

MISES À JOUR 21 07 24
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ÉLECTIONS AUX POSTES CLÉS DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE : RÉCIT DE TROIS JOURS DE COUPS DE THÉÂTRE
VOIR ARTICLE 3
La composition de chaque groupe de l’Assemblée nationale est connue, elle n’a jamais été aussi morcelée
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Assemblée nationale : Yaël Braun-Pivet, capitaine d’un bateau ivre
QUEL GOUVERNEMENT FUTUR POURRA S’APPUYER SUR UNE ASSEMBLÉE TOTALEMENT DÉSTRUCTURÉE ?
Au lendemain d’une séquence institutionnelle surréaliste dont personne ne trouve la logique – défaite électorale aux européennes, dissolution sans les consultations imposées par la Constitution, défaite aux législatives, refus de démission du 1er ministre – le PR a mandaté son camp pour recréer une majorité présidentelle structurée autour de la feu majorité, et a déclaré attendre la « structuration « de l’Assemblée pour désigner un nouveau 1er ministre.
Les coalitions et accords les plus baroques ont conduit au plus grand désordre institutionnel au sein de l’Assemblée Nationale. 40 jours après la dissolution, on attendait de l’élection de la présidence une grande clarification du paysage politique français, le strict opposé s’est produit, comme lors des législatives.
Le PR a par ailleurs indiqué qu’il tiendrait compte du résultat de l’élection de son président.
Or, dès après la reconduction de la présidente sortante par un camps présidentiel rétréci, la désignation aux autres postes clés ( bureau, présidences de commissions, rapporteur général du budget ) a rendu le Parlement encore plus ingérable qu’il ne l’était précédemment : le désordre est installé et rejoint le chaos déjà créé par les décisions présidentielles.
Une présidente ligotée au sein de son bureau
« Ce n’est pas normal » que le Rassemblement national n’ait pas de vice-président. Invitée de France 2 samedi 20 juillet, la présidente de l’Assemblée nationale nouvellement réélue, Yaël Braun-Pivet, a regretté que les députés d’extrême droite soient restés à l’écart des postes du bureau de l’Assemblée, sa plus haute instance exécutive. Au « Journal de 20 heures », la présidente de l’Assemblée nationale a parlé « d’un vote stupéfiant ».
Instance disciplinaire, le bureau est aux mains de ceux qui revendiquent de « bordeliser » l’Assemblée.
Quel gouvernement aurons nous et sur quelle vie parlementaire s’appuiera t il ?
« Après la dissolution : et le peuple dans tout ça ? »
TITRE L’OPINION par Monique Canto-Sperber :
« Ce qui se passe à l’Assemblée nationale n’est sans doute pas à la hauteur de leurs attentes »
« La défense de la démocratie ne peut se limiter à lutter contre le RN, elle exige d’abord de respecter le vote des Français dans toute la diversité de leurs opinions
« Les Français ont voté trois fois en un mois, à chaque fois plus nombreux. Ils ont exprimé par leur vote ce qu’ils voulaient et ce qu’ils ne voulaient pas pour la politique à venir, convaincus que leur participation pourrait changer le résultat. Pourtant, ce qui se passe à l’Assemblée nationale depuis qu’elle est entrée en fonction n’est sans doute pas à la hauteur de leurs attentes. » …
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1. ARTICLE – Répartition des postes à l’Assemblée : une démocratie solide peut-elle se permettre d’éternels perdants ?
Les postes les plus stratégiques et prestigieux de l’Assemblée ont été attribués. La gauche a obtenu la majorité absolue des sièges au bureau de l’Assemblée nationale. Le RN n’a aucun poste de vice-président.
Raul Magni-Berton ATLANTICO 20 07 24
Raul Magni-Berton est actuellement professeur à l’Université catholique de Lille. Il est également auteur de notes et rapports pour le think-tank GénérationLibre.
Atlantico : Ce vendredi 19 juillet, les députés nouvellement élus après la dissolution de l’Assemblée nationale passaient le deuxième jour de cette mandature au parlement. A l’issue du scrutin de la veille, visant à élire la présidente de l’Assemblée (scrutin remporté par Yaël Braun-Pivet), que dire de la rhétorique qui se développe en ce moment et qui parle d’élection ou de démocratie “volée” ?
