
NOTRE RÉCENTE PUBLICATION :
« Le référendum, outil fondamental pour retrouver la confiance » Paul Cébill
PROMOUVOIR L’USAGE DU REFERENDUM, SANS EN IGNORER CERTAINES LIMITES
Tribune – « Monsieur Macron, ayez le courage de remettre le référendum à l’honneur pour panser la plaie de 2005 »
Par Renaud-Philippe Garner et Julien Picault Publié le 19/07/2024 MARIANNE
Une voie permettrait à l’Assemblée nationale de sortir de son état de paralysie et de trouver une majorité absolue : c’est le référendum, argumentent Renaud-Philippe Garner et Julien Picault.
Le verdict des urnes est tombé, mais l’heure est toujours aux tractations. On propose des noms, on retire des noms, on trouve d’autres noms. Même si l’on s’accordait sur un Premier ministre, le malheureux élu serait sans doute un éphémère et impuissant chef de gouvernement. Nuit et jour, les manœuvres et les ambitions des notables et des notoires prennent le pas sur les aspirations et les besoins des Français, eux qui viennent pourtant de voter trois fois en un mois. Comme la politique est infâme lorsqu’elle s’occupe davantage des places des légats que des intérêts de la nation.
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Néanmoins, le fait que l’Assemblée nationale soit ingouvernable ne veut pas dire que la France est ingouvernable. Qu’il n’existe pas de majorité absolue – ou à tout le moins une majorité relative et stable – au Parlement, ne veut pas dire qu’il n’existe pas des majorités en France qui désirent et peuvent trancher de grandes questions. Monsieur le président, ce sont les partis qui sont en crise et non la République. Il existe une sortie par le haut à condition d’honorer le peuple de votre confiance.
REVENIR AU RÉFÉRENDUM
D’abord, la Ve République ne prévoit pas uniquement que la nation fasse entendre sa voix par le truchement de ses élus. Notre démocratie a beau être représentative, elle permet et prévoit même que la nation s’exprime directement par l’organisation de référendums. L’article 3 de la Constitution identifie deux moyens idoines pour que le peuple français exerce sa souveraineté. Si les élections législatives ont accouché d’une impasse, il reste un processus démocratique pour que les Français décident librement et effectivement de leur sort collectif.
Or, l’issue d’un référendum ne dépend pas de la distribution des voix, de coalitions plus ou moins stables, et d’ententes plus ou moins honorables. Encore plus heureux, un référendum dégage toujours une majorité absolue. Cet outil, trop longtemps négligé, permettrait aux Français de s’exprimer, d’être entendus et de décider des grandes orientations. En effet, monsieur le président, il est clair qu’il existe des majorités en France. Année après année, les enquêtes d’opinion nous révèlent qu’il existe des majorités absolues, et même des consensus écrasants, sur bon nombre de questions.
Face à une Assemblée ingouvernable, le recours au référendum permet aux Français de s’affranchir des combats de personnes et entre partis politiques pour se concentrer sur les idées elles-mêmes. Le vote stratégique est largement évacué lors d’un référendum, car il accouche d’une décision et non d’un gouvernement à qui l’on doit accorder sa confiance.
Pour preuve, le référendum est souvent l’occasion de fractures importantes au sein même des partis, ce qui démontre l’intérêt de l’exercice. L’attrait du référendum, c’est que la nation s’exprime sans intermédiaires et sans interprètes. L’actuel blocage s’explique par le fait qu’aucun parti politique et qu’aucune coalition n’arrive à incarner les consensus et les idées transversaux. Expliquant par là même que les Français peinent à dégager une véritable majorité à l’Assemblée.
RETISSER UN LIEN DE CONFIANCE
Mieux, des référendums sont bien plus adaptés aux circonstances pour retisser le lien de confiance qui doit exister entre un peuple souverain, ses élus, ses institutions, et même son monarque républicain. Cette confiance naît d’un double tranchant. Un référendum digne de ce nom oblige les élites démocratiques en leur donnant des consignes claires et contraignantes. C’est l’occasion de rétablir la hiérarchie qui doit régner en démocratie. Rappelons qu’un ministre, stricto sensu, n’est qu’un serviteur et en démocratie il n’y a qu’un seul et unique maître : le peuple.
