
Au moment où le « tout sauf le RN » est suivi, en sens contraire, par le « tout sauf LFI »,
il a semblé interessant à nos contributeurs de revenir sur la stratégie de la gauche qui fait ( plus que jamais ? ) une place de premier choix au vote des personnes d’origine étrangère et tout particulièrement aux musulmans. ( sans oublier le terrorisme du Hamas, la guerre à Gaza, l’antisémitisme )
LA STRATÉGIE TERRA NOVA REMISE EN CAUSE ? VRAIMENT ?
« Aujourd’hui, face à la victoire du RN parmi les ouvriers et employés, François Ruffin prend ses distances avec Jean-Luc Mélenchon et déclare dans Le Monde qu’il est nécessaire d’abandonner cette stratégie pour reconquérir cet électorat historique : « Depuis deux ans, LFI, c’est la stratégie Terra Nova avec le ton du Nouveau Parti anticapitaliste. » » VOIR L’ARTICLE 1
« La classe ouvrière n’est plus le cœur du vote de gauche, elle n’est plus en phase avec l’ensemble de ses valeurs. »
explique Terra Nova dans sa note. Il s’agit bien d’un abandon historique : celui de la classe ouvrière par la gauche au profit de populations urbaines, issues des centres-villes et des banlieues défavorisées. VOIR SYNTHÈSE
Avant la présidentielle de 2022, la gauche tente de rompre avec la stratégie Terra Nova
Plus de dix ans après la parution de la note, tristement célèbre, qui dessinait le divorce de la gauche et de la classe ouvrière, plusieurs figures du Parti socialiste prennent la parole pour préconiser un retour aux fondamentaux et reconquérir les classes populaires. VOIR ARTICLE 2
DE LA FRANCE DE LA DIVERSITÉ À L’ISLAMO-GAUCHISME
TERRA NOVA : «C’est un fait politique important: la France de la diversité est aujourd’hui la composante la plus dynamique, tant électoralement que démographiquement, de la gauche en France.» VOIR ARTICLE 3
« Faire campagne sur ses valeurs, socioéconomiques mais surtout sur la promotion des valeurs culturelles qui rassemblent toutes les composantes de son nouvel électorat »
Le positionnement était assumé sans faux semblant par Terra Nova, qui résumait ainsi sa « stratégie centrale » : « pour faire le plein, la gauche doit faire campagne sur ses valeurs, socioéconomiques mais surtout sur la promotion des valeurs culturelles qui rassemblent toutes les composantes de son nouvel électorat. Elle doit dès lors mettre l’accent sur l’investissement dans l’avenir, la promotion de l’émancipation et avoir un discours d’ouverture sur les différences, et sur une identité nationale intégratrice »[5]. VOIR ARTICLE 4
Européennes 2024 : 62% des électeurs musulmans ont voté pour LFI
Selon une étude – sondage Ifop pour La Croix – plus de 60% des musulmans français ont voté pour la liste de La France Insoumise aux élections européennes, dimanche 9 juin. Des résultats dans la continuité de l’élection présidentielle de 2022, durant laquelle 69 % d’entre eux avaient choisi Jean-Luc Mélenchon.
LE VOTE MUSULMAN 2022 : 69 % POUR MELENCHON
« Le score de Jean-Luc Mélenchon auprès de ce segment religieux est peut-être la donnée la plus marquante de l’élection. Selon le sondage réalisé par l’IFOP[13] en sortie d’urnes, 69% des votants de confession musulmane ont glissé un bulletin à son nom au premier tour de l’élection présidentielle. Ce score est d’autant plus impressionnant qu’il n’était que de 37% en 2017.Notons aussi que les musulmans n’ont pas été plus abstentionnistes que la moyenne : 23% d’abstention au premier tour, contre 25,1% sur l’ensemble des inscrits. Au second tour et toujours selon l’IFOP, 85% des suffrages musulmans se sont portés sur Emmanuel Macron, contre 92% en 2017[14]. » VOIR ARTICLE 4
QUAND L’OPINION DES MUSULMANS FAIT TREMBLER LA RÉPUBLIQUE ET LA DÉMOCRATIE
72 % des Français de confession musulmane désapprouvent l’interdiction des tenues traditionnelles islamiques – qamis et abayas – dans les écoles et les lycées (quand 81 % de l’ensemble de la population française l’approuvent au contraire)
« Pour 78% des Français de confession musulmane, la laïcité « telle qu’elle est appliquée » est discriminatoire »
78 % estiment que la laïcité « telle qu’elle est appliquée aujourd’hui par les pouvoirs publics » est « discriminatoire envers les musulmans »
2 SUR 5 NE CONDAMNENT PAS NETTEMENT OU CLAIREMENT L’ASSASSINAT DE DOMINIQUE BERNARD
DONT 16 % des Français de confession musulmane n’expriment pas de condamnation totale à l’endroit du terroriste d’Arras, auteur du meurtre à l’arme blanche de Dominique Bernard
DONT 5 % ne le condamnent pas du tout,
DONT 11 % condamnent tout en partageant «certaines des motivations» du terroriste islamiste.
DONT 6 % de musulmans qui se disent «indifférents». ( Cette proportion est plus significative encore chez les musulmans de plus de 15 ans, actuellement en scolarité : 31 % d’entre eux ne condamnent pas totalement le tueur d’Arras, et 7 % sont indifférents.) VOIR ARTICLE 5
NOS PRÉCÉDENTES PUBLICATIONS
metahodos.frhttps://metahodos.fr › 2023/12/09LA « BOMBE » DE L’OPINION DES FRANÇAIS MUSULMANS SUR LA …9 déc. 2023 — QUAND L’OPINION DES MUSULMANS FAIT TREMBLER LA RÉPUBLIQUE ET LA DÉMOCRATIE 72 % des Français de confession musulmane …
Metahodoshttps://metahodos.fr/2022/10/27/comment-les-islamistes-ont-oriente-le-vote–musulman…NOTE DU SERVICE CENTRAL DU RENSEIGNEMENT SUR LE « VO…WEB27 oct. 2022 · L’objectif est de comprendre pourquoi 69% des électeurs musulmans ont glissé un bulletin de vote quelques semaines plus tôt en faveur de Jean-Luc Mélenchon, tel qu’une étude de l’Ifop le révélait dans La Croix. Un « vote musulman …
metahodos.frhttps://metahodos.fr › 2023/12/20DE L’OPINION DES FRANÇAIS MUSULMANS SUR LA LAÏCITÉ ET LA ...20 déc. 2023 — DONT 11 % condamnent tout en partageant «certaines des motivations» du terroriste islamiste. DONT 6 % de musulmans qui se disent …
metahodos.frhttps://metahodos.fr › 2021/05/06L’ISLAMISME EN NOS BANLIEUES : « LES TERRITOIRES CONQUIS DE L’ … 6 mai 2021 — En 2005, l’islamologue Mohammed Arkoun (1928-2010) publiait un essai intitulé Humanisme et islam(Vrin), où il déplorait que la religion dont il …
1. ARTICLE – Qu’est-ce que la «stratégie Terra Nova» qui déchire la gauche ?
Article de leJDD
Qu’est-ce que Terra Nova ?
Fondé en 2008 par Olivier Ferrand, Terra Nova est un laboratoire d’idées politique de gauche progressiste, étroitement lié au Parti Socialiste. Son objectif principal est de proposer des solutions politiques et stratégiques à la gauche européenne ainsi qu’aux différents partis politiques. Ces propositions sont accessibles librement sur leur site internet.
Terra Nova se concentre sur cinq actions principales, clairement définies sur leur plateforme :
Proposer des solutions innovantes
Mobiliser un réseau d’experts de haut niveau
Dialoguer avec les décideurs publics et privés
Diffuser nos idées le plus largement possible
Animer le débat et la délibération démocratiques
Dans ses travaux, Terra Nova collabore étroitement avec un large réseau de chercheurs, d’élus et d’associations, ce qui lui permet d’accéder à une vaste base de données, notamment statistiques. Parmi les membres fondateurs et les personnalités influentes de cet organisme figurent des figures majeures de la gauche, telles que Daniel Cohn-Bendit, initiateur du mouvement de mai 68, et Bertrand Delanoë, ancien maire socialiste de Paris.