Raul Magni-Berton : L’élection n’a pas été volée en cela que, il est vrai, les règles du jeu ont été suivies. Notons tout de même que le principe d’un système démocratique c’est de s’assurer que les perdants ne perdent pas toujours et que les différentes forces en présence puissent théoriquement s’exprimer en fonction de leur capacité à le faire. A cet égard, la question de la distribution des postes et des places à l’Assemblée nationale (sur laquelle nous reviendra plus en détail par la suite) est cruciale : c’est elle qui permet d’organiser les règles du jeu de l’Assemblée nationale et c’est bien pour cela que, traditionnellement, ces missions sont réparties de sorte à ce que chacun puisse garder un oeil attentif sur ce qui se passe, contrôler le bon déroulement de la partie en somme. En l’état actuel des choses, il apparaît évident que le RN, avant tout, est exclu en dépit du fait qu’il a remporté un grand nombre de voix, ce qui n’est pas nécessairement usuel dans les différents systèmes démocratiques qui nous entourent. Dans la plupart des cas, un parti capable de cumuler autant de voix que le Rassemblement national aurait part à prendre dans la gouvernance du système – ce qui ne signifie pas nécessairement qu’il participerait au gouvernement mais bien qu’il prendrait place dans l’architecture de la division des pouvoirs.
Le système français, depuis 2017 peu ou prou, avantage le centre. Plus exactement, il avantage le centre quand celui-ci est assez fort pour parvenir au second tour, comme c’est le cas depuis 2017. A partir du moment où celui-ci a pu accéder au second tour il a été placé en situation de récupérer les voix du parti placé en troisième position contre son rival ; particulièrement quand la droite et la gauche ne se parlent pas et ce même quand il s’agit pourtant de forces importantes et structurelles du clivage politique. Le fait de ne pas discuter entre elles nourrit la tendance au désistement pendant les élections, laquelle influence nécessairement les affrontements à venir, une fois à l’Assemblée nationale. Sur ce point, il me paraît important de se questionner sur le fond du problème. Force est de constater que, en France, il n’apparaît pas anormal pour un député d’exclure les membres d’autres formations. Ce serait très étonnant dans les autres parlements d’Europe, où les élus le sont souvent via des systèmes proportionnels mixtes et où il va régulièrement de soi que le travail d’un parlementaire, c’est précisément de chercher un terrain d’entente avec autrui. A cet égard, notre système fait beaucoup de perdants, puisqu’il bloque des alliances potentielles.
Ce que l’on peut dire, donc, c’est qu’il n’y a pas eu de vol de la démocratie ou des élections en cela que tout ce qui s’est fait est légal, permis par nos institutions. Il existe évidemment des accords d’usages, que nul n’est pourtant tenu de respecter, mais qui permettent théoriquement de garantir l’esprit général de la constitution. Dès lors que d’aucuns tirent le plus possible de cette constitution, il devient essentiel de pouvoir s’appuyer sur une très bonne constitution. Celle de la France, il faut bien le dire, est assez solide. Mais elle a ses défauts. Elle permet notamment au gouvernement de gouverner presque sans parlement, dans certains de de figure. Et ne pas suivre l’esprit de la constitution, c’est aussi alimenter la radicalité de certains, par le haut.
Le Rassemblement national n’a remporté aucun des postes de vice-présidence de l’Assemblée nationale. Faut-il comprendre qu’il est aujourd’hui le plus exclu de toutes les formations représentées ?
Indéniablement, oui. Le Rassemblement national a été exclu dès le précédent scrutin puisque, au deuxième tour, il a fait l’objet de désistements visant à l’empêcher d’accéder à une potentielle majorité au Palais bourbon. En termes de rapport voix-sièges, il affiche un déséquilibre d’environ 9% des voix par rapport aux sièges remportés, en faveur des voix exprimées. En d’autres termes, le RN remporte 9% plus de voix qu’il ne gagne de sièges. A titre de comparaison, Ensemble gagne 9% moins de voix qu’il ne remporte de siège tandis que la gauche gagne un peu plus de sièges qu’elle ne récolte de voix, mais dans une mesure largement amoindrie comparativement à Renaissance. Tout ceci illustre bien qui, aujourd’hui, est le principal bénéficiaire de notre système électoral.
