différente des trois précédentes qu’a connues la VeRépublique. Serait-elle pour autant impossible ?

On dit les Français très inquiets. Même Pierre Mazeaud, qui en a vu d’autres, du haut de ses 94 ans, juge la situation « grave, affligeante ». L’ancien président du Conseil constitutionnel estime qu’Emmanuel Macron devrait démissionner « pour sortir du chaos » si la majorité sortante était défaite aux législatives. Avec la dissolution, le président de la République a ouvert la boîte de Pandore. Depuis, chacun y va de son scénario. Le plus probable, à la lumière des sondages, reste celui d’une cohabitation au sommet de l’État. Y compris dans le cas d’une victoire du bloc central, si l’on en croit les déclarations fracassantes de certains de ses ténors contre l’Élysée. Édouard Philippe, Bruno Le Maire et Gabriel Attal rivalisent de commentaires peu amènes !

L’hypothèse la plus vraisemblable aujourd’hui verrait l’arrivée de Jordan Bardella à Matignon. Disposerait-il d’une majorité absolue ? L’intéressé pose cette condition. Quoi qu’il en soit, cette cohabitation serait très…

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3. ARTICLE – Une majorité absolue ou le chaos ? Non.

La dissolution prononcée par le Président de la République le 9 juin plonge les électeurs, les partis politiques et les candidats dans de nombreuses incertitudes. Mais il en est une que l’on peut lever d’emblée : la majorité absolue n’est pas nécessaire pour gouverner.

Jordan Bardella, candidat aux fonctions de Premier ministre et Président du Rassemblement national déclare qu’il ne gouvernera que s’il dispose d’une telle majorité. On peut d’abord s’étonner d’une telle déclaration de la part du chef d’un parti qui a toujours défendu l’instauration du scrutin proportionnel alors que ce dernier, précisément, ne peut que très difficilement conduire à l’obtention d’une majorité absolue. D’ailleurs, la seule fois où ce mode de scrutin s’est appliqué aux élections législatives (en 1986), aucun parti n’a remporté cette majorité et la cohabitation n’a pu avoir lieu que grâce à une coalition des deux partis de la droite républicaine, à l’époque le RPR (ancêtre de LR) et l’UDF (ancêtre du MoDem). 

La Ve République permet à un Gouvernement d’agir, même en l’absence de majorité absolue, tant qu’il n’est pas confronté à une majorité hostile 

 De surcroît, la Constitution de la VeRépublique a été écrite, en 1958, alors que le fait majoritaire n’existait pas. Ses rédacteurs n’imaginaient donc pas qu’il puisse exister, a fortiori de façon régulière et pérenne, de majorité claire et stable à l’Assemblée nationale, à même de soutenir durablement un Gouvernement. Nous sortions alors de la IVe République, qui s’était distinguée par son exceptionnelle instabilité et par le morcellement des partis politiques. La nouvelle Constitution devait ainsi permettre d’y faire face, en offrant certains mécanismes assurant qu’un Gouvernement puisse conduire son action et demeurer en fonctions, alors même qu’une majorité absolue lui faisait défaut.

Le fait majoritaire n’a commencé à s’installer qu’à partir de 1962, sans être systématiquement absolu et inconditionnel, c’est-à-dire sans qu’un même parti puisse se prévaloir, à lui seul, d’une majorité absolue à l’Assemblée nationale. Cette hypothèse est même assez exceptionnelle : ce ne fut le cas qu’en 1968, en 2002, en 2007 et en 2017. Dans la plupart des autres cas, à l’exception de la période 1988-1993 et de 2022 à aujourd’hui, ce sont des coalitions de plusieurs partis (au moins deux) qui ont permis d’atteindre la majorité absolue. Et l’on a pu constater, y compris lors des périodes de seule majorité relative (comme c’est le cas depuis les dernières élections législatives), qu’il est possible de gouverner.

D’une part, les mécanismes de nomination du Gouvernement et d’engagement de sa responsabilité sont ainsi faits que le Gouvernement n’a jamais besoin de prouver qu’il est soutenu par une majorité et c’est au contraire à cette dernière de montrer qu’elle censure le Gouvernement, à la stricte condition d’être absolue. Par conséquent, lorsque le Président de la République nomme un Gouvernement, ce dernier reste en fonction, détermine et conduit la politique de la Nation, tant qu’une motion de censure n’est pas adoptée et il n’est pas tenu de demander la confiance de l’Assemblée nationale.