Que contient la note de 2011 qui a déchiré la gauche ?En 2011, Terra Nova, fait paraître une note. Ce document de 82 pages publié en accès libre sur le site officiel de Terra Nova a été intitulé : « Gauche : Quelle majorité électorale pour 2012 ? » Elle est présentée par les présidents de l’enquête : Bruno Jeanbart directeur d’Opionway et Olivier Fernand, ancien président de Terra Nova, et un rapporteur : Romain Prudent, secrétaire générale de Terra Nova puis directeur de cabinet du porte-parole du gouvernement de Manuel Valls.
Cette note recommande de tourner le dos aux ouvriers et aux employés pour se concentrer sur une nouvelle majorité électorale urbaine, dans le but de conquérir le pouvoir.
Concrètement, cela se traduit par un abandon relatif de la classe ouvrière, qui tend à se diriger vers la droite, au profit d’une séduction de l’électorat urbain, des jeunes diplômés et des jeunes des banlieues. La note suggère de mettre davantage l’accent sur les questions sociétales d’inclusion et de progrès, en ligne avec les idéaux de mai 68 : liberté sexuelle, contraception et avortement, remise en question de la famille traditionnelle. Elle détaille ensuite la manière dont cette stratégie doit être adaptée selon les différentes classes sociales et niveaux de vie.
Quelle est l’impact de la stratégie Terra Nova à gauche ? Dès sa publication, la note suscite de vives critiques et est rapidement perçue comme un acte de rupture entre la gauche du PS et le monde ouvrier (bien que cela ne reflète pas entièrement la réalité).
À l’époque, Marianne titre : « Quand la gauche dit ‘adieu’ aux ouvriers et employés. »Néanmoins, cette stratégie est adoptée par François Hollande, qui remporte l’élection présidentielle l’année suivante. Depuis plusieurs années, Jean-Luc Mélenchon s’est appuyé sur la note de Terra Nova.
Aujourd’hui, face à la victoire du RN parmi les ouvriers et employés, François Ruffin prend ses distances avec Jean-Luc Mélenchon et déclare dans Le Monde qu’il est nécessaire d’abandonner cette stratégie pour reconquérir cet électorat historique : « Depuis deux ans, LFI, c’est la stratégie Terra Nova avec le ton du Nouveau Parti anticapitaliste. »
ARTICLE 2 DE 2021 – Avant la présidentielle, la gauche tente (enfin) de rompre avec la stratégie Terra Nova
Mieux vaut tard que jamais
Par Hadrien Brachet Publié le 31/12/2021
Plus de dix ans après la parution de la note, tristement célèbre, qui dessinait le divorce de la gauche et de la classe ouvrière, plusieurs figures du Parti socialiste prennent la parole pour préconiser un retour aux fondamentaux et reconquérir les classes populaires.
« Une erreur funeste » pour Bernard Cazeneuve . En 2011, le think tank Terra Nova publiait une note, restée dans les mémoires, qui dessinait un nouvel électorat pour la gauche. Fini la « coalition historique fondée sur la classe ouvrière », vive « la France de demain » articulée autour des tenants du libéralisme culturel : les jeunes, les diplômés, les femmes ou les minorités.
Une analyse reçue, à l’époque, comme un aveu d’abandon des classes populaires par le Parti socialiste (PS). Dix ans après, à quelques mois de la présidentielle, plusieurs voix à gauche s’en prennent à la note de Terra Nova et semblent (enfin) acter l’échec de sa stratégie.
« DÉSARRIMAGE ENTRE LA GAUCHE ET LES CLASSES POPULAIRES »
Le think-tank enfonce le clou: «C’est un fait politique important: la France de la diversité est aujourd’hui la composante la plus dynamique, tant électoralement que démographiquement, de la gauche en France.»
Publiée le 10 mai 2011, intitulée « Gauche : quelle majorité électorale pour 2012 ? » , le texte de Terra Nova, devenu au fil des ans un brûlot tant il a suscité d’attaques, tentait d’esquisser la stratégie du PS pour la prochaine présidentielle. D’après les auteurs de la note « la coalition historique qui a porté la gauche depuis près d’un siècle, fondée sur la classe ouvrière » était alors « en déclin ». La faute, selon eux, à un « rétrécissement démographique de la classe ouvrière » et, surtout, aux ouvriers eux-mêmes qui ne seraient pas en phase avec le libéralisme culturel adopté par la gauche depuis 1968. En somme, des ouvriers pas assez nombreux et trop conservateurs.
Le rapport préconise donc de se tourner vers une nouvelle coalition : « la France de demain » composée des « diplômés », des « jeunes », des « minorités » et des « femmes ». « L’identité de la coalition historique était à trouver dans la logique de classe, la recomposition en cours se structure autour du rapport à l’avenir » pointe Terra Nova. À la poubelle ces vieilles idées marxistes de lutte des classes qu’il ne faudrait surtout pas essayer de ressusciter, car pas assez intéressantes électoralement. « Le point d’aboutissement du désarrimage entre la gauche et les classes populaires enclenché de manière plus ou moins consciente depuis une trentaine d’années » analysait le politologue Jérôme Fourquet en mai dernier dans Marianne .
Le score de Jean-Luc Mélenchon auprès de ce segment religieux est peut-être la donnée la plus marquante de l’élection. Selon le sondage réalisé par l’IFOP[13] en sortie d’urnes, 69% des votants de confession musulmane ont glissé un bulletin à son nom au premier tour de l’élection présidentielle. Ce score est d’autant plus impressionnant qu’il n’était que de 37% en 2017.Notons aussi que les musulmans n’ont pas été plus abstentionnistes que la moyenne : 23% d’abstention au premier tour, contre 25,1% sur l’ensemble des inscrits. Au second tour et toujours selon l’IFOP, 85% des suffrages musulmans se sont portés sur Emmanuel Macron, contre 92% en 2017[14].
À l’époque déjà, le rapport avait fait bondir. Un « cynisme électoral » pour l’UMP (ex Les Républicains), un « sabordage idéologique » pour le Parti communiste. Au PS, on s’affronta en interne entre partisans de la ligne strausskahnienne d’un côté et soutiens d’une gauche populaire, proches de Montebourg, de l’autre. François Hollande tenta de les réconcilier un temps, prônant à la fois le mariage pour tous et désignant la finance comme son ennemi. Renvoyant aux calendes grecques, dans le registre de la « synthèse » chère à l’ex premier secrétaire, la clarification sur la ligne idéologique.
Les naturalisations font même explicitement partie du calcul électoral : « ce sont entre 500 000 et 750 000 nouveaux électeurs, naturalisés français entre 2007 et 2012, qui pourront participer au prochain scrutin présidentiel »[6], écrivait la fondation en 2011. Ajoutons que près de 4 millions de personnes ont acquis la nationalité française entre 1982 et 2019[7].
UNE « ERREUR FUNESTE »
Dix ans après la publication de la note, alors que la gauche patauge dans les profondeurs des sondages à quelques mois de la présidentielle, ce moment est peut-être venu. Plusieurs interventions dans la presse ces derniers jours le laissent penser. Fidèle à la ligne des communistes, Ian Brossat, directeur de campagne de Fabien Roussel, alertait ce 29 décembre dans Libération : « si [la gauche] veut gagner, elle doit reconquérir les ouvriers, les employés, le monde du travail ».
Mais surtout, même chez les « éléphants » du PS, on s’en prend désormais ouvertement à cette note. Dans un entretien paru dans le numéro d’hiver de la revue Le Droit de vivre , Bernard Cazeneuve entreprend une violente charge, sans citer la structure, contre la stratégie Terra Nova. « En 2012, un think tank avait théorisé l’idée que la disparition des classes populaires devait conduire à leur substituer les minorités comme autant de catégories de référence » estime l’ex Premier ministre de François Hollande. Pour lui, pas de doute, il s’agissait d’une « erreur funeste », « car un parti politique n’a pas à parler à des segments en particulier de la société, mais à la Nation tout entière ».
« On court désespérément derrière des minorités comme après autant de clientèles, en cherchant à tout prix à les séduire, avec la préoccupation d’un bénéfice électoral à court terme. […] La conviction est pour moi ce qui permet à la politique de s’ancrer dans le temps long, alors que la séduction est toujours déceptive » tranche celui qui était un temps pressenti pour représenter le PS aux prochaines présidentielles, à la place d’Anne Hidalgo .
VIRAGE AU PS ?
Jusque dans l’écurie de la maire de Paris, pourtant elle aussi réputée pour son ancrage bien social-démocrate, on n’hésite pas à critiquer la note Terra Nova. Encore dans Libération , un membre de l’équipe de la candidate est décrit comme « assumant le label anti Terra Nova » et plaide pour reconquérir « ces gens qui travaillent mais ont l’impression de ne plus réussir à vivre dignement ».