Dans quelle mesure peut-il s’avérer paradoxal de constater que La France Insoumise remporte deux postes de vice-présidents tandis que le RN n’en obtient aucun ? Le Nouveau Front populaire sera majoritaire au sein du bureau de l’Assemblée, après avoir obtenu à la surprise générale vendredi et samedi 12 postes sur les 22 de la plus haute instance exécutive de l’Assemblée. Cela s’explique-t-il par la capacité de la gauche à monter des alliances ?
Nous en avons déjà un peu parlé : tout commence avec les désistements qui ont visé à empêcher l’élection d’un certain nombre de candidats du Rassemblement national. Ce système d’alliance, qui s’est mis en place au terme du premier tour des élections législatives anticipées, a notamment permis au Nouveau Front Populaire de faire élire davantage de députés potentiels de son côté. Dès lors, ce n’est plus un paradoxe à proprement parler, c’est un simple problème mathématique.

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D’aucuns peuvent déplorer la situation. Non pas la présence d’élus LFI à des postes d’importance comme ceux de vice-président, mais bien le fait qu’il n’y ait pas, en France, une représentation relativement proportionnelle au sein des représentants de l’Assemblée. N’oublions pas, en effet, que le rôle de ces élus consiste à contrôler les règles du jeu dont nous parlons depuis le début de cet entretien. Il apparaît donc normal de permettre à l’ensemble des partis de contribuer. Dès lors que l’on ne donne le contrôle des règles du jeu qu’au gagnant, ce qui n’a rien d’illégal en France, on prend le risque d’en arriver à une situation comparable à celle que nous décrivons.
De quoi le bourrage des urnes à l’Assemblée nationale est-il le nom ?
C’est un phénomène qui reflète l’incapacité des différentes formations parlementaires à se mettre d’accord. La compétition électorale se vit désormais comme une compétition d’exclusion, au cours de laquelle chacun enchaîne les horreurs prononcées à l’encontre de son adversaire. Dans ce cas de figure, il devient impossible de se mettre d’accord avec un tel parti sans se renier devant ses électeurs mais le degré de clivage au sein de l’Assemblée nationale nous en empêche. C’est pourtant le mode de fonctionnement normal de l’Assemblée : les chefs de groupes se regroupent et se mettent d’accord pour désigner les arbitres qui, du fait des accords en question, n’ont aucun mal à être élus. Ce n’est plus le cas, la pression est particulièrement importante et, faute d’avoir l’assurance qu’ils ont pu avoir usuellement, certains ont vraisemblablement été tentés de tricher. Cela relève davantage du symptôme du mal que de la cause, en l’occurrence.
Que dire de la récente intervention de Mathilde Panot qui déclarait que les scrutateurs titulaires ne peuvent émaner seulement du RN et du parti macroniste, que des députés de toutes les formations présentant une candidature doivent être appelés au dépouillement ? Peut-on vraiment procéder au moindre travail parlementaire tout en soupçonnant systématiquement ses adversaires ?
Non, en effet. Pour autant, et nous l’avons d’ores et déjà abordé, cela n’est pas une surprise. Le système électoral français repose sur de potentiels et occasionnels accords de désistement. Quand ceux-ci sont motivés par la crainte d’un danger pour la démocratie, ici incarné par le Rassemblement national, il rend très difficile la nécessité de siéger ensemble (quoique dans des groupes différents) à l’Assemblée nationale. Cela engendre une méfiance radicale de tous contre tous et, mécaniquement, complexifie toute tentative d’arrangements.
2. ARTICLE – ÉLECTIONS AUX POSTES CLÉS DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE : RÉCIT DE TROIS JOURS DE COUPS DE THÉÂTRE
par Maxence Kagni, le Samedi 20 juillet 2024 LCP
Présidence de l’Assemblée nationale, Bureau du Palais-Bourbon, présidences des commissions permanentes… Entre désaccords entre blocs et accords entre certains groupes, l’installation de la nouvelle Assemblée, de jeudi 18 juillet à ce samedi 20 juillet, a donné lieu à des votes serrés et à plusieurs coups de théâtre. Récit.
Ce samedi 20 juillet, les huit commissions permanentes de l’Assemblée nationale ont élu leurs présidents respectifs. Alors que les législatives anticipées ont abouti à la formation de trois blocs sans majorité claire au Palais-Bourbon, ces élections à la tête des commissions ont mis un terme à trois jours de tractations et de polémiques, de votes serrés et de coups de coups de théâtre, au fil du processus d’installation de la nouvelle Assemblée. Sans forcément vraiment clarifier la situation politique.
