
LE PAYS DE GALLES SERA LE PREMIER
Le Parlement gallois, résume le «sombre» état de la politique britannique. Il vient de voter une loi visant à criminaliser le mensonge en politique, législation que le gouvernement travailliste gallois a promis d’appliquer d’ici aux prochaines élections législatives, en 2026.
ARTICLE – Ce pays va devenir le premier à interdire le mensonge en politique
Matthias Troude – 4 juillet 2024 – Repéré sur The Guardian – SLATE
Les parlementaires pourraient être exclus et les candidats disqualifiés.
«Boris Johnson est arrivé au pouvoir comme il est parti: en mentant.» C’est ainsi que Lee Waters, ancien ministre et membre du Senedd, le Parlement gallois, résume le «sombre» état de la politique britannique. Il vient de voter une loi visant à criminaliser le mensonge en politique, législation que le gouvernement travailliste gallois a promis d’appliquer d’ici aux prochaines élections législatives, en 2026. Le Pays de Galles deviendrait ainsi le premier pays au monde à punir les politiciens pour leurs mensonges et tromperies.
Adoptée ce mardi 2 juillet après une très longue journée de débats, cette proposition vient de l’opposition. Elle a été insérée dans un projet de loi qui testera l’inscription automatique des électeurs sur les listes électorales. Le gouvernement y était d’abord opposé, craignant que le Parlement ne dispose pas du pouvoir pour faire voter une telle loi.
C’est Adam Price, du parti écologiste et indépendantiste Plaid Cymru, qui a porté son amendement jusqu’au bout. Il milite en ce sens depuis 2004, lorsqu’il a essayé de destituer le Premier ministre de l’époque Tony Blair pour ses mensonges sur la guerre en Irak.
«Le mensonge en politique est une menace existentielle, plaide-t-il. Une démocratie commence à s’effondrer si les électeurs ne peuvent plus faire confiance aux élus. Alors il faut innover, essayer des choses différentes.» Adam Price veut croire au «début d’un mouvement global» qui «rendra le mensonge illégal en politique».
Concrètement, tout «parlementaire ou candidat au Senedd reconnu coupable, par une procédure judiciaire indépendante, de tromperie délibérée» sera «disqualifié», d’après Mick Antoniw, le conseiller général du gouvernement gallois. Une rétractation des propos et des excuses publiques sous quatorze jours pourront toutefois permettre d’échapper aux sanctions.
Les Britanniques n’ont jamais eu aussi peu confiance en leurs responsables politiques
Avec ce strict attachement à la vérité, les membres du Parlement gallois seront «soumis aux mêmes normes que les avocats et les médecins, qui ont déjà des obligations contraignantes en matière d’énonciation de la vérité», se réjouit l’avocat Sam Fowles, qui a conseillé Adam Price dans la conception de cet amendement.
Les partisans de cette proposition espèrent de fait restaurer la confiance envers les parlementaires et ministres. Et il y a urgence: selon le dernier baromètre Ipsos en la matière, les citoyens britanniques n’ont jamais aussi peu cru les propos de leurs responsables politiques. En n’obtenant la confiance que de neuf petits pourcents de la population, la profession est loin derrière les publicitaires et les journalistes, qui referment ce classement.
L’initiative galloise espère créer un effet domino sur les démocraties libérales. Car, de l’Amérique du Nord à l’Australie en passant par l’Europe, nombreux sont les experts du discours politique à dénoncer l’avènement de l’ère de la «post-vérité» comme un danger pour la démocratie.
Les élections européennes de 2024 en France ont par exemple été l’occasion de constater, d’après le professeur de rhétorique à Sciences Po Paris Clément Viktorovitch, une «indifférence à la vérité». Dans le monde politico-médiatique français, selon lui, la véracité des faits n’a plus d’importance tant «que suffisamment de personnes [ont] envie d’y croire». Une évolution que les Britanniques, comme les Américains, connaissent bien.
Alors avant de séduire le reste du monde, cette loi inspirera-t-elle le Parti travailliste britannique qui devrait, sauf surprise, remporter les élections générales ce jeudi 4 juillet? Réponse au cours des cinq prochaines années.