En août dernier, aux universités d’été du PS, c’est Olivier Faure lui-même qui prenait ses distances. « Il y a, paraît-il, une note qui depuis des années nous poursuit, une note de Terra Nova, présentée comme étant la source de notre inspiration stratégique, avançait le premier secrétaire du parti socialiste. Nous aurions fait, nous, le choix d’abandonner les catégories populaires pour nous appuyer exclusivement sur quelques minorités actives. Aujourd’hui, je veux tordre le cou à cette fable. Je ne me sens aucun lien avec cette note, c’est simple, c’est clair ! »
RECONQUÉRIR LES CLASSES POPULAIRES
Clair, surtout, qu’en panne sèche dans les sondages, la gauche ne peut plus vraiment faire l’économie des catégories populaires pour tenter de reconquérir l’Élysée. D’où l’accent mis depuis le début de la campagne par les candidats de gauche sur des thématiques socio-économiques, comme le travail, l’industrie ou le pouvoir d’achat. D’où, aussi, la volonté de Christiane Taubira, perçue comme la figure même de la « gauche sociétale », d’insister sur la lutte contre les «inégalités », le « désarmement industriel » ou les « services publics » dans sa tribune publiée dans Le Monde . Pas sûr néanmoins que ce retour aux fondamentaux à quelques mois du scrutin, que certains jugeront sans nul doute opportun, permette à la gauche de sauver la donne.
Difficile pour autant de faire autrement. Et c’est même… Terra Nova qui le dit. S’il défend dans une analyse parue en novembre dernier que « contrairement à ce que prétend aujourd’hui Arnaud Montebourg, [la note de 2011] ne recommandait pas à la gauche « d’abandonner les classes moyennes et populaires » au profit d’une « bourgeoisie libérale et optimiste » », le directeur actuel du think tank Thierry Pech reconnaît : « il était certainement inopportun et même franchement déplacé, à l’orée d’une campagne présidentielle, d’envoyer le signal que la gauche devait se détourner d’une partie de la société, et de qualifier la nouvelle coalition de « France de demain » en suggérant que ceux qui n’en étaient pas appartenaient de fait au passé et entreraient bientôt dans les livres d’histoire. » Dont acte.
ARTICLE 3 DE 2014 – Quand Terra Nova conseillait au PS d’investir sur le vote des immigrés français
Par Jean-Marc Leclerc. Publié le 18/09/2014
Le think-tank socialiste Terra Nova avait éclairé la stratégie à adopter par la gauche pour capter l’électorat immigré lors des scrutins de 2012.
Les paroles s’envolent, les écrits restent. Dans sa «contribution no 1» au projet 2012 du PS, sous le titre «Gauche: quelle majorité électorale pour 2012?», le think-tank socialiste Terra Nova avait éclairé la stratégie à adopter par la gauche pour capter l’électorat immigré. Une analyse qui n’a pas pris une ride dans la perspective des prochaines échéances électorales.
Le raisonnement se veut imparable. «Les ouvriers votent de moins en moins à gauche», rappellent d’abord les auteurs de l’étude. La tentation du FN, il est vrai, est forte. Dans le même temps, «la France de la diversité est presque intégralement à gauche», écrivent-ils, soulignant «un alignement très fort des Français immigrés et de leurs enfants sur la gauche». Ils précisent même: «Le rapport de force droite-gauche y est extrême, de l’ordre de 80-20 voire 90-10». Selon eux, «la seule exception est la première génération d’origine asiatique, qui reste polarisée à droite par anticommunisme».
L a France de la diversité est aujourd’hui la composante la plus dynamique, tant électoralement que démographiquement,de la gauche en FranceLe think thank socialiste Terra Nova
Et la démonstration, un brin cynique, se poursuit: «La population des Français issus de l’immigration est en expansion et en mutation identitaire: en 2006, près de 150.000 acquisitions de nationalité française ont été accordées (…) ; dans l’hypothèse d’une continuation à l’identique, ce sont entre 500.000 et 750.000 nouveaux électeurs, naturalisés français entre 2007 et 2012, qui pourront participer au prochain scrutin présidentiel sans avoir pu participer au précédent.»
La naturalisation massive d’immigrés âgés s’inscrit-elle dans cette stratégie? Est-elle le produit d’un calcul politique?
À Beauvau ou à Matignon, Manuel Valls a dévoilé ses intentions depuis le départ: parvenir à plus de 100.000 naturalisations d’étrangers par an. Ils étaient 70.000 naturalisés en 2013. Le chiffre 2014 devrait être encore plus élevé. Une naturalisation simplifiée pour les étrangers âgés issus des pays d’Afrique, mais aussi des pays européens, devrait évidemment amplifier le phénomène.
ARTICLE 4 – Mélenchon et le vote immigré : le triomphe de Terra Nova ?
8 décembre 2022 Observatoire de l’immigration
Le 10 mai 2011, la fondation Terra Nova publiait une note vouée à connaître un destin retentissant. Intitulée Gauche : quelle majorité électorale pour 2012 ?[1], celle-ci prenait acte de la désaffection grandissante de l’électorat ouvrier classique à l’égard du Parti socialiste et de ses alliés.
Elle recommandait à ses dirigeants de travailler à la construction d’une « nouvelle coalition » à vocation majoritaire, baptisée « la France de demain », devant rassembler à la fois les « diplômés », les « jeunes », les urbains… mais aussi « les minorités et les quartiers populaires » – caractérisant ainsi les électeurs issus de l’immigration récente.Cette stratégie n’était pas fondée sur une vue de l’esprit.
L’enquête menée par le sociologue Vincent Tiberj dans le cadre de cette note démontrait que « l’auto-positionnement des individus révèle un alignement très fort des Français immigrés et de leurs enfants sur la gauche. Le rapport de forces gauche-droite y est extrême, de l’ordre de 80-20, voire 90-10%. Il se vérifie quelle que soit l’origine nationale, mais il est le plus massif pour les Français d’origine africaine (tant subsaharienne que maghrébine) et se renforce nettement pour la seconde génération par rapport à la première (de l’ordre de 10 points) »[2].
Une telle surreprésentation constitue une opportunité toujours plus évidente pour le camp politique concerné, à la fois du fait de l’accélération des flux migratoires depuis la seconde moitié des années 1990 – documentée notamment par Michèle Tribalat – et de la plus forte natalité des populations issues de l’immigration. Entre 1998 et 2018, le nombre de naissances d’enfants dont au moins un des parents est étranger a augmenté de 63,6%, celui des naissances d’enfants dont les deux parents sont étrangers a progressé de 43%, tandis que les naissances issues de deux parents français diminuaient de 13,7%[3].
Notons que la France est loin d’être le seul pays concerné par de tels constats. En effet, le vote à gauche de « minorités ethniques » au poids démographique grandissant semble être devenu une constante en Occident. Pour n’en citer qu’un exemple : au Royaume-Uni, lors de la dernière élection générale de 2019, l’Institut Ipsos MORI[4] a établi que 64% des électeurs identifiés comme Black and Minority Ethnic avaient voté pour le Parti travailliste de Jeremy Corbyn, soit l’exact double de son score global (32%) ; seuls 20% d’entre eux avaient choisi le Parti conservateur, soit moitié moins que son résultat national de 43,6% qui lui a permis de remporter largement le scrutin.
Bien entendu, ce soutien structurel n’est pas « gratuit » ou irrationnel. Il se comprend comme le corollaire de propositions politiques favorables à la poursuite et à l’intensification de l’immigration dans ces pays, ainsi que d’une approche accommodante des enjeux soulevés par la gestion des différences culturelles et religieuses résultant de la sédentarisation des populations immigrées sur le sol des nations occidentales.
Dans le contexte français, ce positionnement était assumé sans faux semblant par Terra Nova, qui résumait ainsi sa « stratégie centrale » : « pour faire le plein, la gauche doit faire campagne sur ses valeurs, socioéconomiques mais surtout sur la promotion des valeurs culturelles qui rassemblent toutes les composantes de son nouvel électorat. Elle doit dès lors mettre l’accent sur l’investissement dans l’avenir, la promotion de l’émancipation et avoir un discours d’ouverture sur les différences, et sur une identité nationale intégratrice »[5].
Une décennie plus tard, l’élection présidentielle du printemps 2022 semble avoir consacré la pertinence objective de cette combinaison. Non plus au bénéfice du PS et de la social-démocratie, mais du candidat Jean-Luc Mélenchon et de son « Union populaire », qui se sont positionnés de manière offensive sur ces thèmes.