ACTE 1 : YAËL BRAUN-PIVET RÉÉLUE PRÉSIDENTE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE
Les grandes manœuvres commencent le jeudi 18 juillet, avec l’élection à la présidence de l’Assemblée nationale. Deux candidats font figure de favoris : le candidat unique du Nouveau Front Populaire, le communiste André Chassaigne, et la présidente sortante de l’institution, Yaël Braun-Pivet, candidate d’Ensemble pour la République et soutenue par le MoDem. Pour être élu au premier tour ou au second tour, un candidat doit obtenir la majorité absolue des suffrages exprimés.
Ce n’est pas le cas lors du premier tour : André Chassaigne arrive en tête avec 200 voix, devant Sébastien Chenu (Rassemblement national, 142 voix) et Yaël Braun-Pivet (124 voix). Philippe Juvin (La Droite républicaine, 48 voix), Naïma Moutchou (Horizons, 38 voix) et Charles de Courson (LIOT, 18 voix) sont loin derrière. Ce résultat fait dire à la coalition de gauche qu’elle est la première force à l’Assemblée nationale : « Cela confirme que le principal groupe homogène de cette Assemblée est le Nouveau Front Populaire« , estime Eric Coquerel (LFI).
Arrivée troisième au premier tour, Yaël Braun-Pivet bénéficie néanmoins aux tours suivants du report des voix de Naïma Moutchou (Horizons) et de Philippe Juvin (La Droite républicaine). Elle arrive ainsi en tête du deuxième tour avec 210 voix devant André Chassaigne (202 voix). La coalition présidentielle et le groupe présidé par Laurent Wauquiez, sont tombés d’accord pour faire barrage au candidat du Nouveau Front Populaire André Chassaigne. « La question était de tenir une promesse faite à nos électeurs, à savoir prendre nos responsabilités et faire barrage à ceux qui ont bordélisé l’Assemblée nationale depuis deux ans« , explique alors Vincent Jeanbrun (La Droite républicaine). Outre cet objectif, La Droite républicaine compte en retour sur le soutien de la coalition présidentielle pour obtenir des postes clés au sein de l’Assemblée nationale.
Yaël Braun-Pivet l’emporte au troisième tour avec 220 voix bénéficiant vraisemblablement, en plus des reports précédents, de quelques voix LIOT après le retrait de Charles de Courson. André Chassaigne arrive en deuxième position (207 voix) devant Sébastien Chenu (141 voix). Dans la foulée de son élection, faisant le constat d’une Assemblée nationale « peut-être plus représentative des Français que jamais » mais aussi « plus divisée que jamais« , Yaël Braun-Pivet appelle les députés à « chercher des compromis« .
La gauche dénonce, quant à elle, des « magouilles« et un « cadenassage du pouvoir par les perdants« , tandis que la coalition présidentielle lui répond en fustigeant des « paroles de mauvais perdants« . Le candidat du groupe LIOT, Charles de Courson, prend la parole pour mettre en cause « des ‘combinaziones’ de partis qui aboutissent à maintenir à la présidence une personne qui représente un courant politique qui a eu deux graves échecs aux européennes et aux législatives« .
ACTE 2 : LA LONGUE NUIT DE L’ÉLECTION DU BUREAU
Dès le lendemain, les députés doivent élire le Bureau de l’Assemblée nationale. La plus haute autorité collégiale de l’institution, qui a « tous pouvoirs pour régler les délibérations de l’Assemblée et pour organiser et diriger tous [s]es services« , dit le règlement de l’institution.
Composée de 22 membres, dont la présidente de l’Assemblée nationale, cette instance doit être composée, toujours selon le règlement, en « s’efforçant de reproduire la configuration politique de l’Assemblée« . Pour cela, les présidents des différents groupes politiques se réunissent vendredi 19 juillet à 10 heures, pour tenter de trouver un compromis en vue de se partager les six vice-présidences, les trois postes de questeurs et les douze postes de secrétaires (voir notre article détaillé). Sans surprise, aucun accord n’est trouvé entre les différents groupes politiques. Faute d’accord, trois séries de scrutins doivent donc être organisés dans l’après-midi.
