
ÉMISSION – En finir avec la laïcité démocratique
Samedi 27 juillet 2024 FRANCE CULTURE
La démocratie a échoué à produire du sacré. C’est particulièrement vrai de la République française, indissociable de la laïcité. C’était d’ailleurs la grande crainte des sociologues du début du XXe siècle: comment réussir à conserver la cohésion d’une société, sans le secours de la religion ?
Avec
- Dominique Schnapper Sociologue et politologue, directrice d’étude à l’EHESS
- Marc Lazar Professeur émérite d’histoire et de sociologie politique à Sciences Po et titulaire de la chaire de relations franco-italiennes pour l’Europe à la Luiss, à Rome
Comment faire tenir une société sans religion commune ? Nous avons désormais la réponse : ce n’est pas aisé. Pour Dominique Schnapper, la désillusion est inhérente à la démocratie. La sociologue explique que « la plupart des sociétés humaines entretiennent une conception du monde et de l’au-delà qui s’incarnent dans des formes religieuses, qui donnent un sens à la vie des hommes et leur font accepter les contraintes inévitables de la vie collective. Les religions traditionnelles ont joué ce rôle social. La critique de la religion au nom de la raison, à partir des Lumières a donné lieu à ces dévoiements extrêmes qu’ont été au 20ème siècle le fascisme et le nazisme, qui entendaient apporter une autre transcendance pour organiser la société. Face à ces religions séculières, la démocratie est faible. »
Ainsi, la fatigue démocratique s’accompagne parfois d’une nostalgie pour des régimes autoritaires passés et pour les grands personnages qui les ont fabriqués. Au siècle dernier communisme et nazisme ont proposé au peuple de véritables religions séculaires : on était prêt à se sacrifier pour Hitler ou pour Mussolini. Qu’en est-il des dirigeants populistes d’aujourd’hui ? Pour Marc Lazar, si certains partisans de Donald Trump qui l’ont suivi lors de l’assaut du capitole en janvier 2021, auraient été prêts à mourir pour leur leader, les cas européens sont différents. « Le recours à la violence et au sacrifice ultime n’existe plus, estime l’historien, les nationaux populistes ne sont en majorité plus des fascistes, ni des nazis. Au sein de l’AFD en Allemagne il y a des gens qui sont fidèles au nazisme, et dans le parti de Giorgia Meloni il y a toujours des nostalgiques du fascisme. Mais la dynamique de ces partis est de s’en éloigner. »