Outre les coups d’éclat médiatiques, tels que la présence du mouvement à la controversée « Marche contre l’islamophobie » du 10 novembre 2019, cette priorité stratégique se retrouvait dans des propositions programmatiques précises sur l’immigration. Citons entre autres : « régulariser tous les travailleurs et travailleuses sans-papiers […] les étudiant·es et parents sans papiers d’enfants scolarisé·es […] régulariser automatiquement tout conjoint·e marié·e ou pacsé·e au titre du regroupement familial […] dépénaliser le séjour irrégulier et abolir le placement en centres de rétention administrative des enfants et de leurs parents […] faciliter l’accès à la nationalité française pour les personnes étrangères »[8].
Si l’interdiction des statistiques ethniques par la jurisprudence du Conseil constitutionnel[9] limite notre compréhension des résultats de cette stratégie, un faisceau d’indicateurs nous permet néanmoins d’affirmer sa réussite.
Concentrons-nous sur deux d’entre eux :Le vote des électeurs de confession musulmane – marqueur notable de l’immigration depuis les années 1970 – tel que suivi par les instituts de sondage ;La confrontation entre les cartes du vote Mélenchon et celles des 0-18 ans d’origine extra-européenne, établies sur la base des données INSEE / France Stratégie.
Le vote des électeurs musulmans se porte à 69% sur Jean-Luc MélenchonSi l’immigration extra-européenne reçue en France depuis plusieurs décennies n’est pas exclusivement musulmane, il n’en demeure pas moins que « l’Islam est, en France, une nouveauté liée à l’histoire migratoire récente », comme le formule Michèle Tribalat[10]. D’après l’enquête Trajectoires & Originesconduite par l’INSEE et l’INED, 94% des musulmans déclarés âgés de 18-50 ans étaient immigrés ou enfants d’immigrés en 2008. Sur les 6% restants, environ la moitié étaient de parents musulmans, probablement des petits-enfants d’immigrés[11]. L’Islam constituait par ailleurs la principale religion déclarée par les immigrés et les enfants de deux parents immigrés[12]. Il est donc pertinent de s’intéresser au « vote musulman » pour mesurer l’impact de l’immigration sur les résultats du scrutin.
Au sein d’une même aire urbaine, plus la part de mineurs nés d’immigrés extra-européens est élevée, plus le score de Jean-Luc Mélenchon est fortAu-delà des enquêtes et sondages, nous pouvons mobiliser les statistiques publiques relatives au pourcentage d’immigrés dans la population de chaque département, en comparant cela aux résultats électoraux dans ces mêmes aires territoriales.
L’exemple le plus frappant est évidemment la Seine-Saint-Denis, département caractéristique de la question migratoire, car 30,7% de sa population est officiellement immigrée au sens strict (née étrangère à l’étranger) d’après le recensement de l’INSEE[15]. Or Jean-Luc Mélenchon y recueille 49% des voix au premier tour – son record en métropole.La tendance de vote est similaire dans la plupart des départements d’Île-de-France, où l’immigration est la plus élevée de tout le pays (hors Outre-mer) selon les mêmes données INSEE[16] : Mélenchon arrive en tête dans le Val-de-Marne, le Val-d’Oise, et l’Essonne, et deuxième derrière Emmanuel Macron à Paris, dans les Hauts-de-Seine et les Yvelines.
Nous pouvons analyser cette corrélation plus précisément en observant les résultats au niveau des communes. En effet, grâce aux données INSEE / France Stratégie, que nous avions longuement analysées dans un article publié par Causeur en août 2021[17], nous disposons d’informations sur l’immigration dans les 55 plus grandes agglomérations du pays, et notamment sur la part des enfants immigrés ou enfants d’immigrés d’origine extra-européenne parmi les 0-18 ans en 2017.
Cette donnée peut être comprise comme un indicateur du poids démographique de l’immigration extra-européenne dans ces territoires, et mise en relation avec les résultats à l’élection présidentielle.Dans le département de la Seine-Saint-Denis, une concordance frappante semble apparaître : plus la proportion de mineurs nés d’immigrés extra-européens est élevée, plus le score de Mélenchon au premier tour est fort. Prenons les deux communes « extrêmes » du département au regard de la présence extra-européenne, ainsi qu’une commune intermédiaire :À Gournay-sur-Marne, où seulement 18% des 0-18 ans étaient nés de parents immigrés extra-européens en 2017 (proportion la plus basse du département), le score de Mélenchon n’est que de 20% – soit un résultat proche de sa moyenne nationale.À Rosny-sous-Bois, commune « intermédiaire » où la part d’enfants d’immigrés extra-européens parmi les 0-18 ans était de 46% en 2017, Jean-Luc Mélenchon reçoit 39% des voix en 2022.
Nous pouvons même aller plus loin et calculer la corrélation mathématique exacte pour les communes de Seine-Saint-Denis : la première variable étant la part d’enfants immigrés ou enfants d’immigrés d’origine extra-européenne parmi les 0-18 ans en 2017, et la seconde variable étant les scores de Mélenchon au 1er tour de l’élection présidentielle en 2022. On découvre ainsi une corrélation très élevée, à 91,6%, restituée dans le graphique ci-dessous :
À la Courneuve, où cette part de mineurs d’ascendance extra-européenne directe atteignait 75% (record du département) en 2017, Jean-Luc Mélenchon obtient en 2022 le score considérable de 64% des suffrages exprimés au premier tour.Cette symétrie est particulièrement frappante lorsque l’on analyse les deux cartes ci-dessous.



On retrouve ces mêmes observations à Marseille, ville où Jean-Luc Mélenchon a obtenu en moyenne 31,2% des suffrages exprimés. Comparons trois arrondissements-témoins : celui où la présence extra-européenne est la plus forte, la moins forte, et un arrondissement intermédiaire.Le 7ème arrondissement de Marseille est celui dans lequel le pourcentage de mineurs d’ascendance extra-européenne directe était le plus bas de la ville en 2017, à 21% ; Le score de Mélenchon y est de 22% en 2022, égal à la moyenne nationale.Le 13ème arrondissement connaît une situation d’entre-deux, où 34% des 0-18 ans avaient des parents immigrés extra-européens en 2017. Mélenchon y recueille un peu plus de 30% des voix.

Le 3ème arrondissement est celui où la part d’enfants d’immigrés extra-européens parmi les 0-18 ans était le plus élevé à Marseille en 2017, à 63%. C’est aussi là que Jean-Luc Mélenchon réalise son meilleur score dans la ville, avec plus de 58% des voix.

Si les cartes paraissent parler d’elles-mêmes, il est aussi intéressant de calculer la corrélation exacte pour l’ensemble des arrondissements de Marseille. On obtient une nouvelle corrélation très nette, chiffrée à 88,9% :
Conclusion
Tous ces constats dressent le portrait d’une élection où le facteur migratoire a joué un rôle déterminant. La « stratégie centrale » de Terra Nova a été pleinement déployée par le candidat Mélenchon, qui ne l’a certes pas revendiquée (car associée par son origine au « social-libéralisme ») mais en a récolté les dividendes. Celle-ci s’appuie sur la dynamique démographique des populations issues de l’immigration, laquelle ne devrait cesser de s’amplifier « naturellement » sans mise en œuvre d’une volonté politique contraire.Il est cependant permis de s’interroger sur les limites d’un tel positionnement tactique à moyen terme – en particulier sur les contradictions inhérentes à la « France de demain » telle que théorisée par le think-tank progressiste. L’IFOP révélait en 2019 que 63% des personnes de confession musulmane percevaient l’homosexualité comme « une maladie » ou « une perversion sexuelle », contre 10% chez les « sans-religion »[18].
Une étude de l’Institut Montaigne publiée en 2016 soulignait par ailleurs que les réflexes rigoristes étaient nettement plus fréquents chez les jeunes musulmans que parmi leurs aînés[19].Sera-t-il possible de faire cohabiter indéfiniment sous un même chapiteau électoral les tenants métropolitains des valeurs progressistes avec des votants de culture musulmane, en rupture marquée sur les sujets dits « sociétaux » ? Ceux-ci feront-ils toujours abstraction de ces considérations dans leur choix électoral, au profit du seul soutien apporté à l’immigration ?