Le coalition présidentielle se partage entre deux positions : certains, comme Yaël Braun-Pivet, considèrent qu’il est « sain que chaque groupe politique soit représenté au Bureau« de l’Assemblée nationale, tandis que d’autres décident de ne voter pour aucun candidat du Rassemblement national ou de La France insoumise. De son côté, le Nouveau Front populaire appelle à « faire barrage au Rassemblement national« .
Avant le premier tour de scrutin sur les vice-présidences, le groupe présidé par Marine Le Pen prend le contre-pied de ceux qui veulent lui faire barrage : il annonce qu’il votera non seulement en faveur de ses propres candidats, mais aussi pour ceux des autres groupes, y compris les candidates de La France insoumise, Clémence Guetté et Nadège Abomangoli. « Nous considérons que tous les courants de pensée doivent être représentés en fonction de leur poids politique« , commente le député RN Julien Odoul. « C’est encore une fois un coup tactique de l’extrême droite mais nous ne lui renverront pas l’ascenseur« , réagit aussitôt Benjamin Lucas (Ecologiste et social).
Après un premier vote annulé en raison de soupçons d’irrégularités, Clémence Guetté (LFI), Nadège Abomangoli (LFI),Xavier Breton (La Droite républicaine) et Naïma Moutchou (Horizons) sont élus dès le premier tour du scrutin. Clémence Guetté, députée qui a recueilli le plus de voix parmi les candidats d’opposition, est nommée première vice-présidente de l’Assemblée nationale.
Un résultat vivement critiqué par la droite qui, par la voix de Ian Boucard (LDR), accuse le RN d’avoir « fait élire deux vice-présidentes de LFI » et d’avoir « fait le choix du chaos« . Marine Le Pen, quant à elle, assume : « Il y a des poids politiques dans cette Assemblée qui doivent se retrouver au sein du bureau.« Au deuxième tour, Roland Lescure (Ensemble pour la République) et Annie Genevard (LDR) sont eux aussi élus vice-présidents.
Plus tard dans la soirée, Christine Pirès Beaune (Socialiste), Brigitte Klinkert (EPR) et Michèle Tabarot (LDR) sont élues questeures. Comprenant que le Rassemblement national ne sera pas représenté au Bureau de l’Assemblée nationale, ou très en deçà de son nombre de députés, Marine Le Pen annonce à minuit que son groupe ne participera pas au reste du scrutin. « On va les laisser se partager entre eux les postes de secrétaires« , déclare la présidente du groupe RN.
La nuit s’achève avec l’élection des douze secrétaires de l’Assemblée nationale, dont 9 sont issus du Nouveau Front Populaire, 2 sont issus du groupe LIOT et 1 de la coalition présidentielle. « Nous obtenons la majorité des postes au Bureau, ce qui est la démonstration qu le Nouveau Front Populaire est le pôle le plus grand de l’Assemblée« , sen félicite alors la présidente du groupe La France insoumise, Mathilde Panot. Un résultat qui – selon les décomptes qui peuvent être faits alors que les scrutins permettant de composer les instances de l’Assemblée ont lieu à bulletin secret, confortés par nos informations – serait au moins en partie dû
ACTE 3 : ERIC COQUEREL CONSERVE LA PRÉSIDENCE DE LA COMMISSION DES FINANCES
Samedi 20 juillet, les huit commissions permanentes de l’Assemblée nationale se réunissent pour la première fois avec, au menu, l’élection de leurs présidents respectifs. La présidence de la stratégique commission des finances, qui doit revenir à un membre de l’opposition, est particulièrement scrutée. Le président sortant, Eric Coquerel (LFI), est candidat à sa réélection. Il fait notamment face à Véronique Louwagie (LDR). Après l’accord noué lors de la réélection de Yaël Braun-Pivet au Perchoir, Véronique Louwagie bénéficie du soutien des députés de la coalition présidentielle.
Les deux premiers tours sont très serrés : Véronique Louwagie obtient 27 voix, Eric Coquerel en obtient 25. Le candidat du RN, Jean-Philippe Tanguy (18 puis 17 voix) et celui de LIOT, Charles de Courson (3 voix) arrivent loin derrière. Au troisième tour, Charles de Courson retire sa candidature : Eric Coquerel bénéficie du report de ses voix et est réélu président de la commission des finances. « Quand Emmanuel Macron se sera rendu à l’évidence, c’est-à-dire que nous sommes la majorité, je démissionnerai pour laisser ce poste à la nouvelle opposition« , commente le député insoumis. Selon nos informations, le retrait de Charles de Courson fait suite à un accord avec le Nouveau Front populaire. En assurant la réélection d’Eric Coquerel, le député LIOT bénéficierait des voix de gauche pour être élu rapporteur général du budget de l’Etat à l’Assemblée.
