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Dissolution et Législatives: « c’est le foutoir » Point de vue

Emmanuel Macron en quête d’une coalition introuvable

TITRE LE MONDE ( Claire Gatinois et Nathalie Segaunes 9 7 ) QUI POURSUIT :

« Le chef de l’Etat espérait une « clarification » après les législatives. L’absence de majorité rend l’équation encore plus complexe qu’avant la dissolution. Le camp présidentiel se divise déjà entre partisans d’un accord avec la gauche ou avec la droite. 

Jamais Emmanuel Macron n’aura émis le moindre regret. Ce lundi 8 juillet encore, devant les cadres de Renaissance et les chefs de parti de son camp conviés à l’Elysée, le président de la République ne laisse paraître aucun remords quant à son choix de dissoudre l’Assemblée nationale, le 9 juin. Une décision qui a tant meurtri les siens. « La participation [aux élections législatives des 30 juin et 7 juillet] montre que la dissolution répondait à un besoin d’expression démocratique », souligne-t-on à l’Elysée. 

Au lendemain du second tour de ce scrutin anticipé, l’opération de « clarification » qu’espérait le chef de l’Etat a pourtant toutes les allures d’un fiasco. Les troupes macronistes sortent « déplumées » de plus de 80 députés (168 sièges contre 250 lors de la précédente législature), et aucune majorité claire n’a vu le jour. Si le Nouveau Front populaire (NFP) a raflé le plus grand nombre de sièges (182), l’alliance de gauche ne peut gouverner seule.… » …/…

ARTICLE – Législatives 2024: le message électoral est clair, c’est le foutoir

Jean-Marc Proust — Édité par Louis Pillot – 8 juillet 2024 SLATE

Ce n’est pas encore cette fois que le Rassemblement national accèdera au pouvoir. Mais nous n’avions jamais senti d’aussi près le vent du boulet. À présent, il s’agit de trouver des solutions pour gouverner et changer la manière de le faire.

Ce lundi 8 juillet 2024, l’Assemblée nationalene dispose pas de majorité visible. Le Nouveau Front populaire (NFP) compte 182 députés, la coalition Ensemble en aligne 168 et le Rassemblement national (RN) 143. Aucun de ces trois blocs ne dispose d’une majorité absolue, ni même relative, y compris en additionnant les 84 députés restants –dont 45 issus des Républicains (canal historique).

Dans la plupart des démocraties, la simple lecture des résultats des ces élections législatives anticipées appellerait à la formation d’une coalition. Cette hypothèse est-elle envisageable en France? Notre personnel politique n’y paraît ni prêt ni favorable. Mais a-t-il vraiment le choix?

Un résultat clair: le foutoir

Paradoxe lors de l’énoncé des résultats ce 7 juillet au soir: tout le monde a perdu, mais tout le monde peut prétendre avoir gagné. Le RN progresse très nettement en sièges, mais reste loin de la majorité absolue qui lui fut un temps promise par les sondages. La gauche arrive en tête mais, elle aussi, est incapable de gouverner seule, d’autant plus que des divergences profondes subsistent en son sein.

L’ancienne majorité présidentielle peut se prévaloir d’une dissolution surprise réussie en ce qu’elle éloigne un instant la victoire du RN et qu’elle a réussi à… ne pas totalement disparaître. Mais elle ne préserve ses sièges qu’à la faveur des désistements et se trouve dans l’impossibilité non seulement de gouverner, mais aussi de diriger une éventuelle coalition.

POLITIQUELégislatives 2024: une Assemblée nationale sans majorité claire, vers un «3e tour» incertain

Profondément divisée et indécise, cette Assemblée nationale est à l’image du pays. Le message électoral est clair: c’est le foutoir. À charge pour le personnel politique de se débrouiller pour faire quelque chose d’ordonné à partir de ce message illisible. Cela demande beaucoup de responsabilité et de hauteur de vue. Au vu des débats de la soirée électorale, aussi convenus que creux et misérables, on en est loin. Les hommes et femmes politiques français semblent incapables de mesurer la gravité de la situation.

Faire comme si de rien n’était?

Le rejet du Rassemblement national est réel. Des désistements massifs et exemplaires ont permis la victoire d’un front républicain pour éviter le saut dans l’inconnu. Mais ce rejet apparaît timide au regard de la progression régulière de ce parti en nombre de voix, élection après élection. Il regroupe désormais 143 députés et l’on pousse un «ouf» de soulagement? C’est dire combien nous nous percevons en sursis.