Notes
Fondation Terra Nova, Olivier FERRAND et Bruno JEANBART (dir.), Gauche : quelle majorité électorale pour 2012 ?, 10 mai 2011 : 2012 (tnova.fr) ↑Terra Nova, op. cit., p.35 ↑Statistiques de l’état civil de l’INSEE et du document « T37BIS : Nés vivants selon la nationalité des parents (Union européenne à 28 ou non). Calculs : OID. https://observatoire-immigration.fr/natalite-et-immigration ↑House of Commons Library, “GE 2019: How did demographics affect the result ?”, 21 février 2020 (consulté le 15/07/2022) : GE2019: How did demographics affect the result? (parliament.uk) ↑Terra Nova, op. cit., p. 58 ↑Terra Nova, op. cit. p.37 ↑Calcul OID sur la base des données INSEE – détails : (1) Observatoire de l’immigration et de la démographie sur Twitter : « LE SAVIEZ-VOUS 4 millions de personnes ont acquis la nationalité française entre 1982 et 2019. Comme ils ne sont alors plus étrangers, cela conduit certains à dire que « le nb d’étrangers est globalement stable » ! https://t.co/n2VtqkTpW0 » / Twitter ↑Site de campagne de Jean-Luc MÉLENCHON – « Migrations : pour une politique humaniste et réaliste » (consulté le 15/07/2022) : Migrations – Livret thématique – Mélenchon 2022 (melenchon2022.fr) ↑Décision n° 2007-557 DC du 15 novembre 2007, « Loi relative à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile » (site du Conseil constitutionnel) ↑Michèle TRIBALAT, “Dynamique démographique des musulmans de France”, in Commentaire, Hiver 2011-2012, n°136 Musulmans 2008 – www.micheletribalat.fr ↑Trajectoires & Origines, INSEE-INED, 2008 ↑Trajectoires & Origines, op. cit. ↑IFOP, « Le vote des électorats confessionnels au 1er tour de l’élection présidentielle » : Le vote des électorats confessionnels au 1er tour de l’élection présidentielle (ifop.com) ↑IFOP, « Le vote des électorats confessionnels au second tour de l’élection présidentielle » : Le vote des électorats confessionnels au second tour de l’élection présidentielle (ifop.com) ↑INSEE, op. cit. ↑INSEE, « Population immigrée selon les principaux pays de naissance en 2019 – Comparaisons régionales et départementales », 27 juin 2022 : Population immigrée selon les principaux pays de naissance en 2019 | Insee ↑Observatoire de l’immigration et de la démographie, « Immigration et démographie urbaine : les cartes à peine croyables de France Stratégie », Causeur, 24 août 2022 : Immigration et démographie urbaine: les cartes à peine croyables de France Stratégie – Causeur↑IFOP, “Le regard des Français sur l’homosexualité et la place des LGBT dans la société, 24 juin 2019” : Présentation PowerPoint (ifop.com) ↑rapport-un-islam-francais-est_-possible.pdf (institutmontaigne.org) ↑
5. REPRISE DE NOTRE PUBLICATION : LA « BOMBE » DE L’OPINION DES FRANÇAIS MUSULMANS SUR LA LAÏCITÉ ET LA RÉPUBLIQUE

QUAND L’OPINION DES MUSULMANS FAIT TREMBLER LA RÉPUBLIQUE ET LA DÉMOCRATIE
72 % des Français de confession musulmane désapprouvent l’interdiction des tenues traditionnelles islamiques – qamis et abayas – dans les écoles et les lycées (quand 81 % de l’ensemble de la population française l’approuvent au contraire)
« Pour 78% des Français de confession musulmane, la laïcité « telle qu’elle est appliquée » est discriminatoire »
78 % estiment que la laïcité « telle qu’elle est appliquée aujourd’hui par les pouvoirs publics » est « discriminatoire envers les musulmans »
2 SUR 5 NE CONDAMNENT PAS NETTEMENT OU CLAIREMENT L’ASSASSINAT DE DOMINIQUE BERNARD
DONT 16 % des Français de confession musulmane n’expriment pas de condamnation totale à l’endroit du terroriste d’Arras, auteur du meurtre à l’arme blanche de Dominique Bernard
DONT 5 % ne le condamnent pas du tout,
DONT 11 % condamnent tout en partageant «certaines des motivations» du terroriste islamiste.
DONT 6 % de musulmans qui se disent «indifférents». ( Cette proportion est plus significative encore chez les musulmans de plus de 15 ans, actuellement en scolarité : 31 % d’entre eux ne condamnent pas totalement le tueur d’Arras, et 7 % sont indifférents.)
« … l’impopularité du modèle français de laïcité auprès de ce segment de la population »
Écrit l’IFOP
66 % chez les musulmans de moins de 25 ans, souhaitent l’autorisation du port du voile intégral (interdit dans l’espace public par une loi de 2011) signe d’un plus fort rejet des principes de laïcité chez les musulmans les plus jeunes
65 % des sondés souhaiteraient encore que les élèves du secondaire puissent porter un couvre-chef religieux
54 % souhaitent que les jeunes filles aient le droit de ne pas assister aux cours de natation pour des raisons religieuses
50 % souhaitent que les élèves puissent refuser d’assister à tous les cours qui «heurteraient leurs convictions religieuses»
76 % des musulmans optent pour la religion, contre seulement 22 % des croyants des autres religions «Lorsque la religion et la science s’opposent sur la question de la création du monde, d’après vous, est-ce le plus souvent la science ou la religion qui a raison ?»
75 % revendiquent l’abrogation de dispositifs empêchant l’expression vestimentaire de leur religion dans l’espace public. Ils soutiennent ainsi massivement le droit des athlètes français(e)s à porter des couvre-chefs religieux aux prochains JO en France
75 % réclament le port de signes religieux par les parents accompagnateurs faisant action d’enseignement
83 % réclament l’introduction de menus à caractère confessionnel (ex : viande halal, viande casher…) à la cantine
La charia est plus importante que la loi de la République
57 % des jeunes musulmans considèrent que la charia est plus importante que la loi de la République. Soit une augmentation de 10 points par rapport à l’année 2016.
La charia, définition :
(en arabe : الشَّرِيعَة, šarīʿa?, /ʃaˈriːʕa/[note 1]) représente dans l’islam diverses normes et règles doctrinales, sociales, cultuelleset relationnelles édictées par la révélation. Le terme utilisé en arabe dans le contexte religieux signifie « chemin pour respecter la loi [de Dieu] ».
La charia codifie à la fois les aspects publics et privés de la vie d’un musulman, ainsi que les interactions sociales. Les musulmans considèrent cet ensemble de normes comme l’émanation de la volonté de Dieu (Shar). Le niveau, l’intensité et l’étendue du pouvoir normatif de la charia varient considérablement historiquement et géographiquement[1].
Certaines de ces normes sont incompatibles avec les droits de l’Homme, notamment en ce qui concerne la liberté d’expression, la liberté de croyance, la liberté sexuelle et la liberté des femmes.
Les trois quarts des Français musulmans souhaitent un retour au régime concordataire appliqué en France jusqu’au vote de la loi de 1905
75% d’entre eux se disent favorables au « financement public des lieux de culte et des religieux des principales religions (ex : curés, popes, rabbins, imams…)
« LE RAPPORT À LA LAÏCITÉ À L’HEURE DE LA LUTTE CONTRE L’ISLAMISME ET LE PROJET DE LOI CONTRE LES SÉPARATISMES »
TITRE DU COMMUNIQUÉ DE L’IFOP
« L’Ifop a fait paraître ce vendredi 8 décembre une « enquête auprès des Français musulmans sur les questions de religion et de laïcité », à la veille de l’anniversaire de la promulgation de la loi de 1905 qui consacre la séparation de l’Église et de l’État. L’étude, commandée par la chaîne Elmaniya TV, dévoile l’impopularité du modèle français de laïcité auprès de ce segment de la population. »
NB: Des sujets pourtant majeurs sont absents :
Les libertés d’opinion, d’expression, de la presse, de création… ; l’égalité homme femme ; le mariage et la famille ; la participation à la démocratie : vote, manifestations, vie associative … ; l’éducation et l’enseignement ; …
3. SYNTHÈSE DE LA NOTE DE TERRA NOVA DU 10 MAI 2011
Partout en Europe, la social-démocratie est en crise. Elle ne gouverne plus que dans 6 pays sur 27. Elle n’a pas pu capitaliser politiquement sur la Grande Crise de 2008.