D’autre part, pour faire adopter les textes les plus importants, soit les textes budgétaires, le mécanisme de l’article 49, al. 3, désormais bien connu, permet de s’assurer d’une majorité lorsque cette dernière n’existe pas ou si elle est incertaine. On rejoint ainsi le cas précédent puisque, engageant sa responsabilité sur un texte, le Gouvernement se maintient et voit son texte adopté, sauf à ce qu’une majorité absolue de députés ne vote une motion de censure.

Enfin, dans l’hypothèse d’un blocage sur ces textes essentiels à la continuité de l’État, rendant impossible l’adoption du budget avant le 31 décembre de l’année en cours, les dispositions du projet de loi de finances peuvent être mis en œuvre par ordonnance, sur habilitation directe de l’article 47 de la Constitution (et 47-1, concernant le budget de la Sécurité sociale).

Ce sont donc là autant de mécanismes permettant à un Gouvernement d’agir, y compris dans l’hypothèse de l’absence de majorité absolue. D’ailleurs, on le voit depuis 2022 : les lois budgétaires et d’autres réformes – et non des moindres – ont pu être votées par le Gouvernement Borne (celui d’Attal n’a pas encore été confronté aux débats budgétaires, mais nul doute qu’il les aurait surmontés, notamment grâce au « 49, al. 3 »).

La seule condition, cependant, est de ne pas être confronté à une majorité hostile. Tel a été le cas jusqu’à présent car la majorité présidentielle a généralement pu compter sur le soutien, au moins tacite, de la droite républicaine. Il est vrai que l’extrême droite serait dans une situation plus inconfortable encore, si tous les autres partis et groupes composant l’Assemblée s’unissent contre elle ou contre elle et ses éventuels alliés, sans que cette alliance ne les assurent de la majorité absolue.

Mais précisément dans ce cas, un autre Gouvernement pourra être formé, sans nécessairement qu’il aille « de Jean-Luc Mélenchon à Édouard Philippe », mais qui pourra s’appuyer sur une majorité suffisamment relative et un sens des responsabilités des uns et des autres lui permettant de gouverner, sans s’exposer à l’adoption d’une motion de censure.

La Constitution de la Ve République est ainsi suffisamment robuste pour nous prémunir du chaos parfois annoncé, même en cas de majorité incertaine.

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4. ARTICLE – En cas de cohabitation, quel serait le risque de paralysie en France ?

L’histoire de la Vᵉ République et de ses trois cohabitations a montré que la Constitution donnait l’essentiel des pouvoirs au gouvernement et à sa majorité. Le président n’en garde pas moins un pouvoir d’opposition. 

Par Lili Pateman et Romain Geoffroy 13 juin 2024 LE MONDE

A la suite de la dissolution de l’Assemblée nationale par Emmanuel Macron dimanche 9 juin, des élections législatives anticipées sont organisées le 30 juin et le 7 juillet. Au sortir du scrutin, il est loin d’être acquis que le camp présidentiel et ses alliés conservent leur majorité. Si une formation de l’opposition obtient une majorité absolue, le président de la République sera dans l’obligation de nommer un premier ministre issu du parti qui a gagné les élections.

Lire aussi |  Tout comprendre à la dissolution de l’Assemblée nationale : conditions, précédents, conséquences…

Sous la Ve République, la France a connu trois cohabitations après que des législatives ont été remportées par l’opposition au président. La première eut lieu de 1986 à 1988, quand François Mitterrand (PS) eut Jacques Chirac (RPR) comme premier ministre, la deuxième lors du second mandat de M. Mitterrand avec Edouard Balladur (RPR), de 1993 à 1995, et, enfin, une, plus longue, entre Jacques Chirac (RPR) comme président et Lionel Jospin (PS) à Matignon de 1997 à 2002.

Depuis 2000, le passage au quinquennat et la modification du calendrier électoral – pour que les élections législatives succèdent immédiatement à la présidentielle – ont rendu les situations de cohabitation très hypothétiques. Il n’y en a d’ailleurs plus jamais eu et le président a, depuis, obtenu une majorité à l’Assemblée nationale dans les semaines suivant son élection.

Une partie des observateurs voient dans la cohabitation le risque d’une paralysie politique, mais cette dernière bénéficierait d’une bonne image dans l’opinion publique. Elle pose avant tout des questions de répartition des pouvoirs entre le président et le premier ministre.

Le président de la République relégué à un rôle plus secondaire

Selon la Constitution, la politique intérieure du pays est clairement confiée aux membres du gouvernement :

  • « Le premier ministre dirige l’action du gouvernement, assure l’exécution des lois et est responsable de la défense nationale. »
  • « Le gouvernement détermine et conduit la politique de la nation, il dispose de l’administration et de la force armée. »

« En cas de cohabitation, le pouvoir est clairement dans la relation entre le premier ministre et l’Assemblée nationale », explique Dominique Rousseau, professeur émérite à l’université Paris-I-Panthéon-Sorbonne.