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La faute impardonnable des élites, c’est d’avoir trahi le vote de 2005. En trahissant, ils se sont élevés en maîtres et ce faisant ils ont bafoué la souveraineté du peuple. Le référendum n’a de sens que si les petits commandent aux grands. Mais tout autant qu’il oblige les élus, cet exercice de la souveraineté oblige également le peuple. En éliminant l’intermédiaire des partis et en évacuant la question de la confiance accordée à tel ou tel chargé de mission, les citoyens assument, ou doivent assumer, leurs choix. Pour reprendre Hérodote, désormais ils ne peuvent que s’en prendre à eux-mêmes.
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Alors que d’aucuns affirmaient que les Français se désintéressaient de la chose publique, le sursaut de participation aux dernières élections leur donne tort. Face à un choix déterminant, les Français ont retrouvé le chemin des urnes. Posons-nous donc la question : ce qu’on appelait désintérêt, n’était-ce pas plutôt la réaction normale d’un peuple qui avait de plus en plus l’impression d’être privé de choix véritable ?
LES DEUX EXERCICES DE LA SOUVERAINETÉ
Nul n’oubliera que l’article 3 de la Constitution prévoit deux moyens d’exercer la souveraineté nationale. On ne gouverne pas un pays contemporain à coups de référendums. Idéalement, ces extraordinaires exercices démocratiques ne doivent servir qu’à définir les grandes lignes politiques. Au quotidien, ce sont les élus qui doivent s’inspirer de ces consignes afin de voter les lois nécessaires. D’où la nécessité d’un parlement fonctionnel.
Nous ne pouvons pas raisonnablement exiger d’un Parlement aussi éclaté des alliances impossibles ou des majorités durables. Pour le bien de la nation, il faudra donc redissoudre l’Assemblée nationale à la première occasion permise par le droit. En communiquant cette réalité, monsieur le président, vous y gagnerez deux choses.
Premièrement, vous articuleriez un calendrier clair aux élus et aux électeurs. Cette annonce serait diamétralement opposée à la dissolution surprise du 9 juin dernier. Chacun saura à quoi s’en tenir et à quoi se préparer. Ensuite, une telle annonce permettrait à un gouvernement technique de tenir en limitant sa portée aux affaires courantes et à l’application des résultats des référendums.
EFFET DE SURPRISE ET CHAOS À L’ASSEMBLÉE
N’oublions pas que le chaos parlementaire est notamment dû à une impréparation. Tous s’étaient préparés aux élections européennes, mais personne ne s’attendait à démarrer une campagne législative au mois de juin. Monsieur le président, vous pouvez redevenir le maître des horloges en annonçant l’échéance à venir. Cette fois-ci, les partis politiques auraient le temps de préparer des programmes, de les chiffrer, de sélectionner prudemment leurs candidats et d’offrir aux Français un spectacle moins improvisé. Pour resacraliser la démocratie, nous devons prendre au sérieux les conditions de son exercice.
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L’exercice direct et l’exercice indirect de la souveraineté nationale, c’est-à-dire le référendum et l’élection des représentants, ne sont pas concurrents, mais complémentaires. Étant donné la méfiance et la colère qui gagnent le pays, les sentiments de dépossession et de désillusion, il est impératif de faire comprendre aux Français qu’ils sont et demeurent maîtres de leur destin. L’urgence nous recommande les référendums qui permettront de rétablir la confiance en permettant aux Français de décider de leur sort. La suite exigera de nouvelles élections législatives, car un gouvernement stable et majoritaire ne pourra émerger au sein de l’actuelle Assemblée nationale.
Monsieur le président, il y a sept ans vous nous promettiez de faire de la politique différemment. Alors qu’on vous accuse d’avoir dégoupillé une grenade en dissolvant l’Assemblée, vous aviez, en fait, hérité d’une bombe à retardement. Cette dissolution n’était toujours pas le remède qui semble vous échapper.
Toutefois, ce blocage parlementaire pourrait se révéler l’occasion de tenir votre promesse initiale. Notre désenchantement démocratique a de profondes racines et le bon remède dépend d’un diagnostic juste. Ayez le courage de remettre le référendum à l’honneur, alors vous pourrez panser une plaie vieille de vingt ans, la trahison de 2005, et réconcilier les Français avec leur démocratie. Épictète disait que les circonstances révèlent les hommes. Monsieur le président, de quelle étoffe êtes-vous ?