Comment expliquer cette désaffection politique ? Il y a, bien sûr, la crise idéologique. Le modèle de société porté par la social-démocratie – l’économie sociale de marché, autour de la construction de l’Etat-providence – n’est plus compatible en l’état avec le nouveau monde globalisé. Il doit être refondé.
Mais il y a une autre raison à la crise de la social-démocratie. Elle a trait à la sociologie électorale : la coalition historique qui a porté la gauche depuis près d’un siècle, fondée sur la classe ouvrière, est en déclin. C’est vrai en France, comme dans le reste de l’Europe et aux Etats-Unis.
UNE COALITION HISTORIQUE EN DECLIN
LA FIN DE LA COALITION OUVRIERE
Depuis le Front populaire en 1936, la gauche en France (socialiste, mais surtout communiste) a accompagné la montée en puissance du monde ouvrier. La victoire de François Mitterrand à l’élection présidentielle de 1981 leur est intimement liée : la classe ouvrière est à son apogée démographique (37% de la population active) et vote massivement à gauche (72%, soit +20 points par rapport à la moyenne nationale). Autour de ce cœur ouvrier s’est constituée une coalition de classe : les classes populaires (ouvriers, employés) et les catégories intermédiaires (le cadres moyens).
Ce socle historique de la gauche se dérobe aujourd’hui, à partir d’un double mouvement.
D’abord, le rétrécissement démographique de la classe ouvrière : après un siècle d’expansion, la population ouvrière se contracte rapidement à partir de la fin des années 1970, pour ne plus représenter que 23% des actifs aujourd’hui – soit pour la gauche une chute de 40% de son socle électoral. Ce phénomène, corollaire de la désindustrialisation du pays, est amplifié par la dévitalisation du sentiment de classe : seul un quart des ouvriers se reconnaissent dans la classe ouvrière. L’explication est à trouver dans la recomposition interne du monde ouvrier. Le nombre d’ouvriers non qualifiés a fortement décru, au profit des ouvriers qualifiés, mieux rémunérés, qui accèdent à la société de consommation, et qui se reconnaissent davantage dans les classes moyennes. Par ailleurs, les ouvriers de l’industrie ne représentent plus que 13% des actifs : deux ouvriers sur cinq travaillent dans le secteur tertiaire, comme chauffeurs, manutentionnaires ou magasiniers. Ces ouvriers des services, qui travaillent dans l’isolement, ne bénéficient plus de l’identité ouvrière : le collectif de travail de l’usine, la tradition syndicale, la fierté du métier. Second mouvement : les ouvriers votent de moins en moins à gauche. L’érosion est continue depuis la fin des années 1970 et prend des allures d’hémorragie électorale ces dernières années. Au premier tour de l’élection présidentielle, le différentiel de vote au profit de la gauche entre les ouvriers et la moyenne de l’électorat passe de +15 points en 1981 à 0 en 2002 : il n’y a plus de spécificité du vote ouvrier. Pire, le candidat Lionel Jospin n’a rassemblé que 13% des suffrages ouvriers : les ouvriers ont moins voté socialiste que l’ensemble des Français (16%). Au second tour de la présidentielle, le vote ouvrier passe de 72% en 1981 à 50% en 2007 : pour la première fois de l’histoire contemporaine, les ouvriers, qui ne votaient déjà plus à gauche au premier tour, ne votent plus à gauche au second.
A L’ORIGINE DU DIVORCE : UN CHANGEMENT DE VALEURS
Historiquement, la gauche politique porte les valeurs de la classe ouvrière, tant en termes de valeurs socioéconomiques que culturelles. Elle est la porte-parole de ses revendications sociales et de sa vision de l’économie : pouvoir d’achat, salaire minimum, congés payés, sécurité sociale, nationalisation des grandes entreprises, encadrement des prix… Et l’une comme l’autre restent relativement conservatrices sur le plan des mœurs, qui demeurent des sujets de second plan par rapport aux priorités socioéconomiques.
A partir de la fin des années 1970, la rupture va se faire sur le facteur culturel. Mai 68 a entraîné la gauche politique vers le libéralisme culturel : liberté sexuelle, contraception et avortement, remise en cause de la famille traditionnelle… Ce mouvement sur les questions de société se renforce avec le temps pour s’incarner aujourd’hui dans la tolérance, l’ouverture aux différences, une attitude favorable aux immigrés, à l’islam, à l’homosexualité, la solidarité avec les plus démunis. En parallèle, les ouvriers font le chemin inverse. Le déclin de la classe ouvrière – montée du chômage, précarisation, perte de l’identité collective et de la fierté de classe, difficultés de vie dans certains quartiers – donne lieu à des réactions de repli : contre les immigrés, contres les assistés, contre la perte de valeurs morales et les désordres de la société contemporaine.
Malgré cette discordance sur les valeurs culturelles, la classe ouvrière continue au départ de voter à gauche, qui la représente sur les valeurs socioéconomiques. Mais l’exercice du pouvoir, à partir de 1981, oblige la gauche à un réalisme qui déçoit les attentes du monde ouvrier. Du tournant de la rigueur en 1983 jusqu’à « l’Etat ne peut pas tout » de Lionel Jospin en 2001, le politique apparaît impuissant à répondre à ses aspirations. Les déterminants économiques perdent de leur prégnance dans le vote ouvrier et ce sont les déterminants culturels, renforcés par la crise économique, « hystérisés » par l’extrême droite, qui deviennent prééminents dans les choix de vote et expliquent le basculement vers le Front national et la droite.
UNE DYNAMIQUE IDENTIQUE DANS L’ENSEMBLE DU MONDE OCCIDENTAL
La France ne fait pas exception. Partout en Europe, en Amérique du Nord, en Australie, la coalition historique de la gauche, centrée sur la classe ouvrière, s’efface. Même dans les pays où existe un lien institutionnel, via les syndicats, entre la classe ouvrière et la gauche politique, le vote ouvrier déserte la gauche : Grande Bretagne, Allemagne, Suède. La social-démocratie perd sa base électorale.
UNE NOUVELLE COALITION EN VOIE DE STRUCTURATION
LE NOUVEL ELECTORAT DE LA GAUCHE : LA FRANCE DE DEMAIN
Si la coalition historique de la gauche est en déclin, une nouvelle coalition émerge. Sa sociologie est très différente :
1. Les diplômés. Ils votent plus à gauche que la moyenne nationale (+2 points en 2007). Le vote à gauche est désormais corrélé positivement au niveau de diplôme : plus on est diplômé, plus on vote à gauche ; moins on est diplômé, plus on vote à droite.
2. Les jeunes. C’est le cœur de l’électorat de gauche aujourd’hui : +11 points par rapport à la moyenne nationale au second tour de la présidentielle, en 2007 (58% contre 47%). L’orientation politique du vote est très fortement corrélée à l’âge : le vote à gauche baisse avec l’âge ; et les séniors votent massivement à droite – ils ont donné une avance de 30 points à Nicolas Sarkozy contre Ségolène Royal (65–35). S’il y a un facteur âge (on est idéaliste à 20 ans, et on devient plus conservateur en vieillissant), il y a surtout un facteur générationnel : les nouvelles générations votent de plus en plus à gauche.
3. Les minorités et les quartiers populaires. La France de la diversité est presqu’intégralement à gauche. L’auto-positionnement des individus révèle un alignement des Français d’origine immigrée, et plus encore de la deuxième génération, à gauche – de l’ordre de 80–20. On retrouve des scores de cette ampleur dans les bureaux de vote des quartiers populaires, et encore de 62–38 dans les zones urbaines sensibles.
4. Les femmes. Nous vivons un renversement historique : l’électorat féminin, hier très conservateur, a basculé dans le camp progressiste. En 1965, l’électorat féminin a assuré la victoire du Général de Gaulle ; François Mitterrand l’emportait chez les hommes. En 1981, les femmes votent encore 7 points de moins à gauche que les hommes (49% contre 56% au second tour). En 2007, pour la première fois, elles votent plus à gauche que les hommes, de 2 points (49–47)). La transition vers la gauche se poursuit à vive allure. En 2010, aux élections régionales, cet écart atteint désormais +7 points (58–51).
La nouvelle coalition de la gauche n’a plus rien à voir avec la coalition historique : seuls les jeunes appartiennent aux deux. L’identité de la coalition historique était à trouver dans la logique de classe, la recomposition en cours se structure autour du rapport à l’avenir. La nouvelle gauche a le visage de la France de demain : plus jeune, plus féminin, plus divers, plus diplômé, mais aussi plus urbain et moins catholique . Elle est en phase avec la gauche politique sur l’ensemble de ses valeurs.