Dans ces situations de partage du pouvoir, le président de la République dispose d’un rôle plus secondaire. Ses pouvoirs propres sont encadrés, et c’est notamment lui qui :

  • nomme le premier ministre de son choix (qui doit cependant avoir la confiance de l’Assemblée) ;
  • préside le conseil des ministres (mais perd son influence auprès d’eux), signe les décrets et les ordonnances et dispose du pouvoir de nommer les fonctionnaires civils et militaires de l’Etat ;
  • peut dissoudre l’Assemblée nationale (à raison d’une fois par an) ;
  • peut s’arroger des pouvoirs exceptionnels en cas de menace « grave et immédiate » sur les institutions, l’indépendance de la nation, l’intégrité du territoire ou l’exécution des engagements internationaux.

La question des affaires étrangères et de la défense

Une expression abusive veut que le président de la République ait un « domaine réservé » dans les secteurs de la défense nationale et des affaires étrangères. Or la Constitution est loin d’être catégorique sur cette question. Le gouvernement « dispose de l’administration et de la force armée » et « le premier ministre est responsable de la défense nationale », selon les articles 20 et 21.

D’un autre côté, le texte fait du chef de l’Etat le « garant de l’indépendance nationale et de l’intégrité du territoire national » (article 5), « le chef des armées » et il « préside les conseils et les comités supérieurs de la défense nationale »(article 15). Il détient les codes nucléaires et lui seul décide de l’usage de cette force. En matière de politique étrangère, la Constitution prévoit que le président négocie et ratifie les traités internationaux (article 52) et accrédite les ambassadeurs (article 14).

« C’est l’ambiguïté de notre Constitution de 1958, remarque Dominique Rousseau. On y retrouve les influences contraires de Michel Debré, qui souhaitait un premier ministre fort, sur le modèle parlementaire britannique, et de Charles de Gaulle, qui voulait donner plus de poids au président. » Cette ambiguïté oblige le premier ministre et le président à une certaine entente. C’est pourquoi l’usage a voulu lors des trois cohabitations que les choix se portent sur des ministres de la défense et des affaires étrangères qui plaisent aux deux hommes au pouvoir, afin d’éviter les frictions. « Autrefois, il y avait consensus dans ces domaines, mais aujourd’hui, il y a de vraies divergences sur le rôle de l’Union européenne ou sur la guerre en Ukraine, notamment entre Emmanuel Macron et le Rassemblement national. Cela paraît beaucoup plus instable et risque de poser des problèmes en cas de cohabitation », estime le constitutionnaliste.

Un chef de l’opposition à l’Elysée, avec un réel pouvoir de nuisance

  • Le pouvoir tribunitien

Si la cohabitation fait du président de la République un chef de l’opposition, celui-ci a l’avantage non négligeable d’être à l’Elysée, de bénéficier d’une parole forte auprès des Français et il garde un pouvoir tribunitien important. Durant la première cohabitation, François Mitterrand donnait des conférences de presse dans lesquelles il fustigeait la politique du gouvernement de Jacques Chirac. Moins d’un mois après le début de la troisième cohabitation, en 1997, le président Chirac avait profité de l’habituel entretien télévisé du 14-Juillet pour critiquer les premières décisions du gouvernement de Lionel Jospin. Il ne s’en priva pas non plus par la suite.

  • Le pouvoir de nuisance

Le président de la République étant le seul à pouvoir signer les décrets et les ordonnances en conseil des ministres, il bénéficie là aussi d’un pouvoir de nuisance face à un gouvernement d’opposition.

– Le décret en conseil des ministres est un acte réglementaire (qui fixe une règle) signé par le président de la République et qui n’a pas besoin de l’approbation du Parlement.

– L’ordonnance est un texte normatif (qui énonce une règle) présenté par le gouvernement pour adopter des mesures sans passer par la procédure législative habituelle (Assemblée nationale et Sénat). Même si le président de la République est le seul habilité à la signer, le Parlement doit préalablement autoriser le gouvernement à prendre une ordonnance, puis à la ratifier.

En juillet 1986, François Mitterrand refusa ainsi de signer les ordonnances sur les dénationalisations présentées par le gouvernement de Jacques Chirac, qui avait pourtant obtenu du Parlement l’autorisation de légiférer par ordonnances. Celles-ci prévoyaient notamment la privatisation de plus de soixante groupes industriels, détricotant le travail fait par les socialistes lors de leur arrivée au pouvoir.