Par ailleurs, l’élection de Florent Boudié (EPR) à la présidence de la puissante commission des lois est critiquée par la candidate malheureuse du NFP Colette Capdevielle (Socialistes). Aux deux premiers tours de scrutin, la députée PS (25 voix puis 26 voix) était au coude-à-coude avec l’élu d’Ensemble pour la République (26 voix et à nouveau 26 voix).
Le candidat du Rassemblement national, Philippe Schreck, comptabilisait pour sa part 17 puis 16 voix. Mais celui-ci n’a recueilli que 7 voix au troisième tour. Faisant barrage à la candidate de gauche, des RN permettent à l’évidence, même si là encore le scrutin a lieu à bulletin secret, à Florent Boudié (36 voix) de l’emporter largement devant Colette Capdevielle (28 voix). « Florent Boudié a ouvertement passé un accord avec le RN pour être élu président« , dénonce alors Inaki Echaniz (Socialistes).
ACTE 4 : CHARLES DE COURSON RAPPORTEUR GÉNÉRAL DU BUDGET AU BÉNÉFICE DE L’ÂGE
Après le désistement de Charles de Courson, qui a permis à Eric Coquerel d’être réélu président de la commission des finances, les députés du Nouveau Front Populaire soutiennent donc en retour le député LIOT, candidat au poste de rapporteur général du budget à l’Assemblée nationale.
Au premier tour et au deuxième tour du scrutin, Charles de Courson (28 voix) arrive devant le rapporteur général sortant, le député Ensemble pour la République Jean-René Cazeneuve (27 voix). Le candidat du Rassemblement national Matthias Renault, est loin derrière (18 voix). Au troisième tour, c’est Charles de Courson qui l’emporte : arrivé à égalité avec Jean-René Cazeneuve (27 voix), il est élu rapporteur général au bénéfice de l’âge.
« Une fois de plus, nous avons assisté à une volonté de nuire à nos institutions« , fustige Jean-René Cazeneuve, qui estime que ce poste doit revenir à un membre de la « majorité » : « Le président de la commission des finances appartient à l’opposition justement pour qu’il y ait un équilibre entre le président et le rapporteur général« , explique-t-il.
Alors que l’Elysée attendait une éventuelle clarification de la situation politique à l’occasion de la mise en place des instances de l’Assemblée, la représentation nationale reste à ce stade partagée en trois blocs et sans majorité claire.
Sans parler de coalition, l’entente qui a eu lieu ces derniers jours pour la répartition des postes à responsabilité au Palais-Bourbon entre la coalition présidentielle et La Droite républicaine pourrait cependant franchir une nouvelle étape lundi 22 juillet. Ce jour-là, le président des députés LDR, Laurent Wauquiez, et le président des sénateurs LR, Bruno Retailleau, présenteront le « pacte législatif« qu’ils proposent lors d’une conférence de presse à l’Assemblée nationale.
ARTICLE 3 – La composition de chaque groupe de l’Assemblée nationale est connue, elle n’a jamais été aussi morcelée
Pour la première fois, onze groupes ont été constitués au Palais Bourbon. Un seul, celui du Rassemblement national dépasse les 100 élus.
Par Alexandre Boudet
Voici donc la photographie d’un hémicycle plus morcelé que jamais. Après les législatives des 30 juin et 7 juillet et à l’issue de onze jours de tractations qui ont débouché sur la réélection de Yaël Braun-Pivet au Perchoir, les groupes parlementaires sont désormais constitués. Vous pouvez retrouver leur composition (publiée ce vendredi 19 juillet au Journal officiel) dans le tableau en fin d’article.
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Pour la première fois dans l’histoire de la Ve République, l’Assemblée nationale en compte onze. C’est un de plus qu’avant la dissolution, conséquence de la création du groupe « A Droite » d’une quinzaine de députés autour d’Éric Ciotti qui a décidé de s’allier avec le Rassemblement national.