Contrairement à l’électorat historique de la gauche, coalisé par les enjeux socioéconomiques, cette France de demain est avant tout unifiée par ses valeurs culturelles, progressistes : elle veut le changement, elle est tolérante, ouverte, solidaire, optimiste, offensive. C’est tout particulièrement vrai pour les diplômés, les jeunes, les minorités . Elle s’oppose à un électorat qui défend le présent et le passé contre le changement, qui considère que « la France est de moins en moins la France », « c’était mieux avant », un électorat inquiet de l’avenir, plus pessimiste, plus fermé, plus défensif.
Le facteur socioéconomique joue aussi. Car la France de demain réunit avant tout les « outsiders » de la société, ceux qui cherchent à y rentrer, notamment sur le marché du travail, mais n’y parviennent que difficilement : les jeunes, les femmes, les minorités, les chômeurs, les travailleurs précaires. Ils ont du mal car ils sont la principale variable d’ajustement face à la crise d’une société d’« insiders » qui, pour préserver les droits acquis, sacrifie les nouveaux entrants. Ces « outsiders » ont besoin de l’aide de la puissance publique pour surmonter les barrières qui se dressent devant eux : ils ont besoin d’un Etat qui les aide à s’émanciper, à briser le plafond de verre. Ils sont soutenus par les plus intégrés (les diplômés), solidaires de ces « exclus » par conviction culturelle.
LES LIMITES DE LA NOUVELLE COALITION
La nouvelle gauche qui émerge en France est la même que celle qui se dessine partout en Europe. Elle ressemble de près à la coalition qui a porté Barack Obama au pouvoir en 2008. Avec une différence d’importance : elle n’est pas majoritaire.
La nouvelle coalition électorale de la gauche présente trois faiblesses structurelles :
1. Une dynamique démographique limitée. Les minorités constituent une population en expansion mais au poids démographique faible : seuls 5% des Français ont deux parents immigrés ; on peut estimer à 15% les Français issus de la diversité. Rien à voir avec les Etats-Unis, où la part des minorités atteint près de 30%. Surtout, les jeunes sont une population déclinante en France, alors que c’est le contraire aux Etats-Unis.
2. Une coalition électorale en construction. Le nouvel électorat de gauche vote, élection après élection, de plus en plus à gauche. C’est une excellente nouvelle pour la gauche, pour l’avenir. Cela souligne a contrario une faiblesse actuelle de la coalition : elle ne fait pas le plein. C’est vrai pour les diplômés, qui votent encore faiblement à gauche. Pour les jeunes : ils votent moins à gauche qu’aux Etats-Unis : ils donnent 16 points de plus à Ségolène Royal face à Nicolas Sarkozy en 2007 (58/42) contre 34 à Barack Obama face à John McCain (67/33). Mais c’est surtout chez les femmes que la gauche française ne fait pas encore le plein : elles ne donnent que 2 points de plus à Ségolène Royal par rapport aux hommes en 2007 (48/46), +5 points aux élections régionales de 2010, contre +12 points à Barack Obama (56/44).
3. Une abstention élevée. Les jeunes et les minorités votent moins que la moyenne nationale : respectivement –7 points pour les 18–24 ans et –4 points pour les zones urbaines sensibles (mais –34 dans les quartiers populaires) en 2007. Leur participation s’effondre dans les élections de faible intensité politique (européennes, régionales, cantonales).
Face à cette nouvelle coalition de gauche, la recomposition radicale du paysage politique français fait émerger deux blocs électoraux :
L’électorat de droite, centré sur les séniors
L’électorat de droite n’a guère changé ces dernières décennies : les séniors, les indépendants (artisans, commerçants), les agriculteurs, les catholiques. Lui aussi devient plus clivant : sa propension à voter à droite se renforce. Il est en opposition avec les valeurs de gauche dans toutes ses composantes, tant socioéconomiques que culturelles, et parfois de manière radicale comme les agriculteurs ou les séniors (sur les valeurs culturelles). Les séniors constituent le cœur de l’électorat de droite. Ils votent, on l’a vu, massivement à droite. Ils ont un taux de participation record : plus de 90% en 2007. Et il s’agit d’une catégorie en expansion démographique importante : elle représentait 27% de la population en 2005, elle représentera 38% en 2030. D’où un problème majeur pour la gauche : peut-elle gagner sans le vote des séniors ?
L’électorat intermédiaire, un no man’s land incertain et instable
Cet électorat regroupe tous les éléments du salariat : ouvriers, employés (la coalition historique de la gauche), professions intermédiaires, classes moyennes supérieures. Historiquement, la hiérarchie du salariat dictait l’orientation politique : plus on était en bas de l’échelle, plus on votait à gauche, et inversement. Ouvriers, employés, professions intermédiaires, classes moyennes supérieures s’étageaient selon une ligne politique linéaire, du plus à gauche au plus à droite. La logique de classe, hier principale grille de lecture électorale, s’est aujourd’hui brouillée. Toutes ces catégories se retrouvent à peu près au même niveau dans le rapport de forces droite/gauche. Leur vote est incertain. Il pourrait même s’inverser si les tendances, très rapides, se poursuivent : des classes moyennes supérieures votant le plus à gauche (comme les diplômés) jusqu’aux ouvriers votant le plus à droite.
L’électorat intermédiaire est divisé sur les valeurs : une partie le rattache à la gauche, l’autre à la droite. La grille de lecture pertinente oppose classes populaires et classes moyennes. Les classes populaires (ouvriers et employés) ont des valeurs socioéconomiques qui les rattachent à la gauche (Etat fort et protecteur, services publics, sécurité sociale) et des valeurs culturelles conservatrices (ordre et sécurité, refus de l’immigration et de l’islam, rejet de l’Europe, défense des traditions…). La division est inversée pour les classes moyennes (professions intermédiaires et classes moyennes supérieures) : des valeurs culturelles de gauche mais des valeurs socioéconomiques de droite.
L’électorat intermédiaire pose un double enjeu à la gauche : la classe ouvrière a-t-elle définitivement basculé ? Et quelle stratégie électorale adopter pour cet électorat, terrain de bataille privilégié, par son incertitude et sa mobilité, de l’affrontement droite/gauche ?
QUELLE STRATEGIE ELECTORALE POUR 2012 ?
LA STRATEGIE CENTRALE « FRANCE DE DEMAIN » : UNE STRATEGIE CENTREE SUR LES VALEURS
L’élection de 2012 se déroule dans une période de mutation profonde du paysage politique : la structuration d’hier est affaiblie mais n’a pas encore disparu ; celle de demain émerge mais ne s’est pas encore pleinement déployée. Cela laisse le champ à plusieurs options stratégiques.
Une ligne de conduite incontournable est toutefois de s’adosser à son nouvel électorat « naturel » : la France de demain. C’est d’autant plus nécessaire que la perspective d’un « nouveau 21 avril » représente un risque réel : le niveau électoral inédit du Front national et la fragmentation du camp progressiste menacent la gauche d’une élimination au premier tour de l’élection présidentielle. Il sera donc vital de rassembler son camp au premier tour.
Il n’est pas possible aujourd’hui pour la gauche de chercher à restaurer sa coalition historique de classe : la classe ouvrière n’est plus le cœur du vote de gauche, elle n’est plus en phase avec l’ensemble de ses valeurs, elle ne peut plus être comme elle l’a été le moteur entraînant la constitution de la majorité électorale de la gauche. La volonté pour la gauche de mettre en œuvre une stratégie de classe autour de la classe ouvrière, et plus globalement des classes populaires, nécessiterait de renoncer à ses valeurs culturelles, c’est-à-dire de rompre avec la social-démocratie. Le parti travailliste néerlandais (PvdA) a tenté une telle rupture sous la direction de Wouter Bos. Se définissant comme un parti de classes, le parti des classes populaires, et non de valeurs, il a accompagné son électorat dans le conservatisme culturel pour se positionner « anti-immigration », « anti-Europe », et « anti-impôts », basculant ainsi de la social-démocratie au social-populisme. L’échec électoral a été cuisant : le PvdA a terminé à 13% aux dernières élections locales, entraînant le remplacement de Wouter Bos par Job Cohen, maire d’Amsterdam, qui a repositionné le parti dans la mouvance sociale-démocrate.
Quelle stratégie la gauche doit-elle adopter pour faire le plein de son nouvel électorat naturel ?