Et, puisque nous voilà en sursis pour au moins un an, trois peut-être, la tentation est grande de faire comme si de rien n’était. Les parlementaires s’apprêtent à reprendre leurs occupations politiques classiques. À commencer par leur jeu favori: se répartir les postes. Qui sera à Matignon? À qui distribuera-t-on les portefeuilles? Peut-on continuer tranquillement à s’engueuler sur les plateaux télé? Comme nombre de députés ont été élus par défaut, grâce au front républicain, leur légitimité est faussée. Il est probable qu’ils n’en ont cure.

La fracture entre les villes et le reste du pays est béante. Elle nourrit une frustration croissante qui alimente un rejet tragique des élites.

Or, ce 8 juillet, pour une part non négligeable (à tous les sens du terme) de l’électorat, c’est la gueule de bois. Les électeurs du RN se sentent floués et doivent penser qu’il y a eu d’une certaine manière un «vol» de l’élection, par le front républicain, ces alliances bricolées entre adversaires qui s’insultaient copieusement la veille. Comment leur donner tort? Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Avec environ 7 millions de voix, la gauche crie qu’elle gagné; avec près de 10,1 millions de voix, l’union de l’extrême droite (le RN et les LR ciottistes) constate qu’elle a perdu.

Quoi que l’on pense de ces électeurs, les traiter de racistes, parfois avec raison, et de sous-doués n’est pas une solution. On ne peut pas durablement faire comme si cette France n’existait pas. La fracture entre les villes et le reste du pays est béante. Elle nourrit une frustration croissante qui alimente un rejet tragique des élites.

Faire face à un déferlement de contestations

Les parlementaires nouvellement élus ont trois ans pour recoudre un lien entre «ceux qui réussissent et ceux qui ne sont rien», selon l’expression ô combien malheureuse et ô combien symbolique d’Emmanuel Macron. Trois ans, ce n’est rien au regard de décennies de politiques publiques inefficaces.

Or, au vu des résultats, personne n’est en mesure aujourd’hui d’appliquer unprogramme. Déjà, des voix s’élèvent pour évoquer ici un décret, là un article 49.3, qui actent de cette difficulté. D’ailleurs, qui peut croire qu’en imposant un uniforme à l’école ou en changeant le curseur de l’âge du départ en retraite, on calmera un ressentiment bien plus profond? Aucune mesure de cet ordre ne peut amorcer un changement en profondeur. La France a besoin d’apaisement, mais elle ne sait exprimer que de la colère.

Il s’agit donc d’aller entendre cette colère au plus près, d’écouter, de prendre le temps. Le prochain gouvernement serait bien avisé de n’inscrire aucun projet de loi à son calendrier, mais plutôt de réfléchir à un renouveau démocratique mille fois promis, jamais tenu. La Ve République sait être verticale comme elle sait devenir parlementaire. Mais elle est démunie face à un mouvement profond de contestation de la démocratie représentative. Qui plus est, elle affronte aussi des contestations nouvelles: refus de la science, de la rationalité, complotisme, prolifération des fake news… Le débat public s’en trouve tragiquement faussé.

On arrête tout, on réfléchit et c’est pas triste?

Or, non figée, la Ve République a probablement la souplesse nécessaire pour intégrer cette demande de dialogue supplémentaire, qui refuse le «couperet» des échéances électorales. Le futur gouvernement aurait donc tout intérêt à réfléchir à un nécessaire renouveau démocratique en se montrant ouvert et inventif.

Des pistes ont été ouvertes, de la convention citoyenne au grand débat, en passant par le référendum local ou la primaire populaire. Il y en a probablement de nombreuses autres à explorer pour retisser des liens qui s’effilochent dangereusement. Ce ne sera pas suffisant et ne résoudra qu’une partie de nos problèmes, mais nous avons besoin de reconstruire un socle commun pour affronter la suite.

Nous avons trois ans. C’est peu, très peu. La responsabilité de cette Assemblée nouvellement élue apparaît immense. Que peut-elle faire de ce message électoralbordélique? Continuer les petits jeux politiciens et faire comme si de rien n’était? Ou avoir l’intelligence de faire primer l’intérêt général sur les ambitions personnelles? J’aimerais tellement être optimiste.

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