Face à ce refus du président, Jacques Chirac dut transformer le projet d’ordonnances en projet de loi, qui fut rapidement voté par l’Assemblée nationale après que le gouvernement eut engagé sa responsabilité avec l’article 49.3 de la Constitution. Si François Mitterrand n’eut pas le pouvoir de bloquer le texte, cette manœuvre lui permit de ne pas se renier, tout en se repositionnant à gauche. Il recommença d’ailleurs en octobre 1986 en refusant de signer des ordonnances sur le découpage électoral, puis celle sur la flexibilisation du temps de travail en décembre 1986.

  • Le pouvoir de dissoudre l’Assemblée nationale

Enfin, le chef de l’Etat garde le pouvoir – non négligeable – de dissoudre l’Assemblée nationale. Si l’hypothèse était improbable lors des deux premières cohabitations, limitées à deux ans dans l’attente de l’élection présidentielle, elle est devenue crédible après les législatives anticipées de 1997. Jacques Chirac ayant lui-même dissous l’Assemblée nationale, il devait attendre un an avant de pouvoir prétendre à une nouvelle dissolution.

Dès 1998, il eut donc de nouveau ce pouvoir, qu’il n’utilisa pas, mais qui agit comme une épée de Damoclès au-dessus de la tête de Lionel Jospin. « C’est un système de neutralisation réciproque, analyse le politologue Alain Garrigou. Le président ne peut pas appliquer le programme sur lequel il a été élu, tandis que le premier ministre doit gouverner en évitant les faux pas qui motiveraient le président à dissoudre l’Assemblée pour regagner les législatives. » Pour ce professeur émérite en sciences politiques à l’université Paris-Nanterre, « Lionel Jospin a vécu pendant les quatre dernières années de son gouvernement dans l’angoisse d’une dissolution, et n’a fait que naviguer avec les sondages ». Cette longue et mauvaise expérience convaincra les deux hommes au pouvoir entre 1997 et 2002 de réformer les élections afin d’éviter au maximum la cohabitation.

Les mesures prises lors des cohabitations

Dès la première cohabitation, on remarqua que la Constitution de 1958 donnait la plus grande place au premier ministre, qui bénéficiait du soutien de l’Assemblée. « Malgré le caractère conflictuel de la cohabitation, la crainte majeure d’une impossibilité de gouverner ne s’est pas vérifiée », écrit Alain Garrigou dans son ouvrage La Politique en France (2017, La Découverte).

Selon lui, 105 lois ont été votées sous la première cohabitation, sans qu’il n’y ait jamais de blocage définitif. Le gouvernement de Jacques Chirac put ainsi détricoter ce qu’avait fait le précédent gouvernement : dès 1986, il privatisa des entreprises nationalisées en 1981, il revint sur l’instauration de la proportionnelle aux législatives décidée par les socialistes un an plus tôt et il rétablit le scrutin majoritaire. En août 1986, le gouvernement annula les concessions de deux chaînes privées, TV6 et La Cinq. « Il fit également adopter les lois sur la sécurité et le séjour des étrangers : expulsion par décision préfectorale, restriction de l’accès à la carte de séjour de dix ans », explique M. Garrigou.

La deuxième cohabitation, celle de François Mitterrand et d’Edouard Balladur, ne fut pas synonyme de paralysie non plus. Le premier ministre issu du RPR put poursuivre le programme libéral inachevé de l’ancienne cohabitation. Une loi de privatisation de vingt et une entreprises fut promulguée en juillet 1993. Une réforme des retraites applicable aux salariés du privé fut adoptée : la durée de cotisation nécessaire à l’obtention d’une retraite à taux plein passa progressivement de 37,5 à 40 annuités et le montant de la pension fut calculé sur vingt-cinq années de salaire, contre dix auparavant.

De 1997 à 2002, le gouvernement Jospin fera lui aussi adopter de nombreuses mesures à gauche. En décembre 1997, il présente sa réforme de réduction du temps de travail. Jacques Chirac dénonce une « mesure autoritaire et générale », mais la réforme des 35 heures passera – à travers deux lois, en 1998 et 2000, avant d’être applicable dans toutes les entreprises dès 2002. Parmi les principales lois adoptées sous ce gouvernement, et auxquelles Jacques Chirac était opposé, on compte également celle instaurant la couverture maladie universelle (CMU) en juillet 1999 ou la création du pacte civil de solidarité (PACS) en octobre 1999.

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