Elle doit opter pour une stratégie de valeurs. L’électorat « France de demain » les partage. Il y a des marges de manœuvre. Les élections régionales de 2010 ont montré que le vote à gauche des femmes, des jeunes, des diplômés progressent plus fortement que la moyenne de l’électorat. Pour accélérer ce glissement tendanciel, la gauche doit dès lors faire campagne sur ses valeurs, notamment culturelles : insister sur l’investissement dans l’avenir, la promotion de l’émancipation, et mener la bataille sur l’acceptation d’une France diverse, pour une identité nationale intégratrice, pour l’Europe.
La gauche doit également privilégier une stratégie de mobilisation. La « France de demain » vote fortement à gauche mais vote peu. Il est toutefois possible d’améliorer son taux de participation : les jeunes ou les minorités ne sont pas des abstentionnistes systématiques, ils votent par intermittence. L’objectif est donc de les mobiliser : cela passe par une campagne de terrain (porte-à-porte, phoning, présence militante sur les réseaux sociaux et dans les quartiers…), sur le modèle Obama.
Une telle stratégie, sous les hypothèses du rapport, pourrait ramener 2.500.000 voix à la gauche au second tour, de quoi effacer les 2.200.000 d’avance obtenus en 2007 par Nicolas Sarkozy. Toutefois, le résultat demeurerait serré.
LA STRATEGIE COMPLEMENTAIRE AVEC LES « CLASSES MOYENNES »
L’électorat « France de demain » est le nouveau mole central à partir duquel la gauche doit rayonner pour constituer une majorité. L’électorat à conquérir – l’électorat intermédiaire – est divisé en deux : classes moyennes et classes populaires. La coalition « France de demain » les intègre déjà en partie et doit chercher à s’élargir aux deux. Mais la stratégie n’est pas la même selon que l’on cible les classes populaires ou les classes moyennes.
Une stratégie d’élargissement vers les classes moyennes se justifie sur un triple plan. C’est la plus compatible avec la stratégie « France de demain » : elle permet de faire campagne sur les valeurs culturelles, sur lesquelles les classes moyennes sont en phase avec la gauche, et qui sont la priorité du nouvel électorat de gauche. C’est un électorat disponible : les professions intermédiaires, les plus nombreuses (23% de l’électorat total, contre 15% pour les classes moyennes supérieures) et en expansion, ont voté 14 points de mieux pour la gauche aux régionales par rapport à la présidentielle (contre +7 points en moyenne), ce qui constitue l’évolution la plus spectaculaire vers la gauche sur la période. Cela consiste, enfin, à s’appuyer sur une tendance naturelle : les classes moyennes évoluent vers la gauche.
Une telle stratégie est toutefois risquée. Cet électorat n’a pas de tradition de vote à gauche : il demeure versatile tant qu’il n’a pas été fidélisé. Agrégeant des réalités différentes, il est composite, donc difficile à unifier. Il nécessite une adaptation du discours de gauche sur les questions économiques et sociales. Sur la fiscalité par exemple : les classes moyennes, par rapport aux classes populaires, se caractérisent notamment par l’accumulation d’une petite épargne sur le cycle de vie, qu’elles veulent protéger et transmettre.
LA STRATEGIE COMPLEMENTAIRE AVEC LES « CLASSES POPULAIRES »
C’est la tentation naturelle de la gauche, qui ne peut se résoudre, pour des raisons historiques, à perdre les classes populaires. La gauche doit dès lors axer sa campagne sur les priorités économiques et sociales, où elles sont en phase, et faire oublier ses convictions culturelles, notamment sur l’immigration et l’islam.
Une telle stratégie présente des atouts. Elle est en phase avec la conjoncture, qui place les réponses à la crise économique au cœur des priorités des Français. Et les classes populaires représentent toujours une part très importante de l’électorat : encore 23% pour les ouvriers et surtout 30% pour les employés, en expansion, soit au total plus de la moitié de l’électorat. La gauche y a des fidélités historiques, entretenues par un dense réseau d’élus locaux de terrain. Surtout, une partie de sa nouvelle base électorale, la « France de demain », appartient aux classes populaires : les Français issus des quartiers, les jeunes déclassés, les minorités…
Mais c’est une stratégie difficile. Elle va à contre-courant : les tendances sont au basculement des classes populaires à droite. Elle est compliquée à articuler avec la stratégie centrale vers l’électorat « France de demain » : elle nécessite de ne pas faire campagne sur les questions culturelles, alors qu’elles sont le ressort principal de ce dernier électorat ; et même sur le facteur socioéconomique, les propositions à développer ne sont pas les mêmes, entre la demande de protection des « insiders » fragilisés (protection des statuts, des droits sociaux) et la demande d’assistance des « outsiders ». Elle se heurte désormais à un obstacle de taille : le nouveau Front national. En voie de dédiabolisation, et donc bientôt fréquentable, le FN de Marine Le Pen a opéré un retournement sur les questions socioéconomiques, basculant d’une posture poujadiste néolibérale (anti-Etat, anti-fonctionnaires, anti-impôts) à un programme de protection économique et sociale équivalent à celui du Front de gauche. Pour la première fois depuis plus de trente ans, un parti entre à nouveau en résonnance avec toutes les valeurs des classes populaires : protectionnisme culturel, protectionnisme économique et social. Le FN se pose en parti des classes populaires, et il sera difficile à contrer.
Toutefois, il est possible d’identifier au sein des classes populaires des sous-catégories plus aisées à raccrocher à la gauche. Il y a d’abord les précaires, les chômeurs, les exclus : ceux-là votent à 70% à gauche – le problème de la gauche se situe avec les classes populaires au travail, qui sont en CDI mais qui ont peur du déclassement. Il y a ensuite les jeunes ouvriers : ils sont d’origine étrangère (maghrébine) et donc sensibles aux enjeux culturels liés à l’immigration et l’intégration, mais ils sont très peu nombreux dans cette période de désindustrialisation accélérée. Il y a surtout les employées. Il s’agit à l’inverse d’un contingent électoral très important (77% des employés sont des femmes, soit 5.8 millions d’électeurs). Elles votent anormalement à droite : +7 points par rapport aux employés hommes en 2007. C’est un angle mort du discours politique de gauche, ouvriériste, dont l’imaginaire est associé au travailleur homme à l’usine. Les employées sont pourtant sensibles aux orientations de la gauche : travaillant à temps partiel subi, souvent pauvres, éprouvant des conditions de travail pénibles en l’absence de couverture syndicale forte, en détresse du fait de situations personnelles souvent difficiles (célibataires avec enfants à charge), ces salariées précarisées ont beaucoup de points communs avec les « outsiders » exclus du marché du travail, qui sont au cœur de l’électorat de gauche.
LA CONQUETE DES SENIORS : UNE STRATEGIE IMPOSSIBLE ?
Certains à gauche envisagent cette stratégie, avec une idée simple. Ségolène Royal a fait un score très dégradé chez les séniors en 2007 : 35%. Avec seulement 43%, elle aurait gagné la présidentielle. En partant de si bas, avec un président sortant qui les a agacés, un programme plus adapté et un candidat plus en phase, il devrait être facile de récupérer ce retard.
Rien n’est moins sûr. Les séniors ont des valeurs frontalement opposées à celles de la gauche. Ils ont toujours voté à droite et leur vote à droite se renforce. En empochant le sursaut à gauche de cet électorat aux régionales (+3 points par rapport à l’évolution moyenne), la gauche récupèrerait moins de 500.000 voix sur un différentiel de 2.2 millions en 2007.
Le profil du candidat pourrait permettre d’améliorer les résultats de la gauche. Les séniors sont très sensibles à la crédibilité et à l’autorité du candidat. Par ailleurs, la « triangulation » sur les questions de sécurité ferait sens. C’est la priorité politique de cet électorat, or la question de sécurité s’est détachée des autres questions culturelles pour devenir de plus en plus consensuelle dans tous les électorats : la gauche peut donc se l’approprier sans s’aliéner son électorat de base.
Les déterminants sociologiques ne sont pas, tant s’en faut, les seuls facteurs explicatifs du vote.
Il y a les déterminants politiques : le profil du candidat ; le projet ; l’unité de son camp politique. Il y a aussi les déterminants conjoncturels : le niveau de rejet du parti au pouvoir et du candidat sortant ; les évènements d’actualité qui impactent les perceptions de l’électorat. Mais le lien entre ces déterminants politiques et conjoncturels avec les déterminants sociologiques est essentiel pour former une stratégie victorieuse. A cet égard, la gauche se présente en 2012 avec des choix cruciaux à réaliser.