Comme vous pouvez le voir sur le graphique ci-dessous, le groupe toujours présidé par Marine Le Pen est le plus nombreux, le seul à dépasser la barre des 100 députés. Avec un gain de 37 députés par rapport à la précédente mandature, il est aussi celui qui le plus progressé.


L’autre gros gain est à mettre à l’actif du Parti socialiste qui fait plus que doubler son nombre de députés, passant de 31 à 66. Cela confirme le rééquilibrage des forces au sein de la gauche, puisque la France insoumisereste bien le premier groupe mais avec trois députés de moins qu’avant le 9 juin. Les écologistes qui ont attiré quelques insoumis en rupture avec Jean-Luc Mélenchon voient aussi leurs effectifs grossir.
À l’inverse, les groupes de l’ancienne majorité ont fondu. Le groupe Ensemble pour la République présidé par Gabriel Attal a perdu plusieurs dizaines de parlementaires tandis que les pertes de ses alliés (Modem et Horizons) sont plus limitées.
Enfin La Droite républicaine autour de Laurent Wauquiez a, elle aussi, beaucoup perdu mais le retrait de leur candidat Philippe Juvin au profit de Yaël Braun-Pivet lors de l’élection à la présidence de l’Assemblée leur permet d’occuper des postes clés lors de cette mandature.





ARTICLE 4. – Assemblée nationale : Yaël Braun-Pivet, capitaine d’un bateau ivre
21 juillet 2024 LE TÉLÉGRAMME
Inconnue en politique il y a sept ans, Yaël Braun-Pivet a été réélue à la présidence de l’Assemblée nationale, grâce au soutien des Républicains. Mais elle pilote un bateau ivre, alors que la gauche est désormais majoritaire au sein du bureau.Yaël Braun-Pivet, réélue présidente de l’Assemblée nationale, avec le président du Sénat, Gérard Larcher, auquel elle est désormais très liée. (Photo EPA/Ludovic Marin)
Réélue présidente de l’Assemblée nationale, jeudi 18 juillet, Yaël Braun-Pivet ne connaissait personne quand elle est entrée en politique, il y a sept ans. Aujourd’hui elle ne s’interdit rien, pas même de concourir à la magistrature suprême. Éclectique, celle qui occupe le « perchoir » a pu être, par le passé, avocate, comme tenir un restaurant du cœur à Sartrouville (Yvelines), ou suivre son mari, cadre chez L’Oréal, à Tokyo et Taipeh pendant plusieurs années. Une ouverture d’esprit et une ténacité qu’elle tient de sa mère. Laquelle n’avait pas voulu se contenter d’être femme de ménage et avait obtenu une formation de sténodactylo à L’Est Républicain.
Je ne dois mes fonctions qu’à moi-même
Cette battante, qui estime n’avoir fait partie d’aucune écurie présidentielle, a la réputation de jouer « perso ». Elle tient néanmoins Jean Castex en haute estime, plus qu’Édouard Philippe, trop centralisateur à son goût. Mais le premier auquel Yaël Braun-Pivet rend spontanément hommage pour son humanité, c’est Gérard Collomb, rencontré lorsqu’il était ministre de l’Intérieur. « Je ne dois mes fonctions qu’à moi-même », explique néanmoins celle qui s’impose une première fois à Emmanuel Macron. Lequel lui préférait un autre candidat, en l’occurrence Roland Lescure.
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L’art de tisser des liens utiles
Présidente du groupe Renaissance à l’Assemblée, elle agace déjà son prédécesseur, Richard Ferrand, en ne respectant pas les consignes de vote du gouvernement. En revanche, elle sait tisser des liens utiles. À commencer par Philippe Bas, président de la commission des Lois du Sénat et ancien secrétaire général de l’Élysée sous Jacques Chirac, avec qui les relations seront fluides et le travail facile. La présidente se passionne pour le projet de loi sur la fin de vie et déclare à l’époque : « Ça fait 40 ans qu’on en parle. Je considère que c’est mûr et qu’il est temps d’en débattre sérieusement. Il faut arrêter de botter en touche et d’en débattre partout, sauf à l’Assemblée » (1).
