
ARTICLE – Suède, Finlande, Danemark… Avantages et inconvénients de coalitions dont pourrait s’inspirer la France
INTERVIEW – Suède, Finlande, Danemark, Norvège… Professeur de sciences politiques à l’université de Göteborg en Suède, Marie Demker fait le point sur le fonctionnement des coalitions gouvernementales en Europe du Nord. Un modèle jusqu’à récemment fondé sur la culture du consensus et du respect, qui pourrait inspirer les politiques français à la recherche de nouveaux équilibres institutionnels.
Challenges – Quelles sont les caractéristiques du modèle nordique de gouvernement de coalition ?
Marie Demker – Ce modèle réunit généralement des partis de gauche ou de droite, et mélange rarement les deux. La Finlande fait toutefois figure d’exception car, depuis la guerre, elle a souvent connu des gouvernements dans lesquels étaient représentés à la fois des partis de gauche et de droite.
Précision toutefois importante : les pays scandinaves ont un système électoral proportionnel. Ce sont les partis qui présentent les candidats. L’électeur choisit ainsi une liste de parti et non un candidat, ce qui facilite et rend nécessaires les coalitions et compromis. Cela signifie aussi que les parlements comptent généralement six à huit partis, dont un ou deux sont légèrement plus grands, et les autres légèrement plus petits. En Norvège et en Suède, les sociaux-démocrates forment le parti le plus fort depuis la guerre, mais il y a eu des alternances de gouvernements dans lesquels les partis de centre droit ont été les plus forts. Le Danemark avait un système de partis plus fragmenté, mais aujourd’hui, la Suède et le Danemark se ressemblent plus qu’avant.
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Quels sont les avantages et les mauvais côtés de ce modèle ?
Les avantages, ce sont les compromis qui durent longtemps et un alignement des extrêmes. La nécessité de négocier apprend à chacun (et aussi aux électeurs) à faire preuve de patience, mais aussi d’un certain respect pour l’adversaire. Les discussions se font dans un climat politique dans lequel on sait que l’adversaire pourrait être son propre partenaire après les prochaines élections. Il s’agit donc de ne pas couper les ponts avec les autres forces politiques.
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Côté désavantage du modèle, on voit qu’avec de très nombreux partis, il peut y avoir le risque d’une impasse, aucun n’étant prêt à faire des compromis et se bloquant mutuellement. Il en résulte alors des réformes qui ne sont pas mises en œuvre, avec trop de palabres et pas suffisamment de politique. Autre inconvénient : les petits partis perdent plus de soutien que les grands partis pendant la durée du gouvernement. Enfin, la politique peut évoluer vers un jeu où chacun veut montrer quelque chose à ses électeurs et à ses membres, plutôt que de se concentrer sur l’intérêt national.
Un pays est-il plutôt un modèle pour la France et pourquoi ?
En Suède, de nombreux gouvernements de coalition ont été des gouvernements minoritaires. Le plus important, c’est qu’ils soient tolérés et qu’ils aient des partis qui les soutiennent. Les autres partis respectent normalement le gouvernement et ne bloquent ni le budget ni les réformes importantes. Mais ce modèle n’est pas immuable. Depuis l’arrivée des Démocrates de Suède au Parlement, les choses ont changé et il est devenu beaucoup plus difficile de gouverner.