Mais elle s’intéresse également à la lutte contre le terrorisme, en particulier à l’épineuse question de la sortie de prison des jihadistes, en tant que membre de droit de la délégation parlementaire du renseignement. À la tête de l’Assemblée, la nouvelle présidente développe également une activité internationale. Lors d’une rencontre avec la presse régionale, elle s’étonne que personne n’ait relaté son déplacement de 48 heures effectué en Côte d’Ivoire. Yaël Braun-Pivet évoque parallèlement les débats qu’elle organise avec des jeunes d’horizons différents bien plus disciplinés, à l’en croire, que les députés.
La marche contre l’antisémitisme, une révélation
« On me demande comment je fais pour garder mon calme. J’explique que ce n’est pas le quotidien de l’Assemblée mais des coups d’éclat qui n’ont rien de permanent. Ce n’est pas ingérable. On s’est interrogé sur l’opportunité de communiquer sur les sanctions. Tout le monde a considéré qu’il fallait marquer un coup d’arrêt, on ne peut pas les laisser dégrader les institutions. » (2). C’est le début de la « bordélisation » lancée par les Insoumis au Palais Bourbon, dont elle ne comprend pas bien le comportement. Cela va accroître sa notoriété. D’autant plus qu’elle répond fermement aux provocations consistant à afficher la tête d’Olivier Dussopt sur un ballon de football durant la réforme des retraites. Ou au déploiement d’un drapeau palestinien dans l’Hémicycle alors que les bombardements se multiplient à Gaza.
Très choquée par l’attaque du Hamas, le 7 octobre, la présidente sera à l’origine, avec son homologue du Sénat, Gérard Larcher, auquel elle est désormais très liée, d’une marche contre l’antisémitisme à laquelle le président de la République, Emmanuel Macron, ne jugera pas utile de se joindre. Cette marche du 12 novembre 2023, qui réunit près de 200 000 personnes en France, sans aucun incident, sera pour elle une révélation.Yaël Braun-Pivet, à gauche, lors de la manifestation contre l’antisémitisme du 12 novembre 2023. (Photo EPA/Mohammed Badra)
J’ai dit au Président que le sens de la politique, c’est de s’occuper des problèmes quotidiens des Français, pas de faire en permanence des lois
Malgré l’agit-prop de LFI, Yaël Braun-Pivet demeure alors optimiste sur le fonctionnement de l’Assemblée : « Ça ne marche pas si mal, on arrive à trouver des majorités, à faire des commissions mixtes paritaires (CMP) conclusives avec le Sénat. Le problème est ailleurs. J’ai dit au Président que le sens de la politique, c’est de s’occuper des problèmes quotidiens des Français, pas de faire en permanence des lois », explique-t-elle paradoxalement.
Une présidente sans autorité ?
La dissolution surprise la cueille à froid. Yaël Braun-Pivet, mise devant le fait accompli au dernier moment, tente en vain de faire changer d’avis à Emmanuel Macron. L’alliance avec les Républicains lui permet cependant de retrouver le perchoir. Mais elle pilote désormais un bateau ivre sur lequel il sera difficile de peser, notamment d’imposer des sanctions comme par le passé, dès lors que le Nouveau Front populaire est désormais majoritaire au bureau. Faute d’avoir veillé à la juste représentativité des groupes, la présidente, privée de majorité, risque de se retrouver sans autorité. « Elle a des fidélités successives. En 2022, Yaël Braun-Pivet avait dealé avec le RN en lui accordant deux vice-présidences. Cette année, elle a renversé la vapeur en les excluant du bureau, et ils lui ont fait payer en la mettant en minorité », note un observateur avisé du Palais Bourbon.
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Seul point positif des derniers bouleversements pour la Bretagne : Sandrine Le Feur obtient la présidence de la commission du Développement durable. Et Jean-Michel Jacques, celle de la Défense.
Mais que le RN soit écarté de la présidence de la commission des Finances, qui devait lui revenir, au profit du maintien d’Éric Coquerel, avec Charles Amédée de Courson comme rapporteur du budget, apparaît du plus haut comique. Comment le député Liot, réputé pour son intransigeance budgétaire, acceptera-t-il les 150 milliards de dépenses supplémentaires prônées par la France insoumise ? Contrairement à tous les usages, le nouveau bureau de l’Assemblée transforme en paria le RN, qui saura efficacement se victimiser. Et rend la présidente otage des plus basses tractations.
(1) Entretien avec l’auteur, 17